Dans l’article précédent de la semaine dernière, je vous avais dit que je reviendrai sur le “coup” réalisé par le 1/11 la veille de l’inauguration de la stèle du F100.
Chose promise, chose due. Je vous propose le récit de l’affaire racontée par Carrasco.
Début 1977, la 11ème Escadre de chasse étant bien installée sur JAGUAR, les nostalgiques du SUPERSABRE, et ils étaient nombreux, du caporal au général, décidèrent qu’il était temps de rendre un dernier hommage à ce cher F-100, un hommage qui resterait à la postérité. Il fût donc convenu qu’il fallait ériger une stèle à la gloire de notre pur-sang, d’autant que la BA 136 restait une des dernières bases à ne pas avoir un avion exposé à son entrée. Bien sûr, on en profiterait pour faire une cérémonie où tous les anciens seraient conviés, pilotes et mécanos, suivie d’un mini-meeting aérien avec, entres autres, la PAF, tout cela se concluant par une soirée dansante.
Le 2/11 fût choisi pour fournir l’appareil, en toute logique, car cet escadron venait d’avoir la difficile tâche de conclure la carrière française du F-100, avec les derniers avions disponibles et une poignée de pilotes et de mécaniciens. D’ailleurs, ils avaient tous été regroupés dans deux « Deplirex » sur le parking de l’escale, et bien que leurs conditions de vie et de travail n’aient pas été faciles, ils n’avaient pas hésité à s’auto-baptiser EC 5/11 «Beaujolais»! … Donc le F-100 131 (MJ) est choisi, de savants calculs sont établis pour bâtir un socle qui devra résister des siècles (pourquoi pas ?), un emplacement est retenu, et la date du 25 juin 1977est fixée pour l’inauguration.
Tout se déroule normalement, et le 24 juin au soir, tout est prêt pour la manifestation du lendemain, et bien sûr le 131 trône sur son piédestal. Mais de l’autre côté de la piste, une bande d’irréductibles du 1/11, vindicatifs et fiers, estiment que c’est grand dommage que les premiers insignes d’escadrille qui seront vus par n’importe quels visiteurs de la base, soient ceux de l’escadron concurrent. Pégalajar, officier mécanicien du 1/11, est justement l’officier de semaine du moment, et il a pu assister depuis la salle de service, située à proximité de la stèle, à tous les préparatifs. Il vient donc proposer un « coup » au Commandant du 1/11 : il s’agit de changer dans la nuit la décoration du F-100 en repeignant les insignes du 1/11 sur ceux du 2/11. Il dispose de la complicité d’un bon nombre de personnes du service de semaine, toujours prêt à chahuter.
Mais l’opération s’avère impossible, car organisée tardivement et comme il faut qu’elle reste discrète…On décide donc de réaliser des insignes en carton qu’on collera sur ceux existants. Ce qui est exécuté de manière parfaite dans la nuit.
Au matin, c’est bien sûr le 2/11 qui découvre, catastrophé, l’échange. En outre, vu du sol, les insignes collés paraissent si « vrais », que tout le monde est persuadé qu’ils sont peints ! Un conciliabule s’établit au pied de l’avion, et même le Commandant de base est appelé en urgence. Mais l’heure avance, il y a déjà quelques invités présents, et les premières autorités ne vont pas tarder à arriver. Il n’y a plus le temps de lancer une manipe avec les M.T. ou le GERMaS pour « dépeindre » et repeindre quoi que ce soit. Il est décidé que, tant pis, on inaugurera le total avec les insignes du 1/11.
Pour ce dernier, la victoire est totale, tandis qu’au 2/11, l’affaire est mal digérée…Mais, magnanime, estimant que le coup avait somme toute réussi, et ne voulant probablement pas perturber une fête qui s’annonçait bien, Pégalajar décide d’aller ôter les bouts de carton pour rétablir l’image originale du 131. La légende dit que la météo de la base enregistra la surpression atmosphérique locale engendrée par les soupirs du 2/11. Mais faut-il croire toutes les légendes ?
La réconciliation fût complète le soir au moment de l’apéritif, et la fête à la gloire du F-100 fût mémorable.
Propos recueillis par la Major Calka auprès du Général Carrasco