Interviews de pilotes, réalisées par M.Jean-Pierre Hoehn et M. Daniel Jandel extraites d’un article paru dans le n*282 du “Fana de l’aviation”.
Eh oui, la guerre du Golfe, c’était il y a 25 ans et au mois de Février, ce sera les 30 ans de l’attaque de la piste de Ouadi-Doum dont je vous parlerai plus longuement. Il y a quelques semaines j’avais fait paraitre un article “un missile dans le réacteur” qui relatait la première mission d’un des pilotes, le capitaine Hummel ; là je vous invite à lire le récit de la même mission racontée par un autre membre de la patrouille, le capitaine Bonnafoux, pour qui ça aussi failli mal finir.
Le vol à très basse altitude et la menace anti-aérienne.
– Au tout début du conflit, l’aviation américaine a commencé par disloquer ou anéantir les réseaux de transmission des Irakiens, leurs radars et leurs sites de missiles anti-aériens à guidage radar. Cette action préliminaire signifiait pour nous que la menace la plus dangereuse, celle des SAM que nous appréhendions le plus, avait en principe disparu et, avec elle, la raison d’être du profil de la mission à très basse altitude (TBA). Pourtant, au cours des toutes premières missions, tout le monde, Américains, Anglais, Français, attaqua en TBA comme si nous n’avions été entraînés qu’à procéder de cette manière. Ce sont les TORNADO de la RAF, on le sait, qui ont payé la basse altitude au prix le plus lourd. Cependant, ils ne pouvaient pas toujours attaquer autrement. Leurs premières missions ont consisté à détruire en Irak les pistes des bases aériennes avec des bombes anti-pistes qui leur imposaient de survoler les cibles très bas sans leur laisser la possibilité de varier les axes d’approche !
Nos bombes freinées ou anti-piste ne sont elles aussi utilisables qu’à basse altitude. Ces exemples montrent que l’on peut avoir à voler très près du sol pour beaucoup d’autres raisons que d’échapper à des radars. A basse altitude nous avons constaté immédiatement que nous étions à la merci de tous les types d’armes sans exception, y compris les fusils automatiques, et nous avons dons changé de tactique. Pour échapper à cet arsenal dangereux jusqu’à environ 18 000 pieds (5 500 m), la décision fut prise d’opérer à moyenne altitude, au moins dans les phases d’approche et d’éloignement des objectifs, c’est-à-dire au niveau 200 (20 000 pieds, 6 000 m ) et au-delà le cas échéant. Néanmoins, dans ce domaine supérieur, nous restions encore à portée des SAM ou de la DCA de gros calibre, même si le risque en était sensiblement diminué par l’aveuglement de leurs systèmes de tir. L’ennemi pouvait encore lancer ses missiles ou mettre en œuvre ses batteries de DCA au jugé ; notre sécurité était donc toute relative. En outre, lorsque nous emportions des bombes classiques contre des objectifs à atteindre avec précision ou des cibles de petites dimensions, nous étions malgré tout obligés de viser et de larguer nos bombes en semi-piqué. En conséquence, nous sortions de la zone ” salvatrice ” jusqu’au niveau 130 environ (13 000 pieds, 3 500 m ) où nous commencions la ressource. Conclusion : pendant deux à trois minutes, nous étions à nouveau exposés à rencontrer toute sorte de ferraille que l’ennemi pouvait lancer en l’air !
Bien entendu, nous pouvions larguer nos munitions en palier en restant à l’altitude de sécurité, mais cette méthode ne donne de résultats que dans le cas de bombardements de saturation sur des objectifs de surface étendue. “
– Avant la mission, lors du briefing, l’officier de renseignement nous désignait souvent un point rouge sur la carte en précisant : attention, ici il y a en principe de la défense aérienne ! Pour nous, cela ne voulait pas dire grand-chose. Les détails sur la nature de ces défenses restaient très vagues et imprécis. Lorsque nous arrivions près du fameux point rouge ou bien l’enfer se déclenchait ou bien il ne se produisait rien du tout. Chaque mission, chaque journée, apportait son lot de surprises et d’inconnues. A chaque départ en mission, nous nous demandions ce qui nous attendait car personne ne pouvait prévoir les réactions de Saddam Hussein. Cette incertitude augmentait notre stress et notre peur. Nous larguions nos bombes en semi-piqué, et nous remettions immédiatement la gomme en déclenchant la PC et en larguant des leurres afin de tromper l’armement anti-aérien infrarouge, notamment le fameux et redouté SA-7 tiré à l’épaule d’homme, qui pouvait toujours nous cueillir au moment le plus inattendu ! Sur certains films de combat, apparaissent souvent les paraboles de fumée blanche des SA-7 qui ont été tirés contre nous mais que nous n’avons pas vus dans le feu de l’action tant notre concentration sur l’objectif était grande. Pour corser le tout, les Irakiens tiraient aussi un peu au hasard des SAM équipées de fusées barométriques qui explosaient à l’altitude pour laquelle elles étaient réglées, parfois au milieu des groupes d’avions. “
L’AS. 30 L, le ” Maverick ” et la” guerre propre “
– Les divers comptes rendus des opérations aériennes de la Guerre du Golfe ont mis l’accent sur la précision de certains bombardements, notamment au centre de Bagdad. Certains journalistes ont fait un rapprochement entre ces attaques de précision et les tapis de bombes qui causèrent de gros dégâts inutiles pendant la deuxième Guerre Mondiale, et ont dit ou écrit que nous accomplissions une ” guerre propre “. Nous n’avons jamais eu ce sentiment. Non pas que nous bombardions n’importe comment, pas du tout, mais tout simplement parce que nous étions condamnés à être précis puisque nos objectifs étaient souvent petits (comme des abris bétonnés, par exemple) et parfaitement isolés dans des zones désertes. Contrairement aux Américains, il n’a jamais été demandé aux pilotes de JAGUAR d’aller bombarder une centrale électrique en plein centre de Bagdad, près d’une station de bus ! “. Destiné aux cibles en dur pour percer jusqu’à deux mètres de béton (ce qui est très remarquable). Il a aussi le grand avantage de pouvoir être tiré à 13 kilomètres du but, ce qui évite au tireur de survoler la cible et les armes anti-aériennes qui la défendent. “
– Je n’ai pas la certitude que les bombardements à l’horizontale par des avions groupés, comme les formations de F-16, étaient d’une précision “chirurgicale “, comme on a dit.
– Lorsque l’objectif est un dépôt de munitions par exemple, et qu’en le détruisant on risque de porter des dommages alentours, il faut aller jusqu’au bout de la mission et larguer ses bombes. Ceux d’en bas, s’ils en ont eu le temps, ne manqueront pas de vous tirer dessus. “
– Vers la fin des hostilités, lors du repli massif des Irakiens, et lorsque leur défense anti-aérienne était presque totalement anéantie, j’ai survolé une colonne de véhicules. Je me souviens très bien d’un soldat qui a sauté de sa jeep en marche pour s’enfuir en courant. Je n’ai pas tiré. Mais au même instant, un autre fantassin, que je n’ai pas vu, n’a pas hésité à me prendre pour cible ! Et là, croyez-moi, mes sentiments ont vite changé, car j’ai compris tout d’un coup que l’adversaire ne nous ferait aucun cadeau, jusqu’à la dernière minute. “
– Nous avions l’AS.30 L, missile air-sol guidé par un rayon laser. Les médias du monde entier ont repris les images que nous avons rapportées de nos attaques… Nous avons tiré environ 63 AS.30 L pendant le conflit, avec un taux de réussite proche de 100%. Il est bien vrai que l’AS.30 L est une arme de précision puisqu’elle va très exactement là où le pilote a pointé le laser du système de guidage, mais ce n’est pas ce qui a justifié son emploi. Cette précision n’a rien d’absolu : si le pilote vise mal, l’AS.30 L provoquera des dégâts considérables là où il n’aurait pas dû frapper ! L’AS.30 L a été utilisé pour d’autres raisons que sa précision. Il a surtout une très grande puissance de destruction, nécessaire contre certains objectifs. Il ne convient pas contre des véhicules.
– Les Américains avaient le ” Maverick “. Ce missile air-sol n’est pas comparable à l’AS-30 L, sinon dans son principe. Il a été spécialement conçu pour mettre hors de combat les engins blindés et mobiles, et pas pour détruire des objectifs en dur comme l’AS-30. Dans son domaine, le “Maverick” est très probablement excellent. J’ai rencontré un pilote de A-10, un vétéran aux cheveux grisonnants, qui a détruit seul et en une seule journée, 21 chars avec cet engin. “
Le “vieux” JAGUAR et les “modernes” TORNADO.
– Certains facteurs contribuaient beaucoup à nous tranquilliser l’esprit. Une de nos grandes hantises était l’éjection derrière les lignes ennemies, et, avoir conscience que nous pouvions compter sur une organisation pour la recherche et le secours des pilotes abattus, d’une efficacité exemplaire, était très rassurant. Cette organisation était constituée sur le modèle américain. Dans ce domaine, les Américains ont retiré du Viet Nam une expérience considérable dont nous avons profité.
Avant chaque départ en mission, je passais un peu de temps à me remémorer les paramètres du vol, mais je prenais systématiquement 20 minutes pour réviser le détail des procédures de sauvetage ! “
– Le fait que nos JAGUAR ont deux réacteurs a eu sur nous le même effet tranquillisant que l’excellence de la structure Search And Rescue mise en place par la coalition. Lorsque certains d’entre nous sont rentrés avec un moteur hors service, nous avons vraiment compris, si besoin était, que le JAGUAR nous apportait un ” plus “. Au début des opérations, nous avons eu quelques problèmes de routine : pannes hydrauliques, extinctions de réacteurs intempestives, et autres pépins auxquels nos mécanos ont su faire face rapidement et sans problèmes. Il faut dire que tous, nous connaissons le JAGUAR sur le bout des doigts et que nos déploiements réguliers en Afrique depuis des années, nous ont montré que c’est un appareil rustique qui s’accommode bien des conditions d’utilisation dans un environnement difficile… J’ai vu des JAGUAR avaler quantité de sable sans même que le réacteur ne tousse, par exemple. “
– La comparaison entre le support logistique nécessaire au JAGUAR et celui dont le TORNADO avait besoin par exemple, était significatif et nous amusait. Pour chaque JAGUAR, nos mécanos avaient emporté une palette avec un réacteur de rechange et quelques caisses à outils. Pour chaque TORNADO, la RAF avait acheminé par avion plusieurs tonnes de matériel, sans compter les rechanges pour son électronique extrêmement complexe. D’ailleurs, les Britanniques ont affirmé qu’ils préféraient le JAGUAR au TORNADO, tant pour des raisons de fiabilité technique, que d’utilisation au combat. Et pourtant, leurs JAGUAR sont plus sophistiqués que les nôtres. “
– Je n’ai jamais vu de chasseurs ennemis dans un ciel totalement contrôlé par la coalition, mais un jour, à la fin d’une mission, en vol près de la frontière avec l’Iran, dans cette direction, j’ai vu deux points noirs qui se dirigeaient vers nous. Je ne pouvais pas encore distinguer s’ils étaient amis ou ennemis mais j’ai senti mes cheveux se dresser sous mon casque, tant j’avais la frousse ; je faisais alors une cible très facile. A moyenne ou haute altitude, le JAGUAR n’est vraiment pas en bonne position. C’est même le domaine de vol où il est le plus mauvais ! – A basse ou très basse altitude, il peut toujours s’en tirer en mettant la gomme et en se faufilant contre le relief pour dissuader son adversaire, mais en plein ciel, c’est une autre histoire… Bref, ces deux points noirs ont finalement changé de cap sans s’occuper de moi. Je crois qu’ils étaient américains, mais je n’en suis pas sûr. “
– Il est exact que des MIRAGE F1-CR nous ont accompagné parce qu’ils sont équipés avec ce que nous n’avons pas, un système de navigation quasiment autonome, mais ce ne fut jamais systématique. Comme on le sait, les ” CR ” furent interdits de vol par les Américains au début du conflit, parce qu’ils risquaient d’être confondus avec des F-1 Irakiens. J’ai presque envie de dire que ce sont plutôt les JAGUAR qui accompagnaient ensuite les MIRAGE, car nos alliés tenaient à tout prix que ce dernier opère en duo avec un autre avion, MIRAGE 2000 ou JAGUAR afin d’éviter toute ” bavure “. A l’époque des missiles, ça peut aller très vite ! Nous étions en outre équipés avec des GPS et nous pouvions parfaitement nous dispenser des centrales à inertie des MIRAGE.
Seul au-dessus du désert
Le Capitaine Bonnafoux est affecté à la 7ème Escadre de Chasse, à St Dizier. Il était encore lieutenant lors de la guerre du Golfe, où il a vécu une aventure qui aurait pu tourner au drame, à bord du JAGUAR A104. Ce témoignage ne laisse aucune équivoque sur les dangers et les difficultés auxquels furent confrontés les pilotes français sur ce théâtre d’opérations.
– C’était le 17 janvier 1991. Je faisais partie des pilotes désignés pour la toute première attaque de l’Armée de l’Air contre des positions irakiennes au Koweït. Notre objectif était la base d’Al Jaber, au centre de l’Emirat. Dans le cadre du partage des missions entre les Alliés, les Américains nous avaient demandé d’y rechercher et d’y détruire des stocks ou des emplacements de missiles sol/sol suspectés d’être équipés de charges chimiques. Notre dispositif était une formation de 12 JAGUAR, composée par deux groupes de six avions qui devaient attaquer à quelques secondes d’intervalle au moyen de bombes freinées, tôt le matin. Notre mission devait se dérouler à basse altitude, d’une part à cause de notre armement, et d’autre part afin d’échapper aux SAM guidées par radar, la menace la plus dangereuse… Au moins, était-ce ce que nous croyions à ce moment-là, même si, en principe, les Américains avaient déjà détruit tous les centres de guidage et de contrôle des SAM. Nous avons décollé d’Aï Ahsa, notre base dans le désert d’Arabie Saoudite. A peine avions-nous traversé la frontière du Koweït, que notre univers a soudain changé. C’était comme si une ligne invisible avait été tracée sur le sable. D’un côté, tout était calme et organisé, de l’autre, après quelques secondes, c’était la guerre et l’enfer ! C’était ma première mission de guerre, mais je ne pensais pas qu’une chose pareille pouvait exister. L’intensité de la riposte venant du sol était incroyable, et comme nous étions très bas, nous avions droit à toute la ferraille, tout ce que les armes de tous les calibres pouvaient tirer vers le haut ! J’étais dans la deuxième vague de six avions, je voyais très bien le feu anti-aérien monter vers les premiers JAGUAR, avec, en nombre appréciable, ces fameux SA-7 à guidage infrarouges, tirés à l’épaule par des fantassins. Contre cette éruption, il n’y avait pas grand-chose à faire. Nos moyens de contre-mesure électronique ne servaient à rien puisque les Irakiens n’utilisaient pas de radars pour ajuster leurs tirs, peut-être, d’ailleurs, par crainte d’attirer les ” Weasels ” Américains. Je me suis demandé ensuite pourquoi autant de SA- 7 avaient fait si peu de dégâts contre nous… Peut-être parce que l’empennage horizontal à dièdre fortement négatif du JAGUAR masque un peu la sortie des tuyères ou en absorbe la chaleur et réduit ainsi la signature infrarouge de l’avion ? Cette explication ne peut pas être la seule. Je pense que d’autres facteurs jouèrent aussi en notre faveur, comme notre altitude, la position des tireurs, ou leur angle de visée, par exemple. Notre formation venait de pénétrer à son tour dans cette concentration de tirs, quand j’ai ressenti un impact sur l’avion. Je n’ai rien vu ni entendu, simplement “éprouvé” un choc dans la cellule. J’ai su que j’avais été touché avant que l’alarme de la baisse de pression d’huile ne s’allume et qu’au même instant commence à hurler le signal d’incendie du réacteur droit. J’ai essayé de conserver ma place auprès des cinq autres JAGUAR, mais je perdais régulièrement de la puissance, de la vitesse et de l’altitude… Le reste de la formation m’a distancé pour disparaître devant moi. L’intensité du feu ennemi a diminué, puis tout a cessé. J’avais déjà dépassé la zone la plus dangereuse. J’entendais toujours mes camarades à la radio, mais je ne pouvais même plus les apercevoir ; j’agissais grâce aux réflexes que m’avaient donnés des centaines d’heures d’entraînement. J’étais seul au-dessus du désert. J’ai songé à m’éjecter, mais, comme l’avion volait toujours, j’ai pensé que je pouvais m’en tirer et le ramener. Je retrouvai mes esprits. J’ai largué toutes les charges accrochées sous mes ailes, j’ai coupé le réacteur droit, et j’ai appelé un AWACS dont l’équipage surveillait notre progression. Désormais allégé, le JAGUAR reprit un peu de vitesse et d’altitude. C’était étrange. Le ciel me paraissait vide, mais, dans les écouteurs j’entendais mes camarades attaquer Al Jaber. Soudain, Hummel a crié qu’il avait été touché, lui aussi, au-dessus de l’objectif! Très haut dans leur AWACS, les contrôleurs ne perdaient rien de ce qui se produisait au ras du sol et qu’eux non plus ne pouvaient voir. Ils m’indiquèrent un cap pour rejoindre Hummel, afin qu’ensemble nous puissions si possible, rejoindre la base la plus proche en Arabie Saoudite.
En quelques minutes, je me rassemblais sur son JAGUAR qui avait été touché par un SA-7 sous le réacteur droit. Il avait perdu quelques tôles, d’autres morceaux pendaient sous son ventre, et il traînait une fumée noire.
– Mon pauvre vieux, si tu voyais ton avion ! il est en feu,” lui ai-je dit.
– Le tien aussi, pardi ! ” m’a-t-il répondu. Aussi éclopé l’un que l’autre, nous survolions le désert sans y remarquer la moindre activité. Une chance inouïe, car nos deux avions en feu, ralentis, qui dégageaient une forte quantité de chaleur, faisaient deux cibles idéales pour des tireurs de SA-7. Finalement, nous sommes parvenus jusqu’ à Jubaï, base américaine en Arabie Saoudite, clopinclopant, chacun avec un moteur fonctionnant toujours, et nous nous sommes posés tranquillement. Mon JAGUAR A104 avait été atteint à droite par un projectile de petit calibre qui avait crevé le carter d’huile du réacteur droit. Le JAGUAR A91 du capitaine Hummel avait été touché par un SA-7 qui avait provoqué des dégâts beaucoup plus importants au réacteur droit, et avait endommagé l’autre. Les Américains chez qui nous nous étions réfugiés nous ont demandé quelle route nous avions suivie vers Al Jaber. Nous leur avions montré sur nos cartes un trait presque droit, entre un point A, notre base, et un point B, l’objectif. L’étonnement leur a presque coupé la parole…
Ils nous ont indiqué un endroit traversé par ce trait. C’est là que j’avais été touché.
– ” Si vous êtes passés par là, vous auriez dû être à 50 000 pieds. “
– ” Non. Nous ne volions pas à plus de 50 pieds ! “
– ” Soyez sérieux. Avouez-le, vous ne pouviez pas être en-dessous de 45 000 pieds. “
– ” Non, répétions-nous, nous étions à 50 pieds. ” Comme ils ne semblaient pas disposés à nous croire, nous avons fini par leur demander le motif de leur insistance. Ils nous ont ainsi révélé que nous avions survolé un PC irakien à demi-enterré, le mieux défendu, peut-être, de tout le Koweït.
Jamais ils n’avaient osé s’aventurer si bas sur cette zone, et n’avaient même pas imaginé que d’autres pourraient le faire… Du coup, avec nos vieux JAGUAR, nous sommes devenus les héros du jour, et nous avons dû serrer quantité de mains ! Plus tard, en retraçant avec Hummel le trajet que nous avions suivi au retour, nous avons eu une autre surprise. Nous étions passés exactement dans une sorte de couloir entre deux zones de concentrations irakiennes. Voilà pourquoi nous n’avions rien vu, ni personne. Décidément, nous avons eu beaucoup de chance !
Des 12 JAGUAR de notre dispositif, 4 au total ont été touchés- le tiers de l’effectif. Je regrette qu’on n’ait pas plus parlé de nos deux autres camarades, le Cne Mahagne, qui fut blessé à la tête, et le Ltt
Christ, dont le JAGUAR frappé à l’avant, a perdu une grande partie de ses commandes de vol, mais qu’il a réussi à ramener avec beaucoup de difficultés et de talent… Brave JAGUAR. Si demain je devais retourner au feu et si j’avais le choix, ce serait en JAGUAR.
Témoignages essentiels pour l’histoire de l’aéronautique, ces récits reflètent fidèlement la vie du JAGUAR et des hommes qui ont fait ces 20 ans d’histoire. Aujourd’hui pour le JAGUAR la mission continue en France et dans le monde.
Demain le RAFALE succédera au JAGUAR. Je remercie tout spécialement le Commandant MORVAN pour la réalisation de cet ouvrage. Pilote de JAGUAR depuis dix ans et passionné de l’histoire de l’aviation militaire, il s’est consacré totalement à ce livre. Je rends hommage également aux auteurs des différents articles qui ont accepté ainsi de transmettre le fruit de leur expérience.
Je remercie enfin toute l’équipe du “livre des 20 ans”, en particulier le Capitaine SAINT-LEGER et l’Aspirant D’ANGELO. Le Lieutenant-colonel SCHLIENGER commandant la 7ème Escadre de Chasse
A SAINTDIZIER, le 19 mai 1993