Histoire d’une naissance

 

Avant de narrer la naissance de la 11e escadre, je crois nécessaire de dire quelques mots des circonstances qui ont entouré cette naissance.

Le 20 juin 1948, l’Union soviétique décrète le blocus de Berlin (c’est-à-dire des zones tenues par les USA, la Grande-Bretagne et la France, blocus qui ne prendra fin que le 11 mai 1949). Au cours de cette période, c’est essentiellement aux USA que revient le mérite d’avoir réussi un extraordinaire exploit en ravitaillant, uniquement par voie aérienne le secteur ouest  de l’ancienne capitale Allemande . Ce coup de force de l’URSS devait entraîner la création de l’OTAN le 4 avril 1949 par le traité de Washington. Un très important développement des forces aériennes des pays occidentaux fut décidé peu après, accompagné d’un plan d’aide militaire « PAM » alimenté par les USA. Dans le même temps un programme d’infrastructure accélérée faisait profiter les bases aériennes et les plates-formes de desserrement (crédits nationaux ou crédit OTAN), tandis que les écoles faisaient le plein d’élèves de toutes spécialités. Là aussi l’aide américaine joua un rôle important, en particulier pour la formation des pilotes.

C’est dans  ce contexte que va naitre la 11e escadre ; beaucoup ont tendance à lier cette naissance à la base de Luxeuil. On peut admettre cette version à condition de ne pas oublier la période de gestation d’environ neuf mois qui a précédé l’arrivée à Luxeuil, période que l’on doit diviser en deux périodes : embryonnaire puis fœtale.

L’embryon se formait en France au cours du quatrième trimestre 1952, à proximité du centre de transformation sur F 84 (E), CTF 84, ce qui facilitait les choses. Le commandant Le Groignec disposait là de quelques pilotes et mécaniciens, de deux baraques en toile, d’une partie de hangar et d’un petit nombre de F 84 G. Le 1/11 et le 2/11 se partageaient ces miettes ? C’est à cette époque que j’ai rejoint le 2/ 11 comme CP venant du Vampire (2ème EC) et après un passage au CTF 84. Mon premier vol date du 27 novembre 1952 et je me souviens avoir emmené, le 2 décembre, tous les avions disponibles du 2/ 11, soit trois appareils.

Patrouille de F84G
Patrouille de F84G

Après une absence de quelques semaines, j’ai retrouvé la « 11 » à Lahr en janvier 1953 où elle avait succédé à la première escadre. C’est sur cette base toute neuve, parfaitement réalisée par les Allemands, que le fœtus se développait au cours du premier semestre 1953 en s’alimentant :

  • en personne de toutes spécialités et de toutes origines, en particulier des jeunes sortant de l’école et des anciens arrivant d’Indochine,
  • en avion (F 84 G fourni par les USA),
  • en matériel de toutes sortes (mobilier, véhicules, tentes…) réalisés sur crédit allemand.

C’est au cours de cet épisode que la 11e escadre reçut son drapeau (février 1953) bien avant d’avoir tous ses moyens.

Base de Lahr
Base de Lahr

En juin 1953, il fallut laisser la place à d’autres. Une météo épouvantable retarde de plusieurs jours le transfert sur Luxeuil où n’existe aucun moyen d’approche. Le grand voyage eut lieu vers la mi-juin et l’arrivée de certains avions, dans la queue d’orage sur l’ancienne piste, fut mouvementée.

L’escadre s’installait enfin dans ces murs, tout au moins les escadrons 1/11 et 2/11 car l’escadron 3/11 nouvellement créé dû attendre quelques mois sous la tente la finition de son infrastructure. Premier commandant de la SPA 161, j’ai vécu cette période bucolique où, installé sous la tente, la clôture de la base n’étant pas terminée, nous avions la visite des vaches (pas folles) que le capitaine Perrotte, en bon normand, nous apprenait à traire.

Grossie régulièrement depuis Reims, là 11e escadre pouvait prospérer avec ses trois escadrons à 25 avions chacun (F 84 G puis F 84F en 1956). À son apogée, avant la dissolution du 3/11 pour faire face aux besoins de la guerre d’Algérie, elle disposa de 75 avions servis par près de 150 pilotes. Il faut savoir que le F 84 F n’est en rien un dérivé du F 84 G. C’était un avion complètement différent (commande hydraulique, aile  en flèche, supersonique en piqué), qui n’a dû son immatriculation qu’au désir de faciliter l’adoption par le congrès des États-Unis des crédits nécessaires à sa production.

F 84F
F 84F

En mai 1958, arriva à Luxeuil le premier F 100 qui mettra fin à cette période bien remplie mais un peu oublié des F 84 (G puis F) il créera une nouvelle page de la vie de la « 11 ».

Année de mise en serviceTypeNombreDont au titre du PAM
1949VAMPIRE326 
1951F84 E/G316316
1952MISTRAL24775
OURAGAN175 
1953METEOR39 
1955MYSTERE IV242225
MYSTERE II150 
1956F84F364364
F86K6060
1957VAUTOUR70 
1958/59F100 D/F9979
SMB2150 
  22381119

Ce tableau illustre l’extraordinaire développement de l’aviation de chasse française en dix ans  (1949–1959), période au cours de laquelle 2238 appareils de tous types différents lui furent fournis.

Général  Déchelette

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