Georges GUYNEMER

 

C’est par hasard que j’ai retrouvé le livre qu’Henry BORDEAUX de l’Académie Française a consacré à Guynemer. Le centenaire de la bataille de Verdun m’a amené à relire cet ouvrage et à en proposer un extrait ; on sort des histoires de la 11EC, mais c’est là que tout a commencé.

En Mars 1916 Guynemer a été blessé en vol  et  le passage qui retrace la période de sa convalescence et de son retour au combat a de quoi surprendre.

Guynemer
Guynemer

Georges Guynemer a donc été blessé le 15 mars (1916), à Verdun. Le 26 avril, il débarque au front, le bras mal remis et les plaies à peine cicatrisées. Il a échappé aux médecins et aux gardes-malades. Entre temps, il a été promu sous-lieutenant. Mais il faut renvoyer à ses bandages et à ses massages ce convalescent tout penaud.

Il retourne à Compiègne. Le marché conclu avec sa sœur Yvonne n’est pas rompu et, quand le temps est clair, il s’en va à Vauciennes où l’attend son appareil. La première fois qu’il rencontre, depuis sa blessure et sa chute, un avion ennemi, il connaît une sensation toute naturelle et très pénible. Va-t-il hésiter? N’est-il plus l’intraitable Guynemer? Le Boche tire, il ne répond pas. Le Boche épuise sa bande de mitrailleuse et le combat est rompu. Est-ce croyable ? Que s’est-il passé ?

Georges Guynemer est rentré à la maison paternelle. Au printemps, le jour se lève de bonne heure. Il est parti si tôt qu’il est encore grand matin. Sa sœur Yvonne est-elle éveillée ? Il ouvre la porte de sa chambre, passe la tête : elle dort. Il attend, mais il n’est pas l’homme de l’attente. De nouveau il tourne le loquet, de nouveau il montre sa figure d’enfant dans la coulée de lumière que laisse filtrer la porte entrebâillée. La dormeuse, cette fois, l’a vu :

  • Déjà de retour ! Va te recoucher. Il est trop tôt.
  • Est-il vraiment si tôt ?

Avec la finesse de sa tendresse fraternelle, elle devine qu’il a quelque chose à raconter, quelque chose d’important, mais qu’il faut lui en faciliter le récit.

  • Entre tout à fait, dit-elle.

Il pousse les persiennes, il s’assied au pied du lit.

  • Quelle reconnaissance as-tu menée ce matin ?

Cependant il suit sa propre idée :

  • Les camarades m’avaient bien prévenu qu’on éprouve dans ce cas-là une impression très désagréable.
  • Dans quel cas ?
  • Lorsqu’on remonte après avoir été blessé et qu’on ren­contre un Boche. Tant qu’on n’a pas été blessé, on n’imagine pas qu’il puisse vous rien arriver. Quand j’ai vu ce Boche ce matin, j’ai connu quelque chose de nouveau. Alors…

Il s’arrête et il rit, comme s’il avait joué un bon tour d’écolier.

  • Alors, qu’as-tu fait ?
  • Eh bien ! J’ai résolu de me soumettre à son tir. Froi­dement.
  • Sans riposter ?
  • Bien sûr : je me suis donné l’ordre de ne pas tirer. C’est comme ça qu’on dompte ses nerfs, petite sœur. Les miens sont bien domptés : j’en suis maintenant le maître absolu. Le Boche m’a sonné de cinq cents coups pendant que j’évoluais. Il fallait ça : je suis content.

Elle le regarde, assis au bas du lit, la tête appuyée au montant. Elle a les yeux mouillés, et elle se tait. Ce silence va-t-il se prolonger ?

–    C’est bien, Georges, murmure-t-elle enfin. Mais voilà qu’il s’est endormi.

Plus tard, faisant allusion à cette rencontre où il s’offrit au feu de l’ennemi, il dira plus gravement :

–    Ma vie s’est décidée ce matin-là. Sans cette mise au point, j’étais dégonflé…

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