ETRE CHASSEUR-BOMBARDIER AUJOURD’HUI.
Par le CNE Michel CROCI, Commandant d’escadrille à l’EC 4/11, mort aux commandes de son appareil lors de l’opération MANTA , à TORODUM (TCHAD). Article publié dans Airfan n° 56 de juin 1983
Partie n°2 : la mission d’attaque au sol
Après avoir vu très rapidement comment Jean est devenu un pilote de chasseur-bombardier, nous allons le suivre pendant un vol d’entraînement. Il occupe la position de numéro 3 au sein d’une patrouille de quatre avions. Le commandant d’escadrille prépare les heures de vol ; quatre pilotes sont désignés pour effectuer la mission. Le profil en est le suivant : décollage, trajet TBA, attaque d’une usine, montée HA suivie d’un ravitaillement, descente en TBA, un point de ” reco ” suivi d’un tir au canon, retour TBA vers le terrain et atterrissage.
Préparation : l’officier de renseignement sort les cartes à grande échelle et ” plotte ” les objectifs.
Premier point : attaque d’une usine. En fonction de la photo de l’objectif, du relief, de l’orientation et du type de construction, le leader décide d’attaquer à la roquette. Tracé de l’axe d’attaque, de l’approche jusqu’au point cabré et du trajet du point de départ vers le point d’acquisition ; le N° 2 calcule les éléments de tir ; Jean calcule le temps et le pétrole restant après l’attaque ; le N° 4 se charge des plaquettes pour le calculateur de navigation.
Tous ces éléments sont rassemblés et le leader prévoit sa montée en altitude pour rejoindre le C- 135F qui sera sur son axe, puis la descente pour son objectif de reconnaissance.
Deuxième point : reco tactique, c’est une gare. L’axe d’approche est décidé en fonction de la forme de l’objectif, du soleil et de l’axe de prise de vue de la caméra. Tracé de l’arrivée sur le point d’acquisition et vers le champ de tir ainsi que du champ de tir vers la base. Calcul du temps, du pétrole consommé, du pétrole minimum pour faire la mission, choix des déroutements éventuels. Les quatre pilotes reportent tous ces renseignements sur leur carte.
Briefing : effectué par le leader. Rappel de la configuration des avions, de l’armement emporté, de la météo sur le trajet. Enoncé du déroulement de la mission : décollage, rassemblement, type de formation, passage des lignes (position, heure).
Attaque du premier objectif. Méthode, éléments de tir, ordre d’attaque. Rassemblement de la patrouille. Ensuite la montée sous contrôle radar, la jonction avec le ravitailleur (point, heure). Rappel des consignes de RVT, du pétrole à prendre, du dégagement, la descente à vue ou sous contrôle radar, la navigation très basse altitude, le point de reco, formation, position des équipiers, renseignements à rechercher. Navigation vers le champ de tir : éléments de tir, désignation de la cible, consignes de tir. Retour au terrain, formation, break, atterrissage Les points particuliers : activité de la chasse ” ennemie ” dans les lignes (une autre patrouille de l’escadron) et conduite à tenir en cas d’interception
– les fréquences radio.
– les pannes (conduite à tenir)
– la sécurité : météo, pétrole, déroutement, etc…
” Le décollage aura lieu à 14 H 31, contact radio avant la mise en route à 14 H 15, il est maintenant 13 heures 55 minutes 4O secondes, avez-vous des questions ? … ” Pas de questions
Chacun sait ce qu’il a à faire. Il reste une dizaine de minutes pour se préparer. Pour ce vol nous monterons dans l’avion du n° 3. Après avoir revêtu le pantalon anti-g. ramassé la “doc”, signé les ordres de vol et mis le ” chapeau électrique ” sous le bras : nous voilà en piste. Prise en compte de l’avion, signature de la forme…, direction le parking. Le tour de l’avion est effectué avec le mécanicien vérification et état des roues, freins, différentes sondes, entrées d’air, volets, tuyères des moteurs et différents manomètres… tout est OK. Six échelons à monter et nous voilà dans la cabine, rangement des cartes, un coup d’œil rapide : tout est en place. Frein de parking mis, brêlage du pilote avec l’aide du mécano. Sécurités siège et cabine enlevées, le mécanicien redescend l’échelle après avoir fermé la verrière. Batterie branchée, vérification de toutes les lampes et instruments divers, ” ça baigne “. Contact radio avec le leader. C’est bon pour la mise en route. Un signe au mécano et lancement du micro turbo. Mise en route du moteur droit puis du gauche, manœuvre des volets et aérofreins (AF) ; vérification de tous les instruments. Le leader demande le roulage et les quatre avions avancent en file indienne sur le taxiway jusqu’à l’entrée de piste.
Nous sommes ” clairs ” pour le décollage. Les avions avancent sur la piste et s’arrêtent côte à côte. Plein gaz sur signe du leader. Après quelques secondes pour vérifier les instruments moteurs, le n°1 allume les PC et lâche les freins, imité dix secondes après par le N° 2 et à son tour Jean, les deux manettes en avant, allume les PC – compte tours et températures tuyères OK – lâche les freins vingt secondes derrière le N° 1. L’avion s’élance sur la piste, contrôle de l’axe à la direction, coup d’œil au badin – 100 kt – les moteurs O.K. L’attention est partagée entre ce qui se passe dehors, le chrono et le badin pour contrôler l’accélération – 18 secondes le badin à 140 kt, c’est bon – 165 kt il tire sur le manche pour prendre 20° d’assiette, l’avion quitte le sol, train et volets rentrés, il garde la pente de montée pour ne pas gêner le n°4 par le souffle des moteurs.
A 1000 pieds en vol horizontal, les PC coupées à 300 kt. Le leader entame son virage; Jean coupe à l’intérieur pour venir rapidement en place… voilà. Ça y est. De front avec le n°1 a environ 1500 m ; les n°2 et n°4 à 200 m des n°1 et n°3 et en retrait. Prise de cap de navigation en descendant vers 500 pieds et accélération à 420 kt. Le temps est correct, bonne visi et plafond vers 2000 pieds par 5/8 de cumulus avec des grains épars. Coup d’œil au chrono, à la carte, dehors… nous sommes sur le trait avec 10 secondes d’avance sur le timing. Les quatre avions sont en place et la campagne défile à environ 200 m/s. Pour l’instant, c’est calme et tout le monde regarde dehors, derrière, sur le côté, devant, c’est là que se trouve le vrai danger : un avion vu trop tardivement, un évitement impossible et cela peut être la catastrophe. L’horizon s’assombrit devant, un grain nous barre la route. Petite hésitation du leader, on distingue la ligne d’horizon derrière le rideau de pluie… ça passe. Les quatre avions s’engouffrent sous cette douche aussi sévère que rapide. Les gouttes d’eau font un bruit de tambour el puis soudain c’est fini, le ciel est dégagé devant… enfin, pour quelques minutes. En effet, là-bas c’est noir, vraiment noir, et là il n’est plus question de passer au travers, la visibilité sera pratiquement nulle. Ordre bref du leader : il décide de contourner l’obstacle par la gauche; formation en colonne pour les deux patrouilles légères, les n°2 et n°4 se sont rapprochés sensiblement simultanément accélération à 450 kt. Car ce détour va nous faire prendre du retard. Sur la droite défile un mur de pluie surmonté d’un splendide ” cunimb ” boursouflé à souhait et bien qu’assez loin nous en ressentons les turbulences, ça ” tabasse ” pas mal. Après ce crochet sur la gauche, nous voilà revenus sur la route. Une vallée se profile à l’horizon, elle marque la frontière fictive entre forces amies et ennemies : ” les lignes “. Nous y passerons au point prévu avec 30 secondes de retard.
Simultanément dans les quatre cabines, quatre mains sélectionnent les ” bîtards ” de l’armement (fictif) et affichent les éléments de tir. Maintenant il faut en plus se garder de la chasse ennemie ; elle peut surgir à tout moment (sous la forme d’une deuxième patrouille de l’escadron décollée un peu plus tôt). Les têtes des n°2 et n°4 sont montées sur roulement à billes. Le leader fait sa navigation et regarde dans le secteur avant. Jean surveille la Nav (au cas où) et regarde devant et sur les côtés. “
Chasseurs à 10 heures menaçants à trois nautiques”. La réponse du n°1 est instantanée : “plein gaz ». Contre à gauche ! “. Les manettes en avant, pied et gauchissement à gauche, nous voilà vers 80° d’inclinaison et action sur le manche, les quatre avions virent ensemble alors que les épaules se tassent, que les mains sont lourdes sous l’accélération de 5 g qui nous plaque au siège. La patrouille effectue environ 90° de virage et nous croisons les deux ” fighters ” à 180°. Aussitôt nous repartons en virage à droite, même ordre, même motif. Nous déroulons au cap de navigation chacun reprend sa place, l’interception est finie. Les chasseurs se sont présentés un peu avant et ont été mis dans le “vent “.
En temps de paix on s’arrête là. En temps de guerre, ce serait une autre histoire…
Ah ! Nous ne sommes plus sur le trait. Le leader a décidé de couper un peu sur le trajet prévu pour rattraper le retard occasionné par les différentes manœuvres. Coup d’œil au pétrole restant, aux instruments moteurs : tout va bien. Le calculateur indique une distance restante de 7 nautiques sur le point initial. Encore une minute. Nous sommes revenus sur le trait. L’initial (un confluent de rivières) est là. Changement de carte, le choix des repères également. Il faut ” pinailler ” pour arriver au bon endroit pour l’attaque; plus que 30 secondes le point de cabré ( un coin de forêt ) arrive très vite. A l’imitation, les quatre avions montent; déjà le n°1 renverse à droite sur le cap d’attaque suivi des autres avions. L’objectif est là : une usine blottie entre une petite rivière et une colline. Jean amène le repère du viseur sur la grande bâtisse. Une pression du doigt, la télémétrie s’inscrit dans le viseur ; 3000 m… 2500 m… 2300 m… 2200 m… 2100 m… 2000 m… pression sur le bouton du manche qui libérerait les roquettes si… ressource (pardon pour les g), dégagement (coup d’œil au chrono, l’attaque s’est faite à l’heure prévue) et Jean coupe à l’intérieur du virage pour rassembler. ” Check pétrole “, c’est bon pour tout le monde. Maintenant nous volons vers le point de montée prévu dans le plan de vol (déjà 45 minutes de passées). Changement de fréquence radio et contact avec le radar. La couche nuageuse est maintenant uniforme, les numéros 2 et 4 sont déjà en patrouille serrée sur le 1 et 3 qui s’est mis en formation ” snake ” (30 secondes de retrait sur la patrouille guide) et la montée commence. Sans transition, nous voilà dans la purée; Jean se concentre donc sur les instruments en pilotant ” souple ” pour que le n°4 en patrouille serrée ne soit pas trop gêné. Les nuages sont si denses que l’équipier est pratiquement invisible par moment – il ” s’accroche bien “. Les nuages, toujours aussi épais, deviennent plus lumineux et en passant vers 15.000 pieds nous nous retrouvons en ciel clair. Le soleil fait mal aux yeux. Le temps d’accommoder et le ” visuel ” est pris sur le 1 et 2 qui sont 6 km devant. Nous poursuivons la montée vers 25.000 pieds et la patrouille se rassemble à l’occasion d’un virage. Manipulations du calculateur pour avoir la position du point de rendez-vous. Nous sommes sur la bonne route. Cette petite navigation en altitude permet de relaxer un peu et de faire un tour complet de toute la cabine, ranger les cartes et se préparer pour le ravitaillement. Changement de fréquence et contact avec le C-135 F qui annonce quelques cirrus sur les axes. Le point de rendez-vous approche et c’est le N° 2 qui a le visuel le premier à 15 nautiques. Nous sommes en face à face et, profitant du virage de la ” citerne”, la patrouille vient se mettre en place à droite du C – 135 F. Une fois stable au cap, le ” boomer “descend le ” panier ” alors que le n° 1 sort sa perche. Commence alors le petit ballet. Les n° 1 et 2 font le plein de carburant. Cela va être à nous – dernières vérifications – oxygène sur 100 %, visière baissée, une action sur un bouton et la perche apparaît sur l’avant-droit. Pendant ce temps, Jean doit trimer l’avion alors qu’un léger sifflement se fait entendre dû à la perche… voilà, elle est verrouillée. Le n°2 a terminé et commence à reculer, dernière touche au compensateur (« trim »), l’avion doit voler seul sans bouger. C’est à nous : translation à gauche pour se mettre dans l’axe du Boeing et légèrement dessous, l’avion stabilisé, un peu de gaz pour remonter à la hauteur du panier et commencer à avancer. Il faut aller doucement en gardant les poings de repères alignés : plus que 3 m… 2 m… 1 m…. la perche arrive au milieu du panier; il ne faut pas s’arrêter mais poursuivre au contact. Voilà : on y est; un peu plus de gaz pour bien prendre sa place, maintenant c’est du classique. Il suffit de rester en place comme en patrouille serrée. Pendant ce temps un rapide coup d’œil aux jaugeurs pour voir si le transfert de pétrole est correct et aussi un autre sur les instruments moteurs (un par un) tout en restant en bonne position par rapport au C-135 F pendant le transfert du carburant.
Le ” disconnect ” effectué, glissade sur la gauche, en rentrant la perche, puis retour en position d’attente. C’est maintenant le n°4 qui prend son pétrole. Pendant ce temps, le leader négocie avec le radar une descente directe ” à vue “, la météo étant maintenant excellente le contrôle militaire dans le secteur. Transfert terminé. Le n°4 reprend sa place dans l’échelon et toute la patrouille se laisse reculer. Puis sur l’ordre du leader, c’est la descente vers le sol en reprenant la formation de navigation. Nous revoilà en très basse altitude avalant collines et vallées. Contrôle de la navigation, surveillance du ciel, vérification de la consommation du carburant et du bon fonctionnement des instruments sont les occupations permanentes de chaque pilote – deux points noirs devant… et une fraction de seconde plus tard ils sont derrière; il y a des oiseaux dans le secteur. Heureusement qu’ils arrivent à nous éviter (pas toujours malheureusement) en repliant les ailes et en se laissant tomber vers un ” niveau de vol inférieur “. Plus que quelques minutes avant d’entrer sur la carte du point reco; mémorisation rapide de l’approche, des renseignements à rechercher; etc… Nous repassons les lignes par une autre ” porte” (définie au briefing). Tout le monde vérifie la caméra branchée et effectue un dernier essai. ” Deux chasseurs à 06 h sur la patrouille de gauche, un nautique “; aussitôt la patrouille de gauche (nous) est partie en break à gauche, PC allumées, 6 g à ” la pendule ” alors que la patrouille de droite (1+2) essaye de ” contrer ” l’assaillant. Trop tard : à priori le n°4 a été ” shooté ” par les chasseurs qui dégagent maintenant par la droite. Reprise de la formation initiale (en attendant la confirmation du tir du n°4 au débriefing ) et le leader ” pédale ” très vite pour rejoindre le point d’acquisition reco qui est tout près maintenant… le voilà : le carrefour des voies ferrées. Les quatre avions évoluent rapidement pour prendre la place qui permettra de voir et filmer.
Verticale – Top chrono. Les secondes s’égrènent rapidement : 20 secondes… 30 secondes… vu la gare. Une pression du doigt et la caméra ronronne et enregistre cliché sur cliché. Un bâtiment en dur (la gare), deux quais dont un couvert, un train de marchandise à l’arrêt (environ dix wagons de matériel agricole) sur la voie nord. Un locotracteur diesel roule sur l’autre voie… plus rien, c’est passé. Un retour en arrière de quelques secondes pour sonder la mémoire et refaire un inventaire ; quelques notes gribouillées à la hâte et l’on reprend la Nav vers le champ de tir. Contact radio avec l’officier de tir. Nous pouvons nous reporter au point d’entrée et Jean prend un léger retrait par rapport à la première patrouille. Point d’entrée, accélération à 500 kt et réglage de l’avion, bille au milieu, le champ de tir est en vue ; sélection des canons, dernière vérification de la hausse affichée. Le 1 et le 2 cabrent; deux secondes derrière c’est à nous, 20° de cabré, 1500 pieds sol, passage trois-quarts dos pour redescendre le nez rapidement sur la cible, branchement de la sécurité de tir en annonçant le ” in “, les ailes horizontales, le repère au pied de la cible, télémétrie laser, la distance restante défile dans le viseur. Un coup d’œil au badin; 480 kt en accélération, la bille – 1500 m – le réticule est sur la cible, 10° de piqué, 1200 m, 500 kt… 1000 m. L’index écrase la détente. Roulement de tambour assourdi des canons avec de légères vibrations alors que surgit devant l’avion une grappe d’obus matérialisés par quelques traçants qui fondent sur la cible; une demie seconde de feu et l’index relâche la détente, simultanément c’est la ressource en affichant plein gaz. Le nez passe au-dessus de l’horizon et Jean maintient la cadence (5g) en virant à gauche alors qu’à droite fuse un obus traçant qui vient de ricocher. N°3, ” out ” ! Après 90° de virage, nous voilà les ailes horizontales avec le n°1 et le n°2 devant alors que le n°4 annonce son ” out ” et le visuel sur l’ensemble de la patrouille. Le leader entame une baïonnette pour faciliter le rassemblement alors que l’officier de tir annonce les résultats (nous venons de tirer sur une cible acoustique à restitution instantanée). Les résultats sont très satisfaisants ; chaque pilote ayant tiré environ une vingtaine d’obus. Patrouille rassemblée, dernier check pétrole effectué, nous mettons le cap sur le terrain. Avec l’autorisation de la tour de contrôle, nous pénétrons dans le circuit pour nous présenter au break en échelon refusé à droite à 1500 pieds 350 kt. A l’entrée de la bande, le leader part en virage à gauche suivi de 5 en 5 secondes par les autres avions. Sortie des A.F, au départ du break pour réduire la vitesse et les quatre avions se retrouvent alignés en vent arrière à 200 kt, 20° de volets sortis. Manœuvre du train, vérification du verrouillage – trois verts – 40° de volets et Jean part en dernier virage derrière le n°2. Virage en descente à une incidence de 10°. L’incidence mètre, placé sur le montant du pare-brise est dans le champ visuel en regardant normalement devant soi.
Aligné avec la piste, il déroule le virage en visant l’entrée de piste – 300 pieds à la radiosonde – un peu de gaz pour se rallonger un peu. Nous voilà sur la POR, incidence à 12° jusqu’au toucher des roues. Les manettes dans la poche et nez haut pour freiner aérodynamiquement. A 100 kt il accompagne la roulette de nez au sol, dirigibilité enclenchée. Pression sur le frein, virage à gauche. La piste est claire : nous venons de faire 2h 30 de vol. Retour au parking aux ordres du mécanicien. Aérofreins sortis, Jean coupe les moteurs après avoir tout débranché dans la cabine. Jean ouvre la verrière pour retrouver un petit vent frais du nord-ouest alors que le mécanicien monte à l’échelle. Celui-ci tend la sécurité siège et s’inquiète aussitôt de son avion :
” Est-ce qu’il est bon ? “
– Affirmatif ! Merci.
Quelques mots, un regard suffit pour parler le même langage et partager la même foi.
Alors que les photographes sont déjà au travail afin d’extraire les films des magasins, toutes les sécurités en place, nous pouvons déboucler les harnais et sortir de l’avion. Contact avec le sol et retour à la mécanique pour remplir la forme : RAS. Nous voilà revenus à l’escadron. Juste le temps de poser les équipements de vol et nous retrouvons nos quatre pilotes réunis pour débriefer la mission. La parole est au leader : il reprend tout depuis le début. Ce qui est bon est vite écluse pour s’appesantir sur les points faibles de la mission et en effectuer la critique constructive. Les films sont maintenant développés : le 1 et le 2 commencent par le film OMERA 40 de la gare; quant à nous, nous allons avec le quatrième visionner la cinémitrailleuse. Le premier objectif apparaît sur le film rayé par l’épée du viseur alors que la distance est marquée en bas de l’image. Les visées sont bonnes mais le n°4, un peu près du n°3, et gêné par le souffle pour stabiliser la visée. Pour le tir, les visées sont bonnes et les résultats sont là pour le prouver. Nous passons ensuite à l’OM 40. L’officier de renseignement a déjà chargé les films sur la visionneuse : déroulement des deux films en simultané; apparaissent les premières vues d’essai, puis des champs, un bout de voie ferrée… voilà, la gare est là ! Encore deux vues et tout l’objectif apparaît sur les clichés. Trois paires d’yeux scrutent les films : un, deux… dix, onze wagons. C’est bien des tracteurs et moissonneuses. Le diesel sur l’autre voie. Tiens, trois bonhommes qui travaillent sur les rails et là, sur le quai, le chef de gare la tête en l’air (qui sait ce qu’il pensait à ce moment !)… et aussi un petit bout de voie de garage avec deux wagons citernes à moitié dissimulés par les arbres. Il reste au leader à faire le débriefing sur le cahier d’ordres et aux pilotes à contresigner, à remplir les fiches de restitution du tir et des caméras… et aussi à débriefer les deux interceptions avec les ” chasseurs ” (qui est ” tiré ” qui a tiré). Cette discussion fortement gestuelle étant difficilement traduisible, nous laisserons là nos protagonistes après avoir passé quelque quatre heures en leur compagnie (briefing, vol, débriefing). C’était une mission comme une autre dans la vie d’un pilote de chasseur-bombardier.