F100 : tir roquettes AIRCENT

 

En 1969, je suis désigné comme arbitre au sol à un concours de tir aérien organisé par AIRCENT à Norvenich (RFA). Bien qu’ils ne fassent plus partie de l’OTAN, les Français et leurs F-100 y sont invités et, pendant une bonne semaine, nous vivons une expérience unique avec la fine fleur des chasseurs bombardiers alliés. C’est à cette occasion que j’ai pu effectuer un vol sur F-104 biplace de la Luftwaffe. Cet avion, qui a tué une bonne centaine de ses pilotes, avait une réputation de cercueil volant. Avec un arbitre allemand en place avant, nous avons contrôlé la navigation d’un candidat et, sur le chemin du retour vers la base, j’ai pu prendre les commandes. Ce qui m’a d’abord surpris, c’est la réactivité et la puissance du moteur.

L’aiguille du badin paraissait liée à la manette des gaz par une tige métallique, à peine élastique. Puis j’ai demandé à manœuvrer l’avion. Nous sommes montés vers 2000 pieds et, à 400kt, j’ai essayé de serrer un peu un virage. Vers 4G, grosses vibrations dans le manche et hurlement du pilote place avant qui se précipite sur les commandes. Pour évoluer, même à grande vitesse, il faut mettre les volets de combat… Grâce aux bords d’attaque basculants, aux volets et à l’aile soufflée, la finale est classique.

Même de la place arrière, la visibilité est excellente.

Un soir, au bar, un senior pilote des F-100 de l’équipe de l’USAF interpelle le lieutenant français Jean-Joseph Brie :

Tu me parais bien jeune pour concourir. Quel âge as-tu? Combien d’heures de vol?

J’ai 27 ans et 700 heures de vol.

Je ne te demande pas combien tu as d’heures de vol sur F-100, mais ton nombre d’heures de vol total.

J’ai 700 heures de vol au total dont 350 sur F-100.

Sans un mot, Senior pose sa bière, fait demi-tour et quitte le bar. Quelques instants plus tard, il revient.

Les Français, vous m’emm… Pour ce concours, on m’a fait revenir du Vietnam parce que j’ai 3500 heures sur F-100, et je me retrouve à jouer avec des gamins.

L’équipe française, invitée seulement et hors concours a, je crois, obtenu les seconds meilleurs résultats. C’est un sergent-chef de 26 ans qui, à titre individuel et au grand dam des étrangers, a remporté le concours “roquettes”. Plus impressionnante et très émouvante, la cérémonie de clôture a été pour moi un moment fort de ma vie de pilote. Dans une complicité rayonnante, deux hommes de taille à peine moyenne, deux généraux bardés de décorations, deux survivants portant sur leur corps les stigmates de la Seconde Guerre mondiale, deux monuments passaient en revue les troupes au son des différents hymnes nationaux : Sir Augustus Walker, en uniforme anglais, et Johannes Steinoff, en uniforme allemand, l’air aux anges, souriaient à chaque délégation.

Dans les rangs, le silence était quasi religieux : commandant de bord d’un Stirling, Sir Augustus Walker avait dû crasher son avion touché, au retour d’une mission de bombardement.

Il lui manquait un bras, sacrifié pour sauver un membre de son équipage pris dans les flammes.

Johannes Steinoff avait le visage torturé des grands brûlés. Ses traits avaient fondu dans l’embrasement du Messerschmitt 262 qu’il pilotait.

Denis Turina

En prime une vidéo tir air/sol sur F100

Johannes Steinhoff
Johannes Steinhoff

 

Air Cdre Gus Walker
Air Cdre Gus Walker

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