RED FLAG (again)

 

Il y a déjà eu  2 articles publiés au sujet de RED FLAG ; le premier était le témoignage direct d’un pilote et le deuxième  relatait le déroulement du premier RED FLAG.

Aujourd’hui en plus de quelques considérations générales, je vous propose une interview de “Richie” Reboul parue dans Air Actualités et le récit de Airy Chrétien d’un tir AS 30L réel sur le “range”.
Pourquoi RED FLAG ? En fait c’est très simple, nos amis américains se sont aperçus que pendant la guerre du Vietnam, ils perdaient la majorité de leurs pilotes lors des 10 premières missions de guerre. D’où ce raisonnement plein de bon sens : “les dix premières missions, on va les faire chez nous”. Pour cela il nous faut un terrain d’entrainement (le range près de Nellis AFB) et des conditions de vol proches de celles du Vietnam ; configuration lourde, tir d’armement réel, menace air/sol simulées (smoky SAM), menace air/air présente et imprévisible (Agressor Sqadron),….

 

l'Agressor Sqadron
l’Agressor Sqadron

 

En finale cela représente une grosse charge de travail pour le pilote et un stress maximum, mais dans des conditions temps de paix et une possibilité de profiter des erreurs effectuées grâce à un système de restitution global.

Et puis, ils en ont fait profiter les autres nations et c’est ainsi que la France est arrivée pour la première fois en 1981. Mais de la France à Nellis, le chemin est long et il y a 2 itinéraires possibles ; le nord, plus court mais avec ces incertitudes météo (il faut passer par le Groenland) et l’option sud plus ensoleillé.

Les 2 options sud et nord
Les 2 options sud et nord

 

Itinéraire nord Stephenville et sa météo hivernale
Itinéraire nord Stephenville et sa météo hivernale

 

L'itinéraire sud passe par Martinique
L’itinéraire sud passe par Martinique

A l’arrivée, c’est Nellis proche de Las Vegas et du “Grand Canyon”

 

Survol de
Survol de “Grand Canyon”

ENTRETIEN AVEC LE CAPITAINE REBOUL.*

–  Pour vous que représente l’exercice « Red Flag » désormais effectué tous les ans par les pilotes de la FA Tac ?

Red Flag permet à un pilote dans le cadre d’un exercice de faire les dix premières et fatidiques missions de guerre, dans lesquelles statistiquement, les armées de l’air subissent les plus grosses pertes.

–  Que vous a apporté votre participation à Red Flag ?

Les points positifs sont nombreux : le voyage, avec de nombreux ravitaillements en vol, la connaissance de l’aéronautique américaine, les procédures américaines, la langue.

Mais Red Flag constitue surtout une expérience incomparable parce qu’elle permet au pilote d’utiliser réellement son avion de combat en tant que tel.

  • Pouvez-vous décrire la journée type d’un pilote participant à Red Flag ?

Si l’on vole le matin, tous les participants à l’exercice du jour vont au « mass brief» vers 7h30. Ensuite, il y a briefing inter-patrouilles, c’est à dire entre les pilotes de chaque nation. Après, intervient le vol proprement dit et à son issue se déroule le « mass debrief», tout le vol ayant été enregistré dans des conditions fantastiques, une restitution telle que l’on peut tout voir : les éléments de vol de l’avion, vitesse, hauteur, vraiment tout … On peut même voir ce que le pilote voyait lors du vol.

Si l’on vole l’après-midi, c’est la même chose, mais le mass brief a lieu vers 11h30 et l’on termine vers 19h30 -20h 10.

  • Que/les sont les sensations d’un pilote sur le Range ?

On a l’impression que c’est vraiment la réalité telle qu’on l’imagine en cas de conflit. Les contre-mesures s’allument. Il faut faire le maximum pour ne pas se faire « détruire ». Au bout d’une heure de vol, ce qui n’est pourtant pas très long, les pilotes rentrent éprouvés.

Mais c’est super. Les armements réels sont utilisés « pour de vrai ». Même lorsqu’on se rend sur le champ de tir en France, ce ne sont pas les mêmes sensations.

Au niveau des débriefings, nous éprouvons quelquefois une peur rétrospective. En fonction du numéro qui nous est attribué on se dit : « là, c’est moi qui serais mort en temps de conflit réel ». Cela fait un drôle d’effet.

  • Auriez-vous souvent été touché ?

C’est variable. Force est de constater que la menace sol-air paraît beaucoup moins mortelle que la menace air-air. La première est relativement connue et est bien prise en compte par nos contre-mesures. En revanche, la menace air-air représente 90% des pertes, si on n’y est pas suffisamment préparé.

  • Et les contacts avec les pilotes étrangers ?

De pilote à pilote, les contacts sont bons, sauf lorsqu’on parle des avions américains : tout devient alors « classified ».

  • Quelles forces étrangères avez-vous côtoyées cette année ?

Les Américains, bien sûr, qui étaient équipés de F 15, F 16, F 111, et F 4. Et les Anglais qui évoluaient sur Tornado.

  • Red Flag est-il une expérience enrichissante ?

Oui, une expérience irremplaçable. C’est vraiment valable pour les pilotes. Moi, je n’ai évidemment pas connu un conflit réel, mais je l’imagine vraiment comme cela.

  • Les échanges linguistiques posent-ils problème ?

Ce qui pose problème, c’est moins la langue elle-même que la vitesse d’élocution des Américains et leur accent si particulier. Il faut s’adapter.

  • Quelles différences y-a-t-il entre une mission d’entraînement couramment effectuée et une mission Red Flag ?

D’habitude, sur les champs d’entraînement européens, on prévoit où se trouvent les menaces. Sur le Range : impossible. Nous sommes vraiment obligés de regarder tous azimuts.

  •  Red Flag constitue-t-il un passage obligé pour qu’un pilote soit vraiment opérationnel ?

Un passage obligé, non. Mais un passage bénéfique à 230% au moins, oui. C’est sûr que le pilote qui a fait Red Flag est plus à l’aise, et a acquis des réflexes qu’on ne peut acquérir nul par ailleurs.

Voler bas et regarder haut, en gardant sa place, avec un avion relativement lourd puisqu’il est chargé, c’est vraiment une expérience irremplaçable. Red Flag, c’est un exercice grandiose. C’est le meilleur exercice auquel participe l’Armée de l’air.

  • Avez-vous des anecdotes à nous con?fier

J’en retiens une. Elle a particulièrement impressionné les Américains. C’est le camouflage de nos avions. Un peu de peinture peut changer les choses. Notre camouflage était tellement adapté que les avions américains nous repéraient seulement à notre ombre.

  • Quel a été votre plus fort moment de stress au cours de Red Flag ?

Aucun moment de stress trop intense. Mais quand même, quand vous voyez un F15 qui fait un large virage par la droite et que soudain vous ne le voyez plus dans les rétroviseurs, en conditions réelles, il serait temps de se poser des questions !

*NDLR : Entretien paru clans Air Actualité de mai 1990. Le capitaine Reboul était alors pilote au 3/11

Sur le Range
Sur le Range

 

MISSION DE TIR LASER SUR LE RANGE EXERCICE RED FLAG*

NELLIS Air Force Base (NEVADA)

Le grand jour est arrivé. Le tir du missile AS 30L doit avoir lieu en fin de matinée.

La mécanique ne chôme pas, les pétafs parachèvent les derniers préparatifs sur les munitions des deux Jaguar prévus pour la mission : un avion tireur ainsi qu’un second, « spare » en vol.

Les quatre pilotes (Jaguar et escorteur Mirage F1CR) se rendent au dernier briefing, peaufinent tous les détails en prévoyant les cas difficiles et révisent leur « run » d’attaque.

Tout est paré. L’heure approche.

10H10. Les pilotes accompagnés de leur pistard se dirigent vers les avions tandis que les premiers F15, Phantom et autres Tornado prévus pour la mission, roulent et s’élancent sur les deux pistes dans un air déjà surchauffé.

Nous roulons. Les dernières sécurités sont enlevées.

10h57. Alignement. Décollage. C’est parti !

Je me trouve escorté d’un F1 CR, suivi de près par un second binôme Jaguar-Mirage. Nous montons vers le Range. La météo est excellente, pas même un nuage au-dessus du désert.

11 h 16. Nous entrons en « zone ennemie ». La pénétration s’effectue à une hauteur de 200 pieds et 480 nœuds de vitesse sol. Les « Flats » (lacs salés) et les montagnes boisées se succèdent.

Nous approchons de l’objectif. Un œil en cabine : il est temps d’effectuer les dernières sélections armement sans rien oublier. Les intercepteurs ennemis et les sites de missiles sol-air tentent de nous accrocher. L’effet des CME, l’excellent camouflage sable de nos avions et le suivi de terrain se révèlent efficaces. Le F1 CR achève son guidage.

25 km de l’objectif : identification et déverrouillage du missile.

Accrochage télémétrie laser, le travail se fait dense. Les distances décroissent rapidement 10 km : entrée dans le domaine. Tout est bon, j’appuie sur le boulon de tir. Un instant de suspense puis un coup de tonnerre, je vois surgir le missile sur ma droite tous boosters allumés. Le fauve est lâché…

Dégagement sous 4g. Je surveille le bon accrochage de l’Atlis à la TV, tandis que l’AS 30L fonce vers sa proie à près de Mach 1.6. Vingt secondes d’impatience et l’écran TV va me donner la réponse.

11h26mn56s : un trait lumineux se projette sur la cible. BINGO ! Une boule de feu m’indique que la mission vient de réussir, avec seulement quatre secondes d’avance sur l’heure imposée par le «staff» américain de Red Flag. Grand soulagement. La patrouille des «Vice» peut prendre le cap du retour vers Nellis. C’est grâce au travail de tous, pilotes et mécaniciens, à leur entraînement et à l’efficacité du système AGL, que quelques jours plus tard, les tirs de deux bombes de 400 kg ont été entrepris avec le même succès. Les « Frenchies » ont fait du bon boulot et auront vécu une expérience pour la moins passionnante et irremplaçable.

Airy Chrétien : pilote, commandant d’escadrille au 1/11 « Roussillon »

Tir AS30L Nellis 1989. Airy au départ de la mission
Tir AS30L Nellis 1989. Airy au départ de la mission

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