Le Corbeau et le Renard des SPA 91 et 97

 

Comme annoncé précédemment, Le Moine est bien à l’origine de l’histoire du Corbeau et du Renard. Il raconte. 

Le Moine au 2/11 quand il volait sur F100
Le Moine au 2/11 quand il volait sur F100

J’ai été affecté en débarquant à Bremgarten à la deuxième escadrille du 2/11, la SPA 97. C’était bien entendu la meilleure, bien que ce titre ait été largement contesté par la 1ère escadrille, la SPA 91. Leurs arguments de totale mauvaise foi, c’est certain, reposaient sur le fait qu’ils étaient la PREMIERE escadrille, et que sur l’écusson du 2/11, l’aigle survolait toujours les hermines.

Les insignes de la SPA 91 et de la SPA 97
Les insignes de la SPA 91 et de la SPA 97

Au bout de quelques années de réflexion, et en regardant bien l’insigne, j’ai trouvé que le soi-disant aigle ressemblait plus à un corbeau maigrichon qu’à ce noble rapace. Et en regardant mieux, tels que les insignes escadrilles étaient disposés, la UNE coiffant la DEUX, ça faisait penser à la fable de La Fontaine. En effet, le corbeau tenait bien dans ses pattes un fromage tout blanc, et le triangle pouvait se transformer en tête de renard, les bandes blanche devenant les yeux et les hermine les pupilles. Il n’était pas question de dire à la UNE  que leur oiseau n’était qu’un vulgaire corbac sans risquer de sévères représailles. Il fallait donc « suggérer ». C’est alors que j’ai commencé à dessiner le renard, et après quelques esquisses laborieuses, je suis arrivé au renard assis tel que tu le connais. A partir de là, il fallait le présenter « officiellement » en fanfare.

Notre commandant d’escadrille était alors Jean-Claude Valais.

J’ai donc montré à ce dernier mon dessin, et je lui ai proposé d’en faire un écusson qu’on porterait discrètement sur notre sous-vêtement car il n’avait rien de réglementaire : règlement-règlement. En descendant la fermeture éclair de la combinaison de vol, l’insigne apparaîtrait aux yeux certainement émerveillés de nos petits camarades de la UNE qui ne pourraient manquer de comprendre « presque  immédiatement» l’allusion…

La patte d'hermine devenue renard
La patte d’hermine devenue renard

Aussitôt dit, aussitôt fait. J’ai brodé le premier modèle de l’écusson, mais oui, puis j’ai continué avec Jacqueline Valais pour fournir tous les pilotes. Nous avions acheté un pull rouge léger à col roulé garanti ignifugé (sécurité des vols oblige) aux tailles de chacun et nous avons cousu l’écusson à la bonne place. Comme tu vois, un pilote de chasse sait tout faire, surtout « un de la deux » ! Nous nous sommes ainsi présentés un beau matin à l’escadron, tous dans nos belles tenues de vol négligemment ouvertes sur un renard goguenard. Ce fut tout d’abord un grand silence, puis un léger soubresaut qui s’est transformé en un énorme éclat de rire et le renard a été ainsi adopté par l’escadron.

L’affaire s’est ensuite corsée, car ayant obtenu laborieusement mon BCP, j’ai eu l’honneur d’être nommé à la tête de la UNE. Aïe ! Les allusions à voix basses concernant cet abandon du rusé renard pour rejoindre le corbac et son fromage prenaient de l’ampleur au fur et à mesure que la date fatidique approchait. Il fallait donc réagir, le défi était lancé. Je me suis dit qu’il fallait utiliser le corbac avec son fromage pour y placer, sans le montrer, le renard rusé dans la position qu’il fallait. Le deal était placé bien haut.…Et si on oubliait le fromage pour revenir au crane entre les pattes du corbac : j’avais la solution !

J’ai dessiné le corbac tel que je le présentais  dans notre cahier de marche, et j’ai donc replacé le crane à la place du fromage, mais j’ai mis pour les pupilles, dans les orbites du crane: les deux hermines. Plus de doute, le corbac avait gagné, il tenait le crane du défunt renard entre ses pattes.

Le corbeau nouvelle mouture
Le corbeau nouvelle mouture

Un drap dérobé chez moi dans la pile bien rangée par Hélène et dont nous devions, d’après mes dires, nous débarrasser depuis longtemps a parfaitement fait l’affaire. La taille du drap était nécessaire car le message se devait d’être aux format grand-écran. Ainsi, le jour « J » que tous mes compatriotes de la DEUX attendaient avec affiches et casseroles, juste avant que les manifestations ne débutent, j’ai déroulé mon drap sur le tableau d’ordres… et il y a eu un grand silence, puis un trémoussement pour se terminer par un énorme éclat de rire, et l’écusson de la UNE a été adopté par tout l’escadron…

Le Moine devant le tableau d'ordre
Le Moine devant le tableau d’ordre

Pour terminer cette longue histoire, au risque d’abaisser la haute image des responsabilités qui m’étaient confiées, je n’ai pas voulu laisser la DEUX présenter seule la combinaison de vol négligemment ouverte à la gloire du renard. J’ai donc remis en jeu mon titre de meilleure petit main de l’escadron et j’ai repris  laborieusement l’ouvrage dans le plus grand secret, seul car ma brodeuse avait suivi son mari vers d’autres cieux, pour habiller correctement la UNE du 2/11, la meilleure bien entendu!!!

Echange escadron avec les Hollandais . On peut voir l'insigne d'escadrille sur le sous vêtement de Fayolle, Le Moine et le commandant d'escadron Albert-Lebrun
Echange escadron avec les Hollandais . On peut voir l’insigne d’escadrille sur le sous vêtement de Fayolle, Le Moine et le commandant d’escadron Albert-Lebrun

3 réponses sur “Le Corbeau et le Renard des SPA 91 et 97”

  1. Si vous voulez connaître la suite :
    Mon nouveau livre:

    “Plein badin pour badineries à l’escadron de chasse 2/11 Vosges”

    Pour le commander:

    chèque de 20 euros à

    Jacques Ribaillier 351 chemin de Coupines 84470 Chateauneuf de Gadagne

    ou faire un copier/coller sur:

  2. Quel plaisir de découvrir telles anecdotes écrites par ces Pilotes émérites du 2/11 de TOUL-ROSIERES, dont particulièrement Bruno LE MOINE* qui était Lt (PO) au Printemps 1968, lorsque je suis arrivé “Marqueur OPS” à leur service, après avoir passé 2 mois au Sce MA2 à mettre en route leur “Hun” depuis mi-février ’68 et aussi avoir participé à leur campagne de tirs à SOLENZARA en mars-avril 1968.
    QQ temps après j’ai vu Bruno LE MOINE devenir SCP, et son copain JP.GILLET dire : “Ah, bon ? LE MOINE est PO” … (JP.GILLET était Lunévillois, comme moi)
    Et puis, le 1er janvier 1969 tous deux sont devenus Cne et JPG a jeté sur la grde table d”OPS” sa barrette de Lt de combinaison de vol … et je l’ai récupérée !
    Le Cne Bruno LE MOINE avait alors de réels talents de dessinateur, et le Cahier de Marche du 2/11 était copieusement illustré de ses dessins humoristiques et bien conformes aux activités pratiques de tous ses Confrères Pilotes …
    A cette époque bénie des sixties,à mon poste de”Marqueur OPS” du 2/11 “Vosges”
    ds la 1ère Escadrille SPA 91 du Cne PISSOCHET, il y avait le Lt Jean RANNOU (PO) âgé de 5 années de plus que moi, et “Cancer” comme moi-même, tout comme JP.GILLET tous trois nés en juillet !
    Avant de devenir “Marqueur OPS” , lorsque j’étais conducteur de MA2, alors que le 2/11 a pris en charge la “Permanence Opérationnelle” pendant 2 w.e. j’ai été volontaire pour “la monter” : le 1er w.e. c’était avec le Lt Bruno LE MOINE, Pilote + son Mécano avion + son Armurier avion, et le second w.e. c’était avec le Lt Jean RANNOU (cela se passait en avril 1968, au retour de SOLENZARA) avant mon passage “aux OPS” en mai 1968 ! De là j’ai vu arriver plusieurs nouveaux Pilotes affectés au 2/11 / les Ltt MOCAER, FAYOLLE, les jeunes Sgt COTE-VERDI, MARESCHAL et RILLARD lesquels sont vite passés S/C puis un S/C sympa dont le NOM m’échappe, ex-moniteur sur T-33, puis aussi le S/Lt POIMBOEUF, lui-aussi ex-moniteur sur T-Bird,… et un peu plus tard j’ai vu également arriver au 2/11 les Cne DEVEAUD et ALBERT-LEBRUN futurs Cdts d’Escadron prévus ds les mois à venir, mais mon SML se terminant en avril 1969, je n’ai pas connu ces promotions.
    J’ai repris ma vie civile avec bcp de peine de quitter la BA136, la 11è EC, l’EC 2/11 pour retourner à STRASBOURG reprendre mon poste EDF au Groupement Régional de Production Thermique … avant de me faire muter au Printemps 1970
    au Sce Conduite (en 3×8) de la Centrale Thermique de BLENOD-lès-PAM rive G de la Moselle, la plus moderne & la plus puissante des Centrales Thermiques EDF de l’époque … et là j’étais de nouveau dans l’axe 22-04 de la piste de TRAB et je voyais à nouveau, chaque jours, mes chers F-100 en décollage vers le Nord ou en phase d’ATR vers le Sud, survolant la Centrale Thermique de BLENOD.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *