La retraire des F 100

F100

        Cet article date du début  de l’année 1976 ; les escadrons 3/11 puis 1/11 sont déjà transformés sur Jaguar et le 2/11 le sera à son tour début Novembre 1976. 

         Sur ce site, plusieurs articles ont déjà été consacrés à cet avion et notamment celui de Tonio ( le F 100 sous les cocardes françaises) mais celui a l’avantage de tirer un bilan presque exhaustif sur la carrière du F 100.

F100 au parking
F100 au parking
F100 au dessus de la campagne enneigée
F100 au dessus de la campagne enneigée

 

LA RETRAITE DES F 100

       Fin octobre. Pour arriver à la Base 136 de Toul-Rosières, nous survolons les forêts et la campagne lorraines. Elles ont déjà pris leurs tons jaunes et bruns. Sur le parking, un vent froid promène quelques lambeaux de brume. Cette atmosphère d’automne convient parfaitement à la visite que nous allons faire : nous venons jeter un dernier regard sur le Supersabre F 100.

     Justement sa silhouette apparaît au bout du parking, à droite. Elle est un peu lourde, légèrement démodée. Son nez est largement ouvert par une prise d’air axiale de forme ovale. Sa voilure basse est plantée sur un corps cylindrique et massif. Cet énorme tube d’acier est percé de un ou deux habitacles selon qu’il s’agit du F. 100 monoplace ou du F. 100 F biplace.

      Nous sommes à côté de la “marguerite” de l’Escadron 2/11 “Vosges”. Mais si nous faisions 2 ou 3 kilomètres sur la gauche, nous arriverions à une autre “marguerite”, et cette fois, dans les alvéoles, nous verrions une silhouette trapue montée sur de grandes pattes de sauterelle ; les prises d’air latérales de forme rectangulaires nous éviteraient toute hésitation : il s’agit de Jaguar. Nous sommes au parking de l’Escadron 3/11,   “Corse”.

    Enfin, si nous traversions la piste, nous trouverions une troisième marguerite… vide. C’est le parking du 1/11, “Roussillon”. Faute d’avions, nous y rencontrerions peut-être quelqu’un qui nous raconterait  qu’il y a quelques jours, le 17 octobre 1975, une cérémonie a eu lieu : neuf F. 100 ont défilé dans le ciel de Toul, puis ont simulé une attaque de la base. Enfin, les avions se sont posés : ils n’appartenaient plus au 1/11, mais étaient transférés au 2/11.

    Cette visite rapide illustre parfaitement la situation actuelle de la 11ème Escadre de chasse. Une lente hémorragie, depuis quelques mois, lui fait perdre ses vieux F. 100, cependant que des livraisons mensuelles l’équipent de Jaguar. Mutation terminée pour le 3/11, en cours pour le 1/11, prochaine pour le 2/11, dernier escadron à faire voler les F. 100. Dernier ? Non, car notre petit tour de la base ne nous a pas permis de voir un quatrième parking, celui du 4ème Escadron, “Jura”. Pour une raison bien simple: ce parking, c’est Djibouti.

“A NOUS LES F 100”

       Si nous feuilletons le journal de bord du 2/11, nous sommes arrêtés par un titre énorme qui barre la page du 1er janvier 1958: “A nous les F. 100”. Mais ce n’est qu’un bruit : il paraît que la 11ème Escadre de chasse va changer ses vieux F. 84 pour des F. 100… Pendant quelques mois, nous pouvons suivre les espoirs des pilotes. Des officiers font de mystérieux voyages aux U.S.A. Mars: “ce n’est ni un rêve, ni une plaisanterie. Nous allons avoir des F 100 Et puis, vers la mi-avril, c’est la grande nouvelle: le 1er Mai, la base est consignée. Mais cela n’ennuie personne; au contraire, c’est la fête. Ce jour là, tous les pilotes guettent le ciel. Trois avions y apparaissent : ce sont des F 100.

        A la grande déception de tout le monde, Ils vont immédiatement se ranger dans un hangar. Ce n’est qu’un peu plus tard que l’entraînement commence pour quelques privilégiés; ils ont confié aux pages du journal la joie parfois presque enfantine que leur procurent ces nouveaux appareils, qui sont, il est vrai, parmi les meilleurs de l’époque : “Apercevant des traînées alors qu’ils se baladent à basse altitude, nos archanges, délirants de joie, mettent la post-combustion et interceptent tout ce qui traîne”

      Du point de vue administratif, ce chasseur bombardier américain, fabriqué par la North American, est prêté à la France au titre de l’OTAN, il date de 1953. Les avions livrés sont des appareils d’occasion, mais ayant peu volé (en tout cas, moins de mille heures) et ayant été totalement revus dans les usines espagnoles de la North American. En quelques mois, “Roussillon” et “Vosges”, les deux escadrons qui constituent la 11 EC., stationnée à Luxeuil, en sont équipés. Une autre escadre française la 3 EC., alors stationnée en Allemagne, à Lahr, en est également équipée. Lorsqu’en 1966, cette 3 EC. se transforme sur Mirage, elle lègue ses appareils à la 11 EC, qui crée alors un troisième escadron, le 3/11 “Corse”, et regroupe ainsi tous les F. 100 utilisés par l’armée française. Parmi ceux-ci, il faut distinguer deux types d’appareils : ceux qui sont prêtés par les U.S.A. au titre de l’OTAN, et ceux que l’armée française a achetés, et que l’on surnomme “les nationaux”. Ces derniers ont à peu près tous été regroupés dans le 3/11 lors de sa création en 1966.

“STRIKE !”

       En juin 1961, l’escadre quitte Luxeuil. Elle va s’installer en Allemagne, à Bremgarten. Là, ses qualités de bombardiers vont bientôt valoir au F. 100 le privilège d’être le premier appareil de l’armée de l’air à avoir une mission nucléaire. Pour le compte de l’OTAN, naturellement. La bombe atomique française et le Mirage IV sont encore du domaine du futur. C’est en novembre 62 que le journal de bord frémit à nouveau : “nous allons devenir Strike”. En janvier, une caricature nous renseigne sur la principale difficulté de la première phase de cette mission . des pilotes se regardent avec des faces ahuries, pris dans un tourbillon de mots anglais : what ? Please ? En effet cette première phase consiste en cours d’instruction faits par les Américains. Et puis le journal devient silencieux. Plus un mot sur la mission nucléaire. Sans doute de strictes consignes de discrétion avaient-elles été données. Il faut consulter le “journal de marche et opérations” de l’escadre, officiel celui-là, et bavarder avec les sous-officiers qui ont vécu cette période, pour connaître la vie des “années nucléaires” du F. 100.

     En quoi consistait cette mission ? En permanence deux avions (tous, à tour de rôle) étaient stationnés dans un périmètre prévu à cet effet et spécialement protégé par les troupes américaines. Seuls les deux pilotes désignés et quelques mécaniciens y accédaient. Les appareils étaient en état d’alerte, prêts à décoller. Sous le ventre du F 100 F ou sous l’aile gauche du F 100 D était fixé l’engin nucléaire MK 28 YRE. Mais les avions n’ont jamais volé ainsi chargés. En dehors du périmètre, on s’entraîne, les pilotes d’abord, qui se perfectionnent dans le vol à basse altitude et suivent une instruction spéciale sur les connaissances aériennes générales et sur le matériel et les missions nucléaires ; les armuriers ensuite, qui, avec des bombes simulées s’entraînent à effectuer un chargement rapide et techniquement parfait de l’engin. Enfin la base était en alerte QRA (décollage à partir de la zone d’alerte).

      Deux ans plus tard, la France quitte l’OTAN. Pour le F 100, cela veut dire la fin de la mission nucléaire. Cela se produit en avril 1966, et le 1er juillet au matin, les Américains évacuent la base.

Presqu'aux trainées
Presqu'aux trainées
Au sol
Au sol

RETOUR A TOUL

      Sa mission nucléaire terminée, le F. 100 reste encore un an à Bremgarten, à titre français cette fois. La rupture de la France avec l’OTAN ramène les unités aériennes de l’Armée de l’air en France et libère sur notre territoire un certain nombre de bases et de camps américains. Entre autres, la Base de Toul. C’est elle qui est désignée pour accueillir la 11 EC. En juillet, août et septembre 1967, le déménagement est effectué par route, et par les seules forces de l’escadre. Enfin, le 13 septembre le commandant Ghesquière, commandant de l’escadre (maintenant colonel et commandant de la base) atterrit aux commandes du premier F. 100. Les autres arrivent bientôt, et, après quelques problèmes d’aménagement et d’installation, l’escadre s’installe dans une vie nouvelle, qui est toujours la sienne.

     Quelles sont ses missions au sein de la F.A.TAC (Force aérienne tactique) ? Nous avons déjà dit que c’était un bombardier : sa mission en France sera donc avant tout l’attaque au sol et l’assaut. C’est ainsi qu’en cette fin d’octobre, à l’occasion des manoeuvres Datex 75, nous avons pu voir décoller une formation de 12 appareils partant à l’assaut de la Base de Cambrai. Il assure aussi l’appui aux opérations de l’armée de terre. Mais c’est également un chasseur, et il participe à la défense aérienne. D’autre part, il n’a jamais oublié totalement ses antécédents allemands : il participe aux manœuvres alliées dans le cadre des accords sur Berlin et sur la protection du couloir aérien au-dessus de la RDA.  A ce titre, il refait chaque année un petit voyage au-dessus de l’Allemagne. Disons plutôt : il refaisait, car en septembre dernier, il a fait ses adieux au ciel allemand, lors de manœuvres qui l’on conduit à Gütersloh, Fassberg et Wildenrath. L’an prochain, ce seront des Jaguar… Enfin, depuis quelque temps, il remplit un autre type de mission ; mais nous reparlerons de son aventure… africaine. Contentons-nous ici de mentionner encore 2 tâches qui furent un peu ses spécialités à Toul. D’abord, il s’est spécialisé dans le bombardement au napalm ; c’est pour cet exercice qu’il a participé (brillamment paraît-il) à la grande parade de MourmeIon, en mai dernier, en présence du Président de la République. Ensuite, appareil robuste et fiable, il a longtemps servi d’avion, non pas d’entraînement, mais de “mûrissement” : de jeunes pilotes venaient  voler une centaine d’heures sur F. 100 avant d’être envoyés sur Mirage. C’est pour ce travail de mûrissement que, pendant plusieurs années, le F. 100 avait pris l’habitude de s’offrir une campagne hivernale en Provence, à Istres, le climat lorrain étant peu favorable pour de jeunes pilotes.

       Le F 100 menait donc une vie riche et variée. Mais, tout comme le 1er mai 1958, il était venu éclipser le F 84, le 7 février 1975, un nouvel appareil apparaît dans le ciel de Toul, piloté par le commandant Eyraud, alors commandant de la 11ème escadre. C’est un Jaguar, que trois F 100 escortent sans rancune, sinon sans tristesse. Depuis cette date, chaque F 100 continue à voler jusqu’à ce qu’il ait atteint 4000 heures : il est alors conduit jusqu’à un hangar où il attend que son propriétaire américain vienne le rechercher. A moins que ce ne soit un “national”, auquel cas il part pour le grand garage de Châteaudun, où les vieux  avions sont mis “en conserve”. Enfin, nous reparlerons des dix-huit privilégiés qui, eux, connaissent déjà ou connaîtront bientôt une retraite active à Djibouti. C’est vers juin 1976 que les derniers F. 100 devraient atteindre le seuil fatidique des 4 000 heures.

UN ÉQUIPEMENT VIEILLI

        L’heure du bilan a donc sonné. Sans prétendre le dresser, nous pouvons toutefois apercevoir ses principales faiblesses et ses qualités majeures. Evidemment, un avion qui a plus de 20 ans ne peut qu’être dépassé sur un certain nombre de points. Disons que ce qui a le plus vieilli dans le cas du F100, c’est son équipement. Le système de navigation d’abord, est assez démodé sans parler de tous les raffinements de pilotage des appareils modernes, il faut relever un défaut majeur l’absence de radar, qui limite les possibilités de vol de nuit et de vol sans visibilité. La conduite de tir ensuite a vieilli. Le F 100 est équipé du viseur GBRAU, célèbre pour avoir été le meilleur des viseurs gyroscopiques. Mais depuis, de nouvelles techniques, en particulier celle du viseur au laser, ont relégué à l’arrière-plan le viseur gyroscopique. Si le F 100 reste excellent dans le tir air-air, il est nettement dépassé dans le tir air-sol.

UN AVION DE GUERRE

L’avion lui-même a moins vieilli que son équipement. De l’avis général, c’est un appareil excellent. Au nombre des preuves, on peut déjà mettre l’ampleur de sa carrière. Comme le fait remarquer un pilote “un avion qui est en service pendant plus de 20 ans, c’est un avion réussi”. De fait, le F, 100 a connu une carrière remarquable en durée d’abord, puisque, sorti en 1953, il est encore en service non seulement dans l’Armée de l’air française, mais aussi en Turquie, au Danemark et… aux U.S.A., dans l’Air Gard il est vrai (armée de réserve). Carrière remarquable aussi en quantité fabriqué à 3000 exemplaires, il a équipé la plupart des armées occidentales. Quant à la 11 EC, elle a inscrit de belles victoires au palmarès du F 100 : dans le concours Air-cent, au cours duquel il affronte régulièrement les autres appareils européens, il s’est toujours bien classé, monopolisant les 3 premières places au “tir-canon” en 1969, remportant l’épreuve “armes tactiques” en 1970… et c’est en 1972 pratiquement pour son vingtième anniversaire, qu’il a battu tous ses concurrents modernes dans la coupe Comète. Enfin, puisque, pour du matériel militaire, se battre est un titre de gloire, rappelons que le F 100 a été très utilisé au Vietnam, en particulier dans les missions d’appui au sud. Il est également intervenu à Chypre, sous les couleurs turques.

Un avion ne fait pas une telle carrière sans avoir de solides qualités. Quelles sont donc celles du F 100 ?

      Sa puissance d’abord. Son réacteur est bien connu de ceux qui s’intéressent à l’aéronautique : le J 57. Pour donner une idée de sa puissance, nous dirons aux spécialistes qu’il s’agit d’un réacteur double corps à 16 étages, et que sa poussée est de 7 250 kg , et aux non-spécialistes, nous rappellerons que le F. 100 a été le premier avion à passer le mach en vol horizontal (les autres à l’époque, ne le passaient qu’en piqué). Du point de vue de la vitesse, il reste un avion puissant et rapide (mach 1,4). Mais il y joint une qualité qui reste très originale sa post-combustion. Nous avons déjà vu les pilotes jouer avec émerveillement de celle-ci dans les premiers mois de 1958 et bien ils peuvent toujours le faire ! En effet, alors que sur la plupart des avions, la mise en post-combustion donne en moyenne 30 % de puissance supplémentaire, sur le F. 100, elle donne… 60 % ! Cela est très économique en vol “sec” il consomme peu, et il dispose d’une brutale et imposante réserve de puissance. Quant au fuselage et à l voilure, un seul mot peut les qualifier : robustesse. Un mécanicien nous fait par exemple admirer les ailes : regardons les becs de bord d’attaque : pas de vérins électriques ou d’équipements sophistiqués, ils sont tout simplement auto commandés. C’est la force mécanique de l’air qui les actionne et les règle selon la vitesse et l’angle de l’appareil.

      Mais si solide soit-il, tout appareil s’use. En 1973, la firme américaine a proposé un programme de renforcement de la cellule e la voilure. Les F 100 firent alors une petite visite aux ateliers de la SNIAS à Châteauroux, et en revinrent avec une capacité de vol de 1000 h supplémentaires. Leur longévité théorique passait ainsi de 4 000 h à 5 000 h. Une autre qualité du F 100, c’est sa capacité d’emport. Comme dit un pilote : “c’est très simple, on peut tout emmener”. De fait, on peut accrocher à peu près n’importe quoi, bombes, roquettes, missiles, etc., aux six points de fixation qu’il possède sous ses ailes (plus une fixation ventrale sur le F 100 F). Son poids à vide est de 10 T, il peut décoller en en pesant 18 ! Enfin ceux qui connaissent le F 100 attendent qu’on parle de son atout majeur qui est le avitaillement en vol. Nous y reviendrons. Nous allons plutôt conclure cette liste de qualités en rapportant un argument à la limite de la technique et de la psychologie. C’est un pilote qui parle :  “c’est un avion américain, c’est-à-dire efficace. Il n’est pas raffiné, il est simple, presque grossier, mais solide et fiable. On peut se battre avec  c’est un véritable avion de guerre. Regardez le même son aspect fait guerrier”.

SOYONS JUSTES

        Donnons-nous quand même un petit air impartial en signalant encore quelques défauts du F100, en dehors de son équipement démodé que nous avons vu tout à l’heure. Et tout d’abord, son inconvénient majeur le démarrage à air comprimé. La nécessité d’avoir sur la piste un compresseur est évidemment une servitude considérable, par rapport au démarrage autonome. Le F 100 a d’ailleurs un véhicule particulier qui le suit partout et que les mécanos appellent “sa bonne à tout faire” : le MA 2. Ce petit camion lui fournit en effet l’électricité, l’air comprimé, et le fait démarrer grâce à son fournisseur d’air sous pression (la palouste). Pour finir, ou plutôt pour commencer, il le tracte. Seul défaut, cette “bonne” est un peu grassouillette 3,5 tonnes et 20 m3.  

     Enfin le F 100 est un appareil un peu lourd, pas toujours très maniable ni très souple. En particulier, il lui faut un long roulement au décollage comme à l’atterrissage, il a besoin d’un minimum de 1000 mètres, plus souvent le double (à titre de comparaison, le Jaguar peut décoller sur 500 mètres).

MAINTENANCE : what is it ?

        Allons faire un tour au GERMAS où est effectué la maintenance au second degré. Le premier degré est fait par l’escadre, le troisième et quatrième par la SNIAS (cellule) et par la SNECMA (réacteur). Tout à l’heure, nous avons vu les pilotes suivre des cours en anglais. Eh bien, les mécaniciens eurent le même problème à surmonter. En livrant leurs appareils en 1958, les Américains ont naturellement fourni tout le matériel de maintenance, outils, bancs d’essai, etc. Et avec ce matériel, une belle documentation. Il ne restait plus qu’à la lire… Dieu merci, la débrouillardise des mécanos est célèbre ils ont d’abord assimilé les termes techniques les plus courants, se constituant une sorte d’argot “franglais” Ils ont travaillé à partir des schémas, bref, ils ont mis en œuvre tous les miracles de l’astuce. De plus, au début des années 60, on a établi une documentation francisée. Celle-ci ne résolut toutefois pas tous les problèmes la traduction d’une documentation aussi spécialisée n’est pas chose facile, surtout qu’il aurait fallu, au fil des modifications proposées par la firme, tenir cette documentation francisée à jour. Concluons sur ce problème en tirant notre chapeau aux mécaniciens qui, en dépit de cette difficulté ont su maintenir l’appareil qui leur était confié.

       Et les pièces ? Elles aussi sont américaines, bien sûr. Mais le problème est moindre en effet la SNIAS et la SNECMA fabriquent la plupart des pièces en sous-traitance. L’approvisionnement est facile. Le vrai problème commence lorsqu’on tombe sur une pièce qu’on ne peut fabriquer ni sur place ni dans les usines françaises. Il faut alors déclencher tout un processus administratif et commercial la pièce peut arriver… deux ans après ! Dieu merci cela se produit très rarement. A part cela, la maintenance n’a jamais posé de gros problèmes  Toutes les deux cents heures de vol c’est la visite complète qui comprend la dépose du réacteur, elle dure 15 jours. Toutes les cent heures c’est la visite intermédiaire qui demande de 7 à 9 jours. En dépit de ces soins attentifs, le F 100 vieillit. Il vieillit bien aux dires de ses médecins, mais il vieillit. Au fil des VP le nombre des pièces usées augmente, les réparations ne lui rendent pas toujours une jeunesse intégrale, les réacteurs compressent un peu moins…

      Désormais les mécanos préparent leur reconversion ; ils vont étudier leur nouveau client à l’EMI Jaguar de la base ou à Saint Dizier, où ils sont déjà en service. Mais c’est avec une mélancolie certaine  vont abandonner leurs vieux F 100 , bien que ce soit un point de vue surtout sentimental, écoutons-les : “voyez-vous, nous allons changer de type de maintenance. Le Jaguar est un avion moderne , pour nous, le maintenir, ce sera souvent démonter des blocs entiers, les envoyer au constructeur et en mettre des neufs. Bien sûr, on ne peut pas arrêter le progrès, cette nouvelle maintenance, plus rapide est plus opérationnelle. Elle augmente la disponibilité. C’est normal. Mais professionnellement, un avion simple

Défilé
Défilé
F100 et MA2
F100 et MA2

LA BASSINE VOLANTE

          C’est un des surnoms du F. 100 : “la bassine volante”. Pourquoi ? Parce qu’il a une capacité d’emport en carburant tout à fait remarquable : son réservoir principal emporte 4500 litres, auxquels on peut ajouter 2 bidons de 1000 litres chacun, plus deux autres bidons de 750 litres chacun. Avec une telle autonomie, on peut facilement faire des missions de deux heures. Mais le F 100 ne s’arrête pas là : il ravitaille en vol. Certains des appareils reçus en 1958 étaient équipés de cette “option”. Mais l’armée française ne pratiquant pas alors te ravitaillement en vol, on avait négligé la perche fixée sous l’aile droite de l’appareil ; elle finit par s’abîmer, et on la retira. Mais en 1967, les temps ont changé : la France, depuis 1964, a acquis des avions ravitailleurs C 135F, pour le ravitaillement des Mirage IV. On pensa alors à ressusciter cette possibilité inutilisée du F 100. La technique aussi a évolué : à la place des vieilles perches droites, on en adapte de nouvelles, coudées et plus pratiques. Quelques pilotes partent s’entraîner sur Vautour et bientôt la technique est au point : un C 135F prêté par les F.A.S. (Forces aériennes stratégiques) peut remplir deux bidons de 1 200 litres chacun, donnant ainsi à l’appareil une nouvelle autonomie. Voilà comment le F 100 est devenu le premier chasseur bombardier de l’armée de l’air française à pratiquer le ravitaillement en vol ! Les pilotes se plaisent même à démontrer que c’est le seul… “le Mirage IV est réservé aux missions nucléaires, le cas de l’Étendard de la Marine est un peu à part, et le ravitaillement du Jaguar n’est pas encore tout à fait opérationnel…” En tous cas, cette technique permet des vols de très longue durée. En dehors de quelques problèmes techniques comme le renouvellement de l’huile et de l’électricité, les seules limites sont humaines, il s’agit de la résistance physiologique du pilote. Mais si l’on fait des vols de longue durée, c’est pour aller loin… Et en effet, à partir de cette date, de nouveaux horizons (au sens propre) s’ouvrent aux F 100.

RVT F100
RVT F100
1972 Convoyage vers Djibouti
1972 Convoyage vers Djibouti

UN SECOND SOUFFLE EN AFRIQUE

         Après 10 ans de service, le F 100 allait s’engager dans une nouvelle aventure : il allait devenir “l’avion africain” de l’armée de l’air française. On lui confia une mission dans le cadre de la CAFI (composante Air des forces d’intervention), qui depuis est devenue le FAI (Forces aériennes d’intervention).

Nous avons vu qu’en 1967, la technique du ravitaillement du F 100 est acquise. Il reste à l’appliquer de façon opérationnelle. Le soir, dans la salle des opérations, un des promoteurs de cette nouvelle mission nous raconte ses souvenirs. En 1968, pour la première fois, un F 100 effectue le raid Toul-Dakar, avec des escales à Istres et à Las Palmas. Les essais continuent, et en décembre 1969, c’est le succès : un appareil parti d’Istres rallie Dakar sans escale, grâce à 2 ravitaillements en vol. Depuis, une ou deux fois par an, un raid conduit les F 100 dans un pays d’Afrique francophone : N’Djamena, Libreville, Lomé, Abidjan, Niamey… On pourrait énumérer la plupart des capitales de l’Afrique de l’ouest. Dans chaque atelier du GERMas, un certain matériel est conditionné et prêt à partir : outils, pièces diverses, une tuyère de rechange, un parachute frein, bref tout ce qui peut servir lors d’une mission lointaine. Plus bien sûr, le fidèle mais lourd MA 2 (parfois réduit à la palouste). En cas de mission, on demande au COTAM (commandement du transport aérien militaire) un Transall pour le matériel et les mécanos, et aux F.A.S. (Forces aériennes stratégiques) un C 135F pour le ravitaillement. Tout le monde s’efforce d’arriver sur les lieux d’opération le plus vite possible, comme s’il y avait alerte. Là-bas se déroutent quelques manœuvres, et puis l’on revient à Toul. Cela constitue les missions FAI, maintenant classiques. Mais bientôt une nouvelle étape est franchie : en décembre 1970, notre interlocuteur et deux autres pilotes décollent d’Istres, et rejoignent N’Djamena ; de là, ils gagnent Djibouti, puis… Tananarive ; ils reviennent enfin à Djibouti. Déjà ils ont accompli le plus long raid de l’histoire du F 100. Mais à Djibouti, ils continuent à voler pendant tout le mois de janvier 1971. Objectif : tester les possibilités de travail du F 100 sur le sol (et surtout dans le climat) de ce territoire. En deux mois et demi nos trois avions (et par la même occasion, les trois pilotes l) ont effectué 315 heures de vol ! Cette évaluation est positive : le F 100 pourra faire une nouvelle carrière à Djibouti. Jusque-là, cette base ne disposait que de quelques vieux Skyraider : elle reçoit bientôt huit F 100, ils sont maintenant douze et seront d’ici peu dix-huit. A cette occasion, on ressuscite un escadron qui avait été dissous en 1957 le 4/11 “Jura”. Il trouve ses pilotes au sein des 3 autres escadrons : à peu près tous y sont affectés à tour de rôle, pour des périodes de deux ans. Quant aux personnels de maintenance, au début détaché du GERMas de Toul, il tend à devenir autonome. Enfin, le dédoublement du matériel de servitude n’a pas posé de problèmes, étant donné la surabondance de l’équipement laissé par les Américains. Et les appareils ? Et bien ça va ! Évidemment il y a des problèmes. La chaleur de l’air fait toujours perdre un peu de puissance à des réacteurs, mais le J 57 n’en manque pas. Deux ennemis l’agresse en permanence : le sable et le sel ; mais chaque soir les mécanos lui font une toilette soigneuse : un produit spécial, qu’ils appellent le “B and B”, et qui est une sorte d’huile anticorrosive, est pulvérisé dans le réacteur alors qu’il tourne lentement. L’appareil lui-même n’a dû subir que quelques modifications de détail, telle la transformation du paquetage de survie fixé au siège éjectable (évidemment les conditions de survie ne sont pas les mêmes pour un pilote tombé dans le désert que pour un pilote perdu dans une forêt allemande). Enfin, étant seul dans la région, le F 100 est obligé d’accomplir des missions plus variées : par exemple, il a dû s’inspirer des avions de reconnaissance pour transformer en bidon-photo un de ses bidons de carburant. Voilà comment s’organise la retraite exotique et active des F 100 de l’Armée de l’air française.

II est 23 heures. Un dernier F 100 vient de se poser en vol de nuit. La piste de Toul Rosières est fermée. La salle des opérations va se mettre en veilleuse jusqu’à demain matin. Le lieutenant-colonel Richalet, qui pilote des F 100 depuis 1968 et commande maintenant la 11 EC, prononce quelques

Parking à Djibouti
Parking à Djibouti
Un des requins de la Mer Rouge
Un des requins de la Mer Rouge

Et l’ETIS prit la suite de l’EMI

Inauguration de l'ETIS à Toul

              L’EMI pour ensemble mobile devait bien se fixer quelque part et ce fut la base de TOUL Rosières qui fut choisi pour accueillir cet organisme qui prit le nom d’ETIS pour escadron de transformation et d’instruction spécialisé.  

              Situé dans les bâtiments de  l’ancienne école américaine et en face du stade, l’ETIS a vu passer des générations de pilotes et de mécaniciens jusqu’à la fermeture de la base en 2002 date à laquelle il déménagea à Saint Dizier pour fermer définitivement en 2005 lorsque le Jaguar fut retiré du service. 

            Le cahier de marche dont sont issues les photos s’arrête en 1986 ; on peut bien évidemment le regretter mais aussi se dire que sans Ménard, nous n’aurions gardé que de vagues souvenirs de l’ETIS. 

EMI 2ème partie

l'EMI Jaguar à Toul !

          Deuxième partie consacrée à l’EMI (ensemble mobile d’instruction) qui couvre les années 1974 et 1975. 

          1975 étant l’année au cours de laquelle l’EMI a déménagé de Mont de Marsan sur la base de Toul Rosières, emplacement qu’il occupera jusqu’au retrait du service du JAGUAR. 

          Encore et toujours des photos de cette époque tirées du cahier de marche qui m’a été fourni par MENARD que je remercie très sincèrement. Elles rappelleront bien des souvenirs ! 

        Petit extrait du journal local de Saint Dizier qui montre qu’à l’époque, les relations entre la mairie et la base aérienne était au beau fixe ! 

 

Les relations mairie - base aérienne sont au beau fixe !
Les relations mairie – base aérienne sont au beau fixe !

l’EMI : Ensemble Mobile d’Instruction

EMI Jaguar

                 Pour ce qui concerne l’histoire du Jaguar dans l’Armée de l’Air, il est difficile de remonter plus en avant, car la création de l’EMI Jaguar date de 1968 soit 4 ou 5 ans avant son arrivée à la 7EC. 

                Je voudrais remercier MENARD qui a bien voulu me transmettre les cahiers de marche de l’EMI (puis ETIS) qu’il a récupérés lors de la fermeture définitive de la base de TOUL. 

                C’est donc une galerie de photos que je vous propose et qui rappellera bien des souvenirs à ceux qui ont connu cette époque commencée il y a plus de 50 ans !

               Compte tenu du nombre de photos, l’histoire de l’EMI puis de l’ETIS fait l’objet de 3 articles et la page correspondante sera certainement un peu longue à charger. Vous pourrez constater que les débuts du Jaguar dans l’Armée de l’Air n’ont pas été des plus faciles. Je joins un dessin de CARRASCO qui a participé à l’élaboration de ces cahiers de marche (que vous retrouverez en 3ème partie) et qui traduit l’enthousiasme des pilotes du 1/11 pendant leur période de transformation. 

Un ETIS qui a fait sourire
Un ETIS qui a fait sourire

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne sont pas de pures coïncidences ! 

15ème anniversaire ; photos

15ème anniversaire

Pour commémorer l’anniversaire de l’arrivée des Jaguar à la 11ème Escadre de Chasse à Toul, 2 monoplaces ont reçu une décoration particulière. 

Philippe HUCHOT, officier de renseignement a profité d’un backseat derrière le LCL ARRAULT, commandant d’escadre à l’époque, pour faire toutes ces photos que je vous propose dans cet article. A titre personnel, j’en avais déjà vues, mais prises au sol ; j’ignorais qu’il y avait deux Jaguar peints pour cette occasion. 

Loin de vouloir concurrencer la page Facebook de Paco “Jaguar, un avion, une carrière”      , j’ai préféré vous mettre en ligne toutes les photos envoyées par Philippe car certaines d’entre elles vous rappelleront bien des souvenirs.

Elles sont d’ailleurs disponibles pour ceux qui veulent les utiliser.  

Ravitaillement sur biplace

Ravitaillement ; comme si on y était !

Après vous avoir proposé les procédures de ravitaillement sur Jaguar A (monoplace) revues par “Engie”, je suis tombé par hasard sur le chapitre “Ravitaillement” de l’UCE 109-1 MANUEL de l’Equipage du Jaguar biplace. Bizarrement, ce chapitre ne figure pas dans l’UCB 105-2 qui est le nom de la documentation équivalente pour monoplace. 

Mais comme on a tous commencé la transformation RVT par quelques vol sur biplace, là encore cet article rappellera pas mal de choses à ceux qui ont pratiqué. 

Download (PDF, 2.37Mo)

Ravitaillement biplace vu du C135

Le Jaguar en combat air / air

Charly, spécialiste du combat air/air

“Charly” PERNIN qui a terminé sa carrière sur Jaguar au 2/7,  fait partie des figures de l’Armée de l’Air et à ce titre ne laissait pas indifférent. Il était (il l’est certainement encore) passionné d’aéronautique et de pilotage avion, ce qu’il pouvait légitimement revendiquer avec quelques 7000 heures de vol ; à titre personnel, quand Charly parlait, j’écoutais ce qu’il disait.  

Le Jaguar qui était optimisé pour le vol en basse altitude souffrait en combat au dessus de 20 000 ft et il fallait bien connaitre ses particularités lorsqu’on volait aux limites du domaine de vol. Ceux qui ne connaissent pas le Jaguar en apprendront sur l’avion, et pour ceux qui l’ont pratiqué, cet article rappellera bien des choses. 

Je vous propose un extrait d’un BSV (Bulletin de Sécurité des Vols) dans lequel “Charly” nous fait part de son expérience. 

Spontanées, ces réflexions sur le comportement aérodynamique du Jaguar en combat ont simplement pour but de livrer une expérience particulière aux utilisateurs de cet avion et d’amener, ceux qui volent sur un autre type d’appareil, à réfléchir sur le même thème.

Puisse cette pratique se généraliser en matière de sécurité des vols.

Après quatre années passées comme moniteur combat à l’escadron 02.007 « Argonne », je me propose de porter à la réflexion des pilotes de la flotte Jaguar ce qu’il est intéressant de savoir sur cet avion, notamment s’agissant de son maniement en combat, ainsi que la conduite à tenir en cas de perte de contrôle à très basse altitude. Il s’agit, non pas d’énoncer ou de dénoncer des consignes ou des procédures, mais plutôt de livrer le fait d’une certaine expérience. D’ailleurs, seul un entraînement régulier permettra à chacun d’acquérir la maîtrise nécessaire pour réagir sainement lors de situation critique.

Caractéristiques spécifiques au Jaguar :

Poussée : 6,3 t environ, modeste. – Aérodynamique : forte charge alaire.

Commandes de vol :

 – Gauchissement :

Spoilers placés sur l’extrados de l’aile : cette gouverne perd de son efficacité lors de prise importante d’incidence car dans ce cas, elle se trouve placée dans l’écoulement perturbé. Les spoilers sont aussi à l’origine des échappées en roulis lorsqu’on sollicite trop brutalement la profondeur à cabrer. 

 – Profondeur.

Efficace, trop peut-être sur action brutale à cabrer. Il est facile de dépasser le facteur de charge autorisé ; c’est le moindre mal car la manœuvre peut provoquer également un déclenché. Cela reste dans tous les cas une affaire d’expérience sur l’avion. Exemple souvent cité : pilote de Mirage ayant beaucoup d’heures sur le type qui est transformé sur Jaguar. Méfiance lors de la première ressource en passe de tir A/ S.

 – Direction

Très efficace en-dessous de 300 Kts. Seule commande que l’on peut dans cette tranche de vitesse utiliser sans précaution particulière. Doit être manœuvrée systématiquement à fond pour être rentable (toujours sur position petite plage).

Comportement du Jaguar en combat moyenne altitude (Z < 25 000′)

Le Jaguar est un avion qui dégrade très rapidement son énergie et ne la reprend que difficilement au prix d’une perte importante d’altitude. Il prévient bien lors de l’approche des phases limites. Voici la chronologie des réactions avion si l’on tire trop fort et surtout trop vite sur la commande de profondeur.

 – premier symptôme : échappées en roulis qui deviennent vite impilotables si le pilote maintient son action.

 – second symptôme : la vitesse diminuant le nez dérape latéralement et aussitôt suit le déclenché, généralement très brutal avec une perte énorme d’énergie.

Remèdes

Quel que soit le stade de cette situation, il faut lâcher les commandes (si l’avion est trimé à cabrer remettre le trim au neutre). Ne jamais mettre le manche au tableau, le déclenché restera entretenu aussi longtemps que le manche sera dans cette position.

Ne jamais essayer de ramener le nez sous l’horizon à la profondeur si la vitesse est faible : < 150 Kts. Ne pas toucher aux moteurs. Attendre le retour nez bas, ne pas ressolliciter trop tôt l’avion à la profondeur. Si la ressource est indispensable, dès que l’attitude avion permet la reprise de vitesse mettre la puissance maximum aux moteurs en rendant la main, 5° de volets avant la remontée. Une bonne reprise d’énergie se fait toujours G = 0 incidence annulée.

A l’expérience, seules ont été observées des pertes de contrôle momentanées vite récupérées.

Utilisation des moteurs

Le manuel donne I < 6 au-dessus de 20 000 ft. Il est souhaitable d’étendre ce domaine à toute la tranche d’altitude. Pour les branchements et coupures PC avoir le réflexe de diminuer l’incidence. Au-dessus de 25 000′ la dégradation d’énergie est beaucoup plus sensible et les risques de pompage moteur plus importants.

Maniement de l’avion

Tout est basé sur la gestion d’énergie.

Engagement : avoir toujours beaucoup de vitesse, minimum 0,9 M

Rechercher le dépointage arrière dès le début. Si l’angle est important ne pas poursuivre, transformer la vitesse en altitude (Yoyo). Pour ce faire, dégauchir et seulement ensuite cabrer. Il ne faut pas mixer l’action gauchissement profondeur (énergie perdue et risque de déclencher). Si le combat s’oriente vers les ciseaux (exercice idéal pour apprendre le maniement avion) ne jamais rester nez haut, vitesse faible. Toujours replonger vers le target en reprenant de l’énergie.

Exécution de la manœuvre

En fin de phase montante, vitesse passant par 240 Kts sortir BV 20°, trim à + 2-3 accentuer la pente puis rendre franchement la main ; mettre pleine direction en accompagnant avec le gauchissement : reprendre une légère traction à la profondeur. Si l’avion refuse le virage c’est qu’il a trop de profondeur secteur arrière. Ne ramener les palonniers au neutre que lorsque le nez est pointé dans la direction choisie. Dégauchir, rentrer les volets si la vitesse doit dépasser 240 Kts, prendre G=O et mettre la PC si nécessaire. Pour la remontée, afficher BV 5°. Ne pas dépasser I=12 pendant cette phase. Cette manœuvre de virage plein pied permet de faire rapidement face à un adversaire qui serait placé aux limites du domaine MAGIC. Cette même façon d’utiliser la direction permet de rentrer facilement dans le plan d’évolution de l’adversaire lorsque l’angle entre les deux avions est important (Vi < 300 Kts). L’utilisation de la direction à fond est indispensable en-dessous de 300 Kts. Pour un combat mené aux hautes énergies la gestion de celle-ci est prépondérante sur Jaguar plus que sur tout autre appareil. La lecture du badin donne le potentiel utilisable, celle de l’incidence mètre permet d’en obtenir le meilleur rendement.

A retenir

Rechercher la trajectoire la plus proche possible de celle du target en allant même au-delà pour faire l’extérieur afin de conserver sa vitesse. Éventuellement plonger plus bas pour reprendre plus d’énergie. Ne couper dans les virages que dans les phases hautes du Yoyo. En règle générale ne pas être pressé et surtout piloter l’énergie souplement et en utilisant la meilleure trajectoire. Anticiper au mieux la manœuvre de l’adversaire. A 10000 ft le taux de virage maximum à énergie constante est obtenu à 290 Kts, 5° de volet, 4 G, PGPC (avion lisse).

Utilisation de la PC

A 10 000 ft, la consommation carburant est de 230 Kg/ mn environ. Savoir que dans les phases basse vitesse la PC n’apporte rien à brève échéance (30″ environ) mais doit par contre être rebranchée systématiquement dans les phases de reprise de vitesse.

Utilisation des volets

BV 5° systématiquement VI < 370 K ts

 BV 20° pour VI < 240 kts et G< 2,5 G, surtout les rentrer dès que le nez passe sous l’horizon.

Attention : jamais de G négatifs en BV 20°, c’est la perte assurée des 2 volets internes. BV 40° interdit en combat.

Quelques conseils

La gouverne de profondeur doit être maniée sans brutalité. Cette commande est à l’origine de toutes les pertes de contrôle dès que la cadence est trop rapide. L’avion déclenche facilement aux grandes vitesses sur action brutale (le déclenché sera d’autant plus rapide que l’avion est chargé sous voilures et surtout en station ventrale). Pour un cas extrême qui se terminerait avec une pente très forte à cabrer, vitesse faible, ne jamais tenter une sortie de cabré classique. L’action à la profondeur pour amener le nez sous l’horizon provoquerait à coup sûr le déclenché de l’avion. Deux options pour se sortir au mieux de cette situation 

 – Pour une montée forte pente, avion non incliné ; pousser légèrement sur le manche et attendre dans cette position le basculement du nez par l’avant. Ne pas toucher aux moteurs, l’avion va basculer sans autres réactions jusqu’à ce que le nez approche la position verticale à piquer. Attendre 250 Kts au moins avant de tenter la ressource.

 – Si l’avion est pente forte mais incliné ; transformer la figure pour effectuer une sorte de renversement. Mettre plein pied sur l’aile basse, le maintenir à fond en amenant les ailes perpendiculaires à l’horizon. Le nez va passer l’horizon puis tendre vers la verticale, laissez la vitesse augmenter avant ressource (ressource toujours souple).

Dans tous les cas de perte de contrôle sur Jaguar on a intérêt à ne rien toucher au niveau des commandes, éventuellement ramener le trim de profondeur au neutre et réduire les moteurs pour assurer le coup. S’il y a départ en vrille, appliquer la procédure prévue qui consiste entre autres à tout lâcher.

Défauts rencontrés.

 – brutalité excessive à la profondeur, peu, voire pas d’utilisation de la direction,

 – mauvaise gestion de l’énergie,

 – mauvais choix de trajectoire,

 – mauvaise utilisation des volets et surtout oubli systématique de la position 5°. Cette position permet par son large domaine 370 Kts, 4G d’effectuer des ressources performantes en s’éloignant de la zone d’échappées en roulis.

Cas d’une perte de contrôle en très basse altitude

Une bonne mécanisation lors des missions de combat moyenne altitude pourra permettre à un pilote qui a perdu le contrôle avec peu de marge par rapport au sol de se donner le maximum de chance de se sortir d’affaire. Après la perte de contrôle et si la marge d’altitude le permet, dans tous les cas il faut larguer les charges, G=O, PC MAX, 5° de volets ressource souple le plus tard possible.  Il n’est pas possible de donner la hauteur à partir de laquelle on a les meilleures chances de passer la ressource. Tout dépend de l’attitude avion et de sa vitesse après déclenché. Il est par contre important que chaque pilote soit à même d’apprécier la situation et de décider à temps l’éjection. L’expérience a prouvé que le jugement dans ce cas critique est très altéré et les pilotes ont tendance à tirer sur le manche ne faisant qu’aggraver la situation et provoquant la chute de l’avion vers le sol à forte incidence et faible vitesse. II semblerait que les exemples de perte de contrôle connus ont pour origine commune une action brutale à la profondeur. La découverte tardive d’une situation imprévue peut provoquer ce genre d’action.

Ces quelques lignes n’ont qu’un but essentiel, amener la réflexion sur le sujet de la brutalité dans certains cas de vol un peu marginaux.

Numéro hors série : Le JAGUAR en action

L’information commence à circuler sur les réseaux sociaux et je m’en fais le relais : le Fana de l’Aviation vient de faire paraître un numéro hors série consacré au JAGUAR. 

Ecrit par Frédéric LERT qui est une référence dans le domaine, ce numéro hors série raconte à partir de témoignages la carrière de cet avion de légende. Il y avait le livre d’Alain VEZIN sur le Jaguar, il y aura aussi désormais ce magazine. 

Je vous propose quelques extraits, histoire de vous montrer qu’il faut aller l’acheter chez votre libraire ; ça vaut vraiment le coup car Frédéric a vraiment bien travaillé. 

Remise en vol du E23 ; point de situation

Le E23 à Dakar en 1979

Nombreux sont ceux qui se sont intéressés à l’avancement du projet de remise en vol du Jaguar, engagé dans le cadre de la préservation du patrimoine aéronautique et notamment celui de notre Escadre, conformément à l’objet inscrit aux statuts de notre association.

Le présent article vise à faire un point d’étape de ce projet qui vient de franchir un nouveau jalon décisif puisque le dossier de mise en conformité du Jaguar E-23 avec la réglementation amiante (qui interdit jusqu’à présent toute cession en France de matériel recelant ce produit) a pu être remis aux autorités compétentes du Ministère des Armées, fin juin 2018 comme demandé, aux fins de valider la cession attendue de l’aéronef.

Sans entrer dans toutes les étapes, voire péripéties et elles furent nombreuses, qui ont émaillé les années passées, je me propose de rappeler succinctement le travail réalisé et en profite pour remercier d’ores et déjà l’ensemble des acteurs, si nombreux, qui ont contribué à obtenir ce premier résultat très important.

Tout a commencé par une initiative heureuse de l’Amicale de la 11ème Escadre qui avait un rêve « Voir voler à nouveau notre avion mythique ». Ainsi, dès 2010, il avait été proposé au CEMAA de l’époque « un projet concret, simple mais ambitieux, susceptible de favoriser la motivation des aviateurs de demain en s’appuyant sur le patrimoine aéronautique retiré du service ».

Une démonstration de faisabilité fut effectuée en mai 2011 avec le roulage remarqué du Jaguar E-7 (1) lors du Meeting de Rochefort grâce à l’implication de l’École des sous-officiers de l’Armée de l’Air (2) en soutien des anciens mécaniciens Jaguar de la 11ème Escadre qui n’avaient rien oublié de leurs années de pratique sous tous les cieux. La petite histoire dit que ce jour-là, le E-7 aurait même pu prendre l’air… Grande joie de tous et également sans doute frustration de l’équipage (3) lors de la coupure des PC à mi-piste…

Pour faire effectivement voler ce « noble destrier », il convenait de trouver une structure juridique appropriée, des expertises nouvelles et un décideur convaincu au sein de l’Armée de l’Air. Pour structurer le projet et assurer la mise en place des moyens  nécessaires, l’Amicale de la 11ème Escadre fut convaincue de s’associer avec le CFPA (4) et son Président, Alain Stéphanopoli de Comnène, membre de l’Amicale, qui avait déjà remis en état de vol des avions à réaction militaires et effectué leur classification civile. Il a suffi pour cela que quelques anciens mécaniciens de l’Escadre le voient descendre de son pylône le F100 de Metz et le désassembler dans des conditions particulièrement difficiles tout en respectant son intégrité. Celui-ci avait auparavant assuré, lors de la fermeture de la Base aérienne 217 de Brétigny sur Orge, l’organisation et la maîtrise du déplacement de tous les avions exposés (5) sur cette base. L’impulsion qui manquait fut alors donnée en janvier 2014 par le Général Denis Mercier (alors CEMAA) lorsqu’il partagea durant un déplacement à Djibouti (6), le rêve d’un Musée volant des anciens avions de l’Armée de l’Air.

Dès janvier 2014, une demande de cession (sous condition suspensive expresse de mise en conformité avec la réglementation amiante) fut initiée concernant le Jaguar E-23, alors positionné à Rochefort où il servait à former les élèves mécaniciens à la réalisation de points fixes moteur, ainsi qu’un monoplace (7), avec rechanges, documentation technique, outillages spécifiques et matériels d’environnement non utilisés pour d’autres appareils. À partir du printemps 2014, grâce au soutien de l’EMAA, le recensement des pièces, outillages spécifiques et matériels d’environnement indispensables au projet fut initié. Certains anciens de l’Amicale retrouvaient une seconde jeunesse dans ce travail de fourmis, effectué toujours sous la tutelle du CFPA.

Le CFPA entrepris un laborieux travail de reconstitution de l’ensemble de la documentation technique des Jaguar et de leurs équipements auquel DASSAULT AVIATION apporta son concours en fournissant la documentation originale qui fut entièrement numérisée. Le CFPA récupéra également les archives Jaguar de l’ancienne société SOGERMA (qui assurait  la  maintenance

majeure de ces aéronefs). L’exploitation approfondie de ces archives par un Bureau technique (constitué d’anciens de la SOGERMA) a permis d’établir un Plan de restauration, un Programme d’entretien, de réécrire des Cartes de travail, d’établir des listes d’outils spécifiques (dont certains devront être reconfectionnés) indispensables aux travaux à entreprendre et surtout d’établir une Cartographie amiante réaliste (basée sur des plans ou fiches de fabrication).

Pour les besoins du projet, Alain Stéphanopoli de Comnène et Éric Dumont (Ingénieur du CFPA) ont spécialement suivi une formation (agréée) aux différentes fonctions de la filière amiante pour lesquelles ils ont été certifiés.

D’autre part, le Président du CFPA avait initié dès le début de l’année 2014 auprès de la Direction Générale de l’Aviation Civile un protocole de classification civile du Jaguar E-23 dont les marques de nationalité et d’immatriculation au Registre civil des aéronefs français sont d’ores et déjà réservées. Pour la préparation des qualifications civiles exigées de tout membre d’équipage Jaguar, le CFPA bénéficiera d’un Instructeur de Pilotes d’essai, ancien du Centre d’Essais en Vol mais aussi de la 11ème Escadre.

En parallèle, le dossier de cession fut complété et instruit permettant d’obtenir en août 2015 l’acceptation par le Ministre de la Défense de la cession demandée en vue de son retour en vol, pour autant que la mise en conformité avec la réglementation amiante soit réalisée et certifiée.

Dès que le CFPA a été autorisé à accéder au Jaguar E-23, soit en juin 2016, et avant de procéder au désassemblage de l’aéronef en vue de son transfert vers la Base aérienne 106 de Bordeaux Mérignac (8), il a été procédé à l’expertise de l’aéronef et aux essais fonctionnels de ses systèmes (particulièrement satisfaisants) auxquels ont participé plusieurs anciens de la 11ème Escadre spécialement motivés et enthousiastes sous la direction d’Alain Stéphanopoli de Comnène et d’experts de l’ex-SOGERMA (Cf. Res Non Verba n°53 de septembre 2016).

À la suite de « contraintes administratives et opérationnelles », bien que démonté depuis le mois de juillet 2016, le Jaguar E-23 n’a pu être transféré que le 17 août 2017 vers sa base technique (9) sur laquelle une structure métallo-textile de type P13 avait été spécialement édifiée à la fin de l’année 2015 (10). La procédure de mise en conformité de l’aéronef avec la réglementation amiante pouvait alors enfin commencer.

A l’issue d’une minutieuse vérification, il est apparu que nombre d’éléments susceptibles de contenir des fibres d’amiante avaient déjà fait l’objet de remplacement alors que l’appareil était en service dans  l’Armée de l’Air. Pour les éléments susceptibles de toujours contenir la substance incriminée, des prélèvements ont été effectués par Alain Stéphanopoli de Comnène, seul titulaire d’une Licence de maintenance aéronautique Part-66 et surtout certifié amiante, afin de faire exécuter des analyses par un Laboratoire agréé amiante. Finalement, le retrait systématique dans le strict respect de la réglementation de tout élément ou composant connu pour contenir des fibres d’amiante a été réalisé et un compte-rendu de vérification de la conformité rédigé par Alain Stéphanopoli. L’ensemble de la procédure et de l’exécution a été certifiée par la Division Amiante du Bureau Véritas au mois de juin 2017, dans le délai expressément imparti par le Ministre.

La décision de cession à intervenir enclenchera le processus de restauration effective de l’aéronef et des travaux de remise en condition de vol du Jaguar E-23 mais aussi la mise en conformité amiante des deux autres Jaguar, les A-148 et A-159.

L’important travail réalisé jusqu’à présent a mobilisé de nombreuses expertises de l’aviation civile, de l’avionneur, du motoriste ou des équipementiers, d’experts de l’ex-SOGERMA des personnels de l’Armée de l’Air, d’anciens de la 11ème Escadre mais aussi de la 7ème Escadre dont le Président le GDA Pierre-Jean Dupont avait, dès le lancement du projet, apporté son soutien personnel et aujourd’hui rejoint par les membres de son Amicale qui disposent également d’expertises techniques très précieuses.

Concernant les investissements financiers jusqu’à présent exclusivement assumés par le Président du CFPA, de nouveaux membres et des partenaires devront être recherchés pour la pérennité du projet.

Il n’est un secret pour personne que la préservation du potentiel aéronautique est particulièrement délicate notamment lorsqu’il s’agit de remettre des avions en vol et encore plus quand il s’agit d’avions à réaction.

Pour mener à bien la remise en vol des deux Jaguar (11), d’autres contributions seront bien évidemment nécessaires. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues pour conduire à bien et dans les meilleures conditions cet ambitieux projet qui contribuera non seulement à préserver ce patrimoine si cher aux passionnés d’aéronautique mais sera un vecteur de transmission de notre histoire et de nos traditions en suscitant des vocations nouvelles.

Général Jean Luc CROCHARD 

1 : Depuis mis à disposition des « Amis de la 5ème EC » à Orange.

2 : Alors commandée par le Général Gérard Latour, ancien de la 11ème EC.

3 : André Carbon dit « Taquet » et Jean François dit “Barbu”.

4 : Conservatoire Français du Patrimoine Aéronautique.

5 : Notamment Jaguar, Mystère IV, Mirage III, Mirage IV, Nord 260, T33 et Vautour II N.

6 : Où sont encore vivaces certaines traditions de la 11ème Escadre au travers du 3/11 Corse.

7 : Le A148 déjà stocké à Châteaudun, plus tard complété du A159 pour disposer des pièces nécessaires.

8 : Désignée par le CEMAA comme « base technique et opérationnelle ».

9 : Où sont là aussi vivaces certaines traditions de la 11ème Escadre et du 4/11 Jura au travers du parrain de la BA 106, le CNE Michel Croci

10 : Visitée lors de notre Assemblée générale à Bordeaux du 17 octobre 2015.

11 : Et pourquoi pas avec d’autres appareils tel que le souhaitait initialement le CEMAA…

LES DERNIERS INSTANTS DES F1OO

Djibouti - Réparation F100

 

Par Francis RIGAIL (dernier Officier mécanicien EC 4/11 à Djibouti)

Nous sommes en 1978. L’EMAA/BPG a tranché depuis longtemps : les F1OO seront définitivement retirés du service fin décembre.

Depuis juin nous cohabitons avec l’échelon précurseur du 3/10 Vexin. On ne peut pas dire que cette coexistence FATAC/CAFDA soit toujours des plus heureuses :

Sacrilège ! Les mécanos du Vexin ont osé défigurer les gueules de requins de nos avions en leur affublant des dents pourries !

Mais pour qui se prennent ils avec leurs ridicules MIIIC qui ressemblent à des moustiques à coté de nos mastodontes ? 

D’accord, ils sont plus rapides, mais ils en sont encore au plein carburant avec le pistolet, et, vous allez rire, la mise en route avec des bouteilles d’air comprimé date d’un autre age, non ? On ne peut pas dire que c’est génial en comparaison de notre prise carburant « NATO », de la possibilité de ravitaillement en vol et de nos moyens de démarrage : MA2, paloustes et cartouches à poudre. La preuve, les Israéliens ont revu le concept de leurs Mirages pour en faire le “Kfir”. Heureusement, au casse-croûte du matin, ces mesquineries sont oubliées et chaque camp fait voler ses avions dans la bonne humeur, somme toute. Nos avions sentant leur fin proche volent du mieux qu’ils le peuvent. On peut tirer un coup de chapeau aux américains qui sont sûrement les plus doués en matière de tropicalisation des aéronefs. Expérience probablement acquise pendant la bataille du pacifique de la 2eme guerre mondiale. En effet, en dépit des rudes conditions climatiques qu’ils subissent depuis leur mise en place, on ne trouve pas trace de corrosion. La « bête » est solide. Pas de criques, pas de fissures : la cellule demeure saine. Quelques années plus tard, on ne pourra pas en dire autant des MIIIC. L’aile delta subira des dégâts par criques et corrosion qui accélérera la relève par les MFI. En revanche, il en va tout autrement pour la motorisation. Déjà au cours du 2eme semestre de 1977, tous les J57-P21A et rechanges disponibles à Toul et autres entrepôts ont été mouvementés vers le 4/11 pour garantir la disponibilité et soulager l’activité de l’atelier moteurs. Mais cette bouffée d’oxygène a ses limites. On a beau faire, beau dire, les réacteurs sont usés. On sait d’où vient le mal : il se situe probablement au niveau des distributeurs de turbines, largement déformés par les contraintes thermiques et mécaniques encaissées depuis trop longtemps. Hélas, nous n’avons pas les moyens de remédier à ce problème. Le matin, de plus en plus tôt, le banc d’essai réalise les points fixes pour bénéficier de la fraîcheur et ajuster des paramètres acceptables. Les réglages sont souvent délicats et la ligne d’adaptation avec la cellule est souvent critique.

F100 gueule de requin
F100 gueule de requin

Changer 2 ou 3 fois de moteur pour trouver celui qui va tourner correctement sur une cellule fait partie des ennuis, retards et surcroît de travail pour les mécaniciens.  Tous font preuve d’abnégation et d’une grande conscience professionnelle. Et il est vrai que le maintien de la “dispo” repose sur une poignée de techniciens. Et pour cause, beaucoup sont rentrés en France à la relève de la mi 78 sans être remplacés.

Il faut tenir coûte que coûte…

F100 Djbouti Hangar
F100 Djbouti Hangar

Nous ferons même mieux que tenir ! Notre Cdt d’escadron a obtenu une rallonge de dotation de plusieurs milliers d’obus 20mm. Les missions de tir canon sont quotidiennes. Mais aussi, bombes de 250 kgs à pétales et bidons napalm. Nous menons également avec les Ops, les essais de tirs de bombes de 125kgs à fragmentation à partir du lanceur d’entraînement Alkan 65 à structure renforcée (modification réalisée par nos « choumacs »). C’est une période faste pour nos pilotes, ils s’en donnent à cœur joie. Les « pétafs » aussi ne rechignent pas à la tâche. Nous avons tous conscience de vivre de grands moments, on jubile. En fin de matinée, je passe chez les armuriers, on boit un pot ensemble tout en commentant l’activité et les problèmes rencontrés. Notre F 1OO est à la hauteur malgré ses problèmes de vieillesse ; il suffit de le bichonner et de lui donner des missions à sa mesure. Il ne peut pas nous décevoir ; les tirs à La Doudah se succèdent, sélecteur sur guns » pour être sûr d’épuiser les stocks dans les délais. Ces missions en basse altitude nous arrangent bien parce que nous rencontrons des problèmes avec la postcombustion. Elle ne passe pas toujours en altitude voire pas du tout. Normal, la logistique ne suit plus ; les vérins d’ouverture/fermeture des paupières ne fonctionnent plus correctement et la défaillance en quincaillerie aggrave la situation. En accord avec le Cdt et les ops il est décidé de ne passer la PC qu’au décollage, en BA en cas de nécessité absolue. Entre temps, le Ltt-pilote Reverseau alerte l’Adc Jacquinot, notre Chef de piste, d’une sensation de point dur au manche, en finale avant l’atterrissage avec le 542 736, puis, tout est redevenu normal et il s’est posé sans difficultés. Aux dires des autres pilotes, ils n’ont jamais constaté cette anomalie. Les essais et contrôles techniques ne révèlent rien. L’avion vole normalement les jours suivants. Puis, l’incident se reproduit avec le Cne Croci aux commandes, il s’est fait peur avoue t’il. Là, ce n’est plus la même histoire. Bien entendu, arrêt de l’avion, envoi d’une fiche d’incident gravité 2; je branche le S/C Budet avec 1 ou 2 mécaniciens. Mission : il faut trouver les causes, le temps ne compte pas. Quelques jours plus tard, un message de la DT/FATAC tombe sur mon bureau. Il m’est demandé beaucoup d’explications, de comptes rendus urgents sur les mesures prises alors que les investigations sont en cours. Et pour cause, nous ignorons dans notre coin perdu de la corne d’Afrique que la DT est enfiévrée avec les problèmes de commandes de vol du Jaguar. Une enquête spéciale technique a été décrétée ou sur le point de l’être (elle sera clôturée en 1989). Pendant ce temps « Bud » cherche et ne trouve toujours pas !… Le matin même, nous examinons ensemble le bilan de ses travaux : RAS ! Cependant reste à vérifier ce résultat par un contrôle de la loi d’effort du manche. Elle est exécutée et le relevé est aberrant. Il faut poursuivre les investigations et nous sommes certains que la timonerie de profondeur est en cause, Le lendemain, à la mine réjouie de « Bud », je comprends qu’il a trouvé : dans un endroit pas possible de la cellule, il y a chevauchement du câble entre 2 roulettes guides en céleron. Ouf ! On va pouvoir rendre compte et remettre l’avion en vol, ce qui fut fait..

Mais nous ne sommes pas arrivés au bout de nos émotions : stupeur, le 20 novembre 78, le Cne Croci à bord du 542 156 est victime, après un passe de tir, d’une extinction réacteur. Comme bien d’autres j’assiste à l’accident depuis le parking. L’avion est, dieu merci, en ressource et notre pilote s’éjecte sans difficulté, on peut dire comme dans le ‘dash-one’.

Je vous livre les conclusions de l’enquête : « Le 20 novembre 1978, une patrouille légère composée de deux avions F 1OOD effectue un tir canons sur un champ de tir situé en bordure sud du terrain. Le numéro 2 effectue sans incident 5 passes de tir réelles, puis une passe « sèche », les munitions étant épuisées et enfin, une passe de sécurité. Les éléments de vol au cours des passes de tir sont les suivants : vitesse 450 kts, angle de piqué : 5 à 100 les distances de tir et les altitudes de dégagement sont correctes. Au cours de la passe de sécurité (vi : 450kts, angle de piqué 50, plein gaz sec), 1000 mètres avant les cibles, le pilote entend le réacteur dévisser, ce qu’il constate immédiatement aux paramètres moteur : passage du régime par 92% en diminution régulière et décroissance de la T7. Il cabre, vérifie la position de sa manette et annonce son extinction. Sur ordre du leader, il largue les bidons et tente un rallumage rapide, sans succès. Le régime continuant à décroître, le pilote s’éjecte au-dessus de la mer, à 180 kts et 5000 pieds environ. La séquence d’éjection et l’amerrissage s’effectuent normalement. Le pilote est indemne. L’avion s’abîme en mer. » Pour la petite histoire, j’ai encore bien présent à l’esprit Croci sous la corolle de son parachute avec son canot de sauvetage suspendu sous lui, amerrir à 1 petit km de la cote sur la bande de corail. Il est debout dans tout juste un demi mètre d’eau déclenchant ainsi l’hilarité des témoins sûrement par réaction au regard de la situation dramatique que nous venions de vivre en direct. L’enquête technique menée alors par le Cne Garcia venu de France du 1/11 Roussillon n’avait pas pu en déterminer les causes.

Ce moment d’émotion passé, tout reprend comme d’habitude. Déveine, le Ban d’Essais Réacteur(BER) me rend compte que l’élingue de levage à chaîne s’est rompue et qu’un J57 est tombé au sol. Il ne manquait plus que ça ! Pas trop de casse, mais les paupières de la tuyère sont fichues ce qui ne fait pas notre affaire. Pire, nous ne disposons pas d’élingue de rechange, car il s’agit d’un accessoire spécifique 357 désormais introuvable. Il faudrait inventer un autre système de manutention. Faire des travaux qui immobiliseraient le banc plusieurs semaines. Si près de la fin ce n’est plus envisageable. La solution est un pis-aller : élimination des maillons cassés et rééquilibrage du double T d’accrochage. Changement de la méthode de mise en place du moteur sur le banc pour diminuer les tensions inutiles. A y réfléchir, il faut reconnaître que cette conception d’installation d’un réacteur de 1500kgs ne pouvait, après des centaines de manipulations, qu’aboutir à ce résultat. Maintenant, il est trop tard, on ne peut plus rien y changer…Il va sans dire qu’au banc chaque point fixe est précédé d’un moment d’angoisse. Si mes souvenirs sont bons, je crois que 2 à 3 moteurs ont subi le même sort avec moindres dégâts. Le temps passe, décembre arrive et je commence à me poser des questions. Que vat-on faire des avions à la dissolution du 4/11 ? Je n’ai reçu aucune directive. Je me sens quand même un peu seul dans cette affaire…Pour le moment les avions volent, qu’ils en profitent car ils n’en ont plus pour longtemps. La chance était donc encore avec nous. Déjà, le 2 août 1977 le Cne Lecointre avait dû se résoudre à s’éjecter du 542 138 également pour extinction réacteur, se blessant à une jambe à l’atterrissage dans une zone au relief tourmenté.

On peut dire que la dissolution des escadrons F 1OO de Métropole suivie de leur transformation sur Jaguar avait été bien orchestrée. Pour ce qui concerne les avions, ils furent mouvementés par la voie des airs en Angleterre, soit par l’Escadron de convoyage soit, par nos pilotes. Ce qu’ils pouvaient devenir par la suite ne nous concernait plus…

1979 Nostalgie ; dernière VP F100
1979 Nostalgie ; dernière VP F100

Par exemple, pour mon escadron, à l’époque le 1/11, un beau matin, nos braves F 1OO décollèrent de notre plateforme pour ne plus jamais revenir ! … La séparation fut brève et cruelle, mais, les « Jaguar » frappaient à la porte avec insistance et autorité, ne nous laissant pas le temps de nous attendrir. Pour les matériels, avec la bienveillance du Chef des Moyens Techniques, ils furent reversés en deux temps et trois mouvements, et on en parla plus. En quelques heures, le 1/11 Roussillon sur F1OO appartenait désormais au passé. Mais ici, à des milliers de kilomètres de la France, comment allions nous faire ? La montée en puissance des M IIIC et les opérations extérieures des          Jaguars mobilisaient les énergies. Les moyens et la manière de procéder au retrait des F1OO n’avaient pas l’air d’intéresser grand monde. Les vols devant se poursuivre en décembre, je décidais de commencer par la démolition des moteurs indisponibles. Pour gagner du temps, les motoristes pensaient qu’il suffisait de percer un trou au chalumeau dans le carter intermédiaire. D’accéder ainsi aux arbres de liaison compresseurs/turbines et de les saboter au chalumeau. Pourquoi pas ? Je donnais le feu vert mais je devais vite déchanter : Le sergent-chef Renaudin avait attaqué un moteur à 7heures, et, à 9 heures il avait vidé 2 bouteilles d’acétylène et fait un trou dans le métal de10 centimètres seulement ! Le 357 vendait chèrement sa peau et il fallait trouver autre chose… Les armuriers avaient une solution plus radicale : le plasticage. De toute façon, il fallait essayer. Et c’est ainsi qu’avec l’aide de I’ALAT qui profita de l’occasion pour un exercice d’hélitreuillage, nous réalisâmes un premier essai à La Doudah. Le sergent-chef Pitchen colla un kilo de plastic sur le compresseur basse pression, un dans la tuyère et autant sur le relais d’accessoires. Cette fois ci le 357 rendit l’âme. Du coté moteur je n’avais plus de souci à me faire. Par la suite et en parfaite entente avec I’ALAT le sabotage des moteurs fut réalisé jusqu’au dernier.

Début décembre 1978, je reçois enfin un courrier de la Direction centrale des Matériels DCMAA). Les ordres sont les suivants :                                                                       

  • Les F1OO prêtés par les Américains (PAM) seront éliminés sur place selon les modalités techniques de démilitarisation de l’USAF,
  • Tous les canons de 20mm seront déposés et expédiés en France,
  • Les quatre F1OO nationaux seront maintenus en perspective de leur vente,

4- Les rechanges avions et moteurs seront constitués en lots ainsi que l’outillage.

En quoi consistait donc cette démilitarisation ? Elle était décrite dans un document d’une cinquantaine de pages environ (1 par avion). A ma surprise, on m’avait envoyé la procédure destinée au F104 Starfighter ?

 Ca commençait bien !! … II apparut vite que la méthode n’était pas intégralement transposable au F1OO notamment pour rendre la cellule impropre au vol. Plus inquiétant, le strict respect de l’ensemble des consignes représentait un chantier important qu’il était difficile de conduire sachant qu’il n’avait pas été prévu de cesser l’activité aérienne avant le I er janvier 79.

des années 50 n’avaient rien de commun. Le premier que l’on comparait à un « tuyau de poêle » avec 2 moignons d’ailes était un intercepteur, ultrarapide armé de missiles pour des missions à haute altitude et de courtes durées ;