ET QUE ÇA SAUTE, TROISIÈME

Le F100 42112, encore entier

 

Denis TURINA fait partie du club très fermé des pilotes qui se sont éjectés 3 fois ; il nous raconte ici la dernière et non la moindre.

Escadron de chasse 2/11 « Vosges »
F-100 n° 42122 – 11-MC
26 mai 1975,
Région de Waldkirch (Forêt Noire, Allemagne).

Photo d'époque... du 1/11
Photo d’époque… du 1/11

La piste de Toul est en réfection et, pour quelques semaines, notre escadron campe à Nancy-Ochey sur la marguerite, la zone de desserrement, Nord-est.

Ce 26 mai, je décolle pour un vol de navigation à très basse altitude au profit d’un jeune pilote à l’instruction. Pour sortir des sentiers battus et augmenter un peu la difficulté, nous avons programmé de survoler la République Fédérale d’Allemagne (RFA) sans, bien sûr, nous approcher du rideau de fer qui est toujours actif et bien présent.

Ayant eu la chance d’être vacciné très tôt contre les aléas du vol, à chaque installation dans un avion je pars du principe que je serai peut-être amené à rentrer à pieds ou par un autre moyen de transport que celui dans lequel je m’assieds. Comme d’habitude, je prends donc le temps de mettre en bonne position et de bien caler le paquetage qui sert de coussin pour le siège éjectable. Ce paquetage, qui contient les moyens de survie du pilote, est prévu pour les survols maritimes. Il équipe en permanence cet avion qui, comme tous les avions ravitaillables en vol, peut être désigné pour partir en Afrique sur coup de sifflet. Les autres F-100 sont généralement équipés du paquetage prévu pour les survols terrestres (sans canot pneumatique) plus confortable et mieux adapté au baquet du siège éjectable sur lequel nous sommes assis.

C’est parti. Le jeune pilote est en position de leader et, chacun dans son avion, nous survolons ensemble la France à 600 pieds, 420 nœuds (180 m d’altitude, 780 Km/h de vitesse). Je dois assurer la surveillance du ciel pour éviter une collision avec un des nombreux aéronefs qui survolent l’Est de la France et l’Allemagne, surveiller la navigation pour respecter les zones réglementées et être en mesure de restituer avec précision le trajet que nous allons suivre. De quoi rester vigilant.

Passage du Rhin, contact avec l’organisme de contrôle français pour lui signaler que nous franchissons la frontière, changement de carte, et nous commençons à “escalader” la Forêt Noire.

Un coup de canon éclate à l’arrière. Je pars dans les bretelles du harnais qui me lient à l’avion. C’est un vrai coup de frein. Des bruits et des vibrations, très forts, arrivent de partout. L’adrénaline coule à flots…

Instinctivement je tire sur le manche pour prendre de l’altitude, je réduis le régime du moteur et vire vers le Nord en direction de la base aérienne de Lahr, qui est à moins de 5 minutes de vol. Je pense être entré en collision avec un planeur ou avec un autre avion et j’essaie, sans succès, de prévenir mon équipier par la radio qui me semble hors service.

Dans la cabine, les alarmes des circuits électriques, l’alternatif et le continu, sont allumées. La température tuyère est très au-dessus de la normale et la lampe “Feu tuyère” est allumée. Contre toute raison je décide que, compte tenu des problèmes électriques, les indications de feu et de température ne sont pas fiables, que mes soucis viennent de la régulation du moteur qui continue de chanter et de vibrer, comme un marteau-piqueur. Mon souci devient alors de “recycler” le réacteur pour qu’il fonctionne à nouveau normalement.

Quelque part, au fond de moi, une petite voix me dit que je me trompe, mais j’ai tellement envie de rejoindre la piste de Lahr, que je ne veux rien entendre qui pourrait contrecarrer mes projets.

Pendant ce temps, l’altitude que j’avais atteinte sur mon élan commence à diminuer. La vitesse diminue elle aussi, et le bruit de canon du compresseur qui a décroché est toujours là. Je réduis les gaz à fond, passe le régulateur moteur sur “Secours” et avance la manette des gaz, doucement, très doucement, dans l’espoir que le moteur va reprendre son fonctionnement normal. Aucune amélioration.

Ni la base de Lahr, ni mon équipier, ni personne d’autre n’a répondu à mes appels sur la fréquence de détresse. Je commence à me sentir bien seul, au moment où les sapins de la Forêt Noire grossissent dans la verrière. Je décide alors de couper le réacteur et d’essayer de le rallumer pendant que l’altitude restante le permet. La petite voix me dit que je suis devenu fou, que l’avion aurait déjà dû exploser, mais je ne veux pas l’entendre.

Je coupe le réacteur en espérant que la température tuyère va descendre pour me permettre de rallumer sans trop de risque, mais de la fumée sort sous le tableau de bord. Je ne peux plus lire les instruments. C’est à cet instant seulement que je réalise la gravité de la situation et la bêtise de mon aveuglement.

Un rapide coup d’œil vers le bas me montre de la forêt. Aucune habitation n’est dans mon champ de vision, il n’y a donc aucun risque de faire de gros dégâts au sol. Je relève les accoudoirs du siège éjectable et actionne les détentes de mise à feu. Départ stressé, en catastrophe, avec le sentiment d’avoir outrepassé les consignes et de partir trop tard. Je sentais les morceaux de ferraille de l’avion qui explose, me rentrer dans les fesses.

La sortie se fait sans rideau devant les yeux. Je vois l’avion qui s’éloigne en rétrécissant, spectacle rassurant. Il est suivi par des gerbes d’étincelles de métal en fusion et par une grosse fumée noire.

Je n’ai pas été transformé en chaleur et en lumière, et le moteur avait bien un gros problème.

Coup d’œil en bas, c’est la Forêt Noire. Je ne vois ni signe de vie, ni habitation à proximité. Je me sens rassuré quant aux dégâts au sol.

Coup d’œil en haut, j’ai un coup au moral. Le siège est emmailloté dans le parachute qui n’est ouvert qu’à moitié. La voile est brûlée et déchirée par endroits. Une double coupole presque symétrique ne me pousse pas non plus à l’optimisme. Il va falloir faire quelque chose.

Je jette un coup d’œil en bas. Je m’estime à environ 500 m du sol et c’est mal pavé. Je vois de la forêt, des zones un peu déboisées, des souches, de la pente, un chemin forestier. Le vent est très faible.

Un gros sentiment de colère et de ras-le-bol m’envahit.

– « Encore une fois »

avec, en plus, le sentiment de ne pas avoir bien compris tout ce qui m’arrive. Je pense au débriefing. Je n’aurai pas grand-chose à dire.
– « Aurait pu mieux faire ! ».
– « Bof, je suis commandant en second d’escadron. Si on me cherche des poux je saurai me défendre.
Pourvu que mon équipier n’ait pas de problèmes au-dessus de l’Allemagne et rentre à la maison
normalement ».

Coup d’œil en bas :

– « Où est mon avion ? ».

Je le vois. Il plonge vers le sol et s’écrase dans la forêt. Pas de bobo de ce côté-là.

– « Ce n’est pas tout, mais la journée n’est pas finie ».

J’ai en mémoire des histoires de pilotes que l’on a retrouvés blessés ou tués par leur siège qui ne s’était pas séparé correctement du parachute.

– « Il faut que je vire ce siège »

Je commence à grimper dans les suspentes, le siège ne bouge pas. Il semble avoir traversé la voile et parait bien ficelé. La voile est complètement déformée, la vitesse de descente me parait forte. Je fais une deuxième tentative, puis une troisième, sans plus de succès. Je comprends qu’il me faudra faire avec et arriver au sol comme ça.

Une grosse colère me prend, née d’un sentiment d’injustice.

– « Je suis intact au bout de mes suspentes et je vais probablement me casser en arrivant au sol. Peut-être que, si je prends le siège sur la tête, je vais même y laisser ma peau.
C’est trop injuste ».

J’ai une pensée éclair pour ma famille. Nous attendons notre troisième enfant. Une pensée pour le ciel, qui m’abandonne. J’ai l’impression d’être un peu “faux cul”, si je fais une prière maintenant.

Une pensée plus pragmatique arrive.

– « L’heure n’est ni à la philosophie, ni à l’attendrissement, mais à l’action. Où me poser ?
Dans les sapins qui pourront amortir l’impact au sol, mais aussi servir d’entonnoir pour amener le siège sur ma tête ? Dans les zones un peu déboisées, mais où les souches, que je commence à bien distinguer, peuvent faire très mal ? Sur le chemin forestier, là où le sol est à peu près plat et où on pourra me secourir plus facilement ? ».

J’en oublie de larguer le paquetage de survie.

Je jette un coup d’œil en bas, tractionne pour contrôler le parachute et essayer encore de libérer le siège. La descente est vraiment très rapide et je n’arrive pas à me diriger. Dans les 100 derniers mètres, le sol me saute littéralement dessus. Je comprends et j’ai le pressentiment que c’est probablement la fin de la partie. À cette vitesse-là, je ne peux pas m’en sortir.

La résignation fait place à la colère. Avec ou sans le siège sur la tête, c’est fichu.

Je deviens très calme. Je cherche ce que je peux faire de ces dernières secondes. Je pense très vite :

– « Je n’ai que 35 ans, il me restait encore beaucoup de choses à faire …C’est trop c… Je ne vais même pas me planter sur le sol français… ».

Puis :

– « Tout d’abord, le pire n’est jamais sûr et j’ai environ 350 sauts en parachute à mon actif… Je peux amortir le coup. J’ai peur… Je vais avoir mal. »

– « Je suis prêt à tout, mais je ne veux pas finir comme un légume… »

– « Je dois prendre la position d’atterrissage que je connais bien et la tenir jusqu’à l’impact.
Serrer les jambes   et, au besoin, casser le bas de mon corps pour essayer de préserver le haut.
Je ne vois rien d’autre à faire. Mais je vais avoir très mal. »

En “courte finale”, je vois que je vais arriver en bordure du chemin forestier et que ce n’est peut-être pas si mauvais que ça pour les secours. Le sol arrive très vite. C’est la fin. Je me concentre sur la position et j’attends. Instants très désagréables que je cherche à positiver.

– « À la vitesse à laquelle j’arrive, ça ne sera pas long ».

– « Où est-ce que je vais avoir mal ? ».

– « Qu’est-ce que je peux emporter ? – Une dernière vision de la terre. »

– « C’est maintenant. J’y suis… Peut-être que je vais bientôt SAVOIR ».

– « J’ai toujours en mémoire l’image du chemin et des cailloux qui ont “accueilli” mes chaussures. »

– « Une douleur, énorme, dans le dos. Une douleur, très vive, à la main droite. Une douleur sourde à la cheville gauche, une douleur et du sang sur le genou droit. Du sang qui tombe, goutte à goutte, de ma tête sur mon pantalon anti-g. »

– « Mon casque a été arraché. Je vois et je respire. Je suis « empilé », en boule, recouvert par mon parachute. Une première pensée consciente émerge doucement :

– « J’ai mal, donc je suis vivant ».

– « J’ai l’impression d’être plus ou moins conscient et que mon cerveau fonctionne comme s’il devait entraîner un énorme volant d’inertie. Les pensées se forment lentement et se précisent, après. »

 – « Toujours cette douleur, partout, mais surtout dans le dos. »

  – « Depuis combien de temps suis-je ici ? »
Je suis vivant, mais dans quel état ?  »

       Est-ce que je suis paralysé ? »

  – « Je me souviens d’histoires que l’on raconte. Des blessés amputés qui se plaignent de douleurs
aux membres qu’ils n’ont plus. »

  – « Je vais essayer de bouger ».

  – « Non, car j’ai la colonne vertébrale cassée. Oui, car je suis en Allemagne. Si les secours arrivent je ne les verrai pas et comme, en plus, je ne parle pas leur langue, je ne pourrai pas leur faire comprendre qu’il ne faut pas me toucher. Quand ils enlèveront le parachute qui me recouvre et me “déplieront”, là, je serai paralysé, même si je ne le suis pas encore ».

De mon bras valide je dégage doucement le parachute et je vois des arbres. Une grosse bouffée de plaisir me calme et me rassure. Je me dégage un peu plus du parachute sans trop bouger mon buste et je vois que je suis au bord du chemin. Puis, JE ME REPOSE. Je ressens toujours cette douleur dans la colonne et à la main.

– « Et si je m’allongeais sur le chemin, ce serait plus facile pour les secours ».

– « Les secours ? Je n’ai pas entendu repasser l’avion de mon équipier. Il était devant moi, sans doute n’a-t-il rien vu, ni pu alerter qui que ce soit. Heureusement, l’épave fume. Elle est assez loin mais les habitants du coin savent qu’il y a eu un accident.».

– « Nous sommes en début d’après-midi, je ne passerai pas la nuit dehors ».

Je réfléchis :

– « Il faut que je m’approche du chemin pour que l’on me voie du ciel ».

Je commence à bouger le buste et à envisager de me traîner au milieu du chemin pour pouvoir être vu et pour me signaler. Je bascule doucement sur le côté. La douleur est très forte.

Je prends un fumigène et cache, à même ma peau, les fréquences confidentielles et codées que nous utilisons. J’attrape un morceau du parachute et, en m’appuyant sur mon coude valide, je commence à ramper comme je peux, sur le chemin. Je fais deux ou trois mètres. La douleur est forte mais pas plus que quand je reste immobile.

Arrivé au milieu du chemin, je m’allonge complètement sur le dos. Un morceau du parachute est visible du ciel. J’essaye de remuer les jambes, pour voir. Je n’y arrive pas, c’est trop douloureux, mais j’arrive à remuer un peu les pieds. Je reprends confiance.

– « Je ne peux pas être paralysé car j’ai trop mal aux jambes et je bouge mes pieds ».

– « J’ai l’impression d’avoir fait ce que je devais faire. JE ME REPOSE et j’attends ».

– « Un bruit de moteur de voiture, un peu lointain. Des oiseaux qui chantent ».

– « Si ce n’est la douleur, très forte, qui me tord le corps, la situation n’est pas trop mauvaise ».

– « J’entends le bruit du moteur qui se rapproche ». 

– « J’actionne le fumigène et je respire un grand coup. Les secours arrivent ».

Deux forestiers s’approchent, à pied, à travers bois. Ils avaient vu le parachute et s’étaient mis en marche. Ils viennent de voir le fumigène rouge. Ils ont une trousse de premier secours très bien équipée. Dans un anglais approximatif, je leur explique qu’il ne faut pas me bouger. Ils me répondent qu’ils ont une formation de secouriste et savent relever leurs camarades qui chutent des arbres. Ils me semblent compétents et commencent à panser les plaies de la tête et du genou. Ils me tiennent compagnie, avec gentillesse et sourires.

Rapidement arrive une voiture de police qui, par radio, guide une ambulance. Je me sens entre de bonnes mains, en confiance et JE ME REPOSE.

Embarquement dans l’ambulance, radios et coutures de mes plaies à l’hôpital de Waldkirch.

Un médecin, qui avait probablement appris le français au début des années 40, m’explique que je ne suis pas transportable et que je vais être hospitalisé sur place, probablement pour quelques semaines. Tout ça me parait secondaire.

Trois mois de plâtre, six mois d’état-major, dont deux comme chef de centre à Val d’Isère, un mois à Aulnat pour découvrir et apprendre les bases du métier de moniteur, avant de rejoindre l’École de l’air à Salon de Provence comme commandant d’escadron sur Fouga, sans siège éjectable (of course).

Denis TURINA

Wadkirch 2014-12-01

Denis a eu la gentillesse de m’envoyer les mails qu’il a échangé avec les témoins directs de l’accident que je joins ci-dessous.

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Extraits de courriers échangés avec Mr Klaus RECHNER. Contact pris par l’intermédiaire de Simone BECCO (aeromed.fr)

Bonjour M. Turina,
many thanks for the reports and the very interesting photos.
Now I can imagine it. Crazy how close the seat came down, very dangerous.
A friend of mine has translated the text from the newspaper into french, so I hope you can handle it now. But they made a fault in the Freiburg-Newspaper by telling you came from Colmar (Meyenheim BA132) and not from (Nancy-Ochey BA133) as you told it by your own. By the way, my name is Klaus RECHNER and not Mr. Kaufhold, who´s only sending the emails for me. May I ask a final question? Are there also photos of the crash site?

Please find attached the translation and some photos of the area.

mes sincères salutations

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Klaus

Dear Simone, dear Mr Kaufhold, Thank you for being interested in the story of the F 100 accident near Fribourg. I don’t speak any correct german word, and my english is very poor. So, I send you some lines about this accident, a comparison between the F 100 and the Mirage III, and other souvenirs, in french…

SincerelyDenis

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Bonjour Denis,
thanks for the informations about the Bremgarten Airbase and Mr Herbert NITZ. I phoned him and he was very surprised to hear about you, because his information was: first you came to the hospital of Waldkirch, then, because you were very seriously injured, you came to the University Hospital of Freiburg, and there you died !!! He is very happy to learn that you’re still alive. He spontaneously explained that he is willing to show me the landing site and to tell me his part of the story. He worked in the sawmill of Siensbach (not in the forest) and heard two jets above him. The sound of the second jet sounded strange and wherefore he looked into the sky. He saw exactly the moment when you bailed out of the plane. He ran to his neighbor Mr. Nopper, who worked in the potato field with his wife. Mr. Nopper who also had seen it , quickly took his car and they drove from Siensbach into the forest. They found you approximately lying there, where he is showing in the photo. He remembered that you fired a flare gun (red light) and did not want to be moved because of your back. On the other photos you can see the cave (grotto) of the Virgin Mary statue, it is about 200-300 meters away from your landing site, as well as the home of Mr. Nitz near the sawmill. A question or request. Mr. NITZ can’t remember that he mentioned his name and his birth data to any official person. Would it be possible to receive this part of the accident report witch you mentioned ? See you soon.

Mes sincères salutions

Klaus

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Bonjour Klaus,
Thank-you very much for the photos. They are good souvenirs for me.
Yes, the F-100 n°42174 is from the squadron “1/11 ROUSSILLON” as the n°42150. The emblem is the one of the comedy flight. The emblem of the “tragedy” flight is on the over side of the rudder. We were located at the “middle round tarmac” of the base.
The 2/11 “VOSGES” squadron was located at the “south round tarmac”. At the north one, was located a helicopter (H 34) squadron, before he lives to Saint Dizier, in 1966 or 67.
From a air military museum which has a part of the  of the accident report, I got the name of the man who took care of me with Mr Anton NOOPER. He his Mr Hebert NITZ, born in 1944. He mentionned a “cave of Siensbach” near the place I falled ???
Guten tag and have nice day
Denis

Lieu du crash
Lieu du crash
Lieu du crash
Lieu du crash
Turina après l'éjection
Turina après l’éjection
La chapelle
La chapelle

 

 

Ejection. Deuxième

F100 du 1/11

TURINA fait partie de ce club très fermé de pilotes qui se sont éjectés 3 fois au cours de leur carrière. La première éjection , c’était lors de l’épopée des 6 Mystère IV de Séville que je pense publier un de ces jours et la deuxième est racontée ci-dessous. Rendez vous pour le récit de la troisième.

Éjection. Deuxième

Septembre 1967, depuis presque un an déjà, je vole sur F-100 à l’escadron de chasse 1/11 « ROUSSILLON », basé à Bremgarten, face à Colmar, de l’autre coté du Rhin. Le rideau de fer se porte bien et nous le côtoyons de temps en temps.

Coucher de soleil
Coucher de soleil

Ce jour là, nous décollons de Cazaux où nous assurons le remorquage des cibles air/air au profit d’un escadron de Mirage de la 13 ième escadre de chasse basée à Colmar. Je suis pilote opérationnel en début d’entraînement pour obtenir la qualification de sous-chef de patrouille et nous effectuons à deux avions un « assaut » à très basse altitude. Un des points qui nous a été donné à « attaquer », est l’entrée d’un tunnel situé dans le Sud-Ouest de la France. La météo est bonne. Le leader, le sergent-chef J., sous chef de patrouille, est un bon camarade expérimenté et assez exigeant. C’est lui qui, pour l’instant, est en tête. Je suis donc son équipier et, sur la prochaine branche de navigation, nous échangerons nos rôles. Je prendrai sa place, il deviendra mon équipier.

F 100 PC allumée
F 100 PC allumée

Nous sommes à moins de deux minutes du tunnel et nous volons en formation d’attaque à 450 Kt (840 Km/h) et 600 pieds/sol (180 mètre de hauteur). Tout va bien, j’essaie de suivre la navigation tout en gardant ma place et en surveillant le ciel. A ces vitesses là, un avion extérieur à la patrouille peut se rapprocher très vite et le risque de collision est bien réel.

Soudain, un grand bruit qui ressemble à une explosion un peu étouffée retentit à l’arrière. Le moteur perd un peu de poussée, une discrète odeur de fumée arrive dans la cabine et de légères vibrations « titillent » mon épiderme. J’ai un coup au cœur. Instantanément, je réduis un peu les gaz et monte sous la couche vers 4.000 pieds (1.200mètres). Je préviens mon leader :

– Leader, je viens de ressentir « comme un choc » et d’entendre une explosion. Regarde dans quel état est mon avion.

– O.K. J’arrive.

Je pense être entré en collision avec « quelque chose » ou avoir perdu une des charges accrochées sous les ailes. L’inspection du leader, qui examine de près mon avion, ne donne rien. Il trouve cependant que mon réacteur fume beaucoup, même pour un J-57…

Par précaution, nous décidons de renter à Cazaux qui se trouve à une vingtaine de minutes de vol. Tout parait normal dans la cabine, mais je ressens toujours des vibrations inquiétantes et je dois remettre un peu de gaz pour tenir la vitesse de 400 Kt (740 Km/h), vitesse normale de navigation. Le leader surveille mon avion.

Boum. Une deuxième explosion, comme un coup de canon, se fait entendre et mes pieds sautent du palonnier. C’est un « beau » décrochage compresseur et, comme sur F-100 nous sommes assis sur la veine d’air qui alimente le moteur, c’est très impressionnant pour le pilote. Le leader voit une flamme de plusieurs mètres sortir de ma tuyère et croit que j’enclenche la post combustion, alors que je n’ai pas touché à la manette des gaz.

Nous décidons de rejoindre Toulouse, à un peu plus de 10 minutes de vol, pour faire un atterrissage d’urgence pendant qu’il en est encore temps.

Deux minutes plus tard, les décrochages du compresseur se font moins violents mais plus fréquents, la poussée et la vitesse diminuent doucement. Le leader m’informe que la fumée qui me suit devient de plus en plus dense et que des flammes apparaissent par instant à la sortie de la tuyère. Tout sauf une situation d’avenir !

La manette des gaz est à fond en avant, mais la vitesse diminue toujours. Je comprends que je ne pourrai probablement rejoindre aucune piste et que je dois préparer mon éjection, au cas où, en espérant que l’avion n’explose pas avant que j’aie trouvé une zone dégagée de toute habitation.

Maintenant, les décrochages du compresseur sont permanents. Ils font un bruit et des vibrations de marteau-piqueur assez impressionnants. Je dois descendre pour maintenir une vitesse qui me permet de contrôler l’avion. C’est la fin. Heureusement, sur la caméra du viseur, devant mes yeux, une bande « dymo » de couleur verte indique : « siège fusée ». Tous les avions n’étaient pas encore équipés de ce type de siège éjectable et, dans ma tête, je pars du principe que tant que l’avion est en l’air, le siège me sortira de là.

Je vérifie la bonne position du « Zéro seconde » sur la poignée du parachute et je cherche, pas trop loin, un endroit où « planter » l’avion sans qu’il fasse trop de dégâts au sol.

Côté parachutisme, je me sens prêt.

A Nancy, l’année précédente, nous avions comme instructeur sur Mystère IV, un pilote membre de l’équipe de France de parachutisme et chef de la section sportive de parachutisme de la base d’Ochey. J’avais donc repris les sauts, fait pas mal de chute libre à Azelot et à Lunéville et continué à sauter quand j’avais été affecté sur F-100.

Je sautais régulièrement à Colmar et à Bremgarten avec les commandos parachutistes de la base. J’avais à peu près 250 sauts et je devais profiter de mon séjour à Cazaux comme remorqueur de cibles, pour passer le test vrille (en chute libre) à Biscarosse où se trouvait le Centre National de Parachutisme. C’était le seul organisme habilité à délivrer aux militaires ce test qui leur permettait, dans le cadre des sections sportives militaires, de sauter à plus de 2000 ou 2500 mètres.

Devant moi se trouvent un village et quelques fermes isolées. A ma droite le Lot, qui longe une pente assez escarpée, haute d’une centaine de mètres. Au-delà, un plateau qui semble désert. C’est là que je vais essayer de « planter » l’avion. Ma vitesse est faible, de l’ordre de 220 Kt (400 Km/h) et je vois des cultivateurs qui travaillent dans les champs. Je me dois de rester les ailes horizontales, pour ne pas descendre et pouvoir m’éloigner d’une ferme, avant de virer vers la pente et de sauter.

Je suis bas, peut-être à moins de 200 mètres du sol, quand la ferme glisse sous mes ailes.

Je vire à droite en direction du plateau et, avant d’avoir fini mon virage et remis les ailes horizontales, je comprends. Le plateau sur lequel j’avais prévu d’écraser l’avion monte dans mon viseur. Je suis trop bas. Un instant de panique me noue les tripes. C’est pourtant le moment de penser vite et bien. En réalité, il n’y a plus rien à faire. La seule issue c’est de sauter, et vite.

L’avion est face à la pente, ailes horizontales. Je tire sur le manche pour annuler, autant que possible, la vitesse verticale de descente, place mes pieds dans les cale-pieds du siège et remonte les accoudoirs pour éjecter la verrière et dégager les détentes qui commandent l’éjection.

Accoudoirs relevés, sans verrière et sans rideau devant les yeux, la vue sur le paysage est imprenable. La pente escarpée fait face à l’avion, l’eau du Lot arrive sous mes pieds. Je suis fasciné et tétanisé par le spectacle. Je regarde, plus haut que moi, les arbres sur lesquels je vais m’écraser.

Du fond de moi, une petite voix s’élève et semble dire :

– Qu’est ce que tu attends ? La partie n’est pas finie, il te reste encore quelque chose à faire.

– Ha, oui, les détentes.

Avec un réel effort de volonté, je me force à ouvrir mes mains, crispées sur les accoudoirs, et j’actionne les détentes. La sortie de l’avion se fait « en catastrophe », très bas.

L’avion disparaît sous le siège en rétrécissant, un peu comme dans un dessin animé. Je le vois qui percute la pente à une bonne centaine de mètres devant moi. Une boule de flammes et de fumée grossit rapidement, car il reste 4 à 5 000 litres de carburant et quelques centaines d’obus à bord. C’est un spectacle grandiose auquel les lois de la gravitation et de l’aérodynamique me poussent à participer, d’autant plus que je le parachute me parait bien lent à s’ouvrir. Qui va gagner ?

Dès que je peux (coup d’œil en haut, le parachute finit à peine de se déployer), je tire sur les suspentes pour m’éloigner de l’incendie. Le vent est avec moi. Je m’estime à 50 mètres du sol.

Coup d’œil en bas, le Lot. Pas d’accord pour me mouiller les fesses. Je tire plus fort sur les suspentes et saute une haie d’arbres sur la rive. Derrière, des vignes. Pas d’accord pour être transformé en « sucette ». Quelques tractions, un lancé de jambes, je me pose debout entre deux rangées de piquets.

Je suis en bon état, content. J’ai évité l’incendie, la rivière, les piquets et les tendeurs des vignes.

Je souffle un grand coup.

Mon leader tourne au dessus. J’enlève mon parachute, dégrafe ma mae-west pour lui faire des grands signes et gesticule en courant, pour lui monter que tout va bien. A lui de faire passer l’info.

Des cultivateurs me rejoignent :

– Qu’est ce qu’on a eu peur. On pensait qu’il n’y avait plus personne dans l’avion. On a d’abord cru qu’il allait nous tomber dessus dans les champs, ensuite qu’il allait tomber sur la ferme et puis on a vu le parachute, alors on arrive. Tiens, bois un coup avec nous. Des émotions comme ça on sait ce que c’est, ça creuse.

Ils m’offrent à boire un breuvage de leur cru qui sent très bon mais que je refuse poliment, prétextant un contrôle d’alcoolémie par les gendarmes, comme après chaque accident. Ils compatissent et proposent de m’entraîner chez eux pour boire un sirop.

A ce moment la sirène des pompiers se fait entendre. Leur camion apparaît et s’arrête à quelques centaines de mètres. Nous les voyons descendre une barque de leur camion, alors que, de l’autre coté de la rivière, les obus commencent à exploser dans l’épave qui brûle.

Je demande à un jeune garçon, à bicyclette, de les prévenir que je suis sain et sauf, qu’il n’y a plus personne dans l’avion et qu’il ne faut pas s’approcher de l’épave à cause du risque d’explosion. Nous les rejoignons au moment où ils allaient mettre une barque à l’eau. Ils veulent être certains qu’il n’y a pas de blessé, promeneur ou chercheur de champignons, autour de l’avion. Je les dissuade se s’approcher car les obus continuent d’exploser.

Avec les cultivateurs, nous retournons à la ferme pour nous désaltérer. Ils m’apprennent que nous sommes sur la commune de Parnac.

Un Commandant de gendarmerie se présente alors, avec son chauffeur et une escorte. Il me prend à part et, avec un air de conspirateur, me demande ce que je transportais. Je suis étonné qu’un aussi haut gradé soit déjà là et je ne comprends pas bien sa question. Me prend-t il pour un receleur ou pour un contrebandier ?

Après quelques échanges verbaux, il m’explique qu’il a été prévenu qu’un avion « porteur de la bombe atomique » s’était écrasé sur ses terres. Il y a un an seulement que les F-100, ne sont plus « nucléaires ». Rassuré, l’officier repart, laissant à ses troupes locales le soin de poursuivre le travail.

Transport à la gendarmerie, interrogatoire sérieux et amical par le chef de la brigade de Luzech.

Nous sommes un peu perturbés par l’animation et le bruit qui règnent sous les fenêtres qui donnent sur la rue. Les habitants du lieu sont rassemblés et tenus informés par un des témoins de la ferme qui raconte l’histoire avec force détails. Beaucoup veulent « voir le pilote », certains se font la courte échelle, d’autres sautent derrière les vitres. Je n’ai malheureusement pas grand-chose à dire car je ne connais pas la cause de la défaillance de mon moteur.

Le gendarme insiste gentiment pour avoir des détails. Il est un peu triste et semble très malheureux.

Puis il me dit :

– S’il vous plait mon lieutenant, donnez moi des détails. Vous comprenez, ici une histoire pareille ça n’arrive pas tous les jours. Alors, si je n’en ai qu’une page sur mon carnet, les gendarmes des autres brigades vont se moquer de moi.

Je commence donc à lui raconter ma journée et le début du vol. Il me remercie du fond du cœur, commence à écrire et envoie un de ses hommes calmer mes « supporters ».

J’ai une copie du rapport d’enquête, avec les dessins de l’épave faits par la gendarmerie du lieu. Je trouve que le travail est remarquable.

Arrivée de l’hélicoptère H 34 de Cazaux, passage un peu ému au dessus de ce qui reste de mon bel avion qui continue de brûler doucement, sous le contrôle des pompiers.

Retour à la base, passage par l’infirmerie où je négocie une soirée au mess (plutôt qu’une nuit en observation) pour mener une vie normale au milieu de mes camarades. Le lendemain, radio de la colonne vertébrale à Bordeaux et, le surlendemain, reprise des vols sans état d’âme.

J’ai été très sensible au fait que ce soit l’adjudant « W », le chef de piste, qui me brêle pour ce premier vol. Depuis bien longtemps, il laissait ce soin aux jeunes « pistards », à l’exception peut-être du commandant d’escadron, pour le défilé du 14 juillet, au décollage vers Paris à la tête de ses troupes.

Pour moi, jeune lieutenant, c’est une vraie reconnaissance des mécanos, un peu comme une décoration. Nous nous sommes regardés, nous nous sommes souris et, je crois, nous nous sommes compris.

Entre temps j’avais récupéré et « planqué » la poignée du parachute.

Cet accident a été le premier d’une série d’événements qui, en quelques jours, ont perturbé un peu mon existence de jeune pilote.

Un vol comme les autres

La bête en vol et de face

Un vol comme les autres

C’était par une belle fin de journée de mai. Dans la vallée du Rhin, la nature se réveillait après un rude hiver et une bonne odeur d’herbe et de terre chaude inondait, entre autres, la marguerite sud.

La mission était sympa, relaxe, mon équipier : un solide que j’affectionnais. Nos deux Fl00 nous attendaient, l’entrée d’air agressive, le fuselage légèrement cabré, comme il sied à ce type de chasseur bombardier prêt pour le vol. Je devais contrôler un futur sous-chef de patrouille : attaque d’un objectif au sol au-delà du Massif Central, retour haute altitude de nuit, percée G.C.A., c’était notre mission.

En compagnie du mécano, le Black peut être ? Installation : parachute, bretelles, goupilles, mise en route. C’est un plaisir de guider aux pieds cette longue limousine en suivant la ligne jaune des taxiways. Réacteur au ralenti, la verrière ouverte permet d’entendre son sifflement régulier. Décollage patrouille serrée. Le numéro deux est parfaitement en place.

Atterrissage en patrouille serrée
Atterrissage en patrouille serrée

Aucun décalage au passage de la postcombustion, « Pour le train…Top ! ». La terre s’enfonce sous nos ailes. Déjà le fond des vallées est dans l’ombre mais nous allons vers le sud-ouest rattraper le soleil et dans trois quarts d’heure l’objectif sera encore visible sans difficulté.

Le paysage défile à 1500 pieds sous le ventre de nos belles machines. L’autre F100 qui occupe la place de leader luit d’une belle couleur rouge due au soleil à présent au ras de l’horizon. Pas une turbulence. Un rêve ! Je contrôle la route de la patrouille. Nous sommes sur le trait ou presque. Le timing est bon. Vogue la galère ! L’objectif n’est pas loin de Brive-la-Gaillarde dont je devine déjà au moins les toits sombres, l’éclairage public, les phares des voitures. vision fugitive, car à 400 kts, ça va quand même vite ! Mon équipier cabre en l’annonçant à la radio ; je le suis. L’altimètre se visse à toute vitesse, 500 pieds, 45 degrés à droite, le nez replonge vers le sol. Je vois la forêt, la route, la rivière où le ciel rouge se reflète. « Objectif à midi » ; cinq arches, très joli pont ! Parfait, 30 secondes de retard, c’est possible de faire mieux…la prochaine fois ! 055 le cap. Nous montons côte à côte laissant derrière nous la lumière du soleil cachée sous l’horizon. Devant il fait presque noir. 20 000 pieds, nous stabilisons. Dans 25 minutes nous serons à la maison. Moins absorbé par la surveillance de la navigation basse altitude, je contemple le ciel qui se montre très sombre où quelques étoiles y brillent déjà. Mon équipier, un peu plus à gauche, allume ses feux de position. La nuit est là à présent et je me rapproche en demandant le passage des deux sur Dim(Faible). C’est moins éblouissant ainsi. Malgré mon attention accaparée par cet avion tout proche, j’entrevois de fortes lueurs droit devant, sur un large front. La ligne d’orages prévue pour le lendemain matin est en avance. On va se faire tabasser, c’est certain !

Par radio, je rappelle à mon équipier les consignes en cas de perte de visuel mais je ne reçois aucune réponse. Je distingue son casque blanc, mais pas de mouvement. La fréquence de détresse n’a pas plus de succès. Les stations sol répondent à mes appels mais pas mon numéro deux qui, imperturbablement continue sa route. Voilà une panne qui tombe mal !

L’approche de Bremgarten confirme la procédure. Descendre, l’équipier en patrouille serrée, le présenter en G.C.A. et se poser derrière lui, après une remise des gaz et un deuxième circuit pour moi. Nous sommes au-dessus des cumulonimbus. Leurs énormes masses blanches illuminées de l’intérieur presque sans interruption révèlent leurs formes tourmentées et offrent un spectacle grandiose dont je me passerais bien. D’après notre position, il est toutefois possible que nous contournions ce chaudron du diable. Bon O.K. mon équipier a compris et réduit légèrement les gaz en battant timidement des plans. Je passe devant et il se colle à moi. A présent, de la douceur aux commandes s’il vous plait I La descente est engagée. Très vite nous entrons dans les sommets des nuages. Ca tabasse un tantinet et sur ma gauche, le feu rouge du numéro deux se dandine fort par moment. (Du calme petit, on arrive bientôt). Mais ça je ne peux le lui dire, mais j’y pense très fort.

En vol de nuit, c'est à l'intérieur que ça se passe
En vol de nuit, c’est à l’intérieur que ça se passe

Pourvu qu’il ne me perde pas ! 20.000 pieds, tout va bien pour l’instant. Les moteurs poussent et c’est le principal, la radio grésille fort mais reste compréhensible. Le virage de présentation entamé, les éclairs se font plus rares. Nous avons dû éviter le centre du foyer, d’ailleurs les avions sont moins secoués. Je pense tout le temps à mon équipier et pas beaucoup à moi et pourtant la tension est forte à mon bord. Les lampes UV éclairent le tableau de bord d’une lumière magique. Tout est net, tout fonctionne…sauf le carburant ! 900 livres restant ! Comment est-ce possible ? Nos calculs prévoyaient 2500 à ce moment du vol et tout à l’heure j’étais dans les billes ! Je ne regarde plus que ce foutu jaugeur qui semble se stabiliser. Panne instrument ? Fuite ? Va savoir ! Pourvu que ma voix ne trahisse pas mon émotion, je ne dis rien au sol. 10.000 pieds. Mon équipier est toujours là. 800 livres restant pour moi. Une remise des gaz et un circuit G.C.A. en plus, ça va être très court. 7000 pieds bien dans l’axe que je ne vois évidemment pas. 1500 pieds, stable. Prêt pour le train…Top ! Je sors mes roues en mettant un coup de gaz. En effet, le numéro deux, surpris est passé devant. Je ne vois plus que son feu arrière. Vite je reprends ma place et stabilise la vitesse en sortant les freins de piqué. « Sur le plan de descente »

Ça tabasse fort à nouveau. On m’annonce « Piste mouillée ». L’atterrissage va être pointu !

A 800 pieds, je distingue la rampe d’approche, floue mais elle est là ! Je continue jusqu’à 300 pieds et remet les gaz en rentrant train et volets. Les feux de l’autre F 100 disparaissent en arrière et sous mon avion. 400 livres ! L’approche me demande mon pétrole restant. Je leur dis en enchaînant que j’ai un petit problème à ce sujet Un silence me répond, puis un autre opérateur prend le micro. Je reconnais la voix du chef du contrôle d’approche. C’est un bon, un très bon même ! Le circuit réglementaire est écourté. On me fait virer très tôt et à 12 nautiques je suis à nouveau face à la piste totalement invisible pour l’instant. Le grain de tout à l’heure s’intensifie et ça turbule pas mal. Je pense à mon équipier. Il a dû se poser sans problème, sinon je suis bon pour une ballade en parachute ! En effet, les trois terrains du coin sont Rouges Météo. L’atterrissage doit se faire à Brem ou…dans un champ de patates !

1000 pieds, train sorti. J’allume les phares d’atterrissage. C’est un mur blanc qui se dresse devant moi ! Grêle ou neige ? Qu’importe, j’éteins. Pas de visuel. 500 pieds. Je m’approche des minima. Je sens que je vais désobéir et aller en dessous des 300 pieds « Préparez-vous à la remise des gaz » me dit le chef d’un ton calme. J’aime le « Préparez-vous ». 200 pieds. Visuel ! Un peu à gauche, mais ça ira. Je ramène doucement l’avion aux pieds. Rampe d’approche, trou noir, balises centrées, je me pose. Roulette avant au sol, parachute de queue, volets rentrés. Le balisage, bien symétrique de part et d’autre défile de moins en moins vite. C’est gagné ! Pétrole ! 1800 livres.

Merde ! A l’impact, l’aiguille du jaugeur a dû revenir à une valeur normale. Comme quoi, un atterrissage de nuit remet les idées (des avions) en place.

Ah I La descente de l’échelle, puis la course jusqu’à l’Escadron sous un déluge de Printemps. Il faisait si beau tout à l’heure (Tout à l’heure ? « J’ai l’impression qu’il y a un siècle ! »). Le débriefing est très court. Quelques mots, un regard, une poignée de main, nous verrons demain. Derrière moi, les lumières s’éteignent. Nous étions la dernière patrouille. Vingt kilomètres dans ma vieille 203 pour rentrer chez moi. Je chante, je hurle dans ma voiture. Envie de rire, de courir… Les nerfs sans doute. A chaque paire de phares que je croise, je me dis : « Celui-là, sait-il ce que je viens de vivre ? ». Non, il ne peut pas le deviner. En fait, c’est de la routine : une vraie panne radio, une fausse panne de carburant, un atterrissage de nuit sous un orage, et alors ? Mais quand j’y pense, le contrôleur, sachant que la vision vers l’avant en courte finale n’est pas fameuse sur F100 à cause du long nez et de l’attitude cabrée ; n’aurait-il pas fait exprès de me présenter légèrement à gauche afin que je puisse voir la piste par la glace latérale le plus tôt possible ? …

C’est vraiment un très bon, un très très bon.

COIFFARD Jean Jacques : pilote, EC 1/11, 2/11, 3/11 1956 – 1967

F-100, JE T’AIME, MOI NON PLUS

F-100D 11-EC

F-100, JE T’AIME, MOI NON PLUS

Premiers contacts

À 17 ans et depuis quelques années déjà, dès qu’un moteur se fait entendre au-dessus de la Bourgogne, je garde le nez en l’air jusqu’à pouvoir identifier l’objet volant. Je reconnais parfaitement le P-47, le Vampire, tous deux basés à Dijon, suivis bientôt par l’Ouragan et le Mystère IV. Je sais aussi identifier le F-84E ou G, le F-84F et le RF-84F, qui n’effraient plus que rarement les chevaux quand nous récoltons les foins et les moissons de la ferme de mon oncle.

Cette année-là, en 1957, en vacance chez des amis à Verdun, nous sommes passés en voiture sur la route qui borde la base d’Etain et j’ai entendu… un coup de canon, puis vu un monstre qui crachait le feu en prenant son élan dans un bruit d’enfer. La “bête” a décollé, a viré et, pour la première fois, j’ai vu “LE F-100 Super Sabre, en chair et en os”. Je le connaissais déjà à travers quelques photos de lui parues dans “Aviation magazine”, mais cette première rencontre m’a réellement impressionné.

Peu de temps après, ma mère m’a offert la maquette de cette merveille, une des premières maquettes en plastique disponibles après le B-17 et fabriquée par “Lindberg”. J’ai donc construit mon premier F-100 et j’ai continué à rêver d’avions dans ma pension, l’École des Pupilles de l’Air, à Grenoble.

Mai 1966.

Dix ans ont passé.

Après quelques heures de vol, dont un tour de France aérien et quelques sauts en parachute, j’ai quitté Grenoble, puis Salon, puis Tours. En compagnie de quelques petits camarades pilotes de chasse, nous pilotons des Mystère IVA, en école de tir au 2/8 ” Nice”, à Cazaux.

Un jour, sur le parking des escadrons en campagne de tir nous voyons arriver … des F-100.

F100 super sabre
F100 super sabre

 

Avec quelques rares camarades, intéressés comme moi par la belle mécanique et les avions de pointe, et malgré les mises en garde de notre encadrement sur le comportement des pilotes des escadres nucléaires, nous sommes allés, presque en rampant, présenter nos respects aux demi-dieux capables de maîtriser une bête aussi puissante et aussi dangereuse.

L’accueil du chef, le Cdt Pierre G. que nous avions croisé à Salon et qui est devenu mon ami “Pierre” a été très sympathique, chaleureux. Nous avons pu examiner les bêtes en long, en large et en travers, et même nous installer dans la cabine. Nous en avons aussi profité pour tâter le terrain, car trois mois plus tard, à la sortie du dernier stage en école, à Nancy-Ochey, nous aurons à choisir notre première affectation opérationnelle. Mais à la question :

– « Comment fait-on pour aller chez vous ? »

La réponse a été :

– « Je peux difficilement vous renseigner. On vient de nous retirer la mission nucléaire. On parle de nous donner une autre mission, de nous déménager et même de nous faire assurer le vieillissement des futurs pilotes de Mirage.
     Mais ça, je n’y crois guère. De toute façon, rien n’est décidé. Tenez-vous au courant, vous pouvez m’appeler quand vous voulez. »

Chaleureux mais, au final, pas très encourageant. Cela nous a cependant suffit pour nous voir aux commandes d’un F-100 avant la fin de l’année.

Trois mois plus tard, à Nancy-Ochey, se tient l’amphi garnison. La liste des escadres qui vont nous accueillir et le nombre de places proposées, est affichée. Dans l’ordre du classement de fin de stage, chacun de nous est appelé pour choisir, en fonction des places restées disponibles, son affectation en unité opérationnelle.

Une place sur Mirage IIIC à la 5, à Orange. On nous fait comprendre que c’est un cadeau de roi, obtenu de haute lutte par le Commandement des écoles et réservé, de préférence, au major de promotion.

Quatre places sur SM-B2. Deux à la 12, à Cambrai, deux à la 10, à Creil.

Neuf places sur F-100 à la 11, à Bremgarten, dont six en vieillissement avant d’aller sur Mirage IIIE ou sur Mirage IIIR. Une première, Youpi !!!

J’ai pu choisir le Mirage IIIE et j’ai eu le vieillissement sur F-100. Le rêve !!!

À l’époque, la 11, après la dissolution de la 1 et de la 9, vient de s’agrandir à trois escadrons. Le 1/11, le 2/11 et le commandement de l’escadre sont basés à Bremgarten. Le 3/11 est à Colmar, de l’autre côté du Rhin.

Le jour dit, après un rassemblement savamment organisé pendant nos permissions, nous nous retrouvons, neuf lieutenants “élus” briqués comme des sous neufs, pour passer la frontière et nous présenter à nos chefs.

Accueillis par le Cdt en second de l’escadre, nous sommes ressortis de son bureau assez “sonnés” :

– « La 11 n’a jamais été une nurserie et ne le sera pas. Chaque escadron ne peut former qu’un ancien élève de l’École de l’air par an. L’escadre est formée de trois escadrons. Vous êtes neuf et je suppose que vous savez compter. En sortant de ce bureau vous vous présenterez à votre commandant d’escadron qui décidera de ce qu’il fera de vous. Je recevrai en temps utile les trois d’entre vous qui resteront à l’escadre. Merci messieurs. »

La douche… froide, glacée.

Heureusement, l’accueil dans les escadrons est plus chaleureux. Nous sentons bien que notre arrivée est une petite révolution, qu’il nous faudra faire nos preuves et, aussi, que nous ne sommes pas condamnés. Nous sommes considérés comme des pilotes à part entière. Plus jamais je n’entendrai la répartie célèbre qui, dans les écoles de pilotage, mettait fin à toute contestation justifiée ou non, quand les plus jeunes osaient parfois exprimer leur point de vue au cours d’un débriefing :

– « N’essaie pas de me vendre des salades. Je portais déjà les marques du masque à oxygène sur le visage quand toi, tu portais encore les marques du pot sur les fesses. »

Par chance, ou plutôt par “affinité” je crois, je suis affecté au 1/11 “Roussillon” où mon ami Michel est Cdt d’escadrille. Nous étions ensemble à Grenoble et nous avions fait plusieurs camps scouts où il était, déjà, chef de patrouille. Pour moi, il est un peu comme un grand frère.

La cabine du F100
La cabine du F100

Encadrés, briefés par les anciens dans une cellule d’instruction au sol créée pour la circonstance, notre petite troupe découvre la documentation américaine et suit les cours qui doivent lui permettre de maîtriser la bête.

L’ambiance est excellente, nous sommes tous motivés et impatients de faire les premiers vols. J’apprends tout sur l’avion et sur les procédures. Quelques jours plus tard je fais mon premier vol, en place arrière d’un avion leader de patrouille. Après avoir découvert l’allumage de la postcombustion qui, sur F-100, se fait à pleine charge, je peux tâter les commandes, écouter vivre l’avion, admirer l’équipier et respirer un grand coup car, bientôt, il faudra assurer.

Pour le premier vol en place avant, l’instructeur n’est pas commode. C’est un ancien moniteur de Marrakech et ancien des Skyraider. Il ne s’en laisse pas compter. Au retour, je suis plutôt content de moi et surtout très fier d’avoir piloté la bête.

Le débriefing est dur et se termine par :

– « De toutes façons, il faut que je parle au commandant d’escadrille. »

Cloué au mur, car rien n’a échappé à la rigueur et au professionnalisme d’”Hector”, je comprends que la partie n’est pas gagnée. Le moral en prend un gros coup et je crains l’élimination.

Michel, le Cdt d’escadrille, m’appelle et me reçoit avec sa tête des mauvais jours. Je pense que mon sort est réglé. Il me demande simplement comment s’est passé le vol et, pour me défendre, je lui dis que je ne comprends pas ce qui m’est reproché à ce stade de la progression. Il me regarde, étonné, et m’interroge un peu plus en détail. Je le vois se détendre puis sourire. Au bout d’un moment il me dit :

– « Il faudra que tu t’y fasses, mais il n’y a rien de grave pour toi. Ton instructeur pense même que tu pourrais partir en monoplace après un deuxième vol en biplace. Est-ce que tu te sentirais prêt ? Le seul vrai problème c’est que l’avion que vous venez d’utiliser est en panne, a priori pour plusieurs jours et que vous êtes nombreux à devoir être lâchés. »

Je tombe des nues. Devant mes hésitations, Michel me propose de faire ce deuxième vol avec un autre instructeur, tout aussi exigeant mais un peu moins “carré” qu’Hector.

Deux jours plus tard, je pars en double avec un “très vieil” Adc, qui devait approcher la quarantaine et dont le surnom, inspiré par des petites moustaches et un regard malicieux, rappelle un petit animal, genre furet.

Deuxième vol sans histoire et, dans la foulée, très fier, je pars en monoplace, escorté par l’instructeur qui vient de me lâcher. Salut à toi “La fouine”, merci l’Ancien.

Ce premier séjour sur F-100 est pour moi un souvenir merveilleux.

L’escadron est une unité soudée dont nous sommes membres à part entière. Les traditions et la personnalité de certains pilotes sont fortes…très fortes. Un groupe de cinq lieutenants anciens, tous chefs de patrouille, se charge, avec d’autres, de notre formation en vol, de l’ambiance et de notre “éducation” au sol. J’apprends beaucoup.

Célibataire logeant sur la base, j’ai la chance de participer, souvent, à des missions qui décollent le matin de bonne heure. Il fait généralement encore nuit quand Manif, Cdt d’escadrille célibataire logeant sur la base lui aussi, donne un coup de pied dans la porte de ma chambre. J’ai vingt minutes pour le rejoindre à l’escadron ou au mess. Petit déjeuner, briefing, salut aux mécanos et décollage “à la fraîche” pour des missions, souvent au profit de l’Armée de terre, dans le Jura, le Massif Central, le Sud-ouest, ou les terrains de manœuvre en Allemagne.

Un an plus tard, c’est le déménagement vers la France des escadres basées en Allemagne. Comme la “3”, escadre sœur de la “11” et mon escadre d’affection définitive, vient de quitter Lahr et s’installe avec difficultés à Nancy-Ochey, le Cdt d’escadron me propose de rester un peu plus longtemps sur F-100 et de continuer mon entraînement. Banco !

Nous arrivons à Toul en septembre 1967 dans des installations assez sommaires. Quelques semaines et une éjection plus tard, avec l’équipe de mécanos célibataires “qui va bien”, nous prenons une semaine complète d’alerte pour la période de Noël. Nous passons la journée en bout de piste, dans une remorque Déplirex sans eau et dont les radiateurs électriques sont alimentés par un groupe électrogène “un peu” sous dimensionné. Emmitouflés dans des couvertures, nous jouons aux cartes et nous lisons, en attendant le ou les vols d’alerte. Le mess nous ravitaille en thé et en casse croûtes. L’ambiance est au beau fixe, nous nous la “jouons, un peu la Bataille d’Angleterre” et, le soir, nous faisons un bon repas au mess.

F-100D en patrouille
F-100D en patrouille

En février 1968, sous-chef de patrouille, je pars pour Dijon découvrir le Mirage III.

En 18 mois, je viens d’effectuer 350 h de vol sur F-100, de vivre deux campagnes de tir, un échange escadron de trois semaines sur les plateaux d’Anatolie et un déménagement de base. J’ai, aussi, cassé le 11-EG n°42150 en m’éjectant pour la deuxième fois et, malheureusement, douloureusement, vu partir quelques amis.

– « Engagez-vous, rengagez-vous. Vous vivrez des aventures et vous verrez du pays », disaient les affiches en couleur.

Au-delà de tous mes rêves, pour moi, à l’âge de vingt-sept ans, cela était bien vrai.

Denis TURINA

Quelques “brèves”

Une petite surprise que nous avions faite à un de nos anciens en entraînement au BCP à Bremgarten. Il avait parfois tendance à nous bahuter, nous les jeunes lieutenants, et ce jour-là, après avoir fait le briefing de sa prochaine mission, toute la patrouille était partie au mess en laissant les cartes sur la table de la salle d’OPS. L’occasion était trop belle. Nous avons simplement déplacé d’une dizaine de kilomètres, en respectant le cap et le minutage, le trait d’entrée sur sa carte du sud, celle qu’il devait utiliser après une vingtaine de minutes de vol. Et nous avons attendu. L’entrée dans la salle d’OPS du leader en entraînement et le débriefing au retour ont mérité le détour. Prudents, nous n’avons rien dit sur le moment.C’était l’époque où les lieutenants CP, ORSA, et EMA étaient rois. Un jour, l’un d’eux a largué les sous-vêtements PN d’un de ses petits camarades sur la ville du Puy en Velay, pour qu’ils en fassent de la dentelle. Les sous-vêtements, propres, avaient été soigneusement pliés avant le vol, dans l’aérofrein du F-100.Il faut dire que, quelques jours plus tôt et selon la tradition, ce petit camarade avait réussi à faire brûler le calot de l’ancien dans la salle d’OPS.

Dans la salle d’OPS du 1/11 “ROUSSILLON” : c’est un retour de vol de nuit.
La Fouine, l’Ancien, chef pilote de l’escadron aimé et respecté, est en train de débriefer son équipier.
Jean-Louis, CP et jeune capitaine entre dans la salle d’OPS de l’escadron. Il vient d’effectuer son premier vol d’entraînement de nuit, en place arrière, pour devenir instructeur.

– « La Fouine t’es un salaud ! »
– « Moi ? qu’est-ce que je t’ai fait ? »
– « Ce soir : Rien !  Jusqu’à présent je te prenais pour un type bien, expérimenté, compétent et consciencieux.
     Maintenant je sais que tu es un salaud. »
– « Pourquoi ? »
– « Il y a trois ans, quand tu m’as lâché de nuit après seulement une heure de nav à basse altitude et trois atterrissages, j’ai pensé que tu avais vu à qui tu avais affaire et reconnu mes mérites. Maintenant je sais que c’est parce que tu avais la trouille, et que tu ne voulais pas risquer un autre vol de nuit en place arrière dans ce bocal où l’on ne voit rien de ce qui se passe dehors. Laisser partir un jeune après seulement un vol de nuit en place avant sur F-100, c’est de la « non-assistance à personne en danger » et tu le savais. Voilà pourquoi tu es un salaud ! »

Rires dans la salle d’OPS et passage en salle de repos pour continuer le débriefing.

Denis TURINA

 

Une vidéo de F100

Une vidéo de F100

Aujourd’hui, je vous propose une vidéo de F100, tout simplement parce que la 11EC en a été équipé jusqu’en 1977. Avion américain, il avait la réputation d’être un avion d”homme”. A travers cet extrait vous comprendrez un peu pourquoi, mais ça se termine bien, par de belles images de la patrouille US des Thundersbirds.

En espérant que cette vidéo rappelle de bons souvenirs à ceux qui ont la chance de voler sur “la bête”.

Histoire de vous montrer que le F100 c’était du sérieux, une photo d’une bande de F100 tirant des bidons spéciaux.

 

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F100 tirant des bidons spéciaux

 

 

La vidéo F100

Dernier vol F100 à Toul, par le Colonel BOICHOT

Quand je suis arrivé à Toul en Novembre 1976, le colonel BOICHOT était commandant de la base, autant dire que pour moi c’était “Dieu le père”. Nous avons volé quelques fois ensemble ;  c’était un grand Monsieur qui nous a quitté trop tôt aux commandes d’un JAGUAR et qui a donné son nom à la promotion 1987 de l’École de l’Air. Il a été le premier pilote Français à voler sur F100 en 1958 à NELLYS Air Force Base et il était tout à fait naturel que ce soit lui qui effectue le dernier vol F100 sur la base de Toul.

Dernier vol F100 à Toul par le Colonel BOICHOT

25 juin 1977 copie
Le colonel BOICHOT inaugure la stèle sur laquelle repose le F100 n° 131 dont il a effectué le dernier vol quelques jours plus tôt.

Souvenir de RIGAIL Francis ” dernier” Officier mécanicien F100.      

Dans le rappel historique ” le F100 sous les cocardes françaises” Mr. Antoine évoque le dernier vol F100 du Col.Boichot. Pour la petite histoire, revenons à la “Onze” en Mai 1977 :

Les escadrons 1/11 & 3/11 volent sur Jaguar ainsi que la 1ère escadrille du 2/11. Seule la 2ème escadrille de ce dernier résiste avec ses vieux F100. Pilotes et mécanos sont logés dans des remorques  “Deplirex” sur le parking commun à la “SALE” et au Germas 15/11.

Étant  à la Division Avions-moteur, je suis à quelques enjambées de leur zone d’activité. Quand c’est possible, je trouve  un moment pour rendre visite au Ltt GARCIA,  l’Officier  mécanicien,  et me replonger dans l’ambiance de la “Bête”. D’ailleurs, pour beaucoup d’entre nous, c’est toujours un ravissement de  pouvoir encore entendre le bruit du J57 , et celui de la post-combustion enclenchée au décollage.

Le 11 Mai, Garcia m’avertit que son dernier vol F100 aura lieu en fin de matinée et que c’est au Colonel Boichot que revient l’honneur de l’accomplir. Je suis invité à assister à cet évènement et, bien entendu, au “pot d’adieu”.

Vers 11 heures, dans la deplirex “Piste” , sur le comptoir, une seule forme11 est ouverte, assortie des signatures des mécaniciens, c’est celle du  131. Nous attendons, avec le Cdt d’escadron et quelques privilégiés. Le ‘Voilà’, annonce calmement le Chef de piste. Le Colonel , casque à la main , gravit les marches, souriant, manifestement content d’être là. Il plaisante, serre la main à tous et prend connaissance de la F11. Signature et le voilà parti accompagné du mécano de  piste. Un petit quart d’heure plus tard un “wooum” retentit suivi du feulement caractéristique qui vire à l’aigu à mesure que l’avion avale la piste feeeuuuiiittt…il arrive à notre hauteur, s’arrache du sol en rentrant son train, tube pitot pointé haut vers le ciel et grimpe résolument dans un bruit de tonnerre. Puis, coupure de la pc, légère fumée dans son sillage , il ne devient plus qu’un point  et il disparait de notre vue.

Maintenant, il est seul et nul doute que ses pensées le ramènent 20 ans en arrière. Au temps du jeune pilote de combat, fier d’être des premiers à apprendre à dompter le magnifique F100 Super sabre. L’orgueil de sentir les regards admiratifs des pilotes des autres escadres à l’occasion d’une escale ou d’un meeting aérien. Quelle belle époque…..A présent il fait à nouveau corps avec,  il prend encore de l’altitude pour être très haut dans le ciel et savourer cette chance. Grand virage , il casse la manette  sur ” pc” tout en guettant, à l’ouverture des paupières, le battement de l’aiguille de l’indicateur de pression; secousse dans le creux des reins : le J57 libère tout ce qu’il a dans le ventre. 30000 pieds et çà pousse fort!! Passage sur le dos, coupure de la pc, et retour ailes horizontales. Puis, et puis plus rien ??… Master caution allumé, le compte tours qui dévisse, la  température T7 qui chute…pincement au cœur, bon sang extinction réacteur!!!. Le court instant de surprise passé, l’expérience du “vieux” pilote et son sang froid prennent le dessus. Pas de panique, à cette altitude il y a assez de marge pour faire un rallumage normal . Manette sur “off”, en piqué pour reprendre des tours. “Airstart switch sur on” . Vers 55% manette sur “idle”. Ça cafouille un peu, 2 ou 3 petits “stalls” pas bien méchants, puis l’avion qui tressaille et survient la tonalité du réacteur qui redémarre, confirmé par la T7 qui augmente et on reprend des tours.   Manette doucement en avant et le J57 monte en  puissance, airstart sur off.

89% , 20000 pieds, tous les voyants se sont éteints, contrôle des paramètres : ok.

Bien, est ce un avertissement du destin ? Mieux vaut rentrer maintenant, sans brusquer la machine, cap sur Toul-Rosières.

Midi passé, le 131  se présente , atterrissage, parachute frein et retour au parking puis au Bureau de piste : notre Colonel l’air satisfait s’approche de la F11, il  saisit le ‘bic’ noir qui pend au bout d’une ficelle et il écrit. Le ltt Garcia est à côté de  lui et je lis sur son visage un grand étonnement, c’est une blague mon colonel ? Pas du tout Garcia, c’est vrai….Alors à notre tour nous  pouvons lire :

Extinction réacteur , rallumage ras  Boichot.

Les questions fusent et lui de nous expliquer qu’il ne sait pas exactement ce qui s’est passé, peut -être s’est’il mit ‘hors domaine’ ? Le rallumage ? pas de problèmes,  comme écrit dans le dash-one…

“Alors là, vite,  le champagne”,  déclare le Cdt d’escadron.

C’est ainsi, dans l’euphorie générale de quelques pilotes et mécaniciens, que s’est achevé  le parcours des  F100  en Métropole, ponctué par un dernier vol ou l’on voit la “Bête” faire comme un pied de nez à un de ses pilotes des plus prestigieux. Mais, elle le ramène sain et sauf, comme pour embellir son histoire et marquer les esprits , à tout jamais, des hommes qui ont partagé tout ou partie de son aventure.

F 100 baladeur

 F 100 baladeur

Les membres de l’Amicale de la 11EC ont été informés récemment par mail que le F 100 installé sur la base de Metz revenait à Toul au conservatoire de la BA 136 construit par ENR. Vous trouverez ci-dessous un petit morceau de son histoire.

SARDA m’a raconté qu’il était aux commandes du F 100 N° 42131 quand il est arrivé de Bremgarten et que c’était le premier avion d’arme à se poser sur la piste de Toul, exception faite de la période Américaine (of course). Et il me semble aussi que c’est sur cet avion que le général BOICHOT, commandant de base à l’époque, a effectué son dernier vol sur la bête. Quand la mécanique lui a demandé si l’avion était bon ? Il a répondu par l’affirmative et lorsqu’il a rempli  la forme 11, il a mis  “Rallumage en vol OK”.

Et c’est aussi BOICHOT qui décida de le mettre sur stèle à l’entrée de la base sur un tuyau obtenu gratuitement d’une entreprise concurrente à Pont à Mousson SA. Je ne sais pas comment fut prise la décision de mettre les insignes du 2/11 (BOICHOT était du 2/11), mais ce ne fut pas du gout du 1/11 qui la nuit précédent l’inauguration officielle apposa les insignes de la Comédie et de la Tragédie. Je vous raconterai l’histoire dans un prochain article.

A la fermeture de la BA 136, devenue DA, le F 100 fit mouvement vers la base de Metz qui ferma à son tour en 2012. Se posa bien évidemment la question du devenir de cet avion emblématique à plusieurs points de vue. Et c’est d’EDF qu’est venu …. la lumière (facile celle là). En fait c’est sur une initiative du général DALL’AGLIO cadre chez ENR qui dut faire preuve de beaucoup pugnacité pour obtenir la réalisation du conservatoire de la BA 136, projet  accompagnant la construction de la centrale photovoltaïque en lieu et place de la BA136.

Une fois la destination connue, il fallait lui faire faire le voyage et avant tout le descendre de la stèle ; la manière dont il avait été fixé, son état de conservation, sa résistance à un levage,…posèrent beaucoup de problèmes et le résultat n’était pas acquis. Et là il faut féliciter l’entreprise de Mr Alain STEPHANOPOLI très connu dans le milieu aéronautique (et dont j’espère avoir à vous reparler) pour sa compétence ; comme le mentionne l’article paru dans (ci-joint) , le F 100 a pu effectuer son dernier vol.

Download (PDF, 109KB)

En 2014, date d’ouverture du conservatoire, vous pourrez le voir dans une alvéole de l’Escadron 2/11 ; retour à destination.

Les requins de la mer Rouge

Les requins de la mer Rouge

Quelques uns d’entre vous m’ont demandé d’où venait le dessin qui est en première page et qui est présenté ci-dessous dans sa version complète .

La réponse est au bout de ce lien http://toiles.volantes.free.fr/requins.htm.

Je vous invite à découvrir son site dédié à l’aéronautique ; ses toiles sont splendides.

Les requins de la mer Rouge
Les requins de la mer Rouge

C’est dans le cadre du travail que j’ai eu la chance de rencontrer Vincent MESLET qui, à mon sens, mériterait amplement sa place parmi les “peintres de l’Air” .

La plaquette de la 11EC.

Plaquette de la 11EC

Pour présenter la 11ème Escadre de Chasse, je vous propose une plaquette qui a été éditée e 1987, soit 10 ans avant la dissolution. 

Vous retrouverez le mot du commandant de la FATAC/1èreRA  et une présentation générale qui pour moi reflète bien l’état d’esprit de l’époque.

Bonne visite 

Les 4000 heures de la Fouine sur F100

6000h la Fouine

Les 4000 heures de la Fouine sur F100

Une fois n’est pas coutume, je vous propose aujourd’hui une vidéo trouvée sur Youtube.

Tous ceux qui sont passés à la 11EC à cette époque connaissent bien le LTT HAY qui a réussi l’exploit inégalé à ce jour ( pour ce que j’en sais) d’effectuer 4000 heures de vol sur un chasseur du même type. Il faut quand même savoir que d’une manière générale, c’est plus que ce que fait un pilote de chasse durant l’ensemble de sa carrière !

J’ai entendu dire que l’avion sur lequel il avait réalisé son vol était le même que celui de son lâché, qu’il n’y en plus eu derrière, qu’il n’avait jamais engagé de barrière,…

Si certains veulent ajouter des commentaires….