Jaguar, un avion, une carrière

Face Book Jaguar, un avion, une carrière

 

Sur Face Book, la page « Jaguar, un avion, une carrière » est un incontournable que les amateurs du Jaguar ne peuvent ignore. La preuve ? La page compte plus de 5500 « like », score que beaucoup envie et qui traduit bien l’intérêt qui lui est porté, et surtout signe de la qualité de ce qu’on peut y trouver :

  • Publication journalière d’une photo de Jaguar accompagnée d’une légende resituant dans la mesure du possible la date, le lieu et les circonstances dans lesquelles elle a été prise.
  • Plus de 2000 photos classées en album et par « genre » (side barre de gauche, cliquez sur « photos » puis sur «voir tout » en haut et à droite)
  • Des réponses rapides, pertinentes à vos questions ou commentaires…

Bref, quasiment une référence en la matière !

Cette page a été créée par Francisco, « Paco » UBEDA en 2013 ; « j’avais quelques archives du Jaguar que mon fils avait accrochées au mur de sa chambre, je me suis dit que je pouvais partager ses souvenirs sur la toile car je n’ai pour ainsi dire connu que cet appareil tout au long de ma carrière (d’où le nom de la page). »

Paco UBEDA en 1984-07 det. 4.7 Bangui palais de Bokassa
Paco UBEDA en 1984-07 det. 4.7 Bangui palais de Bokassa

Paco est un ancien mécano cellule-hydraulique dont la carrière est retracée ci-dessous : 

– 72 à 73 – 1/7 Provence à Nancy sur Mystère IVA

– 73 à 80 – 3/7 Languedoc à St Dizier sur Jaguar

– 80 à 89 – 4/7 Limousin à Istres sur Jaguar

– 89 à 95 – CITac 00/339 à Luxeuil sur Jaguar et MXX

– 95 à 97 Intermède outremer en Martinique aux services techniques des Forces aériennes aux Antilles.

– 97 à juillet 2000 Annexe CEAM/CEITA à Cazaux sur Jag et autres chasseurs de l’époque.

– Retraité depuis dans le Sud-Ouest.

« Je voulais faire une page intimiste mais la chose a pris de l’ampleur en quelques mois et n’ayant pas assez d’images à proposer, je me suis mis à chiner sur le Net. En même temps, mon fils m’a offert le livre d’Alain Vezin sur le Félin, gros coup de cœur tout de suite et au lieu de publier des photos bêtement sans commentaire, je me suis dit qu’avec de la documentation, je pouvais faire parler les images pour les mettre dans un contexte historique et générer des commentaires des anciens. Parmi les premiers à aimer ma page, il y a eu Christophe Meyer qui m’a beaucoup aidé grâce à sa bonne connaissance de la 11EC (une lacune pour moi à mon grand regret). Il a accepté de devenir co-administrateur ainsi qu’un ancien collègue (Sécu du 3/7 de mes début) Francis Leroy actuellement au musée CANOPEE de Chateaudun. A partir de là, on a pris notre rythme de croisière. Je veux rendre aussi hommage à “3D” qui m’aidait et me corrigeait souvent. C’est une des dernières personnes que j’ai côtoyé dans l’active car il a officié lors de mon pot de départ à la retraite à Cazaux. Il me manque beaucoup.

Je me contente de ne publier qu’une photo par jour mais avec un maximum de détail et je la classe dans un album approprié pour que chacun s’y retrouve. Cela me demande un énorme travail de tri, de gestion de fichier de communication entre administrateur pour avoir une légende cohérente à publier. »

Les photos proviennent de différentes sources et il y a maintenant les spotters qui se mettent à lui envoyer des images de meetings et même si certaines n’ont pas de légendes, ils arrivent à en trouver une quand même avec plusieurs sites sur le NET.

« Tout cela me prend du temps mais la retraite me le permet et tant que j’ai la passion…. Bien sûr, je suis toujours à la recherche d’images inédites tant que possible pour essayer de garder ce bel avion dans nos mémoires le plus longtemps possible. »

« Paco » est toujours preneur de nouvelles photos, même s’il en possède plus de 10 000 ; n’hésitez pas à chercher dans vos archives et envoyez les lui ; ce sera quelque part, la reconnaissance de son travail et pour ceux qui ne connaissent pas (encore) sa page Face Book, rendez vous sur « Jaguar, un avion, une carrière », vous ne serez pas déçus.  

 Face Book Jaguar, un avion, une carrière
Face Book Jaguar, un avion, une carrière

 

Le JAGUAR au CEAM

A2 118-AF 1975 CEAM MdM

Le premier vol d’un Jaguar français a lieu le 8 septembre 1968, à Istres, avec aux commandes Bernard Witt, soit cinq ans plus tard et 300 km plus à l’est que ce que pré­voyait le compte-rendu d’activité de 1966 ! Le Jaguar E01 effectue à cette occasion un vol de cinquante minutes, écourté en raison du non verrouillage haut de la trappe du train principal. Les travaux menés par l’équipe de marque portent pour une part importante sur les améliorations destinées à faciliter la maintenance de l’appareil. Les re­commandations émises sont, pour la plupart, retenues par la SEPECAT. L’activité porte également sur l’évolution de la réglementation en vigueur en matière de documenta­tion et bien entendu sur l’emploi des systèmes de l’avion à l’occasion des vols réalisés par le CEV.

Le premier pilote du CEAM à voler sur Jaguar est le chef de l’équipe de marque, le commandant Guillou, qui décolle le 25 janvier 1969 sur ce même E01 pour le 34e vol de l’appareil. Ce contact dure 1 h 10. Le pilote de l’armée de l’Air se souvient d’une remarquable stabilité longitudinale, d’une grande sensibilité au dérapage, d’un manque d’efficacité en vitesse de roulis et d’une hypersensibilité autour du neutre en roulis avec les volets sortis. Ces trois ne deviennent acceptables qu’après trois ans de modifications.

Au cours de cette phase, le CEAM vole peu sur Jaguar. Entre Janvier 1969 et avril 1970, trois vols seulement sont effectués, tous sur le biplace E01. En revanche l’activité aérienne de la marque au profit du programme reste dense.

Ainsi, le carnet de vol du général Guillou témoigne de vols d’accompagnement – en SMB2, T-33 ou encore Fouga – au cours des essais constructeurs, ou encore de vols sur avions de servitude équipés des systèmes du Jaguar. Ainsi, la conduite de tir est étudiée sur le Mirage IIIE n° 03, l’ILS et la boule à aiguilles croisées sur un Météor NF 11, le circuit électrique sur un Canberra, le Doppler et l’AJAX sur le Mirage IIIB n° 235, le viseur CSF 131 sur le Mirage IIIB n° 202, l’oxygène sur le Mirage IIIB n° 232. Au bilan, près de 200 heures de vol entre janvier 1969 et avril 1970 consacrées au Jaguar ! A cette époque, la marque partage son activité entre Istres et le suivi des essais en vols, et Brétigny où se tiennent des réunions techniques au pro­fit de l’équipe de marque « système d’armes » qui travaille sur les équipements du Mirage F1 et Jaguar. Cette équipe est dissoute le 15 octobre 1970, et la partie concernant le Jaguar est intégrée à l’équipe de marque du même nom. Au cours de l’été 1970, le commandant Guillou effectue ses premiers vols sur la version monoplace, à bord de l’A04. Des progrès sont observés sur la sensibilité en roulis avec les volets sortis, mais l’amortissement en transversal lacet et roulis n’est toujours pas acceptable. De plus, l’équipe de marque note dans son compte rendu du 10 septembre 1970 qu’un gros effort doit être fourni par les avionneurs et les motoristes pour améliorer manettes et conduite moteur qui actuellement sont inacceptables même pour un avion en expérimentation ». Le 20 novembre 1970, c’est au tour du commandant Gautier d’effectuer son pre­mier vol sur le A04. Au mois de février 1971, Paul Millet, pilote d’essai de BAC, amène de Warton le S06 équipé d’un amortisseur de roulis. L’avion est équipé d’un bidon ven­tral, configuration la plus pénalisante. Les pilotes essaient l’avion et le commandant Guillou se souvient d’un vol au-dessus des Alpilles par 70 Kts de vent!

Commandant Gautier et capitaine Rolland (officier mécanicien)
Commandant Gautier et capitaine Rolland (officier mécanicien)

« Je me suis bien fait tabasser mais j’ai trouvé l’avion bien amélioré par rapport à l’anti-dérapage qui volait sur le A04. A mon retour, Monsieur Cazaubielh, directeur des essais en vol de Dassault, monte à l’échelle alors que je n’étais pas « débrélé» et me demande «Alors?». A ma réponse «j’achète», il me confesse être bien soulagé. J’apprends par la suite que Jeny Lee, pilote d’essais à Boscomdown, qui m’accompagnait à bord d’un Mirage IIIB a perdu trois bridges et une couronne en raison des turbulences! »

L’amortisseur de roulis proposé par BAC est finalement retenu pour les avions de série.

Ce même après-midi, le pilote du CEAM effectue avec le A04 onze contacts secs sur un C135F dans le cadre des essais de ravitaillement en vol !

A 04 à MDM
A 04 à MDM

La version biplace est également évaluée. Ainsi, par exemple, le 21 mai 1971, le commandant Gautier en place avant et le commandant Guillou derrière lui volent sur l’E02 pour ce qui est le 160e vol de cet appareil. Il s’agit d’évaluer la place avant au cours d’un vol en basse altitude à 450 Kts, et pour la place arrière d’apprécier le travail d’un moniteur en phase de percée et d’approche. Le bilan global pour les deux versions est très positif, à l’exception des manettes des gaz qui demeurent inacceptables en l’état.

Comme toute équipe de marque, celle du Jaguar doit participer au développement de l’appareil et travaille sur de nombreux dossiers. On peut citer le suivi des modifications, des matériels de servitude, les maquettages divers et variés (pointe avant, fuselage avant et central des versions A et E), la préparation de la VAMOM du S07 britannique, l’étude des méthodes de réparation structure, l’élaboration de la documentation technique. Toute cette activité est entrecoupée de stages ou visites d’informations chez les industriels (Dunlop, Turboméca, Crouzet, etc.) ou encore de réunion d’avancement. Ainsi, l’ensemble des personnels se rend régulièrement à Paris mais également en Angle­terre pour des réunions de travail. Les déplacements se font d’abord jusqu’à Paris en MD 315 « Flamant » ou CM 170 « Fouga Magister » en fonction du nombre de participants, puis en avion civil vers l’Angleterre. La seule tentative de rallier Manchester en MD 315 s’avère suffisamment pénible pour que l’expérience ne soit pas renouvelée!

Sur le plan technique, l’avion apparaît certes compliqué mais s’avère très fiable. Du 28 juillet au 28 août 1969 se déroule à Mont-de-Marsan la visite d’aptitude à la mise en œuvre et à la maintenance du prototype A04. L’avion n’est pas en configuration « série » – dont la définition doit intervenir en octobre pour la version E et en décembre pour la version A. La VAMOM est effectuée par des mécaniciens de l’armée de l’Air sous contrôle des équipes de SEPECAT (Breguet, BAC et Rolls Royce/Turboméca) et des sous-traitants (Micro Turbo, Dunlop et Messier). 285 opérations de maintenance sont réalisées et donnent lieu à 270 demandes de modification. Les résultats obtenus et observations formulés sont suivis et enrichis au cours des années suivantes selon le principe dit de « VAMOM conti­nue ». De l’avis même du capitaine Rolland, « le Jaguar apparaît comme le premier avion qui prend en compte les contraintes du travail des mécaniciens ».

L'EMI Jaguar 1971
L’EMI Jaguar 1971

Certes, les circuits carburant ou hydrauliques peuvent sembler complexes, reflet des exigences de la fiche programme. Mais du point de vue de la mise en œuvre et de la maintenance, tout a été pensé pour permettre aux techniciens de travailler dans les meilleures conditions. L’accessibilité est systéma­tiquement recherchée et les interventions s’en trouvent facilitées. Le travail sur les matériels de servitude est ex­trêmement conséquent Ainsi, au 1er juillet 1971, 387 des 469 besoins exprimés ont été retenus et admis en série.

Le 1 er septembre 1971, le commandant Guillou quitte la tête de l’équipe de marque Jaguar pour prendre le commandement de la 7e escadre de chasse, stationnée à l’époque sur la base de Nancy-Ochey. Son successeur est tout naturellement le commandant Gautier. En plus de l’activité habituelle, l’équipe de marque se prépare à démé­nager vers Mont-de-Marsan.

L’Expérimentation débute à Mont-de-Marsan

Le 4 mai 1972, le premier Jaguar de série, le E2, se pose à Mont-de-Marsan. Il est amené par le commandant Gau­tier, et du capitaine Rolland. L’appareil est baptisé « Ma­tou » et porte cet affectueux surnom sur le côté gauche de la pointe avant. Les pesanteurs administratives liées à la structure choisie, les atermoiements et l’évolution du contexte opérationnel ont eu raison des ambitions ini­tiales. L’avion est désormais un appareil tactique, optimisé pour L’attaque air-sol. Il a perdu au passage en 1972 les pièges à couche limite de ses entrées d’air, et donc toute velléité supersonique en palier. C’est donc dans cette perspec­tive et dans celle de l’écolage que va débuter l’expérimenta­tion. Au cours du premier trimestre, les personnels navigants et mécaniciens suivent les cours de l’EMI (escadron mobile d’instruction). Quand l’avion arrive, ils sont prêts. Officielle­ment réceptionné par le CEAM le 30 mai, le E2 est dans un standard dit « intérimaire ». Cette arrivée est l’occasion d’une petite cérémonie avec en particulier le baptême de l’appareil par Mme Humbert, épouse du commandant de la base. Une réception qui réunit les personnels de l’armée de l’Air, du CEV et de l’industrie est organisée Le soir.

Rapidement, l’expérimentation débute sur le biplace E2 et le monoplace A2. Cinq pilotes sont transformés, ce qui permet de mener les vols d’identification, de jauger les qualités de vol de l’appareil dans le domaine de vol ouvert et de constater les excellentes prédispositions de cet appa­reil au tir air-sol. La rédaction de la documentation nor­male et secours ainsi que la définition des procédures particulières comme le circuit d’atterrissage en panne badin sont au programme. En parallèle, l’utilisation de l’incidence mètre comme instrument principal en approche accapare bien des attentions, car c’est une nouveauté.

3 appareils de présérie
3 appareils de présérie

D’un point de vue technique, l’appareil se comporte bien. Des opérations de maintenance sont effectuées comme le changement des roues après l’atterrissage ; il faut attendre 1 h 30 le refroidissement des blocs de frein. L’équipe valide également le démarrage des réacteurs en période hivernale qui nécessite néanmoins un réglage particulier du boîtier de démarrage automatique, et les procédures de point fixe. L’emploi du parachute frein sans sac est expérimenté et s’avère concluant, ce qui permet un gain de temps appré­ciable au pliage. Enfin, la première définition réglementaire de la visite d’arrivée à l’unité (VAU) est testée et validée sur l’A04.

Pendant ce temps, et alors même qu’elle assure les vols de transformation et d’expérimentation, l’équipe de marque continue à participer au développement de l’avion. Elle effectue la recette du simulateur, suit le système de navigation et d’attaque série qui est montée sur le Mirage IIIB 235 du CEV, participe à une démonstration sur banc du nouveau tableau de signalisation carburant, et participe à l’approbation du manuel pilote. Elle rédige en particulier toutes les procédures d’utilisation normales et secours de l’avion. En tant que chef de l’équipe de marque, le commandant Gautier présente l’avion en vol lors des diverses démonstrations  et visites,  par exemple le 22 juin 1972 à Cazaux à l’occasion du congrès de la chasse. Il  emmène également de nombreux visiteurs et autorités, comme le chef d’État-major de l’armée de l’Air, le général Grigaut, qui vole à l’escadron de chasse du CEAM le 23 février 1973. Au mois de mai, cinq cents sorties ont été réalisées sur les Jaguar du CEAM

A1 118-AX 1977 CEAM ISTRES
A1 118-AX 1977 CEAM ISTRES

La transformation de la 7e escadre de chasse

A peine arrivé à Nancy, Le commandant Guillou reçoit de vive voix des directives très précises du CEMAA de l’époque, le général Gauthier. Il doit « assurer l’instruction et la trans­formation sur Jaguar de la 7e escadre de chasse et son transfert sur la base de Saint-Dizier ». Cela se traduit par la préparation des tableaux d’effectifs des escadrons de chasse 01.007, 03.007 et du groupement d’entretien et de réparation du matériel spécialisé (GERMAS). Il doit également reverser les Mystère IV à la 8e escadre de chasse, prévoir avec l’aide du commandant Cazaubielh chef des moyens techniques l’infrastructure adaptée sur la base de Saint-Di­zier, déplacer et loger environ 600 personnes sur cette base.

Texte tiré du livre “CEAM” et avec l’aimable autorisation de son auteur Louis PENA

LA SAGA DU JAGUAR E23 CONTINUE

JAGUAR E23

 

Du 26 au 30 juin 2016, une équipe de l’Amicale s’est rendue sur la BA 721 de Rochefort pour participer à l’expertise et aux essais fonctionnels avant Grande Visite sur le Jaguar E23. Cette intervention avait été longuement et méticuleusement préparée par notre Bureau technique de Bordeaux composé d’anciens de la SOGERMA (laquelle assurait la maintenance majeure des Jaguar).

Après des vérifications visuelles sur les éléments hydrauliques et les boîtiers électriques, aucune grosse anomalie n’est à constater avant de brancher le banc hydraulique PR4001, la batterie ainsi que le 115/400.

Après une rapide révision du fonctionnement du banc hydraulique, nous avons branché l’hydraulique 1 et 2, regonflé les accus bâche à l’azote à 1500 psi, remis en place la batterie 24V et branché le 115/400. Batterie sur ON, intercom hydraulique sur arrêt, mise en pression hydraulique 1 et 2, TR1 et TR2 sur ON.

Notre pilote, le Capitaine Jean-Paul SAUSSIER commence à brasser les commandes et toutes les gouvernes se mettent à fonctionner.

Hourra, ça marche !!! Fonctionnement des volets et becs impeccable, comme si l’avion n’avait jamais été arrêté. Même les feux de formation, le rotating et les phares d’atterro fonctionnent encore. Rendez-vous compte après plus de dix ans de parking sous les intempéries.

Nous ne relevons qu’une petite fuite hydraulique sur une tuyauterie des volets gauches.

Et voilà, notre semaine d’essais fut concluante. Il ne nous reste plus qu’à revenir pour démonter  notre bel oiseau afin de le transférer vers la BA 106 de Bordeaux-Mérignac, sa base technique, pour subir une Grande Visite.

Nous repartons pour Rochefort du 17 au 23 juillet pour cette fois procéder au démontage et au désassemblage en vue du transfert par la route.

Nous avons passé une semaine difficile pour le physique vieillissant de nos articulations, surtout avec la température caniculaire de cette semaine.

Mais nous n’avons pas baissé les bras malgré cette météo.

Fin juillet, il ne restait qu’à déposer l’aile et à réaliser le transport vers Bordeaux.

Je tiens à remercier les Colonels Didier TISSEYRE, Eric BEAUDRU, respectivement Commandant et commandant en second de la Base et des Écoles de Rochefort, et particulièrement l’Adjudant-Chef Christian RAYNAUD, notre correspondant sur la Base mais aussi fidèle soutien (depuis plusieurs années) à notre projet, pour nous avoir supportés durant ces deux semaines et procuré tous les moyens et facilitations dont nous avions besoin.

Nous vous ferons suivre l’avancement des travaux dans un prochain RNV.

Par Bertrand GARNAUD

Article paru dans le RNV (Res Non Verba) du mois d’Octobre, bulletin des anciens de l’Amicale de la 11 ème Escadre

Les participants de l’Amicale à ces travaux :

Alain STÉPHANOPOLI de COMNÈNE, André REGULSKI, Jean-Paul SAUSSIER, Patrice WALBOTT, Alain HÉLOU, Alain PIETRINI, Christian THÉOBALD et moi-même Bertrand GARNAUD.

La bête bien à l'abri
La bête bien à l’abri
Une partie de l'équipe de vaillants qui a travaillé sur le E23
Une partie de l’équipe de vaillants qui a travaillé sur le E23
Même le chef a mis les doigts dans le cambouis
Même le chef a mis les doigts dans le cambouis
Mécanique à l'ancienne ; vu la bombe de
Mécanique à l’ancienne ; vu la bombe de “dégripoil” ?
10 ans sur un parking, et ça n'a quasiment pas bougé !
10 ans sur un parking, et ça n’a quasiment pas bougé !

MAI 1958…le mois de l’arrivée des F 100

F100 R1

 

L’aventure a débuté en janvier dès que l’EMAA a pris la décision d’équiper la 11ème Brigade aérienne et la 3ème Brigade aérienne.

Un premier groupe de chefs de patrouille se rend aux Etats-Unis pour être formé et devenir le noyau de pilotes français futurs moniteurs F 100. La 11 dépêche le capitaine Radisson, les lieutenants Juillot, Foulon et Marchandise. Le 3 janvier, le groupe débarque à New York à bord d’un Super Constellation d’AIR FRANCE. Après un stage d’anglais à San Antonio, ils gagnent le 1er février Nellis AFB pour passer aux choses sérieuses. Après la théorie, ponctuée de tests, les vols débutèrent le 7 février 1958. Chaque pilote a droit à 10 heures sur F100F… VSV et lâcher. Quelques vols de navigation et d’entraînement au combat complètent la formation.

Puis vient le F 100 et le tir Air/Air et Air/Sol. Au retour dans leur escadron, le 1er avril 1958, chaque pilote peut exhiber son carnet de vol et les 39 heures de F 100 effectués en Amérique.

 

F100 avec le
F100 avec le “serial number” US

 

Le 1er mai… c’est sous un beau soleil printanier et le jour de la fête du travail que le premier F 100 se pose à Luxeuil. Pour l’occasion une belle cérémonie est organisée. Les huiles sont de la partie… Général Hutchinson, directeur adjoint du programme d’aide mutuelle, général Venot major général de l’Armée de l’air, général Stelhin, commandant du 1er CATAC, général Challe, représentant du commandant de la 4ème ATAF, généraux Maricourt et Ballard et bien sûr Monsieur Maroselli, Maire de Luxeuil. L’effervescence règne sur la base quand le premier appareil se pose… le F 100 D FW260, convoyé par un pilote américain depuis les ateliers de CASA à Getafe. La première session MTG/F100 débute réellement le 7 mai et s’achève le 27 mai. Les autres sessions auront lieu en juin, puis juillet. Les pilotes « moniteurs » F100 de la « Onze » se refont la main sur l’engin avant de commencer à «lâcher» leur savoir aux autres. En renfort deux moniteurs américains, l’un de Nellis, l’autre du 49 FSQ basé à Etain-Rouvres, viennent prêter mains fortes aux « initiés ». La mise en œuvre des avions est facilitée par la présence de représentants de North Américan   et de Pratt & Whitney. Durant la phase transitoire de la transformation des pilotes, le 1/11 devient le « F 100 squadron » et le 2/11 le « F84 squadron».

L’honneur d’effectuer le premier vol F100 en France échoit au commandant de la BAO 116 et de la 11 ème brigade aérienne. Le 19 mai, le colonel de réserve Deboote (vice-président de North Américan) accompagne le colonel Lansoy à bord du 941. Le vol se passe mal pour le colonel Lansoy, victime à 17000 ft d’un pneumothorax spontané. Ce n’est qu’un an plus tard qu’il pourra reprendre les vols.

Le 20 mai, le chef d’État- major de l’Armée de l’air, le général Gelée supporte mieux sa virée en supersonique.

Si la transformation F84 demandait seulement 6 vols, le F100 en demande plus…20 missions au total. Le lâcher vient rapidement, mais après il faut apprendre à dompter la bête. La formation   se déroule bien, les Américains comprenant vite à qui ils ont à faire. « Ils ont lancé quelques premiers vols et nous ont laissé tout de suite les coudées franches, se contentant de jouer leur rôle de conseiller au sol »

 

Les premiers F100
Les premiers F100

 

Côté pilote, on en est encore à explorer le domaine de vol inconnu de la machine. « La notice technique prétendant que le F100 avait également été spécialement conçu pour tenir le coup dans les cumulonimbus, sans givrage des instruments ». En fait, j’ai essayé en tant que commandant d’escadron responsable. Il y avait couramment dans le secteur de magnifiques « cunimbs » déployant leurs enclumes jusqu’à 42000 fts. Partant de 35000 fts en vol horizontal avec un très léger piqué pour être sûr de ne pas tomber en perte de vitesse si les instruments me lâchaient ; j’ai très vite compris que ça ne se passait pas si bien que prévu. Très secoué comme on l’imagine, j’ai vite compris que je ne pouvais plus compter sur mon horizon boule, mais sans autre indication de pilotage, il était imprudent de faire demi-tour dans un tel tohu-bohu. J’ai donc continué tout droit. Ce fut long, très long. On n’imagine pas ce qu’un cunimb peut comporter comme volume et superficie. Bref, j’ai fini par retrouver le ciel clair et j’ai pu retourner à la base sur la pointe des pieds. Mais au parking les mécaniciens avaient les yeux écarquillés. Mon avion était tout grêlé, comme ces voitures cabossés qui ont reçu des grêlons gros comme des œufs de pigeons. Arrivée du commandant d’escadre, le commandant Labouche… étonnement ! Tout bien considéré, il a été décidé d’un commun accord de ne plus se livrer à de telles expériences. Voler de nuit dans les orages avec les effets spectaculaires des éclairs ne fai­sait peur à personne. Pour ma part, je suis resté plus prudent dans ce domaine, compte tenu de mon expé­rience antérieure”.

Desjobert – 1/11 «ROUSSILLON».

Daniel Hartmann à l’époque pilote à l’EC 01/011 com­plète par quelques souvenirs de pilotage : “Quelques caractéristiques du F-100 vont nous surprendre. Par exemple, le couple gyroscopique dû au moteur produi­sait des effets surprenants : une boucle dont la vitesse au sommet était trop basse se terminait en un rétablis­sement parfait, sans que le pilote ne puisse s’y oppo­ser ! Une autre caractéristique qui nous ramenait à la théorie du vol du début, l’action très présente du lacet inverse. Si à vitesse relativement basse on voulait bas­culer rapidement l’avion, il fallait donner du pied énergiquement dans le même sens que les ailerons ; sinon l’avion partait lentement dans l’autre sens ! ” De même, les règles de circulation aérienne n’étaient pas encore très bien définies.” A l’époque la circulation aérienne était moins dense qu’aujourd’hui et la réglementation beaucoup moins stricte. De toute façon, les méthodes employées allaient tout à fait à rencontre de ce que l’on exige actuellement. Pour les missions en très basse altitude, ce que nous faisions en général, car nous procédions ainsi pour la répétition de nos missions temps de guerre, c’était de calculer nos altitudes de sécurité, et nous volions ainsi… calés au QNH de notre base de départ… Ce qu’il y a de paradoxal, c’est qu’il n’y eut jamais de gros pépin ainsi sur F-100. Pourtant, je me souviens avoir fait des missions durant lesquelles on voyait passer des sapins dans les trous, vraiment près… alors là je ne regardais plus ! Bien sûr le sol parait plus proche qu’il ne l’est plus souvent, mais enfin c’était quand même bien bas !… Oui, entre le plafond et le sol, ce n’est pas toujours confortable. Les missions IMC étaient courantes, mais ne s’effec­tuaient jamais avec de gros dispositifs, toujours en appareil isolé ou à la limite en patrouille légère.”

Daniel Hartman
Daniel Hartman

Le Jaguar Marine

Jaguar Marine sur le Clémenceau

 

Un Jaguar navalisé…

Avec un programme mené par l’équipe d’essais de Dassault, il n’est pas inintéressant d’évoquer les essais du Jaguar M prévu sur les porte-avions de la Marine nationale. Jacques Desmazures a bien voulu replonger dans ses souvenirs, à l’aide des rapports d’essais rédigés à l’époque. Ceci permet de découvrir la chronologie et la méthodologie pour navaliser un avion terrestre, un programme d’essais qui nécessite de 1 à 2 ans pour le mener à bien…

 

JAGUAR sur le PA
JAGUAR sur le PA

 

Ainsi, avant la première campagne de navalisation, le M05 va subir certaines modifications en vue de supporter les essais marins. Il s’agit notamment du réglage des volets de courbure, affichant 45° au plein braquage des volets internes et 31°30 pour les externes. La profondeur bénéficie de butées renforcées. Le fuselage reçoit les crocs pour le catapultage et la crosse pour l’appontage. Les autres modifications portent sur les réacteurs, le circuit carburant, le conditionnement air, le diabolo de train avant, le circuit électrique et le montage d’une caméra. Le M05 reçoit un siège éjectable Martin-Baker Mk9 au lieu des Mk4 des avions de série A français, acquérant ainsi la capacité “zéro-zéro” (vitesse-altitude) nécessaire en opérations embarquées.

La masse à vide équipée, avec le pilote, est de 7.540 kg pour le prototype M05 (F-ZWRJ). Les premiers rouleurs révèlent une pression inadaptée (9 bars) des pneumatiques avec un pneu endommagé par glissement de l’avion en PC sec. La pression sera ramenée à 5 bars pour les essais terrestres, la pression sur porte-avions devant être de 18 bars. Le M05 effectue son premier vol le 14 novembre 1969 à Melun, avec Jacques Jesberger, pilote d’essais Breguet. Au vol n°4, le 21 novembre, il est convoyé à Istres. Du 14 novembre 1969 au 6 février 1970, il effectue 23 vols totalisant 26 heures de vol, soit “un taux moyen de 9 vols par mois, la cadence de vol initiale de 6 à 7 vols par mois s’est fortement accélérée une fois la configuration aérodynamique pratiquement établie pour atteindre 12 vols par mois”, précise Jacques Desmazures dans son rapport d’essais en date du 21 mars 1970. Cette première campagne d’essai a pour but de mettre au point “un avion rapidement capable d’une première évaluation Marine sanctionnée par une campagne au RAE de Bedford”.

Les vols ont permis de choisir la configuration aérodynamique, de vérifier et comparer les qualités de vol de la version M avec celles des A et E, de déterminer les erreurs d’anémométrie et les étalonnages d’incidence puis de réaliser une première expérimentation du ravitaillement en vol (sec), des ASSP (Appontages simulés sur piste) et un dégrossissage des problèmes d’appontage et de catapultage.

 

Jaguar à l'apontage
Jaguar à l’apontage

 

Au premier vol, dès 170 Kt, “le pilote note un bruit énorme dans la cabine. L’avion d’accompagnement observe alors que les trappes arrière de trains principaux vibrent énormément et que la trappe arrière gauche est désaccouplée du train gauche. L’avion est ramené au terrain”. Un renforcement est effectué pour le second vol. Au cours des premiers vols (vols 5 à 14), de “fortes vibrations avaient été remarquées par le pilote en basse vitesse, rendant l’avion assez inconfortable à des incidences supérieures à 11°, principalement train sorti. Aussi, la première tranche d’essais a comporté l’étude de ces vibrations et la recherche de leur cause. On a dans un premier temps installé les quilles et fences de voilures, puis on a raccourci la perche de nez qui pouvait, de par sa longueur, entretenir des trains de vibration dans la pointe avant. Ensuite, divers essais ont été effectués avec démontages respectifs des portillons arrière, trains principaux et du bouclier de train avant. Les deux dernières modifications ont entraîné une amélioration certaine des qualités à basse vitesse de l’avion”.

Lors des vols 14 à 23, la configuration basse vitesse a été évaluée avec les volets décalés (43/33°), des saumons en bout d’aile, l’absence du bouclier de train avant et des portillons de trains principaux. Les problèmes de navalisation sont abordés avec manoeuvres de crosse, ASSP à Nîmes, étude de l’efficacité de la profondeur, vol avec bidons caméra aux points de voilure externe (configuration Bedford pour filmer la crosse ou l’élingue) et ravitaillement en vol.

Au premier avitaillement en vol derrière un Etendard IV équipé d’un bidon ravitailleur, “après deux séries de présentation derrière le cône de ravitaillement et un enquillage sec, le cône et le tuyau accrochent la perche de ravitaillement en vol, la séparation se fait brutalement avec rupture partielle du tuyau. Au retour au sol, on observe des impacts avec trous d’environ 4 mm de diamètre sur le premier étage du compresseur BP. L’origine de ces impacts provient de billes en acier arrachées du cône et ingurgitées par le moteur. Cet incident nécessite la dépose du moteur, son envoi à Tarnos et le changement de compresseur BP”. De plus, lors des ASPP effectués à Istres, “dans la configuration volets 40°, train sorti, le moteur 24 absorbe un oiseau. Il décroche aussitôt. La PC du moteur 29 est immédiatement allumée, les volets puis le train rentrés. L’avion effectue alors un tour de piste en reprenant de l’altitude et se pose en monomoteur. Au sol, on constate une très forte détérioration du compresseur et de la turbine BP. Le moteur a été renvoyé en usine”.

Pour les qualités de vol, un gain très net de stabilité avion lisse a été constaté après le montage des fences de voilure (cloisons à l’extrados canalisant l’écoulement aérodynamique) et de grandes quilles. L’avion initial est de plus équipé de volets alignés (même braquage) et non pas décalés pour améliorer les qualités de vol à basse vitesse, en configuration approche d’où l’étude du comportement volets braqués à fond, type approche sur porte-avions. Il apparaît que “train rentré, volets 40°, les positions de profondeur sont déjà très arrière. Ce phénomène s’aggrave train sorti”.

Première campagne d’essais

Les premiers vols ont montré un buffeting, débutant vers 10° d’incidence, nettement plus important sur le M05 que sur les autres Jaguar. Une instabilité en tangage s’instaure à partir de 13,5° en configuration volets 40° et train sorti, limitant l’incidence d’approche à 11° seulement. Les modifications entre le 05 et les autres prototypes portant sur la configuration du train, une attention est alors portée sur ce dernier. Différentes configurations (avec ou sans bouclier avant, avec ou sans portillons) permettent de révéler une indifférence de la profondeur au-delà de 13,5° d’incidence sans portillon ou une instabilité avec les portillons. Après un essai d’un bouclier de surface plus faible, ce dernier sera définitivement déposé au vol 12, avec une amélioration du comportement mais “sans résultat sur la position d’équilibre de la profondeur”. Ceci mènera donc au “débraquage” du volet externe avec le couple 43/33° et l’adjonction de saumons de voilure pour ne pas trop perdre en portance.

Une instabilité longitudinale suivie d’une instabilité en roulis est constatée par la suite. Sans les portillons de trains principaux, l’instabilité longitudinale devient légère, celle en roulis étant repoussée à de plus fortes incidences. A leur tour, les portillons sont donc déposés définitivement tandis que les saumons prouvent leur bienfait. Des essais de décollages sur piste type PA sont effectués avec la technique de catapultage “manche libre”. Le “manche est au plein cabré pendant tout le roulement initial avec relâchement brutal à la rotation jusqu’à une position prétrimmée correspondant à une pente de montée normale”. Côté approches et impacts, l’effet de sol est analysé. Son action n’est valable “que sur une hauteur de 1,50 m et son influence néfaste n’a guère le temps de se faire sentir dès que la vitesse verticale excède 0,50 m/s”. L’effet de sol tend en effet à annuler la “déflexion des filets d’air sur la voilure donc à faire reculer le foyer (aérodynamique). Cela crée, lors d’un atterrissage à assiette constante, un couple piqueur”. Le pilote “contre ce couple en braquant la profondeur. Lorsque la profondeur a atteint son efficacité maximale, par exemple parce qu’elle est en butée, l’avion soumis au couple créé par l’effet de sol, prend une vitesse de tangage à piquer”. En fait, “la traversée de l’effet de sol s’effectue assez rapidement. Le pilote cherche à faire un arrondi, étant à Cz déjà élevé, en approche, il se retrouve rapidement en position de profondeur très arrière. Le couple piqueur commence à se créer juste avant le toucher des roues”.

Pour les approches ASSP, la plage d’incidence entre 12 et 13,5° s’avère “très confortable” et “n’offre aucune difficulté”. Ceci doit permettre des “vitesses réelles comprises entre 135 et 141 Kt pour un avion à la masse de 9 tonnes”. Ainsi, “la performance minimale garantie pour un poids de 9,4 tonnes est assurée avec ces incidences puisque la vitesse réelle est comprise entre 139 et 136 Kt”. Des essais entre 14 et 15° d’incidence révèlent une “approche tout aussi confortable que précédemment, la seule réticence du pilote portant sur la visibilité”.

Sur Jaguar, le roulis est assuré, en l’absence d’ailerons – le bord de fuite de la voilure est utilisée en grande partie par les volets – par des spoilers et le différentiel des profondeurs. La loi optimale de ce différentiel ne dépend que de la vitesse. Pour les qualités de vol transversales du M05, le différentiel a été étudié pour l’optimiser, avec ou sans amortisseur de lacet. Il faudra ainsi moins de différentiel à faible vitesse sur le M05, la “pointe avant étant plus courte et donc moins déstabilisante”. Les essais portent encore sur la mesure des températures engendrées par les réacteurs sur un pont d’envol, avec les réacteurs orientés de 6 à 7° vers le bas du fait du rehaussement du train avant. Des jauges de température sont collées sur l’empennage horizontal et des “rangées de thermocolor peintes sur une plaque d’acier située derrière l’avion, de 10 m de long et 3 m de largeur”. Toutes les températures plaques seront inférieures à 200°C avec une stabilisation du pleins gaz PC durant 30 secondes pour un “catapultage normal”. Des catapultages “longs” ou “successifs” seront simulés. Parmi les points relevés durant cette première tranche d’essais, on note l’absence de verrouillage des portes de trains principaux au-delà de 210 Kt, imposant des modifications pour étendre le domaine jusqu’à 240 Kt.

En conclusion de son rapport, Jacques Desmazures précise que “la première tranche d’essais du Jaguar M05 a permis de définir une configuration aérodynamique satisfaisante, qui permet d’obtenir les performances contractuelles d’approche : la vitesse de 134 Kt à 8,8 tonnes a été démontrée. Cette configuration est susceptible d’améliorations (volets 45/30°), qui devront en particulier porter sur l’efficacité de la profondeur pour le catapultage. Mais d’ores et déjà, une campagne d’essais du RAE de Bedford est possible”.

(…)

Retour sur le Clémenceau

Après un chantier d’inspection et la réalisation de 30 vols, dont des entraînements ASSP des pilotes dans quatre configurations différentes, le M05 a rejoint à nouveau le Clémenceau le 5 octobre 1971. 21 appontages et catapultages seront réalisés jusqu’au 27 octobre avec une masse maximale au catapultage de 13.730 kg (6 bombes sous voilure et 1 bidon ventral). Cette masse n’est pas considérée comme une limite, ni par l’enfoncement ni par l’accélération (supérieure à 2 Kt/s) mais du fait des moteurs ne donnant pas la poussée nominale en post-combustion.

La masse maximale à l’appontage est de 9.450 kg avec une vitesse moyenne d’entrée dans les brins de 108 Kt, soit une vitesse-air de 138 Kt. Des criques ayant été observées sur les ferrures principales d’attache moteur, la campagne doit être interrompue, mais les objectifs principaux sont déjà atteints. A noter que les armements emportés sous les ailes, sauf s’il s’agit “d’engins chers”, sont largués en mer après catapultage lors des premiers essais pour éviter tout problème à l’appontage…

 

 Catapultage Jaguar
Catapultage Jaguar

 

Les essais sur le PA montrent que “la montée en accélération au catapultage est nettement moins rapide qu’à Bedford”. La pointe maximale est atteinte au bout de 1,1 seconde contre 0,6 s. Mais le “rapport de l’accélération maximale sur l’accélération moyenne (qui doit être inférieure à 1,2) est largement satisfaisant pour toute vitesse de sortie supérieure à 116 Kt”. Côté vitesse minimale, les résultats obtenus sont améliorés par rapport à ceux de Bedford, grâce à l’écoulement autour du porte-avions (accroissement local de l’incidence de 1,5° en sortie de pont), à une prise d’incidence plus rapide (nouvelle servo-commande de profondeur) et à l’augmentation de la poussée des réacteurs. Les enfoncements de trajectoire au niveau du centre de gravité seront évalués à 0,50 m au maximum.

Fin de partie pour le Jaguar M

Même si la progression des essais du Jaguar Marine a été notable depuis les premiers essais à Bedford, la Marine française ne va finalement pas retenir l’appareil en l’état, pour des raisons financières (le Jaguar M est coûteux et le prix de vente proposé ne peut pas permettre à l’Aéronavale d’atteindre le nombre d’avions souhaité) mais aussi son manque de réactivité en configuration monomoteur (n-1), à l’appontage ou lors d’une remise des gaz. La puissance d’un seul réacteur s’avère alors bien trop juste pour rendre confortable une telle phase de vol. Jacques

Desmazures a souvenir de voir Jacques Jesberger, après une remise de gaz monomoteur, ne gagner ni altitude ni vitesse pendant au moins vingt secondes…

De plus, la Marine juge l’autonomie insuffisante pour des missions en mer. Devant ces critiques, le projet d’une nouvelle voilure va voir le jour chez Dassault. Elle est la principale fautive des lacunes du Jaguar M, avec l’exigence d’une vitesse supersonique figurant dans le cahier des charges britannique qui va plomber le Jaguar M. Pour atteindre des vitesses supersoniques, il a fallu en effet retenir une voilure à l’épaisseur relative fine, ce qui limite d’autant l’emport de carburant dans les ailes… De plus, pour respecter la loi des aires, l’apex de voilure a reçu une forme courbe, empêchant l’installation de becs de bord d’attaque bien utiles pour augmenter la portance et ainsi diminuer la vitesse d’approche sur porte-avions.

  1. Czinczenheim (Breguet Aviation), conseiller de Marcel Dassault notamment en matière d’aérodynamique, préconise donc une nouvelle voilure pour le Jaguar M. Le projet étant accepté par Marcel Dassault, le chantier débute à Cazaux mais l’amiral Sanguinetti (état-major de la Marine) va s’opposer à ce projet. Ce sera donc, en janvier 1973, l’abandon définitif du Jaguar Marine. Marcel Dassault a compris que le programme est dans une impasse et il va donc proposer à la Marine une nouvelle version de l’Etendard, moins coûteuse que le Jaguar M. Ce sera le… Super Etendard qui connaîtra un meilleur sort.

N’ayant plus besoin du M05, la Marine rend le prototype au constructeur, ce qui va permettre de mener les essais de vrilles constructeur, assurés par Jean-Marie Saget. Ce dernier n’a enregistré que quelques vols sur le type avant d’attaquer cette phase critique (cf. chapitre “Essais de vrilles” en page 114).

“3 octobre 1969. Je suis lâché sur Jaguar pour étudier les limites de manoeuvre. Le F1 a un problème de ce côté-là à ce stade. C’est un avion bien différent de ceux auxquels je suis accoutumé, et les réacteurs sont bien délicats. Je le retrouverai quelques années plus tard en essais de vrilles”.

A l’issue de ces essais, le M05 effectue son dernier vol le 12 décembre 1975, aux mains de Jacques Jesberger. La cellule rejoint l’Ecole des Mécaniciens de l’armée de l’Air à Rochefort avant d’être confiée quelques années plus tard au Musée de l’Aéronautique navale, toujours à Rochefort où il est conservé depuis.

 

Jaguar et Super Etendard
Jaguar et Super Etendard

Tiré du livre de François Besse http://www.aerovfr.com/mes-livres-aeronautiques/autres-livres/du-vampire-au-mirage-4000/

La 11EC sur Rafale !

Rafale 11EC

 

Imaginez ce que cela aurait pu donner ! Le Rafale à la 11EC !

Ces deux dessins vont vous aider à imaginer l’allure des Rafale aux couleurs de la 11EC et plus particulièrement aux couleurs du 1/11.

Ils proviennent d’un forum http://www.air-defense.net/forum/topic/15127-rafales-de-reves/?page=5. Question Rafale, il y en a pour tous gouts et son auteur a bien voulu nous en faire un ; une sorte de dédicace.

Un grand merci à l’auteur et avouez que ça a de la gueule.

 

Rafale 11EC - 2
Rafale 11EC – 2
Rafale 11EC
Rafale 11EC

UNE BELLE AVENTURE QUI A DÉJÀ 40 ANS

Première équipe Jaguar

 

Un peu avant le début de l’été 1974, je suis dans l’expectative quant à la suite de ma carrière militaire, je viens d’avoir quarante ans et je vais être promu capitaine au premier juillet.

Après cinq années à l’escadron 02/11 « Vosges » comme OAT2 puis OAT1, je viens de passer trois ans au GERMaS 15/011, comme chef des ateliers. À moins de repartir une année de plus dans ce poste, je ne vois plus de possibilité sur la base.

La surprise sera totale, quand en juin, je suis convoqué au commandement de l’escadre et que je m’entends proposer le poste de chef des services techniques de l’escadron 03/11 « Corse ».

La mission est importante : il s’agit de qualifier l’unité qui va recevoir le JAGUAR, d’abord en formant le personnel technicien sur cet appareil, puis de le requalifier pour sa mission d’assistance aux pays africains, mission CAFI, avec ce que cela comporte de missions extérieures à préparer.

Du fait de mon recrutement d’officier technicien, et de l’incertitude quant à la suite de ma carrière, je décide de privilégier l’intérêt de la mission et j’accepte immédiatement.

Affecté à compter du premier juillet 1974, à cette unité prestigieuse, je pars dès septembre, pour Mont-de-Marsan, suivre l’ETIS Jaguar.

Je découvre le pur-sang qui va remplacer le F-100. Je suis rejoint par quelques pilotes, je me réjouis que les cours soient communs, cela facilitera les contacts ultérieurement.

En février 1975, il m’est demandé de choisir parmi les mécaniciens de l’escadron, ceux qui constitueront l’ossature technique de l’unité sur Jaguar.

En m’appuyant sur les chefs de service, j’établis une liste que je propose au nouveau commandant, le Commandant Sauvebois, qui l’accepte.

Dix techniciens la composent :

Mécaniciens avion : Sergent-chef Demanes et Sergent Kanicky.

Mécaniciens réacteur : Sergent-chef Montagnani et Sergent Walbot.

Mécanicien armurier : Sergent-chef Nalle.

Mécanicien radio : Sergent-chef Jacobs.

Mécaniciens radar : Sergent-chef Valentin et Sergent Benoni.

Mécanicien électricien : Sergent-chef Bervas.

Mécanicien équipement : un sergent dont le nom m’échappe aujourd’hui, (qu’il me pardonne et se fasse connaitre).

Cette équipe sera complétée par mon adjoint, le Lieutenant Dupuis.

L’équipe au complet rejoint Mont-de-Marsan, pour suivre une formation par spécialité.

Fin février, cette même cellule va prendre ses quartiers à l’escadron 2/7 « Argonne », sur la base de Saint-Dizier, qui est équipé, du JAGUAR, depuis quelques mois. Répartis dans les différents services de cette unité, l’équipe va apprendre à mettre en œuvre, à réparer notre nouvel avion. Parfaitement accueillis par le Commandant Norlain et par son officier adjoint technique, le Capitaine Pierre, nous allons pendant cinq mois « pomper » le maximum d’infos sur le Jaguar, pour être en mesure à notre tour de le recevoir dignement à Toul.

Pendant toute cette période, la quasi-totalité de l’équipe, rejoindra Toul, chaque soir, et fera le chemin inverse chaque matin, en covoiturage prenant des risques sur la route de l’époque, dangereuse n’ayant rien à voir avec l’actuelle nationale 4.

Le bon Saint Eloi, devait nous protéger car nous n’avons eu à déplorer aucun accident.

Le 7 février 1975, le premier Jaguar de la 11ème Escadre, le E29, se pose sur la base de Toul ayant à son bord le Commandant Eyraud (commandant de la 11ème Escadre) et le Capitaine Robert (commandant d’escadrille à l’EC 3/11). Le Jaguar fait son apparition dans le ciel toulois encadré par 3 F-100. Cette journée importante pour la 11ème EC fut inoubliable et émouvante pour l’ensemble du personnel.

CAMUS

Quelques souvenirs de l’arrivée du premier Jaguar

EYRAUD et ROBERT
EYRAUD et ROBERT

 

Le commandant de base face à la presse
Le commandant de base face à la presse

 

Eyraut traité

Le TO du F100

F 100 - TO

Le TO du F100

Dans “le TO du F100”, TO signifie “technical order” est l’équivalent de l’UCB pour le Jaguar. En fait cela représente l’ensemble de la documentation de l’avion concerné que les pilotes / mécaniciens avaient à disposition que ce soit pour des considérations  techniques et/ou opérationnelles. Pour la partie pilote, c’était la référence pour tout ce qui était calcul de performances ou plus généralement emploi opérationnel .

L’ensemble des TO représente plusieurs centaines de pages, et dans cet article vous trouverez les pages relatives à la cellule, la cabine et au moteur.

Les anciens du F100 pourront se laisser aller sur le coté nostalgique et regretter “l’avion d’homme” américain si particulier. Pour les autres, vous pourrez consulter la documentation officielle et avoir accès à une somme de détails ; la planche de bord, par exemple n’aura plus de secret.

Un grand merci à Jeanjean qui a pris sur son temps très précieux de retraité pour scanner toutes ces pages.

UCB : tir bombe

Tir bombe freinée

 

Quand on fouille dans ses archives, on trouve parfois de drôles de choses ou plutôt des choses surprenantes dans la mesure où on en avait quasiment oublié l’existence. C’est ce qui m’est arrivé avec les UCB ; on commence à les feuilleter et pour certaines parties c’est carrément une redécouverte.

Le JAGUAR étant un avion d’armes qui avait donc vocation à délivrer de l’armement, je vous propose aujourd’hui la partie relative au tir d’une bombe de 250 kg freinée en mode manuel, mais avec télémétrie. Séquence nostalgie pour ceux qui ont pratiqué et pour les autre, ,ils découvriront que c’était quand même tout un art que de tirer cet armement ; rien à voir avec tous les modes automatiques qui existent (heureusement) aujourd’hui.

Avant de voir la partie UCB, des réflexions qui sont tout à fait personnelles donc discutables. Opérationnellement, le tir réel présentait un réel danger pour les équipiers ; le parachute faisait en sorte que le tireur soit éloigné de la bombe au moment de l’explosion, mais “l’enveloppe clearence” (le volume dans lequel il ne fallait pas se trouver au moment de l’explosion à cause des risques de prendre des éclats) était telle qu’elle imposait à l’équipier d’être très près du tireur, ce qui en temps réel représentait une contrainte énorme. Ensuite, il était très difficile de faire but avec ce type de bombes ; j’en veux pour preuve, le “bunker à Clément ADER” du champ de tir de Captieux qui a résisté à des générations de pilotes lors de tirs réels pourtant exécutés dans des conditions nominales ; l’emplacement était connu, reconnu, il n’y avait pas de défense,… . Les bombes explosaient pas très loin mais jamais au but, jusqu’au jour un jeune pilote (un ORSA de surcroit) mit sa bombe pleine cible et détruit le fameux bunker.  Moments de flottement ; il n’y avait plus de cible et ce cas de figure n’avait pas été envisagé.

Tout d’abord la bombe en description version lisse ou freinée.

La 250 kg freinée
La 250 kg freinée

Un éclaté dans lequel on pourra reconnaitre le fameux “combiné MATRA” objet de bien de questions lors de l’ECAG2 (Examen de connaissance aéronautique générale N°2)

La 250 kg freinée suite
La 250 kg freinée suite

Tout ce qu’il y avait en cabine ; remarquez la complexité du “head up”

LA conduite de tir
LA conduite de tir

Et c’est parti ! La séquence de tir en 2 planches ; du grand art et cerise sur le gâteau cette fois il y a du vent de travers. Il faut noter la nécessité de faire correspondre l’altitude (allumage du voyant vert) avec la distance prévue pour le tir. Quand on vous disait que c’était du grand art !

Séquence de tir
Séquence de tir

Finalement, c’était très simple…

La séquence de tir suite
La séquence de tir suite

Pour ceux qui voudraient enrichir leur bibliothèque, toutes les planches en format PDF ; elles sont plus nettes.

Download (PDF, 2.66Mo)

Comparaison entre Mirage III et F 100

F100 - Mirage III

La différence entre les enfants et les adultes, c’est le prix de leurs jouets !

En février 1968, après avoir volé plus de 300 heures sur F-100, il est temps pour moi d’aller tâter du mythique MIRAGE III. Dans l’Armée de l’Air française de ces temps anciens, un pilote de chasse ne peut être qu’un pilote de Défense Aérienne (D.A.)- Quelques humains peuvent, bien sûr, piloter des avions d’armes, mêmes supersoniques. S’ils ne les pilotent pas au sein une escadre de Défense Aérienne, ils ne sont pas vraiment considérés comme des pilotes de chasse. Les « mud movers » ne sont pas encore nés et les malheureux, qui prennent quand même l’alerte de D.A. mais volent sur des avions, qui plus est américains, et dont la mission principale est la destruction de cibles au sol, sont considérés au mieux comme des laboureurs. Dans le monde des pilotes de chasse, les vrais, ils n’existent pas. Depuis que Georges GYNEMER, héros légendaire, est tombé en plein ciel de gloire le 11 septembre 1917, c’est comme ça!

Nous sommes très au fait de cette situation quand, par faveur spéciale, nous sommes admis dans le sanctuaire des pilotes de chasse : la 2ème escadre DE CHASSE, à DUON, pour y apprendre à domestiquer le MIRAGE III. C’était juste avant mai 1968.

Aujourd’hui, en 2007, après les exploits des pilotes de JAGUAR et autres MIRAGE 2000 D ou N qui ont « délivré » des tonnes de munitions dans des conditions souvent dramatiques, je suppose que les choses ont bien changé… Ceci étant dit, mon séjour à l’escadron de chasse 2/2 « Côte d’or » ne m’a laissé que de bons souvenirs. Les instructeurs étaient dans les mêmes tranches d’âge et de grade que les stagiaires. On y travaillait très sérieusement, dans une ambiance de bonne camaraderie.

Trente ans plus tard j’ai retrouvé Vincent, l’instructeur qui m’a lâché sur Mirage. Il était chef pilote à l’aéro-dub alpin, à Tallard, et il m’a lâché comme pilote remorqueur de planeurs.

Comparé au F-100, le MIRAGE III est petit, mais c’est un avion qui peut voler à Mach 2, deux fois la vitesse du son.

Le F-100 est imposant, robuste, rustique, lourd. Il pèse quinze tonnes, sans charges extérieures, vingt tonnes, à la masse maximum. C’est un chasseur-bombardier qui a pu être comparé à un char, un gros camion, ou une locomotive à vapeur. Il a été conçu pour transporter et tirer principalement des munitions air-sol, lourdes et nombreuses.

Il   prend   aussi,   l’alerte de défense Aérienne, avec quatre canons et deux « Sidewinders ».

L’avion est rustique. Par exemple, il ne possède pas d’indication précise du fonctionnement de la post-combustion (P.C.) : « Ne vous inquiétez pas. Quand elle fonctionne, vous le savez ». Il faut dire que la P.C. est à peine régulée et que, à la différence de la plupart de celles que nous connaissons aujourd’hui, elle s’enclenche à la puissance maximum. La poussée du moteur passe brutalement de 10.200 livres à 16.000 livres. Le coup de pied au c… est net, le débitmètre s’en donne à cœur joie, « ça décoiffe, ça …déchire ».

Pas d’indicateur non plus pour donner la position des volets de courbure « Vérifiez bien en regardant dans le rétroviseur ».
En 1966, la manette de commande des volets n’a que deux positions ; rentrés pour le décollage et le vol, ou sortis pour l’atterrissage.

Quand nous décollons avec quatre réservoirs supplémentaires, l’avion est très lourd et il nous faut mettre les volets sur une position « décollage », repérée par un trait de peinture sur le fuselage. Pour y arriver, le mécano de piste nous fait signe de sortir les volets en position « atterrissage » (pleins volets) puis de les rentrer. Pendant le mouvement de rentrée, sur un panneau à gauche dans la cabine, le pilote saisit le « breaker flaps » entre ses doigts. Quand les volets arrivent au niveau du repère peint sur le fuselage, le mécano lève la main. Le pilote tire le breaker vers le haut, coupant ainsi le circuit de commande. Les volets restent bloqués dans la bonne position. Après le décollage, il suffit au pilote d’enfoncer, sans pouvoir le regarder, le breaker qu’il sent dépasser au milieu des autres. Les volets rentrent alors complètement et le vol peut se poursuivre normalement.

Quelques années plus tard, les P.C. seront mieux régulées et une position « décollage » sera installée sur le circuit de commande des volets. Tous les décollages se feront avec « un cran ». Le F-100 est un avion de guerre, parfaitement adapté à sa mission.

Le Mirage IIIE est, lui aussi, un avion « multi rôles » porté par une aile triangulaire, une aile delta qui lui permet d’assurer toutes ses missions. Missions d’attaque air-air, contre d’autres avions, à très haute altitude (plus de 15.000 mètres) et à très grande vitesse (Mach 2), ou missions d’attaque air-sol, avec de l’armement classique ou nucléaire.

Ces missions air/sol comportent des branches de navigation à haute et à basse altitude, qu’il peut effectuer, de jour comme de nuit et par tous les temps, grâce à son radar de bord. Pour un pilote de chasse, le MIRAGE III E est très attractif.

Ainsi préparés, après une semaine de cours au sol et quelques séances de simulateur de vol, nous sommes prêts pour effectuer notre premier vol sur la version biplace, le MIRAGE III-B.

Au briefing, l’instructeur nous a répété :

  • Après avoir lâché les freins, enclenchez la post-combustion (P.C.). Vérifiez l’allumage de la lampe rouge, « injection », puis le « pendulage » du tachymètre, puis l’allumage de la lampe jaune, « fonctionnement », et l’extinction de la lampe rouge. Mettez alors « C. maxinnum », en surveillant bien la température des gaz en sortie de tuyère, laT4.
  • Quand la vitesse atteint 100 kt (nœuds), tirez sur le manche pour « monter le nez » de l’avion et afficher 10 degrés d’assiette à la « boule ».
  • Quand la vitesse atteint 160 kt décollez l’avion, stabilisez l’assiette et rentrez le train. C’est tout.

Dans la réalité, au premier décollage, juste après le lâché des freins et pendant que nous maintenons, au pied, l’avion sur l’axe de la piste tout en surveillant l’allumage des lampes de la P.C., une voix forte en provenance du siège arrière se fait entendre. Le manche se déplace fermement et rapidement vers l’arrière.

L’avion quitte le sol et prend une assiette de près de 20°. Parmi toutes les sensations,   les   perturbations   et les émotions venant d’un peu partout que ressent le pilote, la voix de l’instructeur à la fois ferme et ironique se fait entendre : «  Ce n’est pas l’heure de dormir jeune homme, regardez la vitesse. Nous allons dépasser la vitesse limite de manœuvre du train d’atterrissage ».

L’accélération au décollage est phénoménale et c’est pourquoi, dans l’escadron de formation au pilotage du Mirage, tous les avions sont équipés de réservoirs pendulaires pour augmenter la traînée et, ainsi, la durée du décollage, autant que l’autonomie. Quelques dizaines d’heures de vol plus tard, le même pilote, décollant pour une mission d’entraînement avec un avion lisse (sans charge extérieure) et poussant fermement en avant la manette des gaz, à la main, se désole de ne pas pouvoir la pousser avec le pied pour augmenter la puissance. Il peste contre cette fichue charrue, lente et sous motorisée qu’il doit utiliser pour intercepter, à haute altitude, l’objet volant qui lui a été désigné comme cible.

L’aile delta est quand même un peu spéciale.

A basse vitesse c’est, en elle-même, un aérofrein. A grande vitesse, sa traînée est faible. Dans la cabine, comme dans celle du F-100, il n’y a pas d’indicateur de position des volets, parce que, sur Mirage, il n’y a pas de volets. La même aile, sans aucun dispositif aérodynamique tel que volets hypersustentateurs ou becs de bord d’attaque, permet de faire évoluer l’avion de la vitesse zéro, à Mach 2. Sur Mirage III, il existe une vitesse magique. C’est 200 kt (370 km/h). A moins de 200 kt l’avion, le nez haut, ressemble à une pierre qui tombe sur une trajectoire à peine contrôlable. Si le réacteur n’est pas à pleine puissance, le taux de descente est très fort. Si le réacteur est à pleine puissance, le taux de descente reste fort, mais acceptable.

Pour arrêter la descente, il faut mettre la P.C. ou augmenter d’abord la vitesse.

A 200kt la vitesse du Mirage III est aussi facile à contrôler que la  trajectoire d’une savonnette mouillée sur une toile cirée augmentant la puissance, l’incidence diminue et il est facile de gagner 20 à 30 kt. En diminuant la puissance, l’avion s’enfonce avec un taux de chute impressionnant.

Bien évidemment, la vitesse d’atterrissage est juste en dessous de 200 kt. Sur un avion lisse, sans charge extérieure, la préoccupation du pilote au décollage, est de rentrer te train d’atterrissage avant que la vitesse limite autorisée pour la manœuvre soit atteinte. La vitesse de décollage est de 160 kt, la vitesse limite de manœuvre est de 240 kt, la rentrée du train demande 7 secondes. Il n’y a pas de temps à perdre. Par exemple, sur une piste standard, longue de 2.400 mètres, la vitesse de l’avion atteint déjà 300 kt (575 km/h), quand il survole la fin de la piste. A l’atterrissage, la préoccupation du pilote est le contrôle de la vitesse, du taux de descente et de la puissance du moteur, qui sont très sensibles et très liés dans ce cas de vol.

Sur un avion lourd, avec plusieurs charges extérieures, la préoccupation du pilote au décollage, est l’accélération au sol. Sa main gauche, qui bloque la manette des gaz à fond en avant, a trois doigts tendus face« aux poussoirs de « largage    détresse »    des charges extérieures, au cas où. Sa main droite se fait très sensible pour positionner le manche en souplesse et avec précision.

La vitesse de décollage est supérieure à 200kt (370 km/h), car il n’y a pas de dispositif qui permet d’augmenter la portance de l’aile. L’accélération est juste suffisante. L’été, sur une piste standard, cette vitesse est atteinte à 200 mètres seulement de l’extrémité du béton. La « marge d’erreur » pour la manœuvre est réduite à 2 secondes. Tout doit donc bien fonctionner sur ce mono réacteur et la rentrée du train doit se faire en souplesse car l’avion vole, mais « tout juste». Comme le disait un de mes bons camarades :

  • Tu pousses sur le manche, tu descends, tu tires sur le manche, tu descends.

A l’atterrissage, c’est aussi délicat car l’avion est toujours lourd, surtout s’il porte un gros missile ou des bombes d’entraînement qui augmentent sa masse et sa traînée.

Je me souviens du seul vrai conseil que nous donnions aux pilotes expérimentés qui volaient pour la première fois en emportant le « nouveau » missile anti­radar que nous venions de recevoir :

A l’atterrissage, ne te pose pas de question.   Quand   tu   arrives   « vent arrière », tu rentres les aérofreins, tu mets plein gaz, tu sors le train et tu gardes plein gaz jusqu’à ce que, dans ton dernier virage, tu sois à 90° de la piste. C’est seulement à ce moment-là que, si tu te sens vraiment haut, tu peux réduire un peu. Si tu sens que tu passes un peu bas, remet les ailes horizontales, enclenche la P.C., rentre le train et représente toi pour un nouvel atterrissage.

En approche finale, l’aile delta est un vrai aérofrein et l’assiette est très forte. L’avion est « assis» sur la poussée de son réacteur et la piste est masquée par la pointe avant du fuselage, qui pointe vers le ciel. Au toucher des roues, l’arrière du fuselage est seulement à une quinzaine de centimètres au-dessus du béton.

Pour vérifier la qualité des atterrissages et la « fatigue » des jambes de train, celles-ci supportent, sur leur partie arrière, de petites cales en plomb qui, quand l’atterrissage est trop rapide ou trop brutal, sont marquées ou écrasées par la structure de l’aile, car le train a reculé avant de reprendre sa place. De nuit, par vent de travers et sous la pluie, il arrive que poser un Mirage soit quelquefois « sportif » et excitant.

Comparer, en soi, le Mirage III et le F-100 n’est pas facile et ne veut peut-être pas dire grand-chose. Ces deux avions ont été conçus par des organismes différents, à des périodes différentes et pour des besoins différents.

Pour le pilote, ils sont aussi bien différents. Nous avions coutume de dire : – On s’installe dans un F-100 et on enfile un Mirage, comme une veste bien ajustée. Le Mirage est confortable, sa cabine est propre et bien finie. Rien ne dépasse. La cabine du F-100 manque de finition. Les combinaisons et les blousons de vol sont souvent déchirés par les extrémités des écrous et par les boulons qui dépassent de la structure. On voit des câblages et des fils électriques qui courent dans les « tripes » de la cabine. Pour mettre en route le réacteur du F-100 on utilise un petit camion, le MA 2, sur lequel est installé un petit réacteur qui fournit l’air comprimé nécessaire au démarrage du réacteur de l’avion. Le Mirage III E peut démarrer à l’aide de sa seule batterie.

Le Mirage est plus agréable à piloter que le F-100, mais il dispose de beaucoup moins de carburant. Il possède un radar de bord, mais le F-100 est ravitaillable en vol. Les circuits et les méthodes d’atterrissage sont différents eux aussi. Poser un Mirage est plus « artistique » que poser un F-100.

Le pilote de Mirage doit se battre en permanence avec l’angle d’incidence de l’avion et l’inertie du réacteur de son « aérofrein volant ». L’inertie de l’avion et l’inertie du moteur, ne sont pas faciles à combiner. Le contact avec le soi doit se faire en douceur pour ne pas endommager l’arrière du fuselage.

Tous les fuselages de Mirage montent des traces de frottement sur a piste. Après le toucher des roues sur Mirage, tout va bien. Le parachute de freinage, le freinage aérodynamique et les freins des roues sont fiables et efficaces.  Arrêter l’avion ne présente pas de difficulté.

Le F-100 est une locomotive. Si le pilote respecte le circuit d’atterrissage standard, tel qu’il a été prévu par les « cow boys », c’est-à-dire sans toucher à la manette des gaz entre l’arrivée au-dessus de l’entrée de la piste pour le « break », stable à 1500 pieds, 300 kt, et le toucher des roues, l’avion ne cherchera pas (trop) à en sortir. Comme toutes les locomotives, le F-100 n’est pas facile à arrêter. Le parachute de freinage n’est pas toujours très fiable, les freins ne sont guère efficaces et la poussée résiduelle du réacteur, au ralenti, est importante. Les choses sérieuses commencent quand les roues de l’avion touchent la piste. D’abord, le pilote réduit à fond le moteur et sort les aérofreins. Puis il laisse la roue avant prendre contact avec la piste. De cette manière, il peut enclencher le «nosewheel», système très pratique qui permet d’orienter la roue avant à l’aide du palonnier.

Quand le « nosewheel »  est enclenché, le pilote déclenche l’ouverture du parachute frein et rentre les volets d’atterrissage pour diminuer la portance ce qui charge les roues principales et augmente l’efficacité des freins. Ensuite il commence à freiner après avoir attendu que l’avion ait ralenti à la vitesse maximum autorisée pour le faire. Cette vitesse varie avec la masse de l’avion et doit être calculée pour chaque atterrissage.

Quand tout se passe bien, l’avion s’arrête sans problème et le pilote peut se détendre. Il arrive que le parachute ne s’ouvre pas, qu’il se déchire ou qu’il éclate à l’ouverture. Comme l’avion a les trois roues sur la piste, il n’y a plus de freinage aérodynamique et comme les volets sont rentrés, il n’est pratiquement plus possible de redécoller et de faire une nouvelle présentation. Immédiatement, le pilote doit couper le moteur pour éliminer la poussée résiduelle et attendre que la vitesse maximum de freinage, qu’il a calculée, soit atteinte. Comme le moteur est coupé, il n’y a plus de pression hydraulique et le « nosewheel » ne fonctionne plus.

Les freins sont alimentés par leur pompe de secours, qui fonctionne uniquement à l’aide de la batterie. Ils sont nettement moins  efficaces  qu’en fonctionnement normal.

De nuit, par vent de travers et sous la pluie, l’exercice « vaut le détour ». D’autres particularités? Sur F-100, à basse vitesse, Il peut être dangereux d’utiliser le gauchissement. L’inclinaison s’obtient à l’aide du palonnier, par roulis induit. De cette façon, on peut tourner un tonneau « aux grands angles ». La sortie de vrille se fait « manche au ventre » pour alimenter en air la dérive, jusqu’à l’arrêt de la rotation. Sur Mirage, la sortie de vrille se fait, en plaçant le manche sur un repère peint à l’intérieur, de chaque côté de la cabine. La vrille se transforme en « auto tonneaux », qu’il suffit d’arrêter.

Pour terminer, les anciens pilotes de F-100 ont coutume de dire : il y a deux sortes de pilotes de chasse.

Ceux qui ont fait du F 100 et ceux qui regrettent de ne pas avoir pu en faire..