Juste quelques chiffres pour situer le personnage ; La Fouine a effectué au total 14 160 heures de vol dont 7 753 heures dans l’Armée de l’Air, et surtout il est le seul à avoir volé 4000 heures (tout rond, pas une de plus) sur F100.
Sa passion pour le vol a commencé en 1944 ; il avait 11 ans quand il assiste à l’attaque de la gare de Saint Aubin de Baubigné (Deux Sèvres) par des avions de type P 51. Fasciné et au grand dam de ses parents, il monte dans le grenier pour mieux voir les attaques ! Sa décision est prise : je serai pilote et si ça ne le fait pas, je serai boulanger ou curé !
Le BEPC en poche, il s’engage dans l’Armée de l’Air et après un cursus de formation militaire standard, il effectue son premier vol sur le Stampe N°10 le 17 Juin 1952. Après 18h55 de vol, et parce qu’ayant étudié l’anglais pendant sa scolarité, il est envoyé aux Etats Unis dans un premier temps à Barton AFB(Floride) pour entamer sa progression sur T6. Il gardera un excellent souvenir de son instructeur Mr Griner ; très humain et qui n’avait qu’un seul souci, transmettre son avoir aux jeunes élèves.
En Juin 1954, il fait mouvement vers FOSTER AFB (Texas) pour voler sur T28 puis sur T33. Ce sera ensuite LAUGHLIN AFB puis LUKE AFB où il sera lâché sur F84G. Il n’existait pas de version biplace sur F84G, et comme beaucoup de pilotes il se souvient très bien de son premier lâché (Stampe) et de celui de son premier monoplace, le F84G.
Après 18 mois passés aux US, il est affecté en Avril 1954, sur F84G à la 11 -ème Escadre de Chasse stationnée alors à Luxeuil. En Aout 1954 l’escadre passe sur F 84F.
En Novembre 1956, il part en Algérie pour un « tour » de 12 mois sur T6 au sein de l’EALA 16/72 unité parrainée par la 11EC à laquelle il appartient toujours. Il effectue 288 missions de guerre qui lui vaudront l’attribution de la Valeur Militaire avec plusieurs citations. Les missions sont des RAV (reconnaissance à vue) et/ou d’appui feu. Touché au niveau du réservoir lors d’une de ces missions, il doit se poser en urgence sur un petit terrain aménagé tenu par une compagnie de la légion. Accueil plus que chaleureux par ceux qu’il appuyait et soirée très difficile.
En Décembre 1957, c’est le retour à Luxeuil sur F84F à l’escadron 1/11 Roussillon. En 1958, la 11 EC est transformée sur F100 et son premier vol date du 25 Aout 1958 ; pour son lâché, ce sera le surlendemain, le 27 sur le F 100D N° 136.
En Mars 1960, il repart en Algérie pour son deuxième « tour » et effectue 213 missions de guerre. En deux années de présence en Algérie, il aura effectué près de 1000 heures de T6. Le retour est pour Mars 1961 à Luxeuil toujours à l’escadron 1/11 Roussillon.
C’est à cette époque que lui vient son surnom de « La Fouine ». Après les vols, il passe son temps à aller dans les différents services de la mécanique pour en apprendre un peu plus sur l’avion. Et quand au niveau des OPS on le demande, la réponse est la suivante : « il n’est pas là, il fouine chez les mécanos ».
En Août 1961 au retour de perm, La Fouine se distingue tout d’abord en ramenant un F100 sans manette des gaz ; « elle met resté dans les mains, et j’ai ajusté les gaz avec les fils qui pendaient » et ensuite son mérite est reconnu par la presse locale lors d’un meeting chez lui à Saint Aubin de Baubigné. « Je n’ai pas passé le mur du son, j’ai simplement cranté la PC… »
En fin d’année 1962, il obtient son brevet de chef de patrouille soit plus de 8 ans après son arrivée à la 11EC : « normal, j’étais sous-officier et il fallait faire passer les officiers avant ». Et il enchaine les mois à 25 heures de vol et plus ; tout est bon pour se mettre en l’air MD312, CM170, T33,….
En Juillet 1974 ; Henri est muté à Djibouti où il effectuera son dernier vol, celui des 4000 heures, F100 le 23 Août 1976 sur le F100D N° 163 (celui du lâcher était le 136). Pas une heure de plus ; « par la suite lorsque j’étais à Cazaux on m’a proposé de revoler sur les F100 qui « biroutaient », mais j’ai refusé car je tenais à ce chiffre de 4000 ».
Retour en métropole et mutation à la 8EC de Cazaux où il effectue son premier vol sur MYSTERE IV le 18 Novembre 1976. Le dernier (dernier) virage sur avion militaire effectué avant de quitter l’Armée de l’Air, il le fera le 17 Avril 1980 sur Mystère IV alors que le 18, 3 vols étaient programmés, mais ce jour là, une météo catastrophique a empêché tout décollage.
La Fouine quitte l’Armée de l’Air à l’issue de son pot de départ le 19 Avril 1980 après 28 ans de service et 7 753 heures e vol.
Il rentre ensuite chez AIF (Air International Formation) jusqu’en 1993 ; 13 années pendant lesquelles il vole sur Rallye, Epsilon, CM 170, TB 20 et effectue de nombreux séjour au Sénégal. A l’issue, ce sera moniteur à l’aéroclub de Villemarie près de Cazaux. Il faudra des ennuis de santé pour qu’il arrête ; “sinon, je crois que j’y serai encore” (il a 84 ans).
A la question « avez-vous eu beaucoup d’incidents au cours de votre (très) longue carrière ? » La réponse a été « j’ai eu 3 incidents, ou plutôt 2. J’ai éclaté 2 pneus à l’atterrissage à Djibouti suite à une panne de freins, mais sans grande conséquence, et le deuxième fut une extinction moteur lors d’une interception haute altitude. Une fois le moteur coupé, le silence est vraiment impressionnant ; j‘ai baissé le nez de l’avion, rejoint le domaine de rallumage et c’est reparti au premier essai. » Et le troisième ? « En fait ce n’en fut pas un ; au cours d’une mission de mise en place à Guthersloh, on devait aller tirer sur un champ de tir au nord, mais la météo était tellement pourrie qu’on a écourté le vol. Atterrissage sans problème, mais à l’issue les mécanos sont venus me chercher pour me montrer que le moteur du F 100 avait perdu des ailettes de turbine. Si le vol avait duré quelques minutes de plus, c’était soit l’explosion ou l’extinction du moteur avec une éjection à la clef.
Pour lui, ce fut donc une carrière très tranquille et il ne voit pas pourquoi il faudrait en parler… Mais ce qui marque le plus chez Henri, c’est qu’à 84 ans la passion semble être restée intacte. « S’il fallait y retourner, c’est tout de suite et sans problème ». On ne fait pas une carrière aussi exceptionnelle si on n’a pas cette flamme, flamme qui ne l’a jamais quittée depuis son premier vol.
Un grand Monsieur.
Bonjour Cher Taquet,
toujours très heureux de lire vos articles, qui me rappellent de bons souvenirs car bien des gars de 13 sont passés ensuite à la 11, je peux mettre enfin un nom et un visage sur “la Fouine”.
Je vous signale une petite erreur sur la légende de la photo où il est décoré à Rosières. Au vu du grossissement de la photo, il ne peut s’agir de la Médaille Militaire, la décoration ressemble plus à l’ONM.
Si La Fouine a été en service à la 11 à Bremgarten en 1962, j’aimerai savoir s’il a des souvenirs du crash du Ltt Denis Bellegarda du 2/11 Vosges, le 16 février 1962; car étant ami avec la veuve de ce pilote, elle cherche encore plus de 50 ans après des renseignements.
De même, lorsque la 11 était stationnée à Luxeuil, a-t-il des souvenirs du Commandant BIHET, qui la commandait et qui est décédé en voulant passer le mur du son en avril 1957 ?
Avec mes salutations aéronautiques et vosgiennes.
Jean-Loup FROMMER
Je vais voir avec La Fouine ; à priori, pas de problème
Oui, un grand Monsieur, avec la flamme, comme tu le dis si justement Taquet.
C’est toujours très gratifiant et émouvant de rencontrer nos grands anciens, d’écouter leurs témoignages, de plonger dans leurs photos, leurs carnets de vol, afin que l’on oublie jamais ces périodes héroïques, les T-6, Vampire, Mistral, F-84, F-86K, Ouragan et Mystère, F-100 et bien sûr la fin des avions aluminium …
Un seul chiffre, puisque je planche sur le sujet :
La 1ère escadre, aujourd’hui disparue : 75 F-84G, puis F-84F ! De quoi rêver…
Henri, un homme extrêmement gentil, normal c’est mon oncle. Il a épousé ma tante qu’il a rencontré à Épinal alors qu’il était basé à luxeil les bains, le militaire du bal du samedi soir quoi.
Pour moi “la fouine” vient du fait qu’il fouinait sur les tableaux de vol pour coller son nom dans les trous et voler au maximum. Cela fait si longtemps que mes souvenirs sont peut être floutés mais je suis quasiment sûr.
Je pense que les souvenirs sont floutés ; c’est Henri en personne qui m’a confirmé l’origine de son surnom “La fouine”
Réponse à 11EC, je viens juste d’appeler tonton henri, il m’a confirmé qu’il fouinait chez les mécanos, l’armurerie etc… tout ce qui tourne autour de la chasse. Desolé d’avoir évoqué une fausse info, l’article est absolument juste. Bon j’ai l’excuse des souvenirs d’enfance et de ses interprétations. Merci pour l’article et a mon cousin L….. (le fils aîné) qui a fourni les photos
Bonsoir,
La photo des « 26 ans » n’est pas sur F-100 mais T-33 aux USA. Le casque type P-1B + lunettes ainsi que le pare-brise sont typiques.
La caricature en photo n’est pas la sienne, elle vient des États Unis avec la phrase suivante « « « sleep tight America – your Air Force is awake ». C’est une photo humoristique extrêmement connue outre-Atlantique.
Merci pour ce commentaire. Ok pour le T33, mais il faudra que je confirme avec lui. Pour ce qui est de la caricature, effectivement ce n’est pas lui, mais la photo présentée provient du cahier de marche du 1/11 qui lui faisait un clin d’œil en rapport avec son “age”, son ancienneté et surtout ses 4000 heures de vol. Pour info, un article plus complet sur “La Fouine” est à paraître dans le numéro d’octobre du “Fana de l’Aviation”, mais je ferai un article à cette occasion.
Le comble, j’ai dû commander le numéro du “Fana de l’aviation”, introuvable ni sur Mauléon, ni sur Nueil les Aubiers, ni sur Bressuire , Mauléon étant la commune voisine de sa commune de naissance . Une chance mon tonton La Fouine m’ait avisé de cette publication
Je suis extrêmement content d’avoir vu cet article dans le “fana de l’aviation” : j’ai croisé le “captain Hay”, alias la Fouine, lorsque je faisais mon temps de service national en tant qu’aspi à la 8ème EC.
Je me souviens parfaitement de sa démarche de cow-boy (je n’ai pas dit dégaine, encore que…), certainement due aux jambes les plus arquées que j’avais jamais vues jusque là !
Je me souviens de lui, alors “big boss” de l’ELVSV, très gentil – et même prévenant – lorsqu’il m’avait fourni combinaison, gilet , casque et tout le toutim avant mon p’tit tour en “Fouga majestueux” (avec le LCL Barbe comme” cocher”) ses conseils, son œil pétillant ainsi que de son air de dire “tu vas être d’un joli verdâtre, mon gars, à ta descente du tagazou !” .
Il fait partie de ma galerie de pilotes qui m’ont laissé un excellent souvenir de mon “temps militaire” (lui , mais aussi le capitaine Veyron, ancien également du F 100, les LCL Pachebat, patron de l’escadre, Choussy son adjoint et bien d’autres encore…)
Mon très amical et très respectueux salut (encore que je doute qu’il ai gardé une quelconque mémoire de ma personne!)
Bonjour à tous
Monsieur Henri Haie est pati
Son dernier vol vers les cieux
Je suis tres triste