Être chasseur bombardier aujourd’hui (1983). Partie 1/2 : le pilote

Être chasseur bombardier aujourd’hui (1983) : Partie 1/2 : le pilote

Cet article que je vous propose en deux parties a été écrit par le Capitaine Michel CROCI dont nous avons récemment commémoré l’anniversaire de sa mort, survenue aux commandes de son JAGUAR lors d’une mission dans la région de Torodum au Tchad. Ce même article a été publié dans le numéro 56 d’AIRFAN en Juin 1983 et repris dans la plaquette éditée pour célébrer les 20 ans du JAGUAR. J’en profite pour remercier Patrick MORVAN qui a eu la gentillesse de scanner la plaquette et de me la faire parvenir.

Michel CROCI évoque la vie d’un pilote de chasse “bombe” (comme disent nos amis Belges) ; il faut prendre en compte que ça a été écrit il y a maintenant 30 ans, que les choses ont changé, mais que pour moi les fondamentaux sont toujours les mêmes. Pour les anciens, l’article vous rappellera bien des choses et pour les plus jeunes vous pourrez comparez avec ce qui se fait aujourd’hui. Bonne lecture.

JAG vue cockpit
Pilote de chasse sur JAGUAR

Le paysage défile très vite à 25O m/seconde et à environ 200 pieds d’altitude. Les détails s’estompent : une route, une rivière, un coin de forêt … à peine entrevu le repère est déjà dépassé. Il faut regarder partout : devant, derrière, sur les côtés, en bas, en haut car la chasse ennemie est active dans le secteur sans compter tous les missiles sol/air et la DCA légère équipant les troupes au sol.

Le chronomètre défile : 3O secondes… 2O secondes… voilà le point de repère choisi lors de la préparation de la mission. Top verticale. Maintenant il faut tenir le cap. Encore une colline à passer et apparaît, là-bas au fond de la vallée, une usine. L’objectif qu’il faut détruire. Encore quelques secondes pendant lesquelles les pilotes stabilisent l’épée  (repère du viseur) sur l’objectif. Dès le tir effectué, libérés de leur charge, les post combustion allumées, les avions basculent et rejoignent très vite la proximité du sol alors que se déchaîne toute l’artillerie sol/air des environs. Tout est réflexe, instinctif, chaque fraction de seconde compte. Il n’est plus question de regarder dans la cabine pour voir si ” la bille est au milieu “. Tout ce qui a été acquis à l’entraînement, parfois pendant des heures, va décider ici, en un instant de la réussite ou de l’échec de la mission. Utopie !  Non, simplement une possibilité mais peut-être que dans la réalité cela ne sera pas aussi facile et tous les pilotes de chasseur-bombardier en sont parfaitement conscients. Aussi l’entraînement n’est-il pas un vain mot, tous s’y adonnent avec ferveur et n’espèrent qu’une seule chose: être à la hauteur mais ne pas avoir à le démontrer. Au fait, quel est le travail d’un pilote de chasseur bombardier ? Que fait-il donc cet inconnu pendant toute sa carrière, comment est-il fait et où peut-on le trouver ? Vous en avez sûrement croisé dans la rue, mais vous ne l’avez pas reconnu parce que finalement c’est un homme comme tout le monde qui aime son métier, y sacrifie beaucoup de choses et de temps mais ne voudrait pour rien au monde en changer. Prenons un jeune pilote sortant d’école et arrivant dans un escadron de chasse pour la première fois. Appelons-le : Jean. Il vient de passer un bon nombre de mois pour emmagasiner le contenu de nombreux bouquins et effectuer environ 3OO heures de vol. Il a appris à piloter un avion sans avoir ” le nez dans la cabine “, faire un peu de voltige, poser un avion de nuit, voler aux instruments dans les nuages (VSV), tenir sa place en patrouille serrée, naviguer en haute altitude (HA) et en très basse altitude (TBA). Il a également touché du doigt la formation de combat et fait ” parler la poudre ” en Air/Air et Air/Sol. Maintenant notre ami Jean connaît aussi son avion d’armes (tout au moins en théorie) puisque la transformation initiale se fait dans un escadron spécialisé.

Un beau matin, l’allure fière et avantageuse, coupe de cheveux réglementaire et en grand uniforme, notre jeune premier débarque dans SON ESCADRON. Au secrétariat, il dépose ses pièces matricules et demande à être reçu par le commandant, un peu surpris malgré tout par les bribes de conversation qu’il peut entendre çà et là et qui tendraient à prouver que le chef serait plutôt “vache “, son second ” pas terrible “, la mécanique “peu sûre ” et que l’escadron tiendrait ses traditions d’un établissement réputé de Cayenne et non des Glorieux Anciens qui firent la Grande Guerre. Jean commence à se poser des questions : tout ce qu’il peut entendre ” par hasard ” le laisse très perplexe. Le chef étant très occupé, il a le temps de méditer. Enfin, il est introduit dans le sanctuaire: présentation réglementaire, un mot de bienvenue du patron qui lui pose une ou deux questions anodines :

– Faites -vous de la planche à voile ?

– Oui, mon Commandant.

– C’est pour cela que vous avez demandé à être muté dans MON ESCADRON ?

AIREX 1984
Accueil qui pouvait être réservé aux jeunes pilotes arrivant en escadron. On est en plein exercice à Toul au début du printemps.

– Euh … ben, non… mon Commandant.

Et la machine est lancée. Notre homme si fier tout à l’heure courbe l’échiné sous la vindicte supérieurement hiérarchique et se voit accablé de tous les maux de la terre et du ciel.

Il se retrouve dans le couloir ne sachant plus que penser. Joie ! Voilà un pilote sympa, vieux militaire qui se propose de lui faire l’honneur de cette p…. de boîte où l’on ne sait pas rire (ça, il s’en est aperçu !) et où l’on est plus souvent en déplacement ou de service qu’à la maison (grimace de la fiancée). Jean croise des gens ” très occupés “au regard condescendant, soupçonneux, voire un peu louche. Voilà même un soldat du contingent, râleur à souhait et un vieil adjudant-chef mécano qui refuse de dépanner un avion parce que les pilotes ne veulent pas l’aider à ” tomber ” un réacteur. Où va-t-on ? Là, le doute s’insinue dans l’esprit de notre jeune chevalier du ciel. Et si tout était faux. Oui bien sûr… Tout ou seulement un peu… Cruel dilemme qui restera ancré dans sa tête toute la journée. Ce lieutenant affable est-il ainsi d’ordinaire ? Ce commandant d’escadrille que tout le monde a l’air de détester, est-ce la vérité ? La visite faite dans les différents services de la mécanique n’apaisera pas ses tourments, au contraire. En prime, il se retrouve avec une chaussure peinte en rouge. Mais où est-ce arrivé ? Et cette poudre dans la casquette qui le blanchit généreusement lorsqu’il la met sur sa tête pour aller au bureau du colonel à qui il doit être présenté ? Même, et surtout, autour du pot de bienvenue traditionnel qui lui est offert après la fin du travail, Jean ne sait plus du tout s’il a envie d’être là,  d’être pilote ou garde barrière… qu’a-t-il fait pour mériter cela ?

cropped-Jaguar-neige-.jpg
Photo d’époque. Le A82 a moins de 50 heures de vol !

Après une nuit plus ou moins agitée, la deuxième journée commence plutôt mal. En effet, le soldat d’hier est maintenant lieutenant, le commandant est adjudant-chef mécano, le ” vieux mécano ” est commandant… Mais non, il ne rêve pas, tout le monde a le sourire et même le fou-rire avec la tête qu’il doit faire en ce moment. C’est mieux ainsi, tout est à sa place maintenant, le vrai travail peut commencer. Jean entre aussitôt en phase d’instruction (encore) et il va entamer sa progression de pilote de combat. Le pilotage pur, le vol sans visibilité, le vol de nuit sont maintenant des choses acquises qui se développeront et s’entretiendront au cours de tous ses vols à venir. L’aboutissement, le but de tout cet entraînement sera d’aller délivrer un armement donné sur un objectif donné avec le maximum de réussite et dans les meilleures conditions possibles. C’est là la finalité de toutes les missions d’assaut. Après un ou deux vols pour se familiariser avec son terrain et ceux des environs où il peut être dérouté en cas d’aggravation de la météo, il se retrouve très vite dans le vif du sujet. Il faut maintenant naviguer en très basse altitude ou en profil ” haut-bas-haut ” (HBH), à une altitude de 500 pieds (150 m) et une vitesse d’environ 400 kt (720 km/h ou 200 m/s) avec des repères de plus en plus petits. Il doit rester au plus près du trajet tracé sur la carte et respecter son ” timing ” à plus ou moins 10 secondes (minutage de la navigation). Les agglomérations, aéro-clubs, zones d’aérodromes, élevages divers, zones réglementées, interdites, dangereuses… sont autant de pièges qu’il faut éviter.

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Le ravitaillement en vol : un exercice toujours délicat et jamais gagné d’avance.

La sécurité doit être en permanence un de ses soucis majeurs. C’est regarder continuellement dehors pour éviter une collision possible avec un autre aéronef; savoir faire demi-tour à temps quand la météo se dégrade; savoir résorber une panne mécanique en vol ou tout au moins adopter les bonnes mesures pour se poser en toute sécurité. Pour cela, il ne volera jamais seul pendant cette période. Il aura toujours ” sur le dos ” un leader qui contrôlera son travail en vol, lui annoncera des pannes fictives pour lui apprendre à bien réagir, le déroutera volontairement de son trajet pour lui  apprendre à naviguer en impromptu, sans préparation. Toujours accompagné, il va commencer l’apprentissage de l’attaque au sol. Cela commence par le tableau noir, puis sur une carte par le choix du meilleur axe d’attaque en fonction de l’objectif (pont, tunnel, gare, usine, écluse, aérodrome, etc…), du relief, du soleil, des points caractéristiques au sol et évidemment en fonction de l’armement (canon, roquette, bombe lisse ou freinée). Il faut aussi calculer les éléments de tir : vitesse, angle de piqué, distance de tir, hausse, éléments pour le calculateur de tir. En un mot : il apprend la mise en œuvre du système d’armes de son avion au sol et en vol. Toutes ses attaques seront enregistrées par la caméra de restitution qui filme au travers du viseur; le film sera visionné et ” débriefé ” avec le leader au retour de chaque mission. Notre jeune pilote apprend donc à se servir de son avion comme il doit être utilisé : UN VECTEUR POUR DÉLIVRER UN ARMEMENT SUR UN OBJECTIF. Il doit pouvoir analyser correctement les pannes mécaniques en vol, adopter les mesures prévues et au retour du vol, restituer ses ennuis à ” la Mécanique ” qui se chargera du dépannage. Parallèlement à toutes ces missions, il effectue des vols en équipier où on lui demandera seulement de tenir sa place, de ” mordre le coussin ” que ce soit en manœuvre basse altitude, en poursuite ou en mission de combat en moyenne altitude. Il va apprendre (encore et toujours) à connaître les marges de manœuvre de son avion et les limites à ne pas dépasser, soit en monoplace, soit en biplace, avec un ancien en place arrière. En solo, il effectuera seulement deux types de mission : la voltige et des vols d’entraînement au VSV (Vol Sans Visibilité). Il faut ajouter à tout- cela, le tir Air/Sol au canon, à la bombe et à la roquette. Les premières missions seront du tir fictif et après restitution des films pour contrôler la présentation sur les cibles, Jean va commencer le tir de munitions d’exercices (inertes) sur l’un des champs de tir réservés à cet effet. Chaque pilote fera régulièrement des tirs pendant toute sa carrière. Périodiquement, il fera une campagne de tir Air/Air. A cette occasion, tout l’escadron se déplace vers Cazaux ; la mission unique pendant cette période sera le tir. Notre pilote va donc se retrouver sur cette base qu’il connaît déjà pour y avoir séjourné au cours de sa progression. Il va effectuer du tir Air/Air sur panneau en ligne droite (la restitution se faisant au sol en comptant les trous faits par les obus colorés armant les avions) et sur cible acoustique (restitution instantanée) en virage d’abord et, plus tard, évolutive. A la fin de cette phase d’instruction, Jean va se voir décerner la licence de Pilote de combat opérationnel (PCO) après plusieurs tests en vol et au sol. Il est maintenant apte à effectuer, seul, la mission de son escadron : l’assaut conventionnel. Il va pouvoir faire des vols en solo : c’est un moment qui compte, surtout le premier vol où l’on part pour une ” Nav TBA “, un tir au sol ou même un ravitaillement en vol sans avoir un ancien derrière pour ” chouffer “. Oui, le ravitaillement en vol ; c’est en effet à ce moment-là que s’effectue la transformation à cette nouvelle technique. C’est là une discipline inconnue de Jean, sauf par ouï-dire auprès des anciens. Il va s’apercevoir que si la technique vient très vite et si le ravitaillement en vol est relativement aisé par beau temps, ce n’est jamais gagné d’avance. Il faut à chaque fois en être conscient, sous peine de faire une ” fausse-queue ” – et ce n’est là qu’un moindre mal -… mais qui n’en a pas fait ?!

Il faut vaincre l’appréhension du contact en vol de deux avions par le panier et la perche interposés. C’est le premier contact qui  au départ, rend nerveux et fait crisper la main sur le manche, ce qui entraîne automatiquement des corrections aux commandes trop fortes alors qu’il faut agir en permanence avec souplesse pour pouvoir contrôler la trajectoire de son avion… au centimètre près. Pas d’innovation ; il n’y a qu’une méthode (elle marche bien) et il faut savoir y revenir si l’on s’en écarte; en un mot: Jean doit, ici comme en toutes circonstances, agir avec rigueur et se ” botter les fesses ” pour ” enquiller ” dans de bonnes conditions. A sa première mission, en vingt minutes derrière le C-135 F, il a fait de nombreux contacts (et de bons) et revient tout guilleret à l’escadron, conscient de son exploit (il n’a pas vu le petit sourire amusé du moniteur). Aussi à sa deuxième mission il part tout confiant. En 20 minutes cette fois, il a réussi à faire péniblement un contact et un certain nombre de ” fausse-queues “. Le retour est moins triomphant, pourtant il s’est donné du mal; il suffit de voir les traces de sueur qui maculent encore son visage et ses traits tirés par la tension nerveuse pour le comprendre. Heureusement, son moniteur (le brave) va lui expliquer tout cela au débriefing, ce sera très court : c’est normal, tout le monde y est passé et pour tous il y a une mission où ” ça ne marche pas ” (généralement après une bonne). En effet, méthodique et rigoureux notre ami termine sa transformation sans problème. Tantôt en équipier tantôt en solo ou en numéro 1 d’une patrouille de deux avions, il va mûrir et participer à toutes les missions de l’escadron et acquérir une expérience indispensable pour la suite de sa progression. Après cette période de “vieillissement “, il va se retrouver une fois de plus sur le ” banc de l’école “. Maintenant il lui faut apprendre à s’occuper d’un équipier, à conduire une patrouille de deux avions en assaut alors que la difficulté de ses objectifs à traiter augmente. En même temps, il va découvrir d’autres disciplines qu’il n’avait fait qu’effleurer en tant qu’équipier. Jean va toucher un peu à tout : interception en très basse altitude d’un raid, à l’aide du calculateur ou sur une simple information de cap à un point de passage  (figurant un guet à vue) et aussi un peu avec ” son nez “, interception avec combat en moyenne altitude où il va pouvoir ” remuer ” son avion. Ce sera également l’appui-feu en coopération avec l’armée de terre, c’est-à-dire l’attaque d’objectifs au sol (véhicules, troupes, matériel militaire…) aux ordres d’un spécialiste, lui-même sur le terrain, qui va lui désigner le but à traiter. Là encore, deux méthodes : soit classique, c’est l’officier de guidage terre l’OGT qui construit l’attaque; Jean ” plotte ” l’objectif sur sa carte à grande échelle (et découvre comment on pilote en tenant le manche entre ses genoux) et suit les indications données pour se présenter au point de cabré. Soit à l’aide du calculateur de navigation pour arriver au même point, mais cette fois-ci en se débrouillant seul pour arriver au bon endroit.

A54 à Toul
JAGUAR au décollage en configuration 6J (2 bidons) avec mission de tir air / sol.

Dans les deux cas, il est ” pris à vue ” par l’OGT pour l’ultime guidage en finale pour ” détruire ” le camion au coin du bois. Facile ! Un rapide calcul permet de lever le doute. Prenons par exemple une passe canon où la distance de tir est la plus courte (1000 mètres) : au point haut de son cabré Jean dispose – à une vitesse moyenne de 200 m/s – d’une douzaine de secondes pour découvrir l’objectif, l’identifier, stabiliser sa visée et tirer, douze petites secondes, c’est tout. De plus, essayez de vous représenter la taille d’un camion vu à 3000 mètres… C’est déjà beaucoup moins évident. Nouvelle discipline également : la reconnaissance tactique. Jean participe à une recherche plus concrète du renseignement à l’aide de la caméra panoramique de bord (OMERA 40) et aussi ” à la vue “, les deux méthodes étant intimement liées. Le renseignement est primordial et fait partie intégrante de toutes les missions. Il apprend où et quoi regarder, à se servir de sa caméra et surtout à restituer au retour de mission tout ce qu’il a vu avant d’exploiter son film avec le concours de l’officier de renseignement (OR). On lui demande donc d’être un spécialiste en attaque au sol mais aussi de savoir-faire du combat (pour éventuellement se défendre), de rechercher le renseignement en ayant avec lui un équipier. Il devient responsable de la patrouille, c’est à lui qu’incombent toutes les décisions en particulier sur le déroutement du vol en fonction des ordres de départ, de la météo rencontrée en vol, des pannes éventuelles pouvant affecter l’un des avions et des règlements du temps de paix qui lui imposent un cadre qu’il ne peut pas franchir. Il doit en permanence concilier sécurité et efficacité… et le choix n’est pas toujours simple. Tout ceci sera sanctionné par la licence de sous-chef de patrouille.

La suite est simple : c’est l’entraînement et le perfectionnement dans toutes les disciplines à son profit et une chose nouvelle, l’instruction des jeunes pilotes. Il va devoir restituer de son mieux au jeune PIM qui est avec lui (et qu’il a été, s’en souvient-il ! ! ) tout ce qu’il a appris, toute son expérience et son savoir. En plus, durant toute sa carrière, son menu quotidien est fait d’instruction au sol : briefing sur une partie de l’avion, sur la sécurité des vols, la “récognition ” (avions et matériels au sol), la réglementation aérienne, la circulation aérienne, etc…, l’activité aérienne (avec préparation, briefing, vol, débriefing) et aussi de travail plus terre-à-terre. Chaque pilote a une tâche annexe comme officier de tir, mise à jour de la documentation opérationnelle, des cartes de navigation, etc… Le sport aussi fait partie de la vie d’un pilote et il le pratiquera pour son hygiène personnelle mais aussi pour conserver la forme. Ce n’est pas une vue de l’esprit mais bien une nécessité. La fatigue due aux vols est de deux sortes :

– physique bien sûr, car les ” g ” sont vite pris et s’ils sont encaissés sans broncher il y a fatigue musculaire ;

Décollage pour une mission de tir réel
Décollage pour une mission de tir réel

– nerveuse et c’est certainement la plus insidieuse ; pour une mission ” pointue “, la tension nerveuse est présente durant tout le vol et si un pilote se relaxe un peu après un vol, vous pouvez être certain que ce n’est pas par fainéantise. Certaines missions sont plus fatigantes aussi du fait de l’équipement particulier ; comme ces combinaisons étanches pour le survol maritime qui sont des petits saunas individuels et portatifs. Bien sûr, Jean a aussi des examens au sol à préparer qui portent sur la météo, la circulation aérienne, la guerre électronique, le NBC, l’appui-feu et aussi la connaissance de la langue anglaise. Notre pilote a donc de quoi s’occuper, sans oublier les vols de nuit (très tardifs à la belle saison), les manœuvres nationales qui demandent une très grande disponibilité, les manœuvres et exercices particuliers en coopération avec l’Armée de Terre ou la Marine et même avec les armées de l’air étrangères, la pratique régulière du simulateur de vols et les exigences du métier de militaire (tours de service, permanence…) : voilà de quoi varier le menu et agrémenter quelques soirées et week-end. Après avoir bien ” vieilli “, il se retrouve une fois de plus sur le ” banc de l’école ” pour la qualification supérieure. Pour cela il aura la responsabilité d’une patrouille de quatre avions et son entraînement portera sur toutes les disciplines déjà citées ; le cadre des missions sera beaucoup plus complexe. Il devra faire la preuve de sa compétence et de son efficacité, de son esprit de jugement et de décision. La sanction en sera l’attribution de la licence de chef de patrouille. Pendant toute sa carrière, le pilote de chasse est un ” potache “. Il a toujours quelque chose à apprendre et chaque mission est une remise en cause de son savoir, de son expérience. Aucun pilote n’est à l’abri de se ” bâcher ” au cours d’un vol. Maintenant Jean est un ” vieux briscard ” et son expérience sera précieuse au sein de l’escadron. Ce petit tour d’horizon sans prétention serait totalement incomplet si nous ne parlions pas d’une race obscure, travaillant sans compter les heures pour ” sortir ” les avions nécessaires à l’accomplissement des vols, je veux parler de ” la Mécanique ” avec un grand ” M “. Sous le terme de ” la Mécanique ” sont regroupés tous les spécialistes indispensables pour la mise en œuvre, le dépannage et l’entretien des avions. La complexité des avions modernes a nécessité ce cloisonnage en spécialités. En effet cette machine que l’on peut voir sur le parking où en vol renferme dans ses flancs le dernier cri de la technologie que ce soit en électronique, en motorisation (le réacteur est très simple de par son principe mais très élaboré dans sa conception mécanique), en mécanique (commande de vol, train, volets), en équipements de survie (siège éjectable, parachute). C’est pourquoi, sous les ordres d’un officier et de son adjoint, la mécanique se compose d’un certain nombre de ” services ” : piste (mise en œuvre des avions), système de navigation armement SNA (électronique), électricité, sécurité sauvetage, armement, etc… Chacun dans sa spécialité reçoit une formation très poussée et continue. Le travail peut se résumer en trois expressions : mise en œuvre des avions, dépannage et entretien. La mise en œuvre consiste en la vérification du bon fonctionnement des différents systèmes de l’avion, le remplissage des différents réservoirs (kérosène, huile moteur, hydraulique) et le chargement des avions (montage et démontage des pylônes, bidons supplémentaires, lances roquettes, armement des canons, etc…). Dès le retour au parking, ces mêmes spécialistes vérifieront l’avion même si le pilote n’a signalé aucune panne, avant de le passer ” dispo ” pour le vol suivant. Si une panne est signalée au retour de mission, le dépannage est aussitôt entrepris. Cela commence par une discussion avec le pilote pour essayer de cerner au plus près l’organe défectueux (symptôme, action du pilote et résultats) ; la pièce ou l’appareil incriminé est démonté et changé puis son fonctionnement vérifié selon des procédures bien établies. Rien n’est laissé au hasard. Un écrou mal serré, une vis oubliée dans l’avion peuvent être à l’origine d’une catastrophe.

C’est un travail qui demande compétence, rigueur et méthode. Un dépannage peut durer de quelques minutes à plusieurs jours. Si l’avion fait défaut, le travail sera poursuivi quel que soit l’heure de la journée et parfois de la nuit. De même la mise en œuvre des avions sera faite quel que soit le temps : froid, pluie, glace, soleil n’arrêtent pas pour autant le travail. L’entretien des avions comporte la révision systématique des différents organes.

Les heures de vol de chaque avion sont comptées et périodiquement toutes les 25 heures, 50 heures… de vol des vérifications sont faites suivant un programme bien défini. Certaines pièces sont changées à priori en fonction de leur vieillissement. Plus les avions accumulent les heures de vol et plus les visites seront approfondies, d’où la nécessité d’établir un calendrier pour échelonner et le travail des mécaniciens et la ” dispo max ” de la flotte aérienne. Bien évidemment, le mécanicien n’échappe pas aux impératifs militaires : lui aussi prendra les mêmes tours de service que le fourrier ou le secrétaire. Comme l’a dit un officier mécanicien pour un reportage effectué par FR3 : ” chacun dans sa spécialité est fier d’effectuer le travail qui lui incombe “. J’ajouterai que lorsque le pilote part en vol, il ne se pose pas de question sur la qualité du travail effectué par sa Mécanique : il lui fait totalement confiance.

Fin de la première partie

Cérémonie à la mémoire du capitaine CROCI

Cérémonie à la mémoire du capitaine CROCI

Je reviendrai plus longuement sur Michel CROCI et sur la mission du 25 Janvier 1984, mais je voulais vous avertir qu’une cérémonie est organisée à sa mémoire, le 29 Janvier 2014 sur la base aérienne 106 de Bordeaux.Cne Croci (EC4.11)

Le capitaine CROCI, commandant d’escadrille au 4/11 a trouvé la mort lors d’une mission de reconnaissance à Torodoum (Tchad) au cours de l’opération MANTA.

JAGUAR sur Facebook

JAGUAR sur Facebook

Construire un site web n’est pas évident (j’en sais quelque chose), mais créer sa page Facebook est beaucoup plus accessible. En faisant le tour sur Facebook, j’ai trouvé quelques pages intéressantes que je vous propose de visiter.

Il y a notamment 2 pages qui sont dédiées au Jaguar ; (plus celle de Pilote-chasse-11EC qui reprend en un peu différent, ce que je vous propose sur le site) .
Pour y accéder, il faut avoir un compte Facebook (ça demande 2 minutes) et ensuite dans la fenêtre de recherche vous tapez :

Les anciens du Jaguar ; groupe privé auquel vous pouvez avoir accès si vous avez été sur Jaguar : pilote ou mécano. Actuellement il est un peu orienté 7EC, mais on trouve aussi des gens de la 11EC. Pas mal de photos et surtout la possibilité de retrouver ou d’avoir des nouvelles de vieilles connaissances. Juste histoire de, un doc récupéré sur la page.

1472838_10201673876261261_1522931295_nJaguar, un avion, une carrière ; page réalisée par un passionné, qui comme le laisse présager le titre, parle du Jaguar et encore du Jaguar. Allez y, vous retrouverez plein de photos de l’avion, que ce soit de la 7EC, de la 11EC ou d’ailleurs. Deux photos venant de la page.

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60 ans de Chasse !
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Le Jaguar de la dernière journée

Et puis aussi Puissance aérienne, La Guerre vue du ciel et bien d’autres dont j’espère vous me ferez part.
Bonnes visites

Premier JAGUAR à Toul

Premier JAGUAR à Toul

C’est en Novembre 1975 à l’escadron 3/11 que le premier Jaguar, un biplace, s’est posé à Toul. C’est un moment fort car cette arrivée symbolise le passage de témoin entre le F100, “l’avion d’homme” et un avion tout neuf qui allait par la suite écrire des belles pages de l’histoire de l’aéronautique.
La transition ne fut pas des plus faciles et je me souviens d’une colère du LCL Richalet commandant d’escadre, menaçant lors d’un briefing météo, ceux qui avaient la nostalgie des avions américains, de les envoyer à Nancy sur T33 au CEVSV (les tontons maquettes de l’époque). Ambiance

Je vous joins 3 photos de son arrivée mais j’avoue manquer de détails à ce sujet et je suis donc preneur d’informations.

Je vous ai déjà présenté la photo des pilotes, mais à l’époque il était question d’un convoyage ; si quelqu’un peut me dire ce qu’il en est….

Je vous mets les infos que je viens de recevoir via Facebook par un commentaire de C.Meyer

07 Février 1975 à 16h56Z : posé à Rosières du 1er Jaguar de la 11, le 11-RA E29. Le vendredi 13 Juin suivant se posent 4 Jaguar E (aux commandes CDT Salmon, CNE Boudet, Jantet et Robert, les 4 premiers pilotes de Jaguar de la 11ème E.C). A la prise de Commandement du 3/11 par le CDT Sauvebois du 2 Septembre 1975, il y a 8 Jaguar (tous des E) à l’Escadron…. Courant octobre le Corse dispose de 11 biplaces. En novembre, ce sont les premiers monoplaces qui sont arrivés, le chef de file étant le 11-RK A48.

Quant à la photo des pilotesce n’est pas la bonne. C.meyer (again) :

La 3ème photo est celle du PN de la 1ère mission CAFI Toul-Djibouti du 10 Décembre 1975. 6 pilotes pour 3 Jaguar E : 11-RC E30, 11-RH E33, et 11-RX E36 de la photo.

Don’t act ; en bref, un peu tout faux sauf la photo des mécanos et de l’avion.

 


Première_équipe_pilote_au_3.11_2
La première équipe de pilote Jaguar à la 11EC (à confirmer)
1975_JAG_E29_première_équipe_mecano_à_la_11_filtered
Première équipe mécanos
1975_JAG_1°_arriv_BA136
Arrivée du premier Jaguar à Toul

La plaquette de la 11EC.

Plaquette de la 11EC

Pour présenter la 11ème Escadre de Chasse, je vous propose une plaquette qui a été éditée e 1987, soit 10 ans avant la dissolution. 

Vous retrouverez le mot du commandant de la FATAC/1èreRA  et une présentation générale qui pour moi reflète bien l’état d’esprit de l’époque.

Bonne visite 

Gloire au JAGUAR !

Gloire au JAGUAR

Encore une fois c’est avec l’accord de  l’AEA et aussi de l’auteur Patrick Jelensperger que je vous propose aujourd’hui un article sur les missions réalisées par le JAGUAR. Il s’inscrit dans la logique de celui des Rafales au dessus du Mali ; vous apprendrez que la mission Saint Dizier / N’Djamena effectuée dans le cadre de l’opération SERVAL n’est pas la plus longue jamais effectuée par des avions d’arme Français. Les contextes et les époques sont différents et je crois qu’il faut voir cet article comme une sorte de clin d’œil aux pilotes d’aujourd’hui.

MISSION LONGUE / OPERATION CHEVESNE

Le dernier numéro du Piège décrivait dans le cadre de l’opération « Serval » la première mission RAFALE de Saint-Dizier à, N’Djamena en passant par le Mali pour une mission de bombardement, durée du vol affichée : 09h41. C’est sans aucun doute la plus longue mission de bombardement effectuée par la chasse française, mais pas la plus longue sans bombardement.

Revenons en 1983, soit il y a 30 ans. A cette époque, le Liban vivait des moments difficiles, des troupes françaises s’y trouvent. La force aérienne est constituée de Super-Etendards de l’aviation embarquée. Le 22/9 ceux du P.A.  « Foch » effectuent avec succès une attaque des batteries syriennes. Le 23/10 des attaques kamikazes sont dirigées vers les troupes américaines (241morts), et vers un poste Français situé dans l’immeuble « Drakkar » (58 paras tués). Le 17/11, 8 SuE du « Clemenceau » effectuent un raid sur un camp terroriste près de Baalbek. Mais une indisponibilité du P.A. l’obligera à revenir en métropole, il n’y aura donc plus de force aérienne de combat disponible sur place.

La FATAC doit alors être prête à, assurer éventuellement cette mission, depuis le « porte-avion » de l’Armée de l’Air, c’est-à-dire Solenzara. Cette mission revenait à la 11° escadre, mais les calculs montraient une durée de vol très largement supérieure aux 5 à 6 heures de vol auxquelles ses pilotes (et les avions) étaient habitués avec les opérations africaines (Tacaud, Lamantin, Manta…). C’est pourquoi une première mission d’endurance de 07h30 est effectuée le 16/11 par 2 avions au dessus de la France. Il est ensuite décidé d’effectuer une mission équivalente, plus longue pour évaluer la bonne tenue des pilotes et des avions. Elle est effectuée le 15/12 par 2 avions au départ d’Istres. Les pilotes sont astreints à quelques tests médicaux, les avions sont sélectionnés selon divers paramètres faible consommation d’huile, bonne étanchéité du circuit d’oxygène). Le trajet est très simplement un aller/retour vers Dakar selon la route traditionnelle de mise en place en Afrique, le long des côtes espagnoles, puis marocaines et mauritaniennes. Le demi-tour sera fait avant d’arriver à Dakar, aux environs de Nouadhibou. Pour cela, 2 C135F sont nécessaires, le premier effectue le trajet aller, le second mis en place préalablement à Dakar, décolle sur ordre du premier et vient à la rencontre de la patrouille pour ramener les 2 Jaguars vers la France. Il y a déjà 4h20 de vol affiché. Le retour se fait sur le même trajet, et est poursuivi, comme presque tous les convoyages retour d’Afrique jusqu’à Toul, cela avec un fort vent de face. Le décollage a eu lieu de nuit (nous sommes en octobre), l’atterrissage à Toul également, le vol a duré 10h20. A part les vols sur Mirage IV, c’est certainement la mission la plus longue effectuée par des avions de combat…… Les pilotes et les avions ont montré leur bonne tenue, la FATAC et la « Onze » étaient ainsi prêtes à assumer une mission au Liban depuis la métropole, en attendant la disponibilité du P.A.

Début janvier 1984, l’escadron 3/11 « Corse » est mis en place avec « Armes et bagages » à Solenzara pour cette opération dont le but est un bombardement sur le Liban, et qui reçoit le nom de baptême « Chevesne » (8 Jaguars et 3 C160 pour le matériel). Des vols d’entrainement sont programmés presque quotidiennement, cela d’autant plus que l’arrivée sur la Corse en très basse altitude par l’ouest ressemble à l’arrivée sur le Liban, vallées encaissées, relief identique, etc….. C’est ainsi que des vols avec percée en méditerranée à 100 NM à l’ouest de l’ile, achevés par des tirs sur le champ de tir de Diane sont effectués. La coopération avec la Marine nationale est concrétisée par des briefings des pilotes de la 17 F qui avaient volé au dessus du Liban. Au bout de quelques jours, la mission est prête, cartes, ravitaillements, conduite à tenir avec les CME, phimat, barracuda et leurres.

Le 18/01 l’ordre arrive à Solenzara, c’est pour demain, une mission de reconnaissance au dessus de la Résidence des Pins qui est l’Ambassade de France, la météo sera bonne. A 08h30 décollage de 5 Jaguars (La patrouille de 4 plus un spare qui rentrera). La rejointe sur 2 C 135F qui avaient décollé d’Istres est réalisée, la navigation suit un trajet côtier par la pointe de la botte italienne, le sud de la Crète et Chypre. Au cours de cette navigation la patrouille reçoit la visite de 2 F14 de l’US Navy qui l’escortent quelques minutes avant de les quitter bien amicalement. La côte libanaise apparait, la percée est effectuée, un recalage des calculateurs est fait au dessus du « Suffren », et à 12h00, à 500 Kts la patrouille survole la capitale, caméras OM 40 en fonctionnement, toutes CME sur marche, des paillettes et les leurres infrarouges sont largués, de façon à marquer la présence des cocardes françaises, pour la population et nos troupes au sol. La remontée et le retour se déroulent comme prévu, les 2 C 135F du trajet aller sont vides, mais 2 autres venus également d’Istres sont normalement au rendez-vous pour assurer le retour vers Solenzara. La mission aura duré 6h45 et nécessité 5 ravitaillements. Dès l’atterrissage les films sont développés, et les clichés convoyés par un Jaguar vers les autorités parisiennes via Creil. (Nous sommes en 1983, l’informatique balbutie…). A cette époque les Jaguars sont également sur la cote ouest des Etats-Unis pour l’exercice « Red Flag », tandis que le 4/11 est en Afrique. Cela permet à un responsable de la FATAC la célèbre phrase « Le soleil ne se couche plus sur la FATAC » ; un autre a dit ensuite « il y a 2 catégories de pilotes, ceux qui ont fait du Jaguar, et les autres ». Après cette mission, le dispositif reste en place, mais, il n’y aura pas de seconde mission. A la fin du mois, le « Clemenceau » reprend la mer vers Beyrouth, et le 26/01, tandis qu’il passe au large de la Sardaigne, une patrouille de 7 Jaguars effectue un passage TBA pour lui souhaiter bonne route vers sa destination. L’équipage était sur le pont, mais pour nos pilotes la piste est vraiment courte……

En matière de missions longues effectuées par avion de combat, il ne faut pas, oublier celles des Mirage IV. Si ce n’est pas réellement un avion de chasse, c’est néanmoins un avion de combat, d’ailleurs ses missions les plus longues étaient des missions de reconnaissances stratégiques. La première eut lieu en 1975 dans le cadre de « l’affaire Claustre ». Celle du 10 mai 1978, soit il y a 35 ans, une durée de 9h30 de vol avec 6 ravitaillements, quasiment la durée de la mission Serval-Rafale. C’était une mission de reconnaissance sur le nord Tchad, Zouar, Faya et Bardaï. Mais la plus longue est effectuée le 18 février 1986 après la destruction le 16 février de la piste libyenne d’Ouadi-Doum par une patrouille de 11 Jaguars de la 11° escadre ; mission de reconnaissance après décollage d’Istres pour un retour à Bordeaux, soit 11h00 de vol dont 30 minutes à Mach 2 /50.000’ et 48 tonnes en 12 ravitaillements délivrés par 4 C 135F. Comme pour Chevesne, les images sont développées sur place et convoyée vers la capitale par Alphajet.

Ces rappels ne sont en aucune façon une dépréciation de la mission des 4 Rafales, mais une précision historique rappelant que plusieurs décennies auparavant, les prédécesseurs des «  Rasoir Alpha » avaient déjà inscrit de belles pages dans l’histoire aéronautique française avec des avions d’une génération antérieure : le Mirage IV, mais aussi cet avion tant décrié, mais si attachant et efficace pour ceux qui l’ont pratiqué, le Jaguar. A l’époque pour les Africains, Avion se disait « Jaguar ». Cet avion s’est ensuite illustré par des actions réelles au cours de la Guerre du Golfe, puis en ex-Yougoslavie.

Ce récit est issu de mes souvenirs, mais également de 3 livres :

Le félin Franco-anglais en action : le Jaguar, d’Alain Vezin

La GE sur M IV (témoignages) édité chez Lavauzelle

Le Mir IV, bombardier stratégique d’Hervé Beaumont édité chez Larivière.

A l’époque, j’étais le second de la Onze, j’ai leadé le passage au dessus du Clemenceau.

Les photos sont toutes origine 11 EC

La phrase en italique n’a pas été reprise dans le piège,

Le piège a nommé Hervé LONGUET comme l’auteur de la phrase : »il y a 2 catégories……………….

PHOTO AMBASSADE DE FRANCE
Maison de l’ambassadeur de France à Beyrouth
patrouille 2
Les Jaguars au dessus du Clemenceau
message clemenceau
Message du Clemenceau
patrouille 4
Les Jaguars… sans le Clemenceau

Qui, Quand et de Quoi s’agit’il ?

Les histoires de la 11EC, de la 7EC et de l’EC 3/3 ont le Jaguar en commun. Souvent ils se sont retrouvés, croisés ou bien éloignés. C’est un peu ce que traduit cette photo que je vous propose dans le but de retrouver les acteurs ainsi que les circonstances dans lesquelles elle a été prise.

3.3
Manifestation : 3 participants selon la FATAC, 50 selon les organisateurs

 

Atterrissage sur le bidon à DAKAR

Jaguar A 157 atr sur bidon Dakar 02.

Dans la vie, il y a deux sortes de pilotes : ceux qui un jour se sont posés en oubliant de sortir le train, et ceux qui sont susceptibles de le faire.

Ce devait être un convoyage simple, standard, normal. (1)

La mise en place des trois avions (spare compris) eut lieu le jeudi 4 mars 1982, sur la Base Aérienne d’Istres.

Après le briefing de convoyage, avec l’équipage du ravitailleur, on se retrouvait tous logés à l’hôtel à Istres. (2)

Le lendemain, le vendredi 5 mars, à part un lever encore plus matinal lié à cet hébergement en ville, tout se déroulait normalement jusqu’à la première panne du KC 135 qui nous obligeait à annuler temporairement la mission. (3)

Je ne saurais dire, aujourd’hui, combien de pannes il a eu ou si, tout simplement, cette panne a duré toute la journée ; je sais que nous avons effectué plusieurs briefings, donc plusieurs tentatives de décollage, mais le dernier avait porté plus spécialement sur la détermination de l’heure limite d’envol pour tenir compte de l’heure de la nuit, au niveau de vol, au large des canaries, pour le dernier ravitaillement en vol. Nous n’avons pas eu à affronter ces conditions extrêmes. La mission a été reportée au lendemain.

Nous avons rejoint nos chambres mais cette fois sur la Base : le personnel féminin de la RAM (région aérienne méditerranée) avait terminé son rassemblement et donc vidé les lieux.

Le second jour, le samedi 6 mars, tout se passa bien et nous prîmes notre envol, normalement ; je n’ai pas souvenir d’un quelconque problème en vol, lors de ce convoyage mis à part l’atterrissage.

Nous venions de terminer notre dernier ravitaillement, le petit complément de sécurité et nous entamâmes notre descente vers l’aéroport international de Dakar, pour laisser la place, auprès du Boeing, aux quatre avions du détachement ; ils profitaient de ces convoyages pour faire des entrainements Ravito.

Malgré les conditions VMC, le VOR fut indispensable pour rejoindre la verticale piste de cet aéroport noyé dans la “Brumasse” ; nous sommes partis au break et je me souviens d’avoir essayé de ne pas perdre de vue, ni mon équipier, ni la piste.

Au moment de toucher des roues, il me reste encore cette sensation d’enfoncement (parce que trop haut) et, très rapidement, une curieuse analyse du bruit entendu me fait annoncer : ” j’ai éclaté les pneus” puis ” Je roule sur les jantes”…

Ensuite tout se passe rapidement, je contrôle cet avion, au pied jusqu’au bout, et je le vois s’immobiliser en même temps que l’aile droite bascule au sol, comme un planeur ; je n’ai toujours pas réalisé. Je coupe les réacteurs, ouvre la verrière et, voyant quelques flammèches au niveau du bidon, me débrêle, saute au sol et courre vers le bord de piste pour m’éloigner de cet avion que j’imaginais prendre feu. Après quelques dizaines de mètres, je découvrais un spectacle ahurissant : un avion, train rentré, calme et serein, posé sur son bidon ventral et son saumon d’aile droite.

Je m’attendais à toute autre chose et je commence à comprendre ce qui s’est passé : la piste, l’équipier, la piste, l’équipier…mais au fait où est-il mon équipier ? On me rassure rapidement en m’annonçant qu’il s’est dérouté à Thiès (4) ; enfin une chose positive : ce déroutement avait été briefé à chaque fois que nous avions fait une tentative de départ d’Istres !!!!!!!!

Tout aussitôt, et là rien ne vous étonnera de la part de nos mécanos, arrive un tracma avec sa remorque de roues, puis une grue. Le commandant en second de la Base de Ouakam (5) est rapidement là également et me réconforte très chaleureusement quand monte en moi, à postériori, toute l’émotion liée à l’analyse de la situation et aux conséquences d’un atterrissage où j’aurais été subitement conscient de “ma non sortie de train” : remise de gaz, décalage de l’allumage des PC, couple et probablement une catastrophe qui n’aurait rien eu en commun avec cet atterrissage de vélivole.

Je suis revenu vers cet avion pour finir le travail (coupure des instruments et de tout contact électrique……) et constate que je suis sorti à gauche, par habitude ou réflexe, et que j’ai sauté à terre d’une hauteur bien plus importante que si j’avais accompli la même action du côté droit (l’avion s’était affaissé sur son aile droite !!!) ; très rapidement les mécanos sont montés sur les ailes, ont ouvert les trappes adéquates et accroché l’avion aux élingues de la grue. Ce jaguar s’est retrouvé suspendu à la grue mais le déplacement de l’ensemble a commencé à donner à l’avion un mouvement de pendule. “Arrêtez tout : cet avion n’a rien et nous risquons d’avoir de plus gros dégâts en le faisant tomber au sol” s’est écrié le commandant en second de la base ; l’avion est resté suspendu à la grue un certain temps qui n’a pas permis de trouver rapidement un chauffeur de semi-remorque (la base était fermée ; voir renvoi 5). Je ne sais dire qui a eu cette idée géniale : ” Si on mettait un groupe et qu’on actionne la manette de train, on pourrait sortir le train au complet, reposer l’avion au sol et le tracter ” ! Pourquoi n’y avions-nous pas pensé plus tôt ? En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ce fût fait et l’avion se retrouva sur le parking du détachement jaguar avec un bidon ventral diminué de moitié, un saumon d’aile râpé (le droit) ainsi qu’une quille arriérée.

Si mon équipier s’était posé à Thiès, les quatre jaguar du détachement décidaient de se poser sur la piste transversale et secondaire (rarement utilisée) et je pus assister au dégonflage des seize pneus qui avaient souffert d’un freinage d’urgence ; j’avais peut-être réussi le plus bel atterrissage de ma vie mais j’avais aussi foutu un sacré bordel ; heureusement, le trafic de l’aéroport international de Dakar-Yoff, à cette époque de l’année et à cette heure-là n’était pas très important: il n’y eu que trois avions déroutés au Cap-Vert dont le Boeing ravitailleur (6).

Après ne mon passage à l’infirmerie et les examens effectués n’ayant montré aucune anorexie où toute autre anomalie qui aurait pu justifier cet “accident”, je me retrouvais à table avec tout le personnel de ce détachement dont un de mes camarades de promotion était le chef. J’ai eu tout le loisir d’entendre les louanges des pétafs (armuriers) qui n’en revenaient pas de voir qu’après démontage et essais, rien n’avait souffert au niveau du ventral hors le bidon qui découpé comme il l’était ressemblait à ce genre de matériel que l’on voyait dans les ETIS pour la formation du personnel.

Ce n’était pas fini, il fallait rendre compte, rédiger les messages et les comptes-rendus S.V (sécurité des vols). Les Moyens Opérationnels de la Base (des transporteurs) comptaient sur l’expertise du détachement et attendait le retour du Boeing, avec notre commandant en second d’Escadre à bord.

La bible, en matière de Sécurité des Vols, nous imposait la rédaction d’un compte rendu d’incident léger ; on avait beau la retourner dans tous les sens, la bible était la bible et je m’en trouvais fort aise. “Ça ne va pas ! Vous me voyez téléphoner au GRAND YAKA (7) et lui dire qu’un jaguar a eu un incident léger, en lui détaillant ce qui s’est passé” s’exclama notre futur commandant d’Escadre. Je crois qu’il mit longtemps à se décider mais après avoir repris la bible dans tous ces chapitres et renvois ou annexes qui la rendaient barbare, il fallut bien se rendre à l’évidence : je venais de commettre un incident léger !!!!!!!!! (8)

Je passe rapidement sur le coût de la soirée que j’ai offerte au restaurant des Almadilles pour fêter cette “résurrection” pour m’attarder sur la remise en condition du Jaguar “incidenté” ; le matériel reçu et remonté en lieu et place de celui qui avait été endommagé, l’avion faisait un vol de contrôle et était déclaré bon par le chef de détachement en place. Que nenni, c’était sans compter sur le jugement dubitatif de nos officiers mécaniciens d’état-major ! Force Schumac (chaudronnier) fut envoyée avec lunettes et tout le nécessaire à mesurer l’avion et ses distorsions éventuelles subies lors de cet atterrissage sur le bidon ventral. Et bien non ! Cet avion remesuré était moins tordu qu’à sa sortie d’usine (9).

J’ajouterais que c’était mon premier convoyage en tant que leader, que mon numéro 2 (on le surnommait Fifi) effectuait son premier convoyage après transfo-ravito et qu’une grue Pinguély (capable de transporter un jaguar sans risque de renversement) attendait tranquillement dans le port de Dakar que les formalités de dédouanement fussent accomplies.

Voilà tout est dit sur ce convoyage normal qui s’est déroulait de façon anormale mais dont je garderais toujours le souvenir du “plus bel attero de ma vie”.

(1) Deux avions pour une relève de potentiel avion au sein du détachement en place à Dakar.

(2) La Région Aérienne Méditerranée (RAM: peut-être qu’à l’époque elle portait encore le numéro 4) accueillait tout son personnel féminin sur la Base pour un congrès/séminaire ou quelque chose d’équivalent; toutes les chambres de l’hébergement étaient occupées.

(3) L’immatriculation du Boeing était CC : Charlie deux fois ; on le surnommait surtout “Casse-Couille”. Je ne sais pas si cela est arrivé à tout le monde, mais quand j’étais en présence de cet avion et d’un certain “Boomer», dont j’ai maintenant oublié le nom, tous les ingrédients étaient réunis pour se confronter à quelques problèmes.

(4) Il est peut-être le seul à s’être posé sur ce terrain de déroutement.

(5) Normalement les bases outre-mer fonctionnaient sur un rythme de six matinées travaillées et du dimanche chômé, avec un total d’heures de fonctionnement équivalent à celui effectué en métropole. Ce samedi 6 Mars était le premier samedi de l’application d’un régime différent : cinq matinées travaillées et le week-end chômé.

(6) Le Directeur des vols de ce convoyage était notre commandant en second d’escadre qui profitait de ce convoyage pour mettre les pieds pour la première fois en Afrique en prévision d’une éventuelle reprise des opérations africaines sous son futur commandement.

(7) On le surnommait le GRAND YAKA parce que c’était un grand chef !

(8) Il y a accident quand il y a mort d’un membre de l’équipage ou d’une personne tierce extérieure : ce n’était pas le cas ! Grave ou léger, seul le montant des dégâts causés ou subis fixe la limite entre les deux statuts : malgré le coût des équipements à renouveler (bidon, saumon et quille), le montant du préjudice fut bien inférieur à cette limite.

(9) Le jaguar avait une structure travaillante en nid d’abeille et la cellule avait une norme dans une fourchette autour du zéro.

 

NDLR ; Fifi ne s’est pas posé à THIES. Il nous raconte sa vision des choses juste après.

La photo du jour

Bon d’accord, ça ne s’est pas passé à Toul et au sein de la 11EC, mais comme le vol s’est effectué sur JAGUAR on se sent forcément concerné.

La question du jour ce n’est pas qui, parce que je pense que vous l’avez reconnu, mais quand ? Pour ce qui est du ou ? c’est à Saint Dizier. Si certains ont assisté au vol ou si vous avez quelque anecdote à raconter à ce sujet, n’hésitez pas à  laisser des commentaires.

Chirac
Le président Chirac juste après son vol sur Jaguar

Le 3/11 à Rivolto

Rivolto 3/11

Le capitaine BIZE (de l’époque) m’a fait parvenir une série de photos commentées sur le DETAM du 3/11 à Rivolto pendant les mois de Juillet à Septembre 1993.

Il manque quelques noms et si vous avez des commentaires, anecdotes, je ne manquerai pas de les inclure.

Merci à BIZE et allez visiter son site dédié à la base de TOUL ROSIERES 136fr