MA PREMIÈRE CAMPAGNE DE TIR À CAZAUX

 

Un vrai baptême du feu pour une première.

C’était en 1957, le 15 mars. La “11” était commandée par le Commandant Bihet. Le chef OPS était le Capitaine Douchet (un ancien de 39-45). Le patron du “2/11 Vosges” était le capitaine Desjobert, son second, le capitaine Xavier Dechelette et le “drille” le lieutenant Fieux.

Après un entrainement au tir caméra réussi, je fus jugé apte au tir réel (armes de bord et roquettes). Me voilà sur le tableau d’ordres.

La patrouille “Métro” se composait de trois avions. Le chef OPS leader, le sergent-chef Jourret SCP n°3, tous deux avaient le redoutable honneur d’encadrer le petit jeune “élève équipier”.

Briefing, signature des “formes 11”, mise en route sans problème.

Décollage individuel, rassemblement et mise de cap sur le champ de tir.

Entre temps le commandant d’escadron s’était rendu sur place afin d’observer les passes de tir du petit dernier.

Après contact radio avec l’officier de tir, la patrouille est autorisée à entrer dans le circuit et se présente en échelon refusé à droite Z= 4.500 pieds 350 kts puissance 70 à 75% affichée pour débuter le piqué. Cible à midi, prise de distance, après dégagement à gauche à 20°.

Je dégage “out”, j’avance la manette et débute une montée vers 4.500 pieds et j’entends un “Pouf” !!! Le tachymètre, manette en avant, indique 70% et la température tuyère est bloquée sur Max. Sur la lancée je stabilise à 3.500 pieds et mets le cap sur la base. J’annonce mes ennuis et demande “instructions au leader” Pas de réponse. Le n° 3, me dit le leader doit être en panne radio, contacter l’officier de tir (c’est le commandant d’escadron). Je le contacte et il me répond : “Passez sur la tour de contrôle de KZO” !!!

Merci les copains, me voici dans de beaux draps. Je passe donc sur la fréquence de la tour. Entre temps, le leader a retrouvé sa radio et a effectué, en compagnie du n°3, ses tirs, jusqu’à épuisement des munitions. J’étais seul cap, sur la base, manette en avant à 70%, température tuyère bloquée sur max, en descente. Tout le reste était ok. Je contacte la tour et demande la priorité à l’atterrissage, face à l’est. Il n’y avait pas d’autre solution : me poser ou sauter !!!

Réponse du contrôleur : “Métro 2 négatif pour la présentation directe. VIP en vent arrière et patrouille à l’alignement. Présentez-vous au break“. Le VIP intervient et annonce qu’il se posera après l’avion en difficulté. Le leader de la patrouille au point de manœuvre refuse de s’aligner pour me laisser la piste. Il a pris les choses en main. “Métro 2, j’ai visuel sur vous, vous sortirez le train à mon top, la présentation est bonne, ne creusez pas trop, il y a le Lac“. Une fumée blanche commence à envahir la cabine, mais je n’avais qu’une seule idée en tête : la piste et le lac. La vitesse indiquée, les instruments…. Il me revenait en tête, le conseil de mon moniteur à l’école de chasse : “Tant qu’il n’y a pas le feu, pas de problème“.

N°2 sortez le train“, réponse : “2 vertes“. Il faut pomper pour verrouiller la roulette de nez : “3 vertes“. J’arrondis et me pose sur le début de l’over-run à trois mètres du début de bande. Pour rappel, Cazaux était une base de formation pour les pompiers de l’armée de l’Air et il y avait également, un escadron américain en campagne de tir. Mon taxi contrôlé, j’ai dégagé la piste. Quinze minutes de vol, presqu’une éternité sur le F-84F Uniforme. J’attendais les pompiers … Personne à l’horizon… Seul dans mon avion qui fumait par tous les orifices… Arrive enfin une jeep. C’était des mécanos américains mais à 50 mètres, voyant que c’était un taxi français qui fumait de partout, ils firent demi-tour pour se mettre en sécurité. Enfin arrivent les pétafs du “2/11”. Ils placent la jeep tout contre l’avion, posent les sécurités siège train, délivrent le pilote et tombent les roquettes. Les pompiers arrivent enfin !!!

Toutes les sécurités posées, contacts coupés, j’ai pu rejoindre l’escadron.

Première observation : personne pour me conseiller en vol sauf pour l’atterrissage. Le VIP était notre général accompagné du commandant d’escadre. “Félicitations, vous avez sauvé un avion cela vaut 20 points positifs“. Arrive mon commandant d’escadron : “Pourquoi ne pas avoir sauté ? Je vous mets 8 jours, ça vous apprendra“.

J’ai eu les 20 points positifs mais pas les 8 jours. Ordre du Général…

Deux heures après, le réacteur était encore chaud, la tuyère était blanche comme métallisée. En effet la turbine avait perdu 36 ailettes. J’avais eu la baraka.

Dans mon for intérieur je me suis dit qu’on ne devrait jamais laisser un jeune pilote en difficulté rentrer seul à sa base. C’est l’expérience qui forge la sécurité des vols.

Jean-Paul KELLER.

F84F
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