Une mission insolite en F84

Histoire d’une autre époque même pas imaginable de nos jours ; tirée de RNV, le bulletin de l’Amicale de la 11EC

Une mission insolite en F84

En Septembre 1953, jeune sergent pilote, je suis à la 11E.C, depuis juillet, après une transformation au CTF 84 (F 84 E) de Reims. En Avril, j’étais rentré des USA au terme d’une campagne de tir, en ARIZONA sur P 51 Mustang. Je suis donc un néophyte quand pour des manœuvres “Mariner” je suis désigné en “spare” pour une manip à 16 avions, sous les ordres du Capitaine Chanliau, Commandant l’escadron 3/11 Jura. Briefing général : attaque des navires de la flotte britannique dans le port de Portsmouth. J’écoute d’une oreille distraite, et note au crayon épidermique quelques points particuliers, le cap entre autres. En tant que spare, je peux somnoler dans le fond de la salle, près des radiateurs. Au retour à l’escadron, coup de tonnerre, je ne suis plus spare mais no 2 du leader général : Chanliau Mastic Rouge … et nous allons aux avions. Les mécaniciens s’affairent autour de mon avion, je perds un certain temps avant de pouvoir m’installer et à peine ai-je mis la radio, que j’entends la fin d’un message “…. Autorisé à rouler pour la 04”. Je dis “Mastic rouge 2” et tout s’enchaîne « Rouge 3…Rouge 4 Mastic vert leader 2…3…4 ». Un avion sort du parking et je pars à sa poursuite. Il roule vite le diable et n’attend pas ses équipiers. Pire, il fait un rolling-take-off.
F 84 au décollage de Luxeuil
F 84 au décollage de Luxeuil
J’en fais autant obsédé par l’idée de le rattraper. Que nenni ! « Plus rien à l’horizon ». Désolé, je stabilise à 20.000 pieds et que vois-je, stupéfait, un avion prend position à ma droite et un autre à ma gauche et derrière les autres patrouilles de quatre qui se rassemblent. J’éprouve un instant de profonde déprime : je suis leader général et ma carte que je n’arrive pas à sortir de ma poche. Mon Dieu merci, il fait beau et j’ai gardé le cap épidermique ; là-bas ce qui scintille, ce doit être la mer. Très vite c’est la mer, la côte anglaise ce qui émerge d’une faible brume. « Ce n’est pas moi qui parle, c’est le Diable ». “Portsmouth”. Pour les Mastic objectif à 11 heures, échelon refusé à droite. Comme je plonge 2 Vickers Super-marine “Swift” me passent si près que je peux compter les rivets ; je n’en reverrai de si près que dans un musée. Un porte-avions dans mon collimateur, c’est l’Hermès, j’en jurerais, ma ciné mitrailleuse tourne. Je remonte vers 7.000 pieds sur ma lancée. “Pour les Mastic nouvelle passe”. Je replonge au milieu d’une invraisemblable mêlée. Dans la descente je croise des Mastic qui remontent. Je passe au ras des mâts d’un gros navire et … je prends le cap retour. Pour moi l’inverse du cap aller. Je ne savais pas que le retour devait se faire sur Reims. Les avions rassemblent sur moi, 20.000 pieds 85 % de RPM “.
F-84G Luxeuil 1952
F-84G Luxeuil 1952
« Ici Vert 3, 400 au forward”. Le pétrole, la belle affaire ! Un peu plus tard un autre annonce “600 au main”.  C’est ce que j’ai, tout baigne. Le paysage est familier. “Pour les mastic fréquence Tour Luxeuil formation snake ». Luxeuil annonce la “22” en service. Il n’y eut pas de débriefing. L’avion de Chanliau était en panne et l’avion que j’avais tenté de suivre faisait un vol local de contrôle. J’avais été le spare parfait. Comme je remonte le taxiway et que je vire à gauche devant la Tour je vois le 15eme avion en finale et que vois-je, sur le parking du 3/11 : le Capitaine Chanliau…  
Le Capitaine Chanliau au milieu de sa bande
Le Capitaine Chanliau au milieu de sa bande
Je ne fus ni félicité, ni puni, on me laissa macérer dans mes doutes … Georges CAUVIN dit << Jo >>

2 réponses sur “Une mission insolite en F84”

  1. Bonjour. Il y a peut être une erreur de date dans le texte, le Swift est rentré en service dans la RAF en février 1954. Ou alors on à utilisé les prototypes pour cette exercice.

    Le cpt Chanliau n’avait pas fait un appel radio disant qu’il était hors jeu ?

  2. Bonjour, Cauvin n’étant malheureusement plus de ce monde, il sera difficile de répondre aux questions. Compte tenu du fait qu’il ait vu les Swift “grandeur nature”, on peut penser qu’il y a un fond de vérité ; quant à l’appel de Chanliau, Cauvin arrive après la bataille car l’autorisation de rouler est donnée par la tour…

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