René VERBOIS dit « Nénésse »

 

Nous sommes arrivés ensemble au 1/11 en 1984 ; lui comme adjoint à l’OAT (officier adjoint technique) et moi comme second d’escadron. Nénesse avait commencé sa carrière dans l’Armée de l’Air comme « Arpète », appartenait au corps des sous-officiers et était passé officier récemment. Il venait de Colmar où il avait été pistard (mécanicien de piste) puis avait assuré les fonctions de chef de service.

 

Arrivée au 1/11 . Selon la tradition, l'insigne d'escadron est à aller chercher au fond du verre
Arrivée au 1/11 . Selon la tradition, l’insigne d’escadron est à aller chercher au fond du verre

 

Son arrivée à Toul lui avait un peu piqué les yeux, car il faut reconnaitre que la 11EC à Toul,  c’était spécial ; au bout d’un an il m’avait dit « tu vois, en 1 an j’en ai plus vu ici, qu’en 17 ans de piste à Colmar ». C’était un peu marche ou crève. Nénesse était l’archétype de l’officier mécano tel qu’on l’imagine ; animé d’une grande conscience professionnelle, dur au mal mais qui savait faire preuve de souplesse quand il le fallait. C’est vrai qu’il fallait faire preuve de rigueur quand on a la responsabilité de le mise en œuvre d’une quinzaine avions de combat, mais aussi savoir lâcher du lest quand on a en charge plus d’une centaine de mécanos prêts à aller au bout du monde pour peu qu’on leur fasse preuve d’un minimum de considération. Pendant mon année de commandement (et aussi dans les deux précédentes) je n’ai pas souvenir qu’on ait eu un mot plus haut que l’autre ; je lui faisais entièrement confiance et il me le rendait bien car « la mécanique » ne m’a jamais posé de problème. Il fait aussi reconnaitre qu’il était secondé par des chefs de service bien au-dessus de la moyenne qui étaient entièrement acquis à sa cause.

A ce sujet, il me revient en mémoire une anecdote; à l’issue d’un détachement à N’Djamena plutôt éprouvant qui avait été marqué par un montage d’armement réel tous les quatre ou cinq jours, nous avions eu droit à quelques jours de récupération pour enchainer aussitôt sur l’EVALTAC (évaluation tactique) de la base qui bien évidemment ne pouvait pas se dérouler sans un de ses escadrons. Après un ramassage matinal du personnel (4 heures du matin) la FATAC avait lancé son traditionnel montage d’armement destiné à vérifier l’aptitude opérationnelle d’un escadron à armer des avions en temps de guerre. Pour le 1/11, ce montage fut plus  de la routine qu’autre chose et se déroula normalement pour se terminer en fin d’après-midi comme demandé. Vers 20H, je vois le commandant de l’escadre accompagné du général responsable de l’évaluation arriver en salle d’OPS avec l’air assez grave ; à l’évidence ce n’était pas bon signe et par habitude, je me mets en configuration « prêt à en prendre une » (remontée de bretelles). C’est alors qu’ils m’expliquent qu’il y a eu erreur dans les ordres, qu’il faut faire retomber l’armement et passer les avions en AGL (armement guidé laser) pour un décollage le lendemain matin de bonne heure, ce qui signifiait de travailler une grande partie de la nuit. Je me souviens que le général me demanda si cela n’allait pas créer une révolution chez les mécanos ? J’ai alors regardé Nénesse qui visiblement ne comprenait pas la question et qui n’attendait qu’une chose, qu’ils partent afin d’organiser au plus vite son affaire. Il n’y eu pas une réflexion, un grognement et je ne sais même pas si un mécano se souvient de cette histoire.

Le 1/11 au complet, juste avant l'EVALTAC
Le 1/11 au complet, juste avant l’EVALTAC

Nous avons fait 3 DETAM ensemble et il faut reconnaitre que ça créé des liens car au-delà des anecdotes qu’on aime bien se raconter après, il y a eu aussi des moments pénibles à vivre, mais qui finalement restent comme de bons souvenirs. Je pourrais parler du « boulanger du désert », d’une relève mécano à Bangui, des négociations avec le chef des pygmées, des premiers jours de l’opération Épervier à N’Djamena,…. Christian Nalle son chef pétaf (armurier) qui m’a annoncé son décès me rappelait aussi une anecdote vécue à N’Djamena ; tous les jours avec Nénesse, nous faisions un footing d’une petite heure, tranquilles et un jour Christian demanda de nous accompagner. Il faut dire que Christian  était le champion de la base, de la région, mettait des tôles aux biffins,..  Nous n’avions pas osé refuser mais on se voyait mal courir avec lui. « OK, on part à fond, on accélère et on le sème » ; ce qui fut dit, fut fait et je me souviens d’avoir entendu Christian râler et crier « de tout façon, je vous rattraperai ! ». Ce qui fut aussi fait quelques centaines de mètres plus loin, où essoufflés nous étions morts de rire devant sa réaction. Une gaminerie certes, mais qui reflète la complicité qu’il y avait entre nous deux.

Début d'Epervier. Le
Début d’Epervier. Le “Hilton” des mécanos

 

Visite chez les pygmées
Visite chez les pygmées

 

Relève à Bangui ; pas vraiment une bonne surprise
Relève à Bangui ; pas vraiment une bonne surprise

Nénesse était surtout, ce qu’on appelle « un mec bien » que j’ai particulièrement apprécié. J’aimais son honnêteté intellectuelle (« en escadron, il n’y a pas de place pour les faisans » me disait-il), son comportement, sa bonne humeur, ses bons mots (« je ne m’attendais pas à recevoir une poignée de main, mais de là à prendre une baffe dans la gueule » phrase qui traduisait chez lui un grand sentiment d’injustice), bref tout. Il s’était retiré en Alsace, s’occupait de ses petits-enfants, faisait toujours son footing et était toujours aussi passionné de sport. Nénesse tu nous as  quitté trop tôt.

2 réponses sur “René VERBOIS dit « Nénésse »”

  1. Bel hommage, je n’ai fait qu’un peu moins de 3 ans,(oct 1985 mai 1988) et un détam, (janvier février 1987) avec le 1/11 en tant que SNA et je me rappelle parfaitement des qualités humaines exceptionnelles du capitaine Verbois. Certainement le meilleurs des OAT que j’ai eu pendant ma carrière de mécanicien SNA.

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