TIR AS30 pendant la guerre du Golfe

Richie nous raconte une de ses missions effectuées durant la guerre du Golfe ; vous lirez c’est sportif. Il y ajoute quelques commentaires sur l’AS30, fort de son expérience d’ancien pilote de l’EPNER (École du Personnel  Navigant et d’Essais et de Réception) ) et d’officier d’état-major de cohérence de programme.

TIR AS30 pendant la guerre du Golfe

La NAV de l'attaque du pétrolier
La NAV de l’attaque du pétrolier

La météo n’est pas favorable. Décollés d’Al Hasa, nous devons attaquer des bateaux Irakiens à l’est du Koweït. Parduch est dans mon aile. Nous quittons  l’altitude de 27 000 ft pour trouver la vue de la mer. Nous cherchons une petite ile qui est notre initial pour une attaque en très basse altitude. Nous ne la survolerons pas, par crainte des MANPADs[2]. La “percée bretonne”[3] est longue, très longue. Allons-nous pouvoir attaquer ? Nous écoutons la fréquence commune avec attention pour connaitre la météo qu’il fait là bas. Nous passons 20 000 ft puis 10 000, puis 5000 … toujours IMC[4] et aucune info à la radio. Finalement, nous trouvons la vue de la surface à  400 ft mer. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la météo n’est pas avec nous ce matin là. Parduch s’écarte à peine. Le plafond monte légèrement. Notre point initial est là, dans le pare brise.

Recalage. Virage au cap d’attaque.

La conf
La conf de l’attaque : “AS30L” + 1 bidon + Magic + CME

Parduch change d’aile pour permettre le dégagement vers le “beau temps” après l’attaque. Nous ne voyons pas d’horizon. Le temps est long. Toujours pas d’horizon. Il fait un peu plus clair mais nous restons aux alentours de 200 ft. Soudain, une tâche grise. C’est une bouée. Puis, 2 secondes plus tard, une barre grisâtre dans la glace viseur.

Je la vise et passe immédiatement l’ATLIS en poursuite. C’est notre objectif. TIR[5].

J’entends le bruit caractéristique de mon AS 30 laser et le vois me dépasser sur ma droite en tournant sur lui-même, ses deux boosters allumés. Un coup d’œil à Parduch et j’entame mon dégagement.

A quelques instants de l'impact sur le pétrolier
A quelques instants de l’impact sur le pétrolier ; on distingue à droite la flamme du missile

Plein gaz (j’y suis déjà depuis un long moment !). Vol horizontal, 5g, je suis stable, je peux regarder dans la télé. L’illumination est en cours. Je recale la ligne de visée pour désigner l’endroit souhaité. Pourvu que la météo ne se dégrade pas. 5, 4, 3 secondes restantes. 2, 1, IMPACT

Le missile vient d’exploser dans la cible laissant sur la téléune tache blanche rémanente. Les ailes à plat je monte dans les nuages en l’annonçant. Quelques instants plus tard, c’est Parduch qui monte à son tour à l’abri des MANPADs vers le niveau sanctuaire[6].

Nous venons de couler un bateau Irakien. Nous avons rempli la mission dans des conditions très marginales. De retour à la base, je ressens le calme qui vient avec le sentiment d’avoir bien fait son travail. Ce sera de courte durée pourtant, mais c’est une autre histoire.

J’aurai eu la chance de tirer au total neuf de ces missiles tant convoités. Une arme simple et efficace, d’une précision remarquable et dont le pouvoir de pénétration s’avèrera bien meilleur que ce que nous escomptions.

Son emploi était simple : le tir d’une roquette (500 Kg de roquette quand même) et le guidage d’une GBU sur la fin d’un vol très court. Sa portée maximale légèrement supérieure à 10 Km permettait de ne pas trop s’approcher de la cible sans être vraiment “stand off” pourtant. Mais surtout, compte tenu de la vitesse très largement supersonique de l’arme[7], la passe était très courte permettant de se découvrir au dernier moment et de retrouver très vite les masques du terrain ou la protection des nuages. C’était plus une roquette guidée laser qu’un missile à proprement parler, car il ne possédait aucun formage de trajectoire, seulement un guidage terminal simple et efficace.

Cette arme reste sans équivalent aujourd’hui, même si les équipages de Rafale sont capables d’engager des cibles de surface à des distances supérieures à 50 Km, grâce au HAMMER[8], une arme très précise,  propulsée, pilotée, de 250 Kg de charge militaire … comme l’AS30.

Gen Richard « Richie » REBOUL.


[2] Dénomination anglaise des missiles sol-air portatifs

[3] Se dit d’une percée sur la mer sans radar de percée (attention aux plateformes toutefois !). Elle s’effectue grâce aux indications de hauteur du radio-altimètre.

[4] Instrument Meteorological Conditions. Se dit de conditions météo qui ne permettent pas le vol à vue.

[5] Les connaisseurs reconnaîtront le tempo de la passe « à la Joss Randall »

[6] Niveau de vol réservé pour des avions allant tous dans le même sens.

[7] A sa conception, les ingénieurs d’aérospatiale avaient dessiné des ailes delta, ce qui conférait une vitesse et une portée supérieures encore. Mais pour des raisons esthétiques et commerciales, le missile adoptera les ailes qu’on lui connait

[8] Highly Agile & Manouvrable Munition Extended Range : Nom OTAN de l’AASM.

Une réponse sur “TIR AS30 pendant la guerre du Golfe”

  1. Je n’avais vraiment pas besoin de lire ton article Richie … Je sais depuis trés longtemps de quel bois tu es fait !!!
    La race des seigneurs … Meme si ce mot semble ne pas avoir la cote ces derniers temps … C’est le seul qui puisse donner un résumé du type que tu es …
    doc

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