F 100 Français (suite)

F 100 français - 2

        L’année 1961, pour les deux nouvelles escadres de l’Armée de l’Air équipée du North American F-100 Super Sabre, va se traduire par des changements importants.

        Entre le 1er et le 30 juin 1961, la 11ème Escadre fait mouvement vers la Base Aérienne 136 de Bremgarten en République Fédérale d’Allemagne où stationnait jusqu’alors la 4ème Escadre dotée de Republic F-84F Thunderstreak, cette dernière, ce faisant, venant s’installer à Luxeuil (base où elle se trouve encore aujourd’hui avec deux escadrons de Mirage 111E). Mais la “Onze” n’est pas la seule à s’expatrier dans la Zone française d’Allemagne. Le 40 juin, la 3ème Escadre quitte Reims pour aller s’installer sur la B.A. 439 de Lahr-Hugsweier où la 13ème E.C.T.T., équipée de F-86K Sabre, lui laisse la place en se repliant sur Colmar, de l’autre côté du Rhin.

Le “strike” atomique et l’OTAN

        En 1963, ses qualités d’attaque en basse altitude valent au F-100 de devenir le premier chasseur de l’Armée de l’Air à assurer, dans le cadre de la 4ème ATAF de l’OTAN, la mission nucléaire tactique, dite mission “strike” avec la bombe atomique américaine MK 43. L’emport de ce formidable engin de 4 m de long et d’une puissance supérieure aux bombes atomiques de la 2ème guerre mondiale se fait sur pylône central en F-100F mais en configuration dissymétrique sur F-100D. L’avion a alors l’engin sous l’aile gauche, entre deux réservoirs de 200 US gallons, tandis que sous l’aile droite on accroche une “banane” de 275 US gallons et un seul 200 US gal. Cette disposition un peu spéciale, oblige les pilotes à beaucoup d’entraînement et à un perfectionnement de leur aptitude au vol en TBA (très basse altitude). Parallèlement, en même temps que les armuriers, ils reçoivent une instruction spécifique au matériel et missions nucléaires. En fait, si les armuriers des 3ème et 4ème Escadre seront initiés au maniement des bombes MK 43 par les Américains sur des engins factices, les pilotes français ne voleront (officiellement) jamais avec un engin réel accroché sous l’aile, et très rarement, d’ailleurs, avec une bombe factice, les missions appropriées se faisant toujours avec un pylône vide.

        Le premier escadron assigné à cette mission “strike” est I’EC 2/11 “Vosges”. Il est opérationnel à compter du 20 mai 1963. Il s’agit pour cette unité, et celles qui la suivront, d’assurer l’alerte atomique 24 h sur 24 avec deux avions stationnés dans un enclos gardienné par une compagnie de personnels de I’U.S. Air Force et spécialement  réservé aux seuls pilotes et mécaniciens français autorisés. C’est, en effet, l’époque du commandement intégré de l’OTAN ; Français et Américains travaillant en coopération étroite à la défense commune. Toutes les forces aériennes du 1er CATac sont au début des années soixante, rappelons-le, rattachées à la 4ème ATAF (QG à Ramstein AB, R.F.A.) composée aussi d’unités aériennes allemandes, canadiennes et américaines, et en temps de guerre c’est le rôle du commandement de la 4ème ATAF de prendre le relais du commandement français. Ce passage de l’option “paix” à l’option “guerre” oblige donc ces unités à de fréquentes manœuvres afin d’accroître l’efficacité de coopération entre les différentes aviations de l’OTAN, le point culminant de ces exercices étant atteint lors de compétitions tactiques amicales entre unités des Allied Tactical Air Forces (ATAF) des différents pays de l’alliance.

        Ainsi, en 1963, est organisée, sur la Base Aérienne de Rhein Hopsten (RFA) la deuxième compétition annuelle pour armes tactiques (la première avait eu lieu en 1962 sur la base de St-Dizier), réunissant les Forces Alliées Centre Europe (AFCENT), opposant les Forces de la 2ème ATAF (RAF en RFA, Force Aérienne Belge, Forces Aériennes Néerlandaises et Allemandes), et la 4ème ATAF, sans les Canadiens, absents cette année-là.

       La France a gagné ce deuxième concours grâce à l’équipe de F-100D du 1/3 “Navarre” composé des Ltt Chirouze, Ltt Labat, Cne Bonnet, Ltt Ollivier et Ltt Albert, ce dernier vainqueur du tir air-sol et surnommé “BigGun” (Gros canon) par les pilotes américains.

       En juin 1964, c’est sur la base américaine de Chaumont AB (ex-base des “Tigres” du 366th TFW doté de F-84F) qu’est organisée cette compétition. Quatre pilotes français de I’EC 4/1 1 “Roussillon” participent à ce concours dans les rangs de la 4ème ATAF qui remporte aisément la rencontre : Cne Grenier, Cne Frapier, Ltt Gadan, S/C Léonard, Officier de renseignement Ltt Saillet. Les missions consistent en des navigations basse altitude (sans utilisation des aides à la navigation), avec attaque de différents objectifs et se terminent toujours par un tir réel sur le champ de tir de Suippe, dans les disciplines suivantes :

          – Tir au canon ou tir au sol (4 passes)

          – Tir d la roquette (1 passe)

          – Bombardement en vol rasant (ou “skip bombing”) sur cible avec deux bombes de 25 livres, la meilleure étant retenue au résultat final.

          – Bombardement en semi-piqué ou LABS (Low Altitude Bombing System) qui simule le bombardement nucléaire avec une bombe d’exercice. Le Ltt Gadan se distingue en remportant la coupe de tir roquettes, le S/C Léonard finissant second du bombardement en vol rasant précédé du Ltt Toussaint de la FAé Belge, sur F-84F. A cette époque, la 11ème Escadre comptait dans ses rangs de “vieux” pilotes chevronnés qui étaient de véritables figures : Ad/C Brie (“le bon bel”), Ad/C Bouscaren (“le chinois”), Cne Grenier, Cne Lécuyer (“Nicolas”), Cne Barbier (“Mike”), Cne Marsouin (“le kamikaze”), Ad/C Goigne (le boute-en-train de l’escadre), Ad/C Hay (“La Fouine”), pilote français qui avec 4000 heures totalise le plus d’heures de vol sur F-100 dans l’Armée de l’Air.

      Deux faits marquent l’année 1966, année où la France quitte l’organisation intégrée de l’OTAN : la fin de la mission nucléaire pour le Super Sabre, due au départ des spécialistes américains sur les bases de Bremgarten et de Lahr, le 1er juillet, et l’évacuation des bases US et canadiennes situées dans le nord-est de la France. En janvier de cette même année, la 3ème EC a commencé à percevoir ses premiers Mirages III E à Lahr, appareils qui reprendront plus tard la mission nucléaire tactique à partir des installations de Luxeuil. Progressivement l’escadre lègue tous ses F-100D/F à la 11ème EC, qui regroupe ainsi tous les F-100 utilisés par l’Armée de l’Air. Cette dernière peut alors créer le 1er avril 1966, un troisième escadron : le 3/11 “Corse”. Cet escadron hérite de vingt F-100D de la 3ème EC et de quatre F-100F dont le premier est posé par le S/Lt Vernex. La “Trois” ayant fait ses adieux à Lahr vient s’installer en septembre 1967 sur la base de Nancy-Ochey en cohabitation, pour quelques mois, avec les Mystère IVA de la 7ème Escadre de Chasse. La base de Lahr restée vacante après le départ des F-100 est reprise en 1968 par les Canadair Sabre Mk.6 du 439e Squadron de la RCAF venant de Marville (France), puis, quelque temps plus tard, par les appareils des 444ème et 430ème Squadron.

      Ayant perdu leur vocation nucléaire, les F-100 de la 11ème EC restent à Bremgarten encore quelques mois, mais pour le compte de la France. avant de venir s’installer sur la base de Toul-Rosière en Haye, construite par les Américains et laissée vacante après leur départ. Le déménagement dure trois mois, de juillet à septembre 1967, avec les seuls moyens mis en œuvre par l’escadre. Le 13 septembre 1967, se pose. sur cette nouvelle base, le premier F-100 D que pilote le Cdt Ghesquière, commandant l’Escadre. Les autres suivront au fur et à mesure. Le 3/11 “Corse” quant à lui, arrive à Toul quelques semaines plus tard que ses deux escadrons frères, après avoir été détaché pendant plusieurs mois sur la base de Colmar, avec comme compagnons les Mirage de la 13ème Escadre.

      La 11ème EC se voit confier de nouvelles missions, cette fois dans le cadre de la FATac (Force Aérienne Tactique).

        – Mission de défense aérienne haute et basse altitude, appui au sol des troupes, protection des bases FAS (Forces Aériennes Stratégiques).

        – Dans le cadre des accords de Berlin : mission principale d’attaque au sol et mission secondaire de défense aérienne. Pour cela, elle participe aux manœuvres alliées et à la protection du couloir aérien au-dessus de la République Démocratique Allemande (R.D.A.).

      Elle assure, par ailleurs, le mûrissement des jeunes pilotes qui viennent faire un certain nombre d’heures de vol avant de passer sur Mirage. Pour cela, I’EC 3/11 “Corse” tint pendant quelques mois le rôle d’Escadron de Transformation des pilotes de “Super Sabre” et, à ce titre, eut en compte la majorité des biplaces. C’est également au 3/11 que les pilotes s’initient à la technique du ravitaillement en vol et reçoivent leur qualification. En effet, certains appareils reçus en 1958 possèdent une perche sous l’aile droite. La France ne pratique pas le ravitaillement en vol à cette date et les perches devenant inutiles et s’usant, on les retire. Mais à partir de 1967, on s’intéresse aux possibilités jusqu’alors inutilisées du Super Sabre en montant sous l’aile droite non plus la perche droite mais la perche coudée dite “col de cygne”, offrant au pilote une meilleure visibilité lors des séances de ravitaillement. Après quelques essais sur Vautour et la technique bien mise au point, on passe sur le F-100 ou un tiers des avions reçoivent cette option.

      Le Super Sabre est une vraie “bassine volante” et grâce à ce procédé sa distance franchissable passe à 6500 km. Sa capacité d’emport interne en carburant est de 4 500l et de 8 000l avec bidons (2 X1 000l + 2 x 750l). Rappelons qu’avant l’arrivée de son successeur, en l’occurrence le “Jaguar”, à partir de 1973, le F-100 fut le seul chasseur de l’Armée de l’Air ravitaillable en vol, donnant, de ce fait, à la 11ème EC le pouvoir de déployer en quelques heures et avec l’assistance des C-135 F des FAS (Forces Aériennes Stratégiques) acquis en 1964, la valeur d’un escadron sur un théâtre d’opérations extérieur. A ce titre, on lui confie la mission de participation aux plans de renforcement particulier d’un certain nombre de territoires francophones d’Afrique, dans le cadre de la CAFI (Composante Air des Forces d’Intervention), devenue plus tard la FAI (Force Aérienne d’Intervention).

      – En 1968, un F-100 de l’EC 3/11 “Corse” effectue, pour la première fois, le raid Toul-Dakar avec deux escales techniques. Ce succès aidant, il amène d’autres raids dans les pays d’Afrique francophone (Abidjan – Niamey – Libreville. etc.) avec quelques manœuvres locales.

      – 1969, l’activité continue intensivement en Métropole. En mars 1969, le 3/11 part en campagne de tir à Cazaux. Le 24 mai, lors des manœuvres de la FATac, la 11ème EC met en œuvre 32 avions dont 30 font un “super” défilé avec à leur tête comme leader le Lt/Col Bonneval.

      – Octobre 1969, campagne de remorquage de cible au profit de la 5e EC sur la base de Solenzara (Coupe CAFDA).

     – Décembre 4969, manœuvres Lafayette. avec attaque du porte-avions US SARATOGA avec huit F-100 au départ d’Istres ; le bâtiment se trouve à l’est de la Sardaigne, suite au mauvais temps, il n’attend pas les intrus (Phantom vent arrière, Corsair en finale, Corsair au catapultage). On ne vit jamais autant d’avions dans tous les sens et dans un volume aussi réduit. Bien sûr, la France gagna, tout comme elle gagna le concours AFCENT de l’année, monopolisant les trois premières places au tir canon.

     – Avril 1970, la première grande manœuvre africaine avec déplacement des F-100 du 3/11 à Djibouti a lieu dans le cadre de la CAFI. Pour les pilotes non “lâché ravitaillement le voyage se fait en DC-6 (aller et retour).

     – Décembre 1970, nouvelle étape en Afrique ou trois pilotes décollent d’Istres pour Djibouti et Tananarive, soit le plus long raid de l’histoire du F-100.

     – Novembre 1971, trois F-100 participent à une évaluation opérationnelle de trois mois à Djibouti, évaluation rendue nécessaire par les conditions climatiques particulières en TFAI. Celles-ci posent, en effet, des problèmes d’adaptation non seulement pour les avions mais aussi pour le personnel au sol et les pilotes. Cette évaluation est positive et quelques F-400 privilégiés peuvent entamer une nouvelle carrière dans ce coin chaud de l’Afrique.

     – En 1972, lors de la coupe Comète l’Ad/C Marmier du 3/11 remporte haut la main l’épreuve de voltige devant les autres concurrents ébahis par cette prestation. Il y avait 25 escadrons présents, le second vainqueur est un pilote de Mirage IIIE de l’EC 3/2.

       Mais malgré sa robustesse et son âge, le F-100 s’use. Aussi, à partir de 1973, la firme North American propose à la France un programme de rajeunissement d’une trentaine d’avions par le renforcement du caisson central, l’épaississement de la voilure et du renforcement du longeron supérieur de fuselage. Les travaux sont effectués par les ateliers de la SNIAS de Châteauroux. Ainsi la durée de vie de l’avion se voit augmentée de 1 000 heures passant de 4 000 à 5 000 heures. Le dernier appareil en cours de modification en janvier 1975 était le plus ancien de la 11 EC avec un total de 4 200 heures de vol.

       Parallèlement aux travaux de remise à neuf des avions, la SNIAS entreprend également le camouflage de ce “squale”, le rendant encore plus agressif. Les travaux durent de 1972 jusqu’en 1976 ou la totalité des avions reçoit ce camouflage inspiré du schéma américain à trois tons de couleurs en surfaces supérieures (ocre, vert et gris brun), et gris-bleu clair dessous. La taille du sérial, placé à mi- fuselage, devient plus petite ainsi que les cocardes, le drapeau tricolore de dérive disparaissant. Auparavant, les avions avaient gardé leur couleur métal naturel puis, par la suite, avaient été recouverts d’une couche d’argent mat acrylique anti-corrosion, sauf en partie arrière du fuselage où en raison de la chaleur émise par le réacteur P&W J57 de 4 650 kgp à sec et 6 250 kgp avec PC aucune peinture ne pouvait tenir. Le premier F-100D camouflé arrive à Toul le 23 juin 1972 et porte le sérial 54-2160, code 11-ET. Le janvier 1973, la 11 EC entame une nouvelle carrière avec la création sur la B.A. 188 de Djibouti de I’E.C. 4/11 “Jura” qui trouve ses pilotes au sein des trois autres escadrons. Equipé, à ses débuts de huit chasseurs F-100 (deux du 1/11, deux du 2/11 et quatre avions (ravit.) du 3/11 dont un F-100F), il succède aux six Douglas AD-4 Skyraider de I’E.A.A. (Escadron d’Appui Aérien) 04/024 “Aurès Némentcha” (cet escadron assurait, depuis 10 ans, la coopération avec les forces terrestres sous la forme d’exercices d’appui-feu et d’appui-renseignements). Le 29 décembre 1972, I’EAA 04/021 est dissous après avoir accompli 22 600 heures de vol.

      L’EC 4/11 “Jura” reprend les traditions du 3/11 “Jura”, ainsi que ses insignes. Mais compte tenu de l’effectif réduit, seul l’insigne de la 1ère escadrille (SPA 158 “Serpentaire”) est porté sur la dérive, à gauche. La dotation passe assez rapidement à quinze avions en automne 1975 ce qui va permettre la création de la seconde escadrille en septembre 1976. Ainsi. à partir de janvier 1977, on voit apparaître à droite des dérives, l’insigne du “Sphinx” de la SPA 181. Unité de la FATac, appartenant à la 11EC basée à Toul, I’EC 4/11 est mis pour emploi à la disposition du Commandement “Air” en TFAI et ses missions principales vont de la défense aérienne et de l’appui-feu à la reconnaissance photo avec sa caméra P2 filmant vers l’arrière (prévue d l’origine pour restituer le tir de bombes),

       La plupart de ces F-100 D/F sont des appareils rachetés aux Américains par la France et que l’on appelle “nationaux”. Les autres, les PAM, sont épuisés en priorité par le “Jura” avant d’être restitués, par les soins de l’Escadron de Convoyage 070 de Châteaudun, aux autorités américaines en Grande-Bretagne, sur la base de Sculthorpe où la plupart sont ferraillés sur place. Pour ceux restés à Toul, ils continuent de voler jusqu’à ce qu’ils atteignent le seuil des 4 000 heures de vol où ils sont conduits dans un hangar en attendant leur convoyage pour l’Angleterre. Quant aux “Nationaux”, ils partent pour Châteaudun pour y être mis en conserve par les soins de I’EAA 601.

      Mais, tout comme le 1er mai 1958, le F-100 était venu prendre la place du F-84F, le 7 février 1975 son successeur se présente, dans le ciel de Toul en provenance de Toulouse escorté par trois F-100, le Jaguar E-29 (code 14-RA) que pilote le Cdt Eyraud, commandant la 11ème Escadre et le Cne Robert, commandant le 3/11 “Corse”. Le 13 juin 1975, quatre autres appareils arrivent portant sur la dérive les insignes des SPA 88 “Serpent” et SPA 69 “Chat”. Ils sont affectés à I’EC 3/11 qui reprend vie après 6 mois de silence pendant lesquels pilotes et mécaniciens s’étaient familiarisés avec cette nouvelle monture.

     Le 31 décembre 1975. le 3/11 effectue son dernier vol F-100 après 36 704 heures. L’EC 1/11 “Roussillon” en fait de même le 10 octobre 1975 après 81 746 h 25. Les avions sont alors affectés au 2/11 “Vosges”. Le 1/11 reprend ses vols le 1er mars 1976 avec ses quatre premiers “Jaguar”. Le 2/11 “Vosges” doit également laisser la place au Jaguar et le 25 juin 1977, après 71 347 heures de vol, le dernier vol F-100 a lieu sur la base de Toul après une émouvante cérémonie, réunissant les anciens pilotes et mécaniciens de ce prestigieux avion.

      Les F-100 de la 11 EC ont effectué 205 000 heures de vol au 25 juin 1977.

      C’est également à cette date qu’un F-100D du 2/11 (codé 11-MR/55-2736) piloté par le Cne Zurlinden effectue son dernier vol à la tête d’une patrouille de neuf Jaguar, avant de se rendre au musée de l’Air du Bourget. Quelques semaines auparavant, le 11mai 1977, le Colonel Boichot, commandant la base de Toul, a effectué le dernier vol du F-100D 54-2431/14-MJ. (NDLR. Au cours de ce vol, le colonel BOICHOT a subi une extinction réacteur et au retour du vol, sans faire part de cet incident, il a inscrit sur la forme 11 d’une manière totalement naturelle « Rallumage OK »). Cet avion est maintenant érigé en monument sur la BA 136 de Toul. Quant au Colonel Boichot, signalons qu’il fut le premier pilote français à avoir tenu les commandes d’un F-100 en 1958 sur la base de Nellis (Nevada). Mais un événement marque une nouvelle étape dans l’histoire de I’EC 4/11 “Jura” avec la création sur la B.A. 110 de Creil, le 1er septembre 1970, de I’EC 3/10 “Vexin” (doté de Mirage III C) destiné à prendre la relève des derniers F-100, à compter du 10 décembre 1978. Quant au 4/11, il est dissous le 31 décembre 1978 à Djibouti après plus de 10 000 heures de vol sur F-100. La 10 0000 heure de vol étant réalisée le 24 mai 1978 par le Capitaine Croci sur le F-100D “14-YE” 54-2130, le dernier vol d’un chasseur-bombardier F-100 dans l’Armée de l’Air ayant lieu le 12 décembre 1978, après 20 ans pendant lesquelles il a dispensé à tous ses pilotes des joies immenses et, comme l’a dit un pilote de Jaguar du 4/11 “Il sera toujours regretté par ceux qui ont volé avec et envié par ceux qui n’ont pu voler dessus”…

F 100 à l'entrée de la BA 136
F 100 à l’entrée de la BA 136

Patrick BIGEL

     

 

Ci-contre, en haut, le F-100D-35NH 55-2734 de l’EC 3/11 “Corse” lors d’une séance de ravitaillement en vol avec un Boeing C-135F des FAS, capacité alors réservée au seul 3/11.

F 100 - RVT

 

Ci-contre, dans une alvéole bétonnée de la base de Lahr (R.F.A.) en 1963, le F-100D-5NA 54-2156 “3-JD” de l’EC 2/3 “Champagne” avec sa livrée complète, soit : nez, trappe de train avant, saumons et cloisons d’ailes rouges.

En bas, à Toul-Rosières sur la marguerite du 3/11 en juin 1972, un des plus anciens biplaces utilisés par l’Escadre de Chasse : le F-100-15-NA 56-4017 “II-RW” qui servira plus tard à Djibouti avec le 4/11.

F 100 - 3 EC
F 100 EC 3/11

 

 

 

A droite, trois vues montrant des Super Sabre à nez jaune de I’EC 1/3 “Navarre” au début des années soixante.

 

 

 

 

 

Au centre, le F-100D-IO-NA “3-IS” 54-2171 s’arrache de la piste de Lahr. Après sept ans au 1/3, il sera affecté à la 11ème Escadre en 1965. En bas. quatre F-100D du 1/3 en attente de décollage à Lahr, dont le F-100D10-NA 54-2212 ”3-IK”. Cet avion, qui sera rendu aux Américains en janvier 1976, est aujourd’hui exposé à l’entrée de la base de réserve américaine de RAF Sculthorpe, en Angleterre, repeint aux couleurs de l’USAF.

 

 

 

 

La photo du bas, prise au-dessus de la Forêt Noire, laisse voir, sur le F-100F-15-NA ”3-IK” 56-4009, la configuration adoptée pour les missions de navigation à longue distance ou les convoyages : deux bidons de 200 US gallons sur pylônes internes et deux “bananes” de 275 US gallons sur pylônes médians. On note l’insigne d’escadron (jumelage des SPA 95 et 153) porté sous l’habitacle. Cet appareil volera plus tard à la 11ème Escadre avant d’être rendu aux Américains en octobre 197

F 100 3 EC
F 100 - 3 EC

 

Trois photos de Super Sabre de l’EC 2/3 “Champagne” photographiés au début et au milieu des années soixante dans leur livrée complète à finitions rouges.

En haut, le F-100D-15-NA 54-2265 “3-JR” vu côté SPA 67 “Cigogne” ; cet avion. restitué en mars 1976 à FIJSAF, est aujourd’hui préservé sur la base de RAF Wethersfield (Grande-Bretagne) repeint aux couleurs du célèbre “Triple Zilch” du Lt/Col R. Toliver (“FW-OW’, USAF serial number 56-3000).

Au centre. le F-100F-15.NA 56-4008 “3-JV” en configuration lisse, côté SPA 75 “Charognard”, avec la perche de ravitaillement droite montée en place. Cet avion sera rendu aux Américains en janvier 1975 après avoir servi dix ans à la 11ème Escadre à Toul-Rosières.

Ci-dessous, le F-100D-35-NH 55-2737 “3-JJ” au roulage sur le taxiway de Lahr. La configuration dissymétrique des réservoirs supplémentaires est intéressante (un bidon de 200 US gallons et une ‘banane” de 275 US gallons sous l’aile droite et deux 200 US gallons sous l’aile gauche) et permet de présumer que l’avion va décoller pour une mission de “strike” nucléaire ; le vide entre les bidons de gauche représentant la masse absente d’une bombe atomique MK.43.

Les F 100 Français

      Première partie de l’histoire des F100 français ; article paru dans AIR FAN, avec l’aimable autorisation de “Bibi”.

 

F 100 Français

          L’épopée tricolore du North American F-100D “Super Sabre”, un avion de combat hors du commun qui fut le premier appareil de l’Armée de l’Air à être doté de l’arme atomique, à pouvoir pratiquer le ravitaillement en vol et à être capable du vol supersonique soutenu : trois particularités alors à l’avant-garde de la guerre moderne.

           Le 12 décembre 1978, à plusieurs milliers de kilomètres de la France, étaient effectués les derniers vols opérationnels de chasseurs bombardiers North American F-100 Super Sabre dans l’Armée de l’Air. Réalisées par l’escadron de Chasse 4/1 1 “Jura”, détaché de la 11ème Escadre de Chasse de Toul Rosières en République de Djibouti, ces ultimes sorties sonnaient le glas de vingt ans de bons et loyaux services. Le Super Sabre entrait alors dans l’histoire des ailes françaises. De pilier opérationnel du 1er CATac, à ses débuts, jusqu’à sa mission finale de coopération armée outre-mer, le F-100 quittait la FATac la tête haute.

           Lorsque le 1er Commandement Aérien Tactique (CATac) de l’Armée de l’Air est formé en juillet 1954, ses forces sont en totalité rassemblées dans l’est de la France et sur le sol de la République Fédérale d’Allemagne. En temps de guerre, son état-major et ses moyens sont destinés à être intégrés à la 4th Allied Tactical Air Force ou 4e ATAF de l’OTAN, seul commandement opérationnel interallié responsable de sa mise en œuvre et charnière du système de défense des pays du Pacte Atlantique en Centre Europe (AFCENT).

         Le 1er Commandement Aérien Tactique, héritier du 1er Corps Aérien Français de 1945, est alors composé de sept escadres de chasse mettant en œuvre quelque dix-huit escadrons de chasse et de reconnaissance représentant, avec les réserves, presque cinq cents avions de combat ! L’état-major du 1er CATac est implanté sur la base de Lahr Hugsweier, en territoire allemand, à quelques dizaines de kilomètres de Strasbourg, de l’autre côté du Rhin. Les appareils qui composent ce “coin offensif” de l’Armée de l’Air ont pour noms : Republic F-84E/G Thunder jet et Dassault Ouragan, les seconds devant assurer la couverture des premiers, chasseurs-bombardiers tactiques type des forces aériennes des pays de l’OTAN largement éprouvés en Corée.

       A partir de 1955, les Republic F-84E et G sont graduellement remplacés par les F-84F et RF-84F plus performants, tandis que les Mystère IVA succèdent aux Ouragan. Mais au milieu des années cinquante, également, l’ère du vol supersonique opérationnel vient d’être ouverte. C’est un nouvel avion, successeur du célèbre F-86 Sabre, de la Guerre de Corée, le F-100 Super Sabre, autre création de la firme North American, qui depuis quelques mois est devenu le premier avion produit en série capable de voler en palier à Mach 1. Les premières séries de F-100, les F-100A, donnent à I’U.S. Air Force son premier intercepteur supersonique de jour. Mais ce rôle n’est plus approprié au moment où les premiers chasseurs tout-temps supersoniques, les Convair F-102A, commencent à entrer en service dans l’Air Defense Command. Désireuse d’utiliser le F-100 dans la mission de chasse-bombardement, I’U.S. Air Force commande alors le F-100C, version du Super Sabre dotée d’un moteur plus puissant et optimisé pour l’attaque au sol. Exactement 476 F-100C seront construits et livrés à l’USAF.

       Afin d’augmenter son potentiel d’attaque, cette même USAF décide, en 1956, de commander une nouvelle version du Super Sabre dérivée du F-IOOC. Ce nouvel avion, ravitaillable en vol et capable d’emporter une arme nucléaire ou thermonucléaire, est le F-100D. De toutes les versions du F-100, la version “D” sera la plus produite, 1274 exemplaires devant sortir des usines North American d’Inglewood (Californie) et de Columbus (Ohio). Sur ce total impressionnant, plusieurs centaines de F-100D cependant ne devaient pas être utilisées plus de quelques mois par l’USAF. En effet, à partir de 1958, dans le cadre du Military Assistance Program de l’OTAN, les Etats-Unis décident de relever le potentiel aérien de leurs alliés européens en leur fournissant, en remplacement d’une partie de leurs chasseurs-bombardiers Thunderjet et Thunderstreak subsoniques, des F-100D Super Sabre. Premiers récipiendaires de l’aide américaine, les Danske Flyvevaabnet danoises et l’Armée de l’Air reçoivent respectivement soixante et quatre-vingt-dix F-100D. Par la suite, la Türk Hava Kuvvetleri turque recevra également des Super Sabre, principalement en versions « D et F ». Le F-100F, est la version biplace du F-100D réservée à l’entraînement opérationnel mais également capable de missions de guerre. Ce modèle diffère par son fuselage rallongé de 0,91 m afin de permettre l’installation d’un second membre d’équipage en place arrière. Il perd cependant en capacité de carburant et il ne possède plus que deux des quatre canons Pontiac M39E de 20 mm présents sur le F-100D monoplace. Des F-100F seront livrés au Danemark et à la France en même temps que les F-100D : respectivement environ dix et quatorze. La plupart des North American F-100D et F qui vont être livrés à l’Armée de l’Air ont déjà effectué un certain nombre d’heures de vol au sein de I’U.S. Air Force. Avant leur transfert à la France, ils vont être révisés entièrement dans les ateliers de maintenance que la firme North American a installé à Barajas, près de Madrid en Espagne.

La “Onze”, première sur F100

      La 11ème Escadre de Chasse de l’Armée de l’Air, qui stationne depuis le 12 juin 1953 sur la base aérienne de Luxeuil-St-Sauveur, est la première unité du 1er CATac à être désignée pour voler sur Super Sabre. Equipée, depuis 1956, avec des chasseurs bombardiers F-84F Thunderstreak, la 11ème Escadre assure à la fois la défense aérienne de la zone opérationnelle de la 1ère Région Aérienne et l’appui au sol des éléments de la 1ère Armée française stationnée par-delà le Rhin.

       Fin 1957, les deux escadrons constitutifs de la 11ème Escadre, les Escadrons de Chasse 1/11 « Roussillon » et 2/11 « Vosges » (I’E.C. 3/11 « Jura » vient tout juste d’être dissous) se préparent à troquer leur vieux F-84F (dont certains ont participé à l’intervention de Suez d’octobre 1956) contre des F-100D tout neufs, à quelques éraflures près. A partir du 1er janvier 1958, un noyau de pilotes de I’E.C. 2/11 est dépêché aux Etats-Unis, sur ta base de Luke (Arizona), afin de se transformer sur F- 100. Peu après leur retour en France, le 1er mai 1958, en fin de matinée, apparaissent dans le ciel de Luxeuil les trois premiers F-100D pour l’Armée de l’Air, convoyés depuis Madrid par des pilotes américains. Quelques jours plus tard commence, pour les quelques rares privilégiés, l’entraînement sur cette nouvelle monture qui constitue, à cette date, l’avion de combat le plus puissant de l’Armée de l’Air. Ce faisant, les pilotes français découvrent vite les possibilités de la post-combustion (“la P.C”, en argot de pilote). Et ils s’en donnent à cœur joie. Cette innovation, encore récente à l’époque, leur apporte près de 60 % de puissance supplémentaire instantanée et leur permet ainsi d’intercepter, dans le ciel de l’est, tout ce qui passe à leur portée ! Il faudra attendre un an et demi pour voir la 11ème Escadre de Chasse atteindre le stade opérationnel sur F-100. Fin 1959, c’est chose faite.

La “Trois” en deux

      Après la “Onze”, c’est au tour de la 3ème Escadre de Chasse de se voir attribuer des F-100D. Cette escadre, stationnée depuis le printemps de 1950 sur la base de Reims-Bétheny, été à l’origine la première de l’Armée de l’Air à percevoir des chasseurs bombardiers F-84E Thunderjet. La “Trois” est, en 1958, forte de deux escadrons : les E.C. 1/3 « Navarre » et 2/3 « Champagne » ; son troisième escadron traditionnel, I’E.C. 3/3 « Ardennes » a été dissous l’année précédente, au mois de novembre. Comme la 11ème Escadre de Luxeuil, la 3ème Escadre de Reims vole depuis 1956 sur F-84F Thunderstreak lorsqu’elle entame sa transformation sur F-100D Super Sabre à compter de septembre 1958. Comme pour la 11ème Escadre également, un important détachement des deux escadrons de la “Trois” a participé à l’intervention de Suez depuis la base britannique de RAF Akrotiri de Chypre.

      Les premiers F-100D étiquetés pour l’escadre arrivent à Reims en janvier 1959 au terme d’un voyage sans escale au-dessus de l’Atlantique Nord réalisé par des pilotes américains ravitaillés, en cours de route, par des KC-97 du Strategic Air Command de l’USAF. Ils sont aussitôt attribués au 1/3 « Navarre ». Alors même que pilotes et mécaniciens de l’escadron se familiarisent avec le F- 100D, ils sont bientôt rejoints par un échelon précurseur du 2/3 « Champagne ». En effet, en attendant ses propres avions, le 2/3 a reçu l’ordre d’entamer sa « transfo » sur les appareils du 1/3. C’est seulement à la mi-juillet qu’il touchera ses avions en propre, avions qui font partie du dernier lot de base cédé à l’Armée de l’Air par l’USAF. Au début de l’année 1960, juste un peu plus d’un mois après la « Onze », la « Trois » est déclarée opérationnelle sur ses Super Sabre.

       Dans la foulée, et pour ne pas perdre de temps, les deux escadres nouvellement équipées de F-100 se déplacent en escadrons constitués (un de chaque escadre) sur la base de Cazaux pour effectuer leur première campagne de tir officielle sur F-100. Menée de concert par I’E.C. 1/11 « Roussillon », avec treize avions, et I’E.C. 2/3 « Champagne », avec onze appareils, cette campagne se traduit rapidement par un très grand nombre de sorties opérationnelles. Pour donner une idée de l’activité déployée pendant cette campagne inaugurale sur F-100, citons seulement quelques chiffres pour les mois de mars et avril 1960 : 937 sorties aériennes, 681 heures de vol enregistrées, 611 tirs canons effectués pour 44 907 obus tirés en passes air-air, 164 tirs canons pour 13 054 obus en tir air-sol sans oublier 432 roquettes, 18 bidons de napalm et 10 bombes US MK 25 largués. Pour l’Armée de l’Air, ce premier contact avec les réalités opérationnelles commence bien. Confiante, elle aborde une nouvelle décennie avec un chasseur bombardier américain de loin supérieur à tout ce qui se fait de l’autre côté du « Rideau de Fer » à cette époque.

(à suivre) Patrick BIGEL

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 Ci-contre, dans le ciel d’Allemagne, au début des années soixante, deux F-100D de l’E.C. 2/3 « Champagne ». Le 54-2128 au premier plan est le « 3-JA » et le 54- 2166, au fond, le « 3-JH ». Ces deux avions volèrent sans incident durant seize ans avant d’être rendus aux Américains.

Ci-dessous, décollage de Lohr. “P.C.” allumée. en 1964, une mission de bombardement d’exercice.
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La panoplie d’armement du F-100D présentée en 1961 à Luxeuil. On distingue un F-84F de la 1ère Escadre à l’arrière-plan.

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Image de titre : en avril 1978, à quelques mois seulement du retrait définitif des deniers North American F 100 Super Sabre de l’armée de l’Air et virtuellement au terme de vingt ans de service. un F-100D (USAF serial 54-2154) de l’Escadron de Chasse 4/11 « Jura » basé en République de Djibouti, survole les étendues arides du Ghoubet el Kharob. Dernier avion de combat américain à voler sous couleurs françaises, sa carrière s’est déjà achevée en Métropole où un autre chasseur-bombardier, le Jaguar franco-britannique, le remplace déjà dans les trois autres escadrons de I’Escadre de Chasse de Toul Rosières.

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      Ci-dessus : un air nul autre pareil ! un F-100D de l’E.C. 2/11 « Vosges » dévoile son impressionnante entrée d’air tandis que des armuriers arriment une bombe de 500 lb sur le pylône intérieur droit.

        En bas le début des F- 100 dans l’Armée de l’Air. Fin 1958, sur le parking de la base de Luxeuil, les Super Sabre de la 11ème Escadre (la première à recevoir cet avion dans le cadre de l’OTAN) font connaissance avec les frimas de l’Est. Aucun insigne ou marque d’unité n’est encore visible sur le fuselage des avions récemment transférés de I’lJSAF à l’Armée de l’Air et c’est peine si l’on distingue les restes de l’inscription “U.S. Air Force” effacée des flancs très brillants des avions.

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 Ci-contre, un North American F-100D Super Sabre de l’Armée l’Air dans la livrée des débuts. Les avions ne reçurent pas leurs indicatifs et insignes d’escadrons tout de suite. Le F-100D-15-NA illustré ici en 1959, alors qu’il était en service à l’EC 1 /3, porte toujours son « buzz-number” d’origine : “M-247”. Il deviendra, par la suite, le « 3-10 ».

Au centre, le F-100F-15NA 56-4014″ vu peu après son arrivée à la 3ème à l’Escadre de Reims à la fin de 1958. Il volera par la suite à la 11EC avant d’être rendu aux Américains en 1977.

Ci-dessous, moins chanceux sera le F100-15-NA 56-4013 « FW-013 » photographié détruit en janvier de 1959 à son arrivée à la « Trois ». Il sera détruit moins de sept mois plus tard.

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      Ci-dessous, les F-100 de la 11ème Escadre sur leur parking de Luxeuil en 1960, perches Pitot au garde-à-vous. Les « buzz number » américains d’origine ont disparu et les premiers insignes d’escadrons ont fait leur apparition ; ici, le “Masque de comédie” de la 1ère Escadrille de I’EC 1/11 « Roussillon ».

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       Au sein de la 11ème Escadre de Chasse, les North American F – 100 Super Sabre servirent jusqu’au bout de 1958 à 1978. d’un escadron à un autre comme le montre ces les photos de ces deux pages qui illustrent deux Super Sabre, les F 100D 5-NA numéros USAF 54-2148 et 54-2138 à deux périodes distinctes de leur affectation de cette escadre.

      Vu à Toul en juin 1972 le « 148 » aux couleurs de I’E.C 1/11 « Roussillon », l’avion porte indicatif « 11-EM » et l’insigne de la 2ème escadrille sur la dérive.

      Vu à Toul en juin 1972, le « 138 » porte les marques de l’E.C.3/11 « Corse » avec l’insigne de la 1ère escadrille peint sur la dérive. On note sur cette vue les réservoirs supplémentaires de 335 gallons US (dits “grosses bananes ») utilisés surtout par le « Corse » pour ses. déploiements tactiques grandes distance avec ravitaillement en vol.

F 100 Français - 1

     Le même appareil (148) vu en avril 1975 armé de deux bombes freinées de 500 lb US. Lors d’une campagne de tir à Cazaux. Cette fois-ci, l’avion est camouflé et porte les marques de l’E.C. 2/11 « Vosges ». On note l’absence d’insigne d’escadrille sur la dérive, insigne qui apparait cependant sur la manche de la combinaison du pilote (SPA 91). L’indicatif « 11-MK » et Ie sérial” sont de taille nettement plus réduite.

      On retrouve le « 138 » revêtu d’un camouflage sur le parking de la BA188 de Djibouti en mai 1976 avec cette fois-ci les marques et couleurs de l’E.C. 4/11 « Jura ». L’insigne de la 1ère escadrille est visible, en petits sur la dérive.

        Remerciements : une fois n’est pas coutume, l’auteur tient à remercier dès maintenant les personnes qui l’ont aidé dans la réalisation de cette étude, tant par leur assistance technique que par leurs photos. En premier lieu, un très grand merci à Jean-Michel Guhl auquel l’on doit la forme de cet article et nombre d’illustrations, à Alain Crosnier, à Michel Cristescu, à Michel Fournier et à Thierry Cuq. Un grand merci également au Capitaine Croci, un vétéran des F-100, au Capitane Léonard de I’E.T. 3/60 et au Lieutenant Deltrieu, OSV 11 E.C. Merci, enfin, à Bernard Régnier pour nous avoir permis de publier certaines de ses photos et au Lt. Col Chenel sans lequel nous aurions eu quelques difficultés d’identification relatives de la vie des Super Sabre français et à leurs immatriculations successives au cours de leur carrière.

Les débuts du JAGUAR

       Cet article est tiré de la revue “Aviation Magazine” et date du début de l’année 1975, soit près de 2 ans après la première mise en service du JAGUAR au sein de la 7° Escadre de Saint Dizier. Pour ceux qui ont connu cette époque je vous laisse apprécier les commentaires sur cet avion qui dans les 25 années à suivre allait devenir mythique. 

Les débuts du ” Jaguar” dans l’armée de l’Air

        C’est à la fin du mois de mai 1973 que les premiers « Jaguar » sont arrivés en unité. Aujourd’hui les appareils livrés à la 7e escadre de chasse stationnée à Saint-Dizier ont accumulé plus de 6 000 heures de vol. La dotation de l’escadre sera complétée dans les premières semaines de 1975. Un premier bilan peut être dressé.

       A quelque niveau que l’on pose la question, la réponse est toujours la même : « l’armée de l’Air est satisfaite du « Jaguar » ». Cette satisfaction venant après tant de polémiques lors du développement du programme mérite qu’on s’y arrête un peu.

          Où en est-on des livraisons ? La cadence de livraison à l’armée de l’Air est de 2,5 avions par mois. Ce rythme facilement compatible avec les capacités d’absorption des unités, permettra d’équiper complètement le premier escadron de la 11ème Escadre de Chasse basée à Toul   actuellement dotée de F-100 avant la fin 1975. Au total la commande française notifiée s’élève pour l’instant à 170 avions avec une livraison étalée jusqu’au début 1979.

         Ces chiffres sont à comparer avec les commandes britanniques et les livraisons à la RAF: total des commandes 202 unités, cadence actuelle de livraison, environ 5,5 avions par mois, dernier appareil à livrer en novembre 1977. Ce rythme très élevé ne va pas sans poser des problèmes de mise en route.

          Après plus de dix-sept mois de mise en service, où en est-on du défrichage du domaine d’emploi opérationnel ?

          En unité, à Saint-Dizier, la majorité des vols s’effectuent en configuration lisse, certains ont cependant lieu avec bidons. Dans quelques jours ou au pire dans un petit nombre de semaines, deux nouvelles configurations avec charges extérieures pourront être utilisées : l’une avec bombes de 400 kg, l’autre avec roquettes. Ces deux configurations n’ont pas amené de problème particulier.

Restent à délivrer les configurations suivantes

          – bombes de 250 et 125 kg (pour lesquelles les essais sont à mi-course à Istres sur le A-04) et bombes d’entraînement ;

          –  engins anti-radar « Martel » (essais en cours à Istres également) ;

         – lance-roquettes F-1,

         –  réservoirs spéciaux de napalm, conteneurs de contre-mesures électroniques ;

         – nacelle de ravitaillement en vol ;

         – configurations diverses : remorquage de cibles, panneaux, etc.

          A noter que les essais d’emport d’engins air-air à courte portée « Magic » ont commencé, mais le domaine de tir n’a pas encore été étudié.

         A la fin du premier semestre 1975, l’ensemble des configurations avec armement classique sera autorisé pour la 7ème Escadre.

          Les essais avec charge ventrale accomplis jusqu’ici se sont déroulés sans problème majeur, ils ont montré l’efficacité des amortisseurs montés sur les trois axes.

         Les équipements de navigation qui ont toujours donné satisfaction se révèlent au fil des vols d’une grande qualité, et affichent des performances légèrement supérieures aux spécifications. Ils méritent selon les utilisateurs la mention « très bien ». 

          La manœuvrabilité à basse altitude même avec un chargement de bombes de 400 kg — reste l’atout essentiel de l’avion. A basse vitesse, les dispositifs hypersustentateurs sont tels qu’ils permettent un pilotage facile en approche, avec atterrissage sans arrondi. Le taux d’accident — d’incident en fait — est très faible, il a été l’an passé le meilleur de toute la Force aérienne tactique. D’autre part la formule bimoteur s’est révélée payante à plusieurs reprises, les pilotes ayant réduit volontairement l’un des moteurs dont le fonctionnement se révélait défectueux en cours de vol.

          La maintenance en piste n’a pas jusqu’ici soulevé de difficultés, l’effort fait au stade de la conception, pour la faciliter a porté ses fruits. La doctrine de maintenance aux autres échelons est en cours de définition.

          Les points critiques, ou plutôt critiqués, de l’avion ne posent finalement aucun problème. La longévité du compresseur des réacteurs « Adour » théoriquement de 300 heures dans un premier temps doit passer progressivement au double. La stabilité en toute configuration est bonne grâce aux amortisseurs auto stables. La consommation élevée de la post-combustion à basse altitude n’est pas de l’avis des utilisateurs un lourd handicap, la manœuvrabilité dans la plage des vitesses moyennes constituant la meilleure défense. La complexité de l’appareil est compensée par la fiabilité du matériel et ta facilité de maintenance.

          Tel qu’il est, le « Jaguar » donne incontestablement satisfaction à ceux qui l’utilisent en France, est-ce à dire que l’avion et son système sont figés ? Bien que présentant un intérêt dans l’absolu, le rétrofit des avions avec le réacteur « Adour » 26 qui doit équiper la version exportation —- n’est pas envisagé, bien qu’il ne soit pas non plus totalement exclu. L’opération serait d’autant plus délicate que la presque totalité des moteurs a été livrée.

         La RAF s’intéresse à L’utilisation des becs de combat dans une plage de vitesse aussi grande que possible pour bénéficier le plus largement des qualités manœuvrières de l’avion.

          L’armée de l’Air, qui a déjà réalisé, tant avec la version monoplace que la version biplace, des essais de ravitaillement en vol derrière C-135F, va étudier les possibilités offertes par le ravitaillement de l’avion par un autre « Jaguar » équipé d’une nacelle de ravitaillement.

        Mais c’est certainement au niveau du système d’armes que les améliorations les plus spectaculaires pourraient être apportées. Sans qu’aucune décision n’ait été prise, il est question d’illuminateur laser et des armements associés pour les missions d’attaque au sol, cependant que pour les missions nucléaires essentiellement, est en cours de développement une série de matériels de contre-mesures électroniques qui devrait équiper les avions avant la fin de la décennie.

        Ce bilan un peu idyllique sera remis en question avec l’arrivée du JAGUAR à la 11ème Escadre de Toul  ; c’est une autre histoire que je raconterai plus tard, mais pour en donner un avant-gout, je joins ce dessin de CARRASCO tiré du cahier de marche de l’ETIS qui accueillait un premier groupe de pilotes du 1/11. Je pense que celui qui est représenté est facilement reconnaissable.

La retraire des F 100

F100

        Cet article date du début  de l’année 1976 ; les escadrons 3/11 puis 1/11 sont déjà transformés sur Jaguar et le 2/11 le sera à son tour début Novembre 1976. 

         Sur ce site, plusieurs articles ont déjà été consacrés à cet avion et notamment celui de Tonio ( le F 100 sous les cocardes françaises) mais celui a l’avantage de tirer un bilan presque exhaustif sur la carrière du F 100.

F100 au parking
F100 au parking
F100 au dessus de la campagne enneigée
F100 au dessus de la campagne enneigée

 

LA RETRAITE DES F 100

       Fin octobre. Pour arriver à la Base 136 de Toul-Rosières, nous survolons les forêts et la campagne lorraines. Elles ont déjà pris leurs tons jaunes et bruns. Sur le parking, un vent froid promène quelques lambeaux de brume. Cette atmosphère d’automne convient parfaitement à la visite que nous allons faire : nous venons jeter un dernier regard sur le Supersabre F 100.

     Justement sa silhouette apparaît au bout du parking, à droite. Elle est un peu lourde, légèrement démodée. Son nez est largement ouvert par une prise d’air axiale de forme ovale. Sa voilure basse est plantée sur un corps cylindrique et massif. Cet énorme tube d’acier est percé de un ou deux habitacles selon qu’il s’agit du F. 100 monoplace ou du F. 100 F biplace.

      Nous sommes à côté de la “marguerite” de l’Escadron 2/11 “Vosges”. Mais si nous faisions 2 ou 3 kilomètres sur la gauche, nous arriverions à une autre “marguerite”, et cette fois, dans les alvéoles, nous verrions une silhouette trapue montée sur de grandes pattes de sauterelle ; les prises d’air latérales de forme rectangulaires nous éviteraient toute hésitation : il s’agit de Jaguar. Nous sommes au parking de l’Escadron 3/11,   “Corse”.

    Enfin, si nous traversions la piste, nous trouverions une troisième marguerite… vide. C’est le parking du 1/11, “Roussillon”. Faute d’avions, nous y rencontrerions peut-être quelqu’un qui nous raconterait  qu’il y a quelques jours, le 17 octobre 1975, une cérémonie a eu lieu : neuf F. 100 ont défilé dans le ciel de Toul, puis ont simulé une attaque de la base. Enfin, les avions se sont posés : ils n’appartenaient plus au 1/11, mais étaient transférés au 2/11.

    Cette visite rapide illustre parfaitement la situation actuelle de la 11ème Escadre de chasse. Une lente hémorragie, depuis quelques mois, lui fait perdre ses vieux F. 100, cependant que des livraisons mensuelles l’équipent de Jaguar. Mutation terminée pour le 3/11, en cours pour le 1/11, prochaine pour le 2/11, dernier escadron à faire voler les F. 100. Dernier ? Non, car notre petit tour de la base ne nous a pas permis de voir un quatrième parking, celui du 4ème Escadron, “Jura”. Pour une raison bien simple: ce parking, c’est Djibouti.

“A NOUS LES F 100”

       Si nous feuilletons le journal de bord du 2/11, nous sommes arrêtés par un titre énorme qui barre la page du 1er janvier 1958: “A nous les F. 100”. Mais ce n’est qu’un bruit : il paraît que la 11ème Escadre de chasse va changer ses vieux F. 84 pour des F. 100… Pendant quelques mois, nous pouvons suivre les espoirs des pilotes. Des officiers font de mystérieux voyages aux U.S.A. Mars: “ce n’est ni un rêve, ni une plaisanterie. Nous allons avoir des F 100 Et puis, vers la mi-avril, c’est la grande nouvelle: le 1er Mai, la base est consignée. Mais cela n’ennuie personne; au contraire, c’est la fête. Ce jour là, tous les pilotes guettent le ciel. Trois avions y apparaissent : ce sont des F 100.

        A la grande déception de tout le monde, Ils vont immédiatement se ranger dans un hangar. Ce n’est qu’un peu plus tard que l’entraînement commence pour quelques privilégiés; ils ont confié aux pages du journal la joie parfois presque enfantine que leur procurent ces nouveaux appareils, qui sont, il est vrai, parmi les meilleurs de l’époque : “Apercevant des traînées alors qu’ils se baladent à basse altitude, nos archanges, délirants de joie, mettent la post-combustion et interceptent tout ce qui traîne”

      Du point de vue administratif, ce chasseur bombardier américain, fabriqué par la North American, est prêté à la France au titre de l’OTAN, il date de 1953. Les avions livrés sont des appareils d’occasion, mais ayant peu volé (en tout cas, moins de mille heures) et ayant été totalement revus dans les usines espagnoles de la North American. En quelques mois, “Roussillon” et “Vosges”, les deux escadrons qui constituent la 11 EC., stationnée à Luxeuil, en sont équipés. Une autre escadre française la 3 EC., alors stationnée en Allemagne, à Lahr, en est également équipée. Lorsqu’en 1966, cette 3 EC. se transforme sur Mirage, elle lègue ses appareils à la 11 EC, qui crée alors un troisième escadron, le 3/11 “Corse”, et regroupe ainsi tous les F. 100 utilisés par l’armée française. Parmi ceux-ci, il faut distinguer deux types d’appareils : ceux qui sont prêtés par les U.S.A. au titre de l’OTAN, et ceux que l’armée française a achetés, et que l’on surnomme “les nationaux”. Ces derniers ont à peu près tous été regroupés dans le 3/11 lors de sa création en 1966.

“STRIKE !”

       En juin 1961, l’escadre quitte Luxeuil. Elle va s’installer en Allemagne, à Bremgarten. Là, ses qualités de bombardiers vont bientôt valoir au F. 100 le privilège d’être le premier appareil de l’armée de l’air à avoir une mission nucléaire. Pour le compte de l’OTAN, naturellement. La bombe atomique française et le Mirage IV sont encore du domaine du futur. C’est en novembre 62 que le journal de bord frémit à nouveau : “nous allons devenir Strike”. En janvier, une caricature nous renseigne sur la principale difficulté de la première phase de cette mission . des pilotes se regardent avec des faces ahuries, pris dans un tourbillon de mots anglais : what ? Please ? En effet cette première phase consiste en cours d’instruction faits par les Américains. Et puis le journal devient silencieux. Plus un mot sur la mission nucléaire. Sans doute de strictes consignes de discrétion avaient-elles été données. Il faut consulter le “journal de marche et opérations” de l’escadre, officiel celui-là, et bavarder avec les sous-officiers qui ont vécu cette période, pour connaître la vie des “années nucléaires” du F. 100.

     En quoi consistait cette mission ? En permanence deux avions (tous, à tour de rôle) étaient stationnés dans un périmètre prévu à cet effet et spécialement protégé par les troupes américaines. Seuls les deux pilotes désignés et quelques mécaniciens y accédaient. Les appareils étaient en état d’alerte, prêts à décoller. Sous le ventre du F 100 F ou sous l’aile gauche du F 100 D était fixé l’engin nucléaire MK 28 YRE. Mais les avions n’ont jamais volé ainsi chargés. En dehors du périmètre, on s’entraîne, les pilotes d’abord, qui se perfectionnent dans le vol à basse altitude et suivent une instruction spéciale sur les connaissances aériennes générales et sur le matériel et les missions nucléaires ; les armuriers ensuite, qui, avec des bombes simulées s’entraînent à effectuer un chargement rapide et techniquement parfait de l’engin. Enfin la base était en alerte QRA (décollage à partir de la zone d’alerte).

      Deux ans plus tard, la France quitte l’OTAN. Pour le F 100, cela veut dire la fin de la mission nucléaire. Cela se produit en avril 1966, et le 1er juillet au matin, les Américains évacuent la base.

Presqu'aux trainées
Presqu'aux trainées
Au sol
Au sol

RETOUR A TOUL

      Sa mission nucléaire terminée, le F. 100 reste encore un an à Bremgarten, à titre français cette fois. La rupture de la France avec l’OTAN ramène les unités aériennes de l’Armée de l’air en France et libère sur notre territoire un certain nombre de bases et de camps américains. Entre autres, la Base de Toul. C’est elle qui est désignée pour accueillir la 11 EC. En juillet, août et septembre 1967, le déménagement est effectué par route, et par les seules forces de l’escadre. Enfin, le 13 septembre le commandant Ghesquière, commandant de l’escadre (maintenant colonel et commandant de la base) atterrit aux commandes du premier F. 100. Les autres arrivent bientôt, et, après quelques problèmes d’aménagement et d’installation, l’escadre s’installe dans une vie nouvelle, qui est toujours la sienne.

     Quelles sont ses missions au sein de la F.A.TAC (Force aérienne tactique) ? Nous avons déjà dit que c’était un bombardier : sa mission en France sera donc avant tout l’attaque au sol et l’assaut. C’est ainsi qu’en cette fin d’octobre, à l’occasion des manoeuvres Datex 75, nous avons pu voir décoller une formation de 12 appareils partant à l’assaut de la Base de Cambrai. Il assure aussi l’appui aux opérations de l’armée de terre. Mais c’est également un chasseur, et il participe à la défense aérienne. D’autre part, il n’a jamais oublié totalement ses antécédents allemands : il participe aux manœuvres alliées dans le cadre des accords sur Berlin et sur la protection du couloir aérien au-dessus de la RDA.  A ce titre, il refait chaque année un petit voyage au-dessus de l’Allemagne. Disons plutôt : il refaisait, car en septembre dernier, il a fait ses adieux au ciel allemand, lors de manœuvres qui l’on conduit à Gütersloh, Fassberg et Wildenrath. L’an prochain, ce seront des Jaguar… Enfin, depuis quelque temps, il remplit un autre type de mission ; mais nous reparlerons de son aventure… africaine. Contentons-nous ici de mentionner encore 2 tâches qui furent un peu ses spécialités à Toul. D’abord, il s’est spécialisé dans le bombardement au napalm ; c’est pour cet exercice qu’il a participé (brillamment paraît-il) à la grande parade de MourmeIon, en mai dernier, en présence du Président de la République. Ensuite, appareil robuste et fiable, il a longtemps servi d’avion, non pas d’entraînement, mais de “mûrissement” : de jeunes pilotes venaient  voler une centaine d’heures sur F. 100 avant d’être envoyés sur Mirage. C’est pour ce travail de mûrissement que, pendant plusieurs années, le F. 100 avait pris l’habitude de s’offrir une campagne hivernale en Provence, à Istres, le climat lorrain étant peu favorable pour de jeunes pilotes.

       Le F 100 menait donc une vie riche et variée. Mais, tout comme le 1er mai 1958, il était venu éclipser le F 84, le 7 février 1975, un nouvel appareil apparaît dans le ciel de Toul, piloté par le commandant Eyraud, alors commandant de la 11ème escadre. C’est un Jaguar, que trois F 100 escortent sans rancune, sinon sans tristesse. Depuis cette date, chaque F 100 continue à voler jusqu’à ce qu’il ait atteint 4000 heures : il est alors conduit jusqu’à un hangar où il attend que son propriétaire américain vienne le rechercher. A moins que ce ne soit un “national”, auquel cas il part pour le grand garage de Châteaudun, où les vieux  avions sont mis “en conserve”. Enfin, nous reparlerons des dix-huit privilégiés qui, eux, connaissent déjà ou connaîtront bientôt une retraite active à Djibouti. C’est vers juin 1976 que les derniers F. 100 devraient atteindre le seuil fatidique des 4 000 heures.

UN ÉQUIPEMENT VIEILLI

        L’heure du bilan a donc sonné. Sans prétendre le dresser, nous pouvons toutefois apercevoir ses principales faiblesses et ses qualités majeures. Evidemment, un avion qui a plus de 20 ans ne peut qu’être dépassé sur un certain nombre de points. Disons que ce qui a le plus vieilli dans le cas du F100, c’est son équipement. Le système de navigation d’abord, est assez démodé sans parler de tous les raffinements de pilotage des appareils modernes, il faut relever un défaut majeur l’absence de radar, qui limite les possibilités de vol de nuit et de vol sans visibilité. La conduite de tir ensuite a vieilli. Le F 100 est équipé du viseur GBRAU, célèbre pour avoir été le meilleur des viseurs gyroscopiques. Mais depuis, de nouvelles techniques, en particulier celle du viseur au laser, ont relégué à l’arrière-plan le viseur gyroscopique. Si le F 100 reste excellent dans le tir air-air, il est nettement dépassé dans le tir air-sol.

UN AVION DE GUERRE

L’avion lui-même a moins vieilli que son équipement. De l’avis général, c’est un appareil excellent. Au nombre des preuves, on peut déjà mettre l’ampleur de sa carrière. Comme le fait remarquer un pilote “un avion qui est en service pendant plus de 20 ans, c’est un avion réussi”. De fait, le F, 100 a connu une carrière remarquable en durée d’abord, puisque, sorti en 1953, il est encore en service non seulement dans l’Armée de l’air française, mais aussi en Turquie, au Danemark et… aux U.S.A., dans l’Air Gard il est vrai (armée de réserve). Carrière remarquable aussi en quantité fabriqué à 3000 exemplaires, il a équipé la plupart des armées occidentales. Quant à la 11 EC, elle a inscrit de belles victoires au palmarès du F 100 : dans le concours Air-cent, au cours duquel il affronte régulièrement les autres appareils européens, il s’est toujours bien classé, monopolisant les 3 premières places au “tir-canon” en 1969, remportant l’épreuve “armes tactiques” en 1970… et c’est en 1972 pratiquement pour son vingtième anniversaire, qu’il a battu tous ses concurrents modernes dans la coupe Comète. Enfin, puisque, pour du matériel militaire, se battre est un titre de gloire, rappelons que le F 100 a été très utilisé au Vietnam, en particulier dans les missions d’appui au sud. Il est également intervenu à Chypre, sous les couleurs turques.

Un avion ne fait pas une telle carrière sans avoir de solides qualités. Quelles sont donc celles du F 100 ?

      Sa puissance d’abord. Son réacteur est bien connu de ceux qui s’intéressent à l’aéronautique : le J 57. Pour donner une idée de sa puissance, nous dirons aux spécialistes qu’il s’agit d’un réacteur double corps à 16 étages, et que sa poussée est de 7 250 kg , et aux non-spécialistes, nous rappellerons que le F. 100 a été le premier avion à passer le mach en vol horizontal (les autres à l’époque, ne le passaient qu’en piqué). Du point de vue de la vitesse, il reste un avion puissant et rapide (mach 1,4). Mais il y joint une qualité qui reste très originale sa post-combustion. Nous avons déjà vu les pilotes jouer avec émerveillement de celle-ci dans les premiers mois de 1958 et bien ils peuvent toujours le faire ! En effet, alors que sur la plupart des avions, la mise en post-combustion donne en moyenne 30 % de puissance supplémentaire, sur le F. 100, elle donne… 60 % ! Cela est très économique en vol “sec” il consomme peu, et il dispose d’une brutale et imposante réserve de puissance. Quant au fuselage et à l voilure, un seul mot peut les qualifier : robustesse. Un mécanicien nous fait par exemple admirer les ailes : regardons les becs de bord d’attaque : pas de vérins électriques ou d’équipements sophistiqués, ils sont tout simplement auto commandés. C’est la force mécanique de l’air qui les actionne et les règle selon la vitesse et l’angle de l’appareil.

      Mais si solide soit-il, tout appareil s’use. En 1973, la firme américaine a proposé un programme de renforcement de la cellule e la voilure. Les F 100 firent alors une petite visite aux ateliers de la SNIAS à Châteauroux, et en revinrent avec une capacité de vol de 1000 h supplémentaires. Leur longévité théorique passait ainsi de 4 000 h à 5 000 h. Une autre qualité du F 100, c’est sa capacité d’emport. Comme dit un pilote : “c’est très simple, on peut tout emmener”. De fait, on peut accrocher à peu près n’importe quoi, bombes, roquettes, missiles, etc., aux six points de fixation qu’il possède sous ses ailes (plus une fixation ventrale sur le F 100 F). Son poids à vide est de 10 T, il peut décoller en en pesant 18 ! Enfin ceux qui connaissent le F 100 attendent qu’on parle de son atout majeur qui est le avitaillement en vol. Nous y reviendrons. Nous allons plutôt conclure cette liste de qualités en rapportant un argument à la limite de la technique et de la psychologie. C’est un pilote qui parle :  “c’est un avion américain, c’est-à-dire efficace. Il n’est pas raffiné, il est simple, presque grossier, mais solide et fiable. On peut se battre avec  c’est un véritable avion de guerre. Regardez le même son aspect fait guerrier”.

SOYONS JUSTES

        Donnons-nous quand même un petit air impartial en signalant encore quelques défauts du F100, en dehors de son équipement démodé que nous avons vu tout à l’heure. Et tout d’abord, son inconvénient majeur le démarrage à air comprimé. La nécessité d’avoir sur la piste un compresseur est évidemment une servitude considérable, par rapport au démarrage autonome. Le F 100 a d’ailleurs un véhicule particulier qui le suit partout et que les mécanos appellent “sa bonne à tout faire” : le MA 2. Ce petit camion lui fournit en effet l’électricité, l’air comprimé, et le fait démarrer grâce à son fournisseur d’air sous pression (la palouste). Pour finir, ou plutôt pour commencer, il le tracte. Seul défaut, cette “bonne” est un peu grassouillette 3,5 tonnes et 20 m3.  

     Enfin le F 100 est un appareil un peu lourd, pas toujours très maniable ni très souple. En particulier, il lui faut un long roulement au décollage comme à l’atterrissage, il a besoin d’un minimum de 1000 mètres, plus souvent le double (à titre de comparaison, le Jaguar peut décoller sur 500 mètres).

MAINTENANCE : what is it ?

        Allons faire un tour au GERMAS où est effectué la maintenance au second degré. Le premier degré est fait par l’escadre, le troisième et quatrième par la SNIAS (cellule) et par la SNECMA (réacteur). Tout à l’heure, nous avons vu les pilotes suivre des cours en anglais. Eh bien, les mécaniciens eurent le même problème à surmonter. En livrant leurs appareils en 1958, les Américains ont naturellement fourni tout le matériel de maintenance, outils, bancs d’essai, etc. Et avec ce matériel, une belle documentation. Il ne restait plus qu’à la lire… Dieu merci, la débrouillardise des mécanos est célèbre ils ont d’abord assimilé les termes techniques les plus courants, se constituant une sorte d’argot “franglais” Ils ont travaillé à partir des schémas, bref, ils ont mis en œuvre tous les miracles de l’astuce. De plus, au début des années 60, on a établi une documentation francisée. Celle-ci ne résolut toutefois pas tous les problèmes la traduction d’une documentation aussi spécialisée n’est pas chose facile, surtout qu’il aurait fallu, au fil des modifications proposées par la firme, tenir cette documentation francisée à jour. Concluons sur ce problème en tirant notre chapeau aux mécaniciens qui, en dépit de cette difficulté ont su maintenir l’appareil qui leur était confié.

       Et les pièces ? Elles aussi sont américaines, bien sûr. Mais le problème est moindre en effet la SNIAS et la SNECMA fabriquent la plupart des pièces en sous-traitance. L’approvisionnement est facile. Le vrai problème commence lorsqu’on tombe sur une pièce qu’on ne peut fabriquer ni sur place ni dans les usines françaises. Il faut alors déclencher tout un processus administratif et commercial la pièce peut arriver… deux ans après ! Dieu merci cela se produit très rarement. A part cela, la maintenance n’a jamais posé de gros problèmes  Toutes les deux cents heures de vol c’est la visite complète qui comprend la dépose du réacteur, elle dure 15 jours. Toutes les cent heures c’est la visite intermédiaire qui demande de 7 à 9 jours. En dépit de ces soins attentifs, le F 100 vieillit. Il vieillit bien aux dires de ses médecins, mais il vieillit. Au fil des VP le nombre des pièces usées augmente, les réparations ne lui rendent pas toujours une jeunesse intégrale, les réacteurs compressent un peu moins…

      Désormais les mécanos préparent leur reconversion ; ils vont étudier leur nouveau client à l’EMI Jaguar de la base ou à Saint Dizier, où ils sont déjà en service. Mais c’est avec une mélancolie certaine  vont abandonner leurs vieux F 100 , bien que ce soit un point de vue surtout sentimental, écoutons-les : “voyez-vous, nous allons changer de type de maintenance. Le Jaguar est un avion moderne , pour nous, le maintenir, ce sera souvent démonter des blocs entiers, les envoyer au constructeur et en mettre des neufs. Bien sûr, on ne peut pas arrêter le progrès, cette nouvelle maintenance, plus rapide est plus opérationnelle. Elle augmente la disponibilité. C’est normal. Mais professionnellement, un avion simple

Défilé
Défilé
F100 et MA2
F100 et MA2

LA BASSINE VOLANTE

          C’est un des surnoms du F. 100 : “la bassine volante”. Pourquoi ? Parce qu’il a une capacité d’emport en carburant tout à fait remarquable : son réservoir principal emporte 4500 litres, auxquels on peut ajouter 2 bidons de 1000 litres chacun, plus deux autres bidons de 750 litres chacun. Avec une telle autonomie, on peut facilement faire des missions de deux heures. Mais le F 100 ne s’arrête pas là : il ravitaille en vol. Certains des appareils reçus en 1958 étaient équipés de cette “option”. Mais l’armée française ne pratiquant pas alors te ravitaillement en vol, on avait négligé la perche fixée sous l’aile droite de l’appareil ; elle finit par s’abîmer, et on la retira. Mais en 1967, les temps ont changé : la France, depuis 1964, a acquis des avions ravitailleurs C 135F, pour le ravitaillement des Mirage IV. On pensa alors à ressusciter cette possibilité inutilisée du F 100. La technique aussi a évolué : à la place des vieilles perches droites, on en adapte de nouvelles, coudées et plus pratiques. Quelques pilotes partent s’entraîner sur Vautour et bientôt la technique est au point : un C 135F prêté par les F.A.S. (Forces aériennes stratégiques) peut remplir deux bidons de 1 200 litres chacun, donnant ainsi à l’appareil une nouvelle autonomie. Voilà comment le F 100 est devenu le premier chasseur bombardier de l’armée de l’air française à pratiquer le ravitaillement en vol ! Les pilotes se plaisent même à démontrer que c’est le seul… “le Mirage IV est réservé aux missions nucléaires, le cas de l’Étendard de la Marine est un peu à part, et le ravitaillement du Jaguar n’est pas encore tout à fait opérationnel…” En tous cas, cette technique permet des vols de très longue durée. En dehors de quelques problèmes techniques comme le renouvellement de l’huile et de l’électricité, les seules limites sont humaines, il s’agit de la résistance physiologique du pilote. Mais si l’on fait des vols de longue durée, c’est pour aller loin… Et en effet, à partir de cette date, de nouveaux horizons (au sens propre) s’ouvrent aux F 100.

RVT F100
RVT F100
1972 Convoyage vers Djibouti
1972 Convoyage vers Djibouti

UN SECOND SOUFFLE EN AFRIQUE

         Après 10 ans de service, le F 100 allait s’engager dans une nouvelle aventure : il allait devenir “l’avion africain” de l’armée de l’air française. On lui confia une mission dans le cadre de la CAFI (composante Air des forces d’intervention), qui depuis est devenue le FAI (Forces aériennes d’intervention).

Nous avons vu qu’en 1967, la technique du ravitaillement du F 100 est acquise. Il reste à l’appliquer de façon opérationnelle. Le soir, dans la salle des opérations, un des promoteurs de cette nouvelle mission nous raconte ses souvenirs. En 1968, pour la première fois, un F 100 effectue le raid Toul-Dakar, avec des escales à Istres et à Las Palmas. Les essais continuent, et en décembre 1969, c’est le succès : un appareil parti d’Istres rallie Dakar sans escale, grâce à 2 ravitaillements en vol. Depuis, une ou deux fois par an, un raid conduit les F 100 dans un pays d’Afrique francophone : N’Djamena, Libreville, Lomé, Abidjan, Niamey… On pourrait énumérer la plupart des capitales de l’Afrique de l’ouest. Dans chaque atelier du GERMas, un certain matériel est conditionné et prêt à partir : outils, pièces diverses, une tuyère de rechange, un parachute frein, bref tout ce qui peut servir lors d’une mission lointaine. Plus bien sûr, le fidèle mais lourd MA 2 (parfois réduit à la palouste). En cas de mission, on demande au COTAM (commandement du transport aérien militaire) un Transall pour le matériel et les mécanos, et aux F.A.S. (Forces aériennes stratégiques) un C 135F pour le ravitaillement. Tout le monde s’efforce d’arriver sur les lieux d’opération le plus vite possible, comme s’il y avait alerte. Là-bas se déroutent quelques manœuvres, et puis l’on revient à Toul. Cela constitue les missions FAI, maintenant classiques. Mais bientôt une nouvelle étape est franchie : en décembre 1970, notre interlocuteur et deux autres pilotes décollent d’Istres, et rejoignent N’Djamena ; de là, ils gagnent Djibouti, puis… Tananarive ; ils reviennent enfin à Djibouti. Déjà ils ont accompli le plus long raid de l’histoire du F 100. Mais à Djibouti, ils continuent à voler pendant tout le mois de janvier 1971. Objectif : tester les possibilités de travail du F 100 sur le sol (et surtout dans le climat) de ce territoire. En deux mois et demi nos trois avions (et par la même occasion, les trois pilotes l) ont effectué 315 heures de vol ! Cette évaluation est positive : le F 100 pourra faire une nouvelle carrière à Djibouti. Jusque-là, cette base ne disposait que de quelques vieux Skyraider : elle reçoit bientôt huit F 100, ils sont maintenant douze et seront d’ici peu dix-huit. A cette occasion, on ressuscite un escadron qui avait été dissous en 1957 le 4/11 “Jura”. Il trouve ses pilotes au sein des 3 autres escadrons : à peu près tous y sont affectés à tour de rôle, pour des périodes de deux ans. Quant aux personnels de maintenance, au début détaché du GERMas de Toul, il tend à devenir autonome. Enfin, le dédoublement du matériel de servitude n’a pas posé de problèmes, étant donné la surabondance de l’équipement laissé par les Américains. Et les appareils ? Et bien ça va ! Évidemment il y a des problèmes. La chaleur de l’air fait toujours perdre un peu de puissance à des réacteurs, mais le J 57 n’en manque pas. Deux ennemis l’agresse en permanence : le sable et le sel ; mais chaque soir les mécanos lui font une toilette soigneuse : un produit spécial, qu’ils appellent le “B and B”, et qui est une sorte d’huile anticorrosive, est pulvérisé dans le réacteur alors qu’il tourne lentement. L’appareil lui-même n’a dû subir que quelques modifications de détail, telle la transformation du paquetage de survie fixé au siège éjectable (évidemment les conditions de survie ne sont pas les mêmes pour un pilote tombé dans le désert que pour un pilote perdu dans une forêt allemande). Enfin, étant seul dans la région, le F 100 est obligé d’accomplir des missions plus variées : par exemple, il a dû s’inspirer des avions de reconnaissance pour transformer en bidon-photo un de ses bidons de carburant. Voilà comment s’organise la retraite exotique et active des F 100 de l’Armée de l’air française.

II est 23 heures. Un dernier F 100 vient de se poser en vol de nuit. La piste de Toul Rosières est fermée. La salle des opérations va se mettre en veilleuse jusqu’à demain matin. Le lieutenant-colonel Richalet, qui pilote des F 100 depuis 1968 et commande maintenant la 11 EC, prononce quelques

Parking à Djibouti
Parking à Djibouti
Un des requins de la Mer Rouge
Un des requins de la Mer Rouge

Et l’ETIS prit la suite de l’EMI

Inauguration de l'ETIS à Toul

              L’EMI pour ensemble mobile devait bien se fixer quelque part et ce fut la base de TOUL Rosières qui fut choisi pour accueillir cet organisme qui prit le nom d’ETIS pour escadron de transformation et d’instruction spécialisé.  

              Situé dans les bâtiments de  l’ancienne école américaine et en face du stade, l’ETIS a vu passer des générations de pilotes et de mécaniciens jusqu’à la fermeture de la base en 2002 date à laquelle il déménagea à Saint Dizier pour fermer définitivement en 2005 lorsque le Jaguar fut retiré du service. 

            Le cahier de marche dont sont issues les photos s’arrête en 1986 ; on peut bien évidemment le regretter mais aussi se dire que sans Ménard, nous n’aurions gardé que de vagues souvenirs de l’ETIS. 

EMI 2ème partie

l'EMI Jaguar à Toul !

          Deuxième partie consacrée à l’EMI (ensemble mobile d’instruction) qui couvre les années 1974 et 1975. 

          1975 étant l’année au cours de laquelle l’EMI a déménagé de Mont de Marsan sur la base de Toul Rosières, emplacement qu’il occupera jusqu’au retrait du service du JAGUAR. 

          Encore et toujours des photos de cette époque tirées du cahier de marche qui m’a été fourni par MENARD que je remercie très sincèrement. Elles rappelleront bien des souvenirs ! 

        Petit extrait du journal local de Saint Dizier qui montre qu’à l’époque, les relations entre la mairie et la base aérienne était au beau fixe ! 

 

Les relations mairie - base aérienne sont au beau fixe !
Les relations mairie – base aérienne sont au beau fixe !

l’EMI : Ensemble Mobile d’Instruction

EMI Jaguar

                 Pour ce qui concerne l’histoire du Jaguar dans l’Armée de l’Air, il est difficile de remonter plus en avant, car la création de l’EMI Jaguar date de 1968 soit 4 ou 5 ans avant son arrivée à la 7EC. 

                Je voudrais remercier MENARD qui a bien voulu me transmettre les cahiers de marche de l’EMI (puis ETIS) qu’il a récupérés lors de la fermeture définitive de la base de TOUL. 

                C’est donc une galerie de photos que je vous propose et qui rappellera bien des souvenirs à ceux qui ont connu cette époque commencée il y a plus de 50 ans !

               Compte tenu du nombre de photos, l’histoire de l’EMI puis de l’ETIS fait l’objet de 3 articles et la page correspondante sera certainement un peu longue à charger. Vous pourrez constater que les débuts du Jaguar dans l’Armée de l’Air n’ont pas été des plus faciles. Je joins un dessin de CARRASCO qui a participé à l’élaboration de ces cahiers de marche (que vous retrouverez en 3ème partie) et qui traduit l’enthousiasme des pilotes du 1/11 pendant leur période de transformation. 

Un ETIS qui a fait sourire
Un ETIS qui a fait sourire

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne sont pas de pures coïncidences ! 

15ème anniversaire ; photos

15ème anniversaire

Pour commémorer l’anniversaire de l’arrivée des Jaguar à la 11ème Escadre de Chasse à Toul, 2 monoplaces ont reçu une décoration particulière. 

Philippe HUCHOT, officier de renseignement a profité d’un backseat derrière le LCL ARRAULT, commandant d’escadre à l’époque, pour faire toutes ces photos que je vous propose dans cet article. A titre personnel, j’en avais déjà vues, mais prises au sol ; j’ignorais qu’il y avait deux Jaguar peints pour cette occasion. 

Loin de vouloir concurrencer la page Facebook de Paco “Jaguar, un avion, une carrière”      , j’ai préféré vous mettre en ligne toutes les photos envoyées par Philippe car certaines d’entre elles vous rappelleront bien des souvenirs.

Elles sont d’ailleurs disponibles pour ceux qui veulent les utiliser.  

Ravitaillement sur biplace

Ravitaillement ; comme si on y était !

Après vous avoir proposé les procédures de ravitaillement sur Jaguar A (monoplace) revues par “Engie”, je suis tombé par hasard sur le chapitre “Ravitaillement” de l’UCE 109-1 MANUEL de l’Equipage du Jaguar biplace. Bizarrement, ce chapitre ne figure pas dans l’UCB 105-2 qui est le nom de la documentation équivalente pour monoplace. 

Mais comme on a tous commencé la transformation RVT par quelques vol sur biplace, là encore cet article rappellera pas mal de choses à ceux qui ont pratiqué. 

Download (PDF, 2.37Mo)

Ravitaillement biplace vu du C135

Le Jaguar en combat air / air

Charly, spécialiste du combat air/air

“Charly” PERNIN qui a terminé sa carrière sur Jaguar au 2/7,  fait partie des figures de l’Armée de l’Air et à ce titre ne laissait pas indifférent. Il était (il l’est certainement encore) passionné d’aéronautique et de pilotage avion, ce qu’il pouvait légitimement revendiquer avec quelques 7000 heures de vol ; à titre personnel, quand Charly parlait, j’écoutais ce qu’il disait.  

Le Jaguar qui était optimisé pour le vol en basse altitude souffrait en combat au dessus de 20 000 ft et il fallait bien connaitre ses particularités lorsqu’on volait aux limites du domaine de vol. Ceux qui ne connaissent pas le Jaguar en apprendront sur l’avion, et pour ceux qui l’ont pratiqué, cet article rappellera bien des choses. 

Je vous propose un extrait d’un BSV (Bulletin de Sécurité des Vols) dans lequel “Charly” nous fait part de son expérience. 

Spontanées, ces réflexions sur le comportement aérodynamique du Jaguar en combat ont simplement pour but de livrer une expérience particulière aux utilisateurs de cet avion et d’amener, ceux qui volent sur un autre type d’appareil, à réfléchir sur le même thème.

Puisse cette pratique se généraliser en matière de sécurité des vols.

Après quatre années passées comme moniteur combat à l’escadron 02.007 « Argonne », je me propose de porter à la réflexion des pilotes de la flotte Jaguar ce qu’il est intéressant de savoir sur cet avion, notamment s’agissant de son maniement en combat, ainsi que la conduite à tenir en cas de perte de contrôle à très basse altitude. Il s’agit, non pas d’énoncer ou de dénoncer des consignes ou des procédures, mais plutôt de livrer le fait d’une certaine expérience. D’ailleurs, seul un entraînement régulier permettra à chacun d’acquérir la maîtrise nécessaire pour réagir sainement lors de situation critique.

Caractéristiques spécifiques au Jaguar :

Poussée : 6,3 t environ, modeste. – Aérodynamique : forte charge alaire.

Commandes de vol :

 – Gauchissement :

Spoilers placés sur l’extrados de l’aile : cette gouverne perd de son efficacité lors de prise importante d’incidence car dans ce cas, elle se trouve placée dans l’écoulement perturbé. Les spoilers sont aussi à l’origine des échappées en roulis lorsqu’on sollicite trop brutalement la profondeur à cabrer. 

 – Profondeur.

Efficace, trop peut-être sur action brutale à cabrer. Il est facile de dépasser le facteur de charge autorisé ; c’est le moindre mal car la manœuvre peut provoquer également un déclenché. Cela reste dans tous les cas une affaire d’expérience sur l’avion. Exemple souvent cité : pilote de Mirage ayant beaucoup d’heures sur le type qui est transformé sur Jaguar. Méfiance lors de la première ressource en passe de tir A/ S.

 – Direction

Très efficace en-dessous de 300 Kts. Seule commande que l’on peut dans cette tranche de vitesse utiliser sans précaution particulière. Doit être manœuvrée systématiquement à fond pour être rentable (toujours sur position petite plage).

Comportement du Jaguar en combat moyenne altitude (Z < 25 000′)

Le Jaguar est un avion qui dégrade très rapidement son énergie et ne la reprend que difficilement au prix d’une perte importante d’altitude. Il prévient bien lors de l’approche des phases limites. Voici la chronologie des réactions avion si l’on tire trop fort et surtout trop vite sur la commande de profondeur.

 – premier symptôme : échappées en roulis qui deviennent vite impilotables si le pilote maintient son action.

 – second symptôme : la vitesse diminuant le nez dérape latéralement et aussitôt suit le déclenché, généralement très brutal avec une perte énorme d’énergie.

Remèdes

Quel que soit le stade de cette situation, il faut lâcher les commandes (si l’avion est trimé à cabrer remettre le trim au neutre). Ne jamais mettre le manche au tableau, le déclenché restera entretenu aussi longtemps que le manche sera dans cette position.

Ne jamais essayer de ramener le nez sous l’horizon à la profondeur si la vitesse est faible : < 150 Kts. Ne pas toucher aux moteurs. Attendre le retour nez bas, ne pas ressolliciter trop tôt l’avion à la profondeur. Si la ressource est indispensable, dès que l’attitude avion permet la reprise de vitesse mettre la puissance maximum aux moteurs en rendant la main, 5° de volets avant la remontée. Une bonne reprise d’énergie se fait toujours G = 0 incidence annulée.

A l’expérience, seules ont été observées des pertes de contrôle momentanées vite récupérées.

Utilisation des moteurs

Le manuel donne I < 6 au-dessus de 20 000 ft. Il est souhaitable d’étendre ce domaine à toute la tranche d’altitude. Pour les branchements et coupures PC avoir le réflexe de diminuer l’incidence. Au-dessus de 25 000′ la dégradation d’énergie est beaucoup plus sensible et les risques de pompage moteur plus importants.

Maniement de l’avion

Tout est basé sur la gestion d’énergie.

Engagement : avoir toujours beaucoup de vitesse, minimum 0,9 M

Rechercher le dépointage arrière dès le début. Si l’angle est important ne pas poursuivre, transformer la vitesse en altitude (Yoyo). Pour ce faire, dégauchir et seulement ensuite cabrer. Il ne faut pas mixer l’action gauchissement profondeur (énergie perdue et risque de déclencher). Si le combat s’oriente vers les ciseaux (exercice idéal pour apprendre le maniement avion) ne jamais rester nez haut, vitesse faible. Toujours replonger vers le target en reprenant de l’énergie.

Exécution de la manœuvre

En fin de phase montante, vitesse passant par 240 Kts sortir BV 20°, trim à + 2-3 accentuer la pente puis rendre franchement la main ; mettre pleine direction en accompagnant avec le gauchissement : reprendre une légère traction à la profondeur. Si l’avion refuse le virage c’est qu’il a trop de profondeur secteur arrière. Ne ramener les palonniers au neutre que lorsque le nez est pointé dans la direction choisie. Dégauchir, rentrer les volets si la vitesse doit dépasser 240 Kts, prendre G=O et mettre la PC si nécessaire. Pour la remontée, afficher BV 5°. Ne pas dépasser I=12 pendant cette phase. Cette manœuvre de virage plein pied permet de faire rapidement face à un adversaire qui serait placé aux limites du domaine MAGIC. Cette même façon d’utiliser la direction permet de rentrer facilement dans le plan d’évolution de l’adversaire lorsque l’angle entre les deux avions est important (Vi < 300 Kts). L’utilisation de la direction à fond est indispensable en-dessous de 300 Kts. Pour un combat mené aux hautes énergies la gestion de celle-ci est prépondérante sur Jaguar plus que sur tout autre appareil. La lecture du badin donne le potentiel utilisable, celle de l’incidence mètre permet d’en obtenir le meilleur rendement.

A retenir

Rechercher la trajectoire la plus proche possible de celle du target en allant même au-delà pour faire l’extérieur afin de conserver sa vitesse. Éventuellement plonger plus bas pour reprendre plus d’énergie. Ne couper dans les virages que dans les phases hautes du Yoyo. En règle générale ne pas être pressé et surtout piloter l’énergie souplement et en utilisant la meilleure trajectoire. Anticiper au mieux la manœuvre de l’adversaire. A 10000 ft le taux de virage maximum à énergie constante est obtenu à 290 Kts, 5° de volet, 4 G, PGPC (avion lisse).

Utilisation de la PC

A 10 000 ft, la consommation carburant est de 230 Kg/ mn environ. Savoir que dans les phases basse vitesse la PC n’apporte rien à brève échéance (30″ environ) mais doit par contre être rebranchée systématiquement dans les phases de reprise de vitesse.

Utilisation des volets

BV 5° systématiquement VI < 370 K ts

 BV 20° pour VI < 240 kts et G< 2,5 G, surtout les rentrer dès que le nez passe sous l’horizon.

Attention : jamais de G négatifs en BV 20°, c’est la perte assurée des 2 volets internes. BV 40° interdit en combat.

Quelques conseils

La gouverne de profondeur doit être maniée sans brutalité. Cette commande est à l’origine de toutes les pertes de contrôle dès que la cadence est trop rapide. L’avion déclenche facilement aux grandes vitesses sur action brutale (le déclenché sera d’autant plus rapide que l’avion est chargé sous voilures et surtout en station ventrale). Pour un cas extrême qui se terminerait avec une pente très forte à cabrer, vitesse faible, ne jamais tenter une sortie de cabré classique. L’action à la profondeur pour amener le nez sous l’horizon provoquerait à coup sûr le déclenché de l’avion. Deux options pour se sortir au mieux de cette situation 

 – Pour une montée forte pente, avion non incliné ; pousser légèrement sur le manche et attendre dans cette position le basculement du nez par l’avant. Ne pas toucher aux moteurs, l’avion va basculer sans autres réactions jusqu’à ce que le nez approche la position verticale à piquer. Attendre 250 Kts au moins avant de tenter la ressource.

 – Si l’avion est pente forte mais incliné ; transformer la figure pour effectuer une sorte de renversement. Mettre plein pied sur l’aile basse, le maintenir à fond en amenant les ailes perpendiculaires à l’horizon. Le nez va passer l’horizon puis tendre vers la verticale, laissez la vitesse augmenter avant ressource (ressource toujours souple).

Dans tous les cas de perte de contrôle sur Jaguar on a intérêt à ne rien toucher au niveau des commandes, éventuellement ramener le trim de profondeur au neutre et réduire les moteurs pour assurer le coup. S’il y a départ en vrille, appliquer la procédure prévue qui consiste entre autres à tout lâcher.

Défauts rencontrés.

 – brutalité excessive à la profondeur, peu, voire pas d’utilisation de la direction,

 – mauvaise gestion de l’énergie,

 – mauvais choix de trajectoire,

 – mauvaise utilisation des volets et surtout oubli systématique de la position 5°. Cette position permet par son large domaine 370 Kts, 4G d’effectuer des ressources performantes en s’éloignant de la zone d’échappées en roulis.

Cas d’une perte de contrôle en très basse altitude

Une bonne mécanisation lors des missions de combat moyenne altitude pourra permettre à un pilote qui a perdu le contrôle avec peu de marge par rapport au sol de se donner le maximum de chance de se sortir d’affaire. Après la perte de contrôle et si la marge d’altitude le permet, dans tous les cas il faut larguer les charges, G=O, PC MAX, 5° de volets ressource souple le plus tard possible.  Il n’est pas possible de donner la hauteur à partir de laquelle on a les meilleures chances de passer la ressource. Tout dépend de l’attitude avion et de sa vitesse après déclenché. Il est par contre important que chaque pilote soit à même d’apprécier la situation et de décider à temps l’éjection. L’expérience a prouvé que le jugement dans ce cas critique est très altéré et les pilotes ont tendance à tirer sur le manche ne faisant qu’aggraver la situation et provoquant la chute de l’avion vers le sol à forte incidence et faible vitesse. II semblerait que les exemples de perte de contrôle connus ont pour origine commune une action brutale à la profondeur. La découverte tardive d’une situation imprévue peut provoquer ce genre d’action.

Ces quelques lignes n’ont qu’un but essentiel, amener la réflexion sur le sujet de la brutalité dans certains cas de vol un peu marginaux.