Raymond GABARD était un des derniers pilotes a avoir effectué la campagne de France sur MS 406. Ayant appartenu au groupe III/6, dont les traditions ont été reprises plus tard par l’escadron 1/11 Roussillon, il avait rejoint l’association de l’Amicale des anciens de la 11EC. Lorsqu’on rencontrait Raymond, on était surpris par sa vivacité d’esprit, sa gentillesse et surtout sa bonne humeur permanente. Il avait bien voulu nous confier ses mémoires qui sont retranscrites ci-dessous.
Raymond nous a quitté alors qu’il allait avoir 99 ans probablement pour retrouver ses anciens camarades pilotes au bar de l’escadrille, à coté duquel doit l’attendre un P47 , l’avion qui a marqué sa carrière.
LA CARRIERE D’UN ANCIEN PILOTE
DU GROUPE DE CHASSE 3/6
1ère PARTIE
J’ai toujours été relativement effacé et très discret sur mon passé, je n’en ai pas honte, bien au contraire, mais on ne vit pas avec le passé. Pour moi, seuls le présent et l’avenir comptent.
Ce sont mes enfants et petits-enfants qui m’ont demandé, en raison de mon âge (91 ans) de me faire connaître davantage, avant de disparaître.
Tout d’abord le virus du pilotage m’a atteint je crois en 1927, après l’accident de Nungesser et Colis, deux aviateurs qui tentaient de traverser l’Océan Atlantique en avion. Je n’avais pas 8 ans, mais cet accident m’avait impressionné. Puis vinrent plus tard les grands exploits aéronautiques, Coste et Bellonte, Lindberg, Mermoz,… etc… les as de la guerre 1914/1918 tels Guynemer, Fonck. A cela s’ajoutait mon caractère indépendant, effacé, cherchant l’isolement et la Liberté. Seuls l’aviation et le pilotage pouvaient me satisfaire. La chance me vint d’un Ministre de l’Air Pierre Cot, qui eut la bonne idée de créer l’Aviation Populaire qui permettait à des jeunes gens de 17 ans de voler gratuitement en avion et de passer les 2 Brevets de pilotage (voir Pièces Jointes) qui permettaient de transporter des passagers sur tout le territoire français. Bien entendu, j’ai profité de cette possibilité de voler gratuitement en 1936, 1937. J’ai passé mes Brevets de Pilote 1er et 2ème Degré en début 1938. Entre temps, j’avais passé l’examen et la visite médicale pour m’engager dans l’Armée de l’Air pour une durée de 3 ans en qualité d’Elève Pilote.
Je suis reçu et le 23 avril 1938, je rejoins la Base Aérienne d’Avord, en vue d’être incorporé et ensuite d’être dirigé sur l’Ecole de Pilotage des Avions Hanriot à Bourges afin de passer les épreuves de Brevet Militaire de Pilote d’Avion, (date et Numéro du Brevet : 27 Juillet 1938 n°26431. Voir P.J.)
Ce Brevet de Pilote me permettait de piloter, mais il fallait acquérir une spécialité : Chasse pour les meilleurs pilotes, ensuite Bombardement puis Reconnaissance. C’est à la Base Aérienne d’Istres que le choix s’est fait, après des tests en vol, je suis dirigé vers la formation des pilotes de chasse.
Vols sur Morane 315 pour étudier l’aérologie sur les Alpilles, puis sur Morane 230 pour la partie Chasse proprement dit, c’est à dire Voltige à longueur de journée. Puis vers la fin du stage vols sur Morane 225, gros monoplace d’acrobatie, et enfin pour terminer l’entraînement vers Avril 1939, vols sur Dewoitine 500 et 510 (appareils de chasse équipant depuis de nombreuses années certaines escadrilles).
L’Ecole d’Istres étant terminée, je suis affecté à Reims, au Groupe de Chasse 2/4, 4ème escadrille (Petit Poucet), c’était le 15 Mai 1939. Mon instruction se poursuit par des vols de prise en main et d’entraînement sur Curtiss P.36. Puis vint le 28 Août 1939, Nous décollons pour un terrain d’opération, situé à Xaffévillers dans les Vosges. Nous sentions la guerre qui arrivait à grands pas. Nous nous posons sur un terrain non préparé, herbes hautes, nivellement du sol inexistant, aucun abri ni constructions même sommaires, pour abriter les pilotes et le personnel. Cela représentait la gabegie dans laquelle s’enfonçait la France depuis de nombreuses années. J’étais très jeune, je n’avais pas 20 ans, et pourtant tout le personnel, les Officiers, les pilotes, les quelques mécaniciens présents avons dû avec scies, serpes sécateurs, etc…, tailler des abris dans les bois entourant le terrain afin de protéger les avions du Groupe (une trentaine d’avions) de la vue aérienne de l’ennemi (nous étions fin août 1939). Une anecdote : le 30 ou le 31 Août 1939, Une autorité des Eaux et Forêts s’est présentée au Commandant afin de verbaliser pour avoir tailler des branches de la forêt. Inouï !!!
Puis vint le 3 Septembre, La guerre. Le 7 Septembre 1939, première mission de guerre du groupe à laquelle je participe. (Voir P.J.). Jusque-là tout allait relativement bien, formation parfaite de pilotes de chasse, mais nous n’avions jamais effectué de tir, ce qui en guerre est indispensable, évidemment. Aussi le Commandement soucieux de la vie de ses pilotes réduisait les vols de guerre, pour les jeunes, en attendant un stage de tir. J’ai alors été affecté au G.C. ¼, basé dans le nord de la France (secteur plus calme).
En Février 1940, je pars pour le Centre d’Instruction de Chasse de Montpellier pour y effectuer un stage de tirs sur Morane 406.
Le 12 Avril 1940, je reprends la vie d’escadrille au Groupe de Chasse 3/6 (6ème escadrille), dotée de Morane 406. Bons appareils, ayant beaucoup de qualités comme avions de chasse, mais lents par rapport aux chasseurs et bombardiers allemands.
Nous arrivons au 10 Mai 1940, jour de la grande offensive allemande. Vers 3 heures du matin, nous étions sur un terrain de guerre à Chissey dans le Doubs (je crois), Réveil, puis décollage en direction de Dijon, qui subissait un bombardement. Un groupe Heinkel 111 qui venait de bombarder la ville rentrait vers l’Allemagne. Vu la différence de vitesse, avec 2 autres pilotes du groupe 3/6, nous avons pris en chasse les derniers avions allemands du groupe puis nous avons dû cesser l’attaque, faute de munitions. Un Heinkel 111 perdait de la vitesse et fumait énormément. Nous avons supposé qu’il s’était abîmé en Suisse. (Voir P.J.)
Le lendemain, 11 Mai 1940, 8 heures du matin, décollage vers un peloton de seize Heinkel 111 qui se déplaçait dans la région de Gray (Doubs), quelques pilotes de la 5ème escadrille avaient déjà attaqué et, quand nous sommes arrivés, nous étions 3, nous avons pris le Heinkel 111 en chasse puis touché, il s’est posé en catastrophe dans un champs, près de Pirey; région de Besançon. Voir P.J.)
Le 25 mai 1940, après un bombardement de notre terrain à Coulommiers, nous avons décollé à 7 avions afin de rejoindre les bombardiers qui venaient de nous attaquer, j’étais jeune (20 ans), nous nous sommes trouvés au milieu d’au moins 50 chasseurs et bombardiers allemands. Je l’avoue maintenant, j’étais un peu perdu, nous étions seuls contre tous, il n’y a pas eu de dommages graves chez nous, mais des avions criblés de balles.
Quelques jours après, alors que nous n’avions pratiquement plus d’avions en état de voler, le Général d’Harcourt, Inspecteur Général de la Chasse, est reçu dans la tente abritant le commandement du Groupe 3/6 pour nous annoncer notre départ pour Le Luc (Var) afin de percevoir des Dewoitine 520 (Chasseurs modernes pour l’époque).
Le 31 Mai, en fin d’après-midi, nous décollons pour Le Luc (nous avions pu récupérer quelques Morane 406 en état de vol pour le voyage). Voyage sans histoire, atterrissage sur le terrain du Luc, agréable, ça sentait le midi. Quelques patrouilles de surveillance dans le secteur, dans l’ensemble pas d’ennemis en vue. Ceci jusqu’au 11 juin où nous décollons pour Toulouse (3 Morane 406) pour les convoyer à Francazal, puis le lendemain, direction Blagnac Aux Usines Dewoitine pour y percevoir 3 D.520 neufs. Puis retour sur Le Luc.
Le 18 Juin, dans la journée, les fausses nouvelles se propageant rapidement, nous apprenons que les troupes allemandes allaient prendre Marseille et que les Italiens envahissaient le sud de la France. Nous étions donc encerclés et il fallait partir le plus rapidement possible. Ces informations étaient fausses, mais cependant en fin d’après-midi nous recevons l’ordre de décoller pour St Laurent de La Salanque, (aérodrome près de Perpignan) pour ensuite rejoindre par la voie des airs l’Algérie.
Je décolle vers 19 heures, mais je suis obligé de revenir ayant des problèmes de carburation. Je me retrouve donc seul au Luc avec mon mécanicien. Celui-ci réussit à réparer sommairement mon D.520 pour me permettre de rejoindre Perpignan. Je me pose vers minuit à St Laurent, mais mon Chef d’Escadrille, le Capitaine Sthehlin (devenu Général par la suite), me conseille de changer d’avion, (il y en avait beaucoup, toute la Chasse Française étant là). Dans la nuit, avec 2 ou 3 mécaniciens, nous sommes allés récupérer un autre D.520 au hasard. Le lendemain, préparation des avions, mise en place des réservoirs supplémentaires pour la traversée de la Méditerranée, puis le 20 Juin décollage pour Alger.
Vol direct, sans problème particulier, sauf en survolant les Baléares, nous sommes survolés par des Messerschmitt 110, nous les connaissions depuis la campagne de France, ils étaient méchants. D’autre part, pour alléger nos D.520 pour la traversée nous n’avions aucune munition. Heureusement, ils n’ont pas attaqué, c’étaient des avions espagnols du Général Franco en vol, tout simplement. Nous avons eu très peur.
Atterrissage à Alger Maison Blanche, sans problème, il ne restait pas beaucoup de carburant dans les réservoirs. Nous pensions tous que la guerre contre l’Allemagne allait se poursuivre dans les territoires français d’outre-mer. Il n’en fut rien. Nous décollons d’Alger le 24 Juin 1940 et partons sur Morsott, aérodrome de campagne situé entre Tébessa et Souk Ahras, un providentiel fort vent de sable nous oblige à nous poser sur terrain de Constantine.
Là, période de délassement, physique et moral, car nous n’avions plus le droit voler, les commissions d’armistice allemande et italienne nous ayant demandé de démonter les carburateurs et hélices, pour rendre nos avions inutilisables. Alors, vie de vacanciers avec en bon souvenir la piscine de Sidi M’Sid !!
Le 8 Juillet remise de décorations par le Général Vuillemin (dont ma Croix de Guerre) à Sétif.
Le 11 juillet, suite à la destruction de la flotte française à Mers el Kébir par les Anglais, remise en état de vol de nos avions et départ pour Alger Maison Blanche, sans autres détails, puis au cours des jours qui suivirent, décollage pour Oran (en vue de représailles sur Gibraltar et aussi pour réagir si les anglais avaient l’intention de poursuivre leur attaque.
Puis retour sur Alger pour prendre le rythme d’une escadrille en relatif temps de paix (services de garde, de semaine, revues, etc…).Heureusement comme pilote quelques vols d’entrainement, d’essais, de convoyages (D.520, Caproni, Potez 25 TOE …etc)
A signaler, un incident de vol qui aurait dû être sans suite et qui malheureusement a causé un accident. Le matin du 22 Juillet 1940, j’effectuais un vol d’essai après réparation d’un D.520 sur la mer au large d’Alger à 7000 mètres d’altitude. Soudain, le moteur tombe en panne totale. J’avais l’altitude, le terrain en vue, pas de problème particulier. En vol plané je pose l’avion sans histoire sur le terrain de Maison Blanche, L’avion étant au milieu du terrain, je demande à l’Officier de piste du personnel, un véhicule pour le déplacer. Il était 12 heures 45, et il me répond « On s’en occupera cet après-midi, allez déjeuner ». C’est ce que je fis, seulement, il y avait 10 minutes que j’étais à table, j’entends un bruit très fort venant de la piste. C’était un réserviste qui profitant du calme pendant l’heure de déjeuner, en avait profité pour voler. Il y avait beaucoup de place à côté mais il a percuté mon avion que je venais de sauver quelques minutes avant. Le pilote n’était que blessé (15 jours d’hôpital, mais 2 D.520 H.S. (Voir P.J.- extrait du journal de marche de l’escadrille)
Puis vint fin Octobre 1940, décollage du G.C. 3/6 pour Casablanca (le 30/10), nous devions, en principe partir à Dakar pour défendre l’A.O.F. Menacée par les Anglais. Le terrain de Casablanca était envahi par la Chasse Française (D.520 et Curtiss P.36 notamment). Après quelques jours d’hésitation, mission Dakar annulée, mais nous restons néanmoins à Casa jusqu’au 15 Janvier 1941, nous rejoignons alors Alger. Reprise du même rythme de travail qu’avant le départ pour Casablanca, jusqu’au Mois d’Avril 1941 car, en 1938, je m’étais engagé pour 3 ans dans l’Armée de l’Air, les 3 années se terminaient le 23 Avril. Mon Chef d’Escadrille me convoque alors dans son bureau et me propose un choix Cornélien :
– La démobilisation et retour chez mes parents à Poitiers.
– Rester dans l’Armée de l’Air, mais partir dans moins d’un mois en Syrie pour combattre les Anglais (et parait-il des pilotes Français qui avaient rejoint Londres)
Le lendemain matin, ma décision était prise : ce sera la démobilisation et mon retour à Poitiers chez mes parents. Malgré ma peine de quitter (provisoirement) l’aviation, malgré Mers el Kébir, je ne pouvais me battre contre les Anglais, qui pour moi, représentaient notre seul espoir de chasser l’occupant de France. Nous étions en Avril 1941. J’ignorai l’appel du 18 Juin. La vie en Algérie était agréable, je ne m’imaginais pas un seul instant la vie en zone occupée.
« Je dois vous expliquer ce qu’est le Grand Sachem dont on parle dans les extraits du Journal de Marche, notamment le 22 juillet et le 28 octobre 1940. Ce Grand Sachem était le surnom que m’avaient donné mes camarades du stage de Chasse à Istres. Ce nom m’était resté dans l’Armée de l’Air où j’étais plus connu sous ce nom que sous le nom de Gabard »
« Ce n’est pas tout. En Juillet 1940, je vais chez un coiffeur à Constantine, et lors de la conversation, je l’ai vexé. Huit jours après, mes cheveux commençaient à devenir blond. Je m’étais habitué à ce changement, jusqu’au jour de mon retour à l’escadrille (je rentrais de Casablanca, je crois.), c’était le 28 octobre 1940, mon retour avait été très remarqué grâce à ma chevelure. »
2ème PARTIE
Donc, me voilà en cours de démobilisation. Je prends le bateau à Alger pour Marseille, puis le train jusqu’à Nîmes, (au Camp Marguerite), lieu où se trouvait le Centre Démobilisateur. Ce n’était plus l’ambiance de l’Afrique du Nord, ni de l’Escadrille ; les gens sont tristes, peu aimables, j’ai même été l’objet de reproches lorsque je parlais de mes fonctions de pilote de guerre. La débâcle et la défaite, c’était de notre faute !
Après ma démobilisation, j’ai reçu un bon de transport pour Poitiers. J’ai pris le train à Nîmes, seulement il fallait passer la ligne de démarcation entre le Zone occupée et la zone libre. Cette ligne se trouvait à Langon (près de Bordeaux) et là, il y avait un contrôle des papiers (je l’ignorais). Après l’arrêt du train, je vois deux feldgendarmes allemands qui contrôlaient les documents pour pouvoir entrer en zone occupée ; pour moi ce fut un choc terrible car brutalement je suis revenu à la triste réalité de la défaite. Moi qui aimait la Liberté et les grands espaces, je me suis senti enfermé, pris dans une souricière. Que faire ? Pour l’instant : subir! Le voyage se termine à Poitiers, je retrouve mes parents, puis après un long entretien, il fut décidé que je «me cache» chez eux en ne parlant pas de mon proche passé, ni de la guerre, il valait mieux que les allemands l’ignorent. Pour passer le plus inaperçu possible, j’ai appris le métier de cordonnier afin d’avoir une relative tranquillité pendant quelques temps, en attendant de reprendre la lutte contre les envahisseurs.
J’ignorais toujours l’appel du Général De Gaulle du 18 Juin 1940, mais en parlant avec mes parents, ils m’ont appris qu’à Londres le combat continuait contre l’Allemagne. C’est alors qu’ils m’ont fait écouter l’émission «Les Français parlent aux Français» Radio Londres sur le vieux poste de TSF. Cette émission m’a redonné l’espoir et m’a incité à trouver un moyen de lutter contre l’occupant.
Etant jeune je pensais être plus tard pilote d’avion et également j’avais été frappé par les exploits du 2ème Bureau, c’est à dire l’espionnage. Devant la situation dans laquelle je me trouvais, pourquoi ne pas tenter. Seulement, voilà, on n’entre pas dans un service de renseignements pour demander du travail comme à “l’ANPE”. Il me fallait chercher un contact. Je continuais à réparer des chaussures, quand vint dans la boutique de mes parents un monsieur que mon père me présenta : «Mr Egreteau », Secrétaire Général de l’Intendance de Police à Poitiers. L’Intendant de Police étant l’autorité chargée de gérer l’Administration et le Matériel de la Police pour la région du Poitou (5 départements : Vienne, Deux Sèvres, Vendée, Charente et Charente Maritime). Cela pour dire que ce Mr Egreteau pouvait présenter un certain intérêt pour moi, d’autant plus que c’était un ami de mon père. Lors d’une conversation avec ce monsieur, il me demanda si dans mes relation je connaissais des Officiers ou des Sous-Officiers de l’Armée Française, dans le but de leur proposer d’entrer dans la Police afin de les protéger et éventuellement de les avoir sous la main en cas de besoin, ceci dit dans le bon sens, c’est à dire lutter contre l’occupant. Nous avons sympathisé puis nous sommes séparés. Nous étions vers le mois de mars 1942.
Je continuais le travail avec mes parents, lorsque les autorités françaises de Vichy créèrent le Service du travail obligatoire (STO) obligeant pour cela tous les français de 18 à 50 ans (je crois) à se faire recenser pour ce STO (sous-entendu : travail dans les usines d’armement en Allemagne). Bien entendu, j’ai refusé de me faire recenser, seulement, me trouvant alors passible de sanctions, il fallait me cacher. Cela se passait début novembre 1942. Il me fallait passer en zone libre, seulement j’étais dans l’illégalité, ne m’étant pas fait recenser. Aussi, je me suis adressé à une amie, à Jardres, village de la Vienne sur la ligne démarcation, Mademoiselle Braconnier, elle était institutrice dans ce village et elle connaissait un cultivateur qui acceptait de me faire passer en zone libre. Je me suis mis dans un sac de pommes de terre, avec d’autres sacs de pommes de terre, bien à l’intérieur du chargement car les allemands donnaient des coups de baïonnettes sur les sacs extérieurs d’une façon routinière. Bref, je me suis retrouvé en zone libre et je suis allé à une ferme (La Baudenalière) près de Tercé (Vienne). Il est à noter que presque simultanément à mon passage en zone libre, Le 7 ou 8 Novembre 1942, les Américains débarquent en Afrique du Nord, ce qui provoque l’invasion de la zone libre par les allemands. Bien que dans une relative tranquillité, cette solution ne pouvait être que provisoire. J’ai rejoint la ville de Chateauroux (en vélo) pour essayer de trouver un avion sur l’aérodrome pour tenter de rejoindre l’Espagne ou l’Angleterre. Hélas, rien. Je suis revenu à ma ferme et j’ai appris alors, par un messager inattendu que Mr Egreteau de l’Intendance de Police suivait toujours mes pérégrinations, et avait l’intention de me faire entrer dans la Police.
Donc, fin janvier 1943, je me rends à Poitiers pour y subir les épreuves du concours d’entrée dans la Police. Quelques jours après, j’apprends (sans surprise) que je suis reçu et affecté au Commissariat de Police de Poitiers à compter du 10 Février 1943. Je me présente donc le 10 Février 1943 au Commissariat de Police de Poitiers et après présentation au Commissaire Central, il me dit que dans quelques jours, je partirais faire un stage de formation de Gardien de la Paix. Quelques jours après, je pars donc en stage pendant environ 6 semaines, puis je prends officiellement mes fonctions à Poitiers. J’étais alors en sécurité, je gagnais ma vie, mais puisque pour l’instant je ne pouvais piloter, j’ai cherché un contact pour faire du renseignement et participer ainsi à chasser les allemands de France. Vers le début de l’année 1943, un brigadier nommé V….., un de mes amis, car ancien sous-officier parachutiste, nous avions sympathisé, qui en quittant son service m’interpella et me demanda s’il m’était possible d’aller sur un pont de chemin de fer à l’entrée de Poitiers, vers 3 heures 30 du matin, un train de marchandises devait passer avec des véhicules blindés, de les compter et de lui donner le chiffre lors de son passage au Commissariat en début de matinée. Ce que je fis, mais intrigué par cette mission bizarre, je lui ai demandé pourquoi. Il m’a répondu, nous en reparlerons dans quelques jours. Peut-être une huitaine de jours après, il m’a avoué ce qu’il faisait : agent de renseignements pour le B.C.R.A. (Bureau Central de Recherches et D’Actions), service rattaché au Bureau du Général de Gaulle à Londres. Je ne croyais pas à une telle aubaine. Mon camarade me dit que son Chef, le Lieutenant De F…., de l’Armée Française lui avait demandé de trouver un agent susceptible de faire du renseignement avec lui. Quelques jours après cette conversation, il m’a demandé si j’acceptais ce type de travail. J’ai, bien entendu dit oui. Alors nous nous sommes retrouvés au domicile du Lt De F…., Rue Bourbeau à Poitiers. Evidemment nous n’étions que tous les trois. Après m’être présenté au Lt De F…., ce dernier me demanda si j’acceptais de travailler pour le BCRA. J’ai accepté sans hésiter, puis il m’a donné les consignes de travail, c’était assez compliqué, car évidemment c’était le secret absolu, personne ne devait connaitre mon appartenance à ce service (ni parents ni femme, ni amis, etc.) J’appartiendrai ainsi aux Forces Françaises Combattantes – Réseau Hunter – en qualité d’Agent P1. (voir P.J.)
Je repris ensuite mon travail de Police, tout en travaillant pour la Résistance. Ainsi, plusieurs mois passèrent, je m’adaptais très bien à mes fonctions d’Agent S.R., quand vers le mois de Mars 1944, le Commandant de Police LASSEUBE vint me voir pour me demander si j’accepterai de devenir gérant d’un Mess de la Police (à créer). J’avais seulement 24 ans, je venais d’être nommé sous brigadier, et je n’avais jamais fait ce travail. Enfin, après un entretien assez ardu avec ce Commandant, j’acceptais. Beaucoup de travail, c’était bien sûr l’occupation, il fallait tricher avec les règlements sur les restrictions de nourriture. J’avais à nourrir les fonctionnaires de police, mais aussi ceux de la Préfecture, des Pompiers, des Ponts et Chaussées, …etc…Comme personnel j’avais un chef cuisinier, 2 anciens militaires (1 Sénégalais (catholique) et 1 Dahoméen (musulman)), il y avait problème lorsqu’il y avait du porc au menu, deux femmes aux cuisines et quelques serveuses et serveurs. Je dois ajouter que le travail de gérant était plutôt fait par le Commandant Lasseube, mon rôle se limitant surtout à la comptabilité et à la réception des clients. Après quelques jours (une quinzaine, peut-être) je me suis posé une question, car outre les fonctionnaires habituels, j’ai eu à nourrir, dans une pièce réservée aux invités, les chefs des services de la police politique français (la S.A.P.) notamment, quelques policiers allemands dont la gestapo, etc… Ces gens-là, m’apportaient souvent des renseignements intéressants, seulement, il me fallait être très prudent, car le moindre faux pas pouvait m’emmener au peloton d’exécution. J’ai dit plus haut que je m’étais posé une question, je me la pose encore aujourd’hui. Pourquoi, venant d’être intégré dans les services de renseignements français, je quitte mon travail de policier pour celui de gérant d’un mess de la police, fréquenté par des invités un peu particuliers. J’en avais parlé au Lt De F…. (mon chef de réseau), il n’était pas au courant !! Je suis resté dans ces fonctions jusqu’à la libération de Poitiers, (enfin une quinzaine de jours après la libération). Seulement j’ai eu un problème qui aurait pu m’être fatal. En effet, Poitiers a dû être libéré le 6 septembre 1944, le lendemain en début d’après-midi, une voiture des F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) s’arrête devant le mess et 2 hommes en descendent, mitraillettes à la main et viennent m’arrêter. Ils me conduisent dans un bureau de fortune avec un monsieur qui n’avait qu’un bras, en civil avec un brassard, qui commence à m’interroger. Tout cela avec mitraillettes dans le dos. Il était environ 14 heures. Je lui disais qu’il se trompait et que moi aussi j’appartenais à la Résistance, il persistait dans son idée que je travaillais avec les allemands. J’avoue que je trouvais le temps un peu long, car en cette période les exécutions sommaires allaient bon train. J’avais cependant un peu d’espoir car comme tous les jours j’avais rendez-vous à 17 heures, dans un lieu qui changeait quotidiennement, pour rendre compte au Lt De F…. de mon travail. Vers 17 heures 30, alors que la conversation commençait à s’envenimer, arrivent Le Lt De F…. avec mon ami V….. qui m’enlèvent brutalement et me sortent de cette pénible situation, le Lt De F…. ayant une explication avec le manchot, celui qui m’avait fait arrêter. « Je dois reconnaître aujourd’hui, après 65 années, que ce mess était un nid d’agents de renseignements, il y avait même eu quelques quiproquos malencontreux, par exemple : j’avais neutralisé une serveuse en la faisant enlever par des membres de la Résistance, je l’avais prise pour un agent allemand, et c’était un agent F.T.P. (Francs-Tireurs et Partisans, communiste) ». Quelques jours après cet « incident»,(mon arrestation), je recevais une carte type professionnelle certifiant notre appartenance au Services Spéciaux et demandant aux forces de libération de nous porter aide et assistance. Ceci pour éviter que de telles arrestations se produisent, je n’avais sans doute pas été le seul à être inquiété. Je dois dire que le B.C.R.A. (nom de début de mon organisation) est devenue la D.G.S.S. ‘Direction Générale des Services Spéciaux, organisme qui actuellement s’intitule je crois D.G.S E. Les allemands ayant quitté une grande partie de la France, dont la région de Poitiers, je décide de reprendre du service dans l’Armée de l’Air, comme pilote de chasse.
3ème PARTIE
La guerre est pratiquement terminée en France. J’ai repris du service dans l’Armée de l’Air en qualité de Pilote. Nous étions approximativement début Novembre 1944. Je suis ensuite dirigé sur la Base Aérienne de Tours (Indre et Loire) aux fins d’incorporation puis après une attente d’environ d’un mois, ce n’est que le 13 Décembre 1944 que je décolle de Marignane à bord d’un Dakota avec quelques autres pilotes (3) pour Rabat. Nous sommes très bien reçus par les autorités marocaines. Puis après quelques jours passés à Rabat, nous nous dirigeons sur Casablanca, où nous passons les Fêtes de fin d’année.
Début janvier 1945, nous partons vers Kasba Tadla Village perdu dans le centre est du Maroc, au pied de l’Atlas, où se trouve un terrain d’aviation militaire d’entraînement à la Chasse. Les vols commencent le 3 Janvier 1945 sur Morane 230 et BT.13 pour la voltige. et sur Stamp pour le vol sur le dos, sur bimoteur Caudron C.78 pour le P.S.V., sur A.24 Dauntless (gros avion embarqué biplace de la Marine) pour entraînement sur grosses machines avant d’être lâché sur monoplace Curtiss P.36. Je suis ensuite dirigé sur Mecknès au C.I.C (Centre d’Instruction de Chasse) d’où je reprends l’entraînement sur bombardier en piqué Curtiss P.40 (Tomawack), l’entraînement consiste en combats aérien classiques, mais aussi tirs sur cible au sol, bombardement en piqué, mitraillage sur cible mouvante au sol, attaques de convoi, ponts ..etc…, tirs sur cible en vol (manche à air). Ce type de travail était dans l’ensemble nouveau et passionnant pour moi. Il avait duré 2 mois : Février et Mars 1945.
Dès le début d’Avril, ce fut le lâché sur P.47 (Thunderbolt). Cette adaptation au P.47 dura environ 1 Mois (Avril). Je faisais le même travail que sur P.4O. Début Mai 1945, ce fut la fin du stage. Comme j’étais très bien classé, j’ai pu choisir mon ancien Groupe de Chasse, le G.C. 3/6 qui était stationné à Strasbourg, et la même escadrille avec en plus (cerise sur le gâteau) mon ancien mécanicien : Bertrand.
Le 12 Mai 1945, jour de mon arrivée à Strasbourg en P.47, venant de Casablanca (convoyage), j’apprends la fin de la guerre depuis le 8 Mai évidemment ce fut pour moi une excellente nouvelle, mais avec un regret : celui d’arriver trop tard, car je me sentais parfaitement formé pour terminer le travail avec mes camarades. J’ai alors repris ma vie en escadrille, mais en temps de paix. Vols d’entraînement. Beaucoup de survol de l’Allemagne, des villes bombardées et totalement détruites, de Berstengaden et du nid d’aigle d’Hitler …etc… Bref, j’avais retrouvé la vie calme et relativement monotone d’une escadrille en temps de paix. Ceci, jusqu’au 15 Octobre 1945, jour où une note du Ministère de l’Air arrive à l’Escadrille demandant aux anciens membres de la Police, rappelés à l’activité après la libération de leur ville, (c’était donc mon cas) de vouloir choisir entre rester dans l’Armée de l’Air ou retourner dans la Police. Après réflexion, j’étais marié et j’avais une petite fille de 2 ans, le Groupe de Chasse 3/6 devait partir pour l’Indochine et certaines gens optimistes me disaient que bientôt, il y aurait des avions dans la Police, j’ai alors opté pour mon retour dans la Police. Le 1er Novembre 1945, je reprenais mes fonctions au Commissariat de Police de Poitiers. J’avais été nommé Brigadier le 1er Octobre 1944. Bien entendu je conservais mon Grade.
4ème PARTIE
Me voici de retour au Commissariat de Police de Poitiers, je suis chargé de créer un nouveau service qui maintenant a pris le nom de police de proximité. J’avais environ 10 Gardiens de la Paix sous mes ordres, un par quartier, qui devaient rester en contact avec les habitants et s’informer de ce qui n’allait pas (sécurité, salubrité, circulation, etc …). Ce service fonctionnant bien, j’y suis resté jusqu’à ce qu’une note du Ministre de l’Intérieur recherche des volontaires pour devenir Motocycliste des B.R.M.(Brigade Routière Motocycliste), c’étaient les premières formations de Police Routière en France. Le siège de la B.R.M. serait Poitiers, nous serions une vingtaine de motocyclistes avec les 5 départements de la Région Poitou comme rayon d’action. J’ai été intéressé par cette proposition, et en début 1949, je pars à l’Ecole de Sens pour la formation motocycliste de police routière. Ainsi, le 16 Juin 1949 la B.R.M. de Poitiers commence à fonctionner. Le travail était intéressant pour moi, mais j’attendais les avions promis. Quelques années après, nous perdons notre autonomie de B.R.M. pour être rattaché aux C.R.S. Peu de changement pour moi, mêmes locaux, même travail. Le 1er Janvier 1954, je suis nommé Brigadier-Chef et je suis désigné pour prendre le Commandement du Peloton Motocycliste de la C.R.S. 6 à Nice. Affectation très agréable sur la Côte d’Azur. Rayon d’action : tout le Sud Est de la France. Beaucoup de travail. Le 16 Avril 1956, je dirige l’escorte motocycliste française pour le mariage du Prince de Monaco Rainier avec Grâce Kelly. Ceci, jusqu’à fin 1957, un télégramme arrive au service radio de la C.R.S.6 demandant des candidats pour devenir pilotes et mécaniciens au Groupement Hélicoptère de la Protection Civile. Bien entendu, je suis volontaire. L’année 1958 se passe pour moi en stage de formation de pilote, puis de vol en montagne, j’attendais alors mon affectation, quand vers la fin de l’année 1958, le Chef du Groupement Hélicoptère me demanda d’effectuer le stage d’Officier de Paix à l’Ecole Nationale de Police à Saint Cyr au Mont d’Or. J’ai tout d’abord hésité, car faire encore un stage qui n’avait aucun rapport avec l’Aviation ne m’enchantait pas. Enfin, j’ai accepté sous réserve de pouvoir m’entraîner au pilotage lors de mes temps libres. Ce qui fut accepté. Après 7 mois de stage, je sorti Officier de Paix (Lieutenant) et suis affecté à la Base de Lorient, nous étions en septembre 1959. Je pris mon travail de pilote avec beaucoup de plaisir, l’ambiance de la Base me rappelait un peu la vie d’escadrille. En janvier 1960, il y eu le malheureux accident de Dumas Leberger sur la Barre d’Etel (Morbihan). Puis après le départ du Capitaine Vallet (des Sapeurs-Pompiers de Paris), je pris le commandement de la Base, en février ou mars 1960. Ce commandement, je l’ai assuré jusqu’à fin juillet 1965, venant d’être nommé Capitaine, j’avais été désigné pour devenir Chef de Base à Perpignan. Le 16 Janvier 1974, je suis nommé Commandant. Je suis donc resté à Perpignan jusqu’en 1975 (13 Octobre) pour partir à la retraite, j’avais 56 ans.
Pour conclure, ce document représente simplement ma vie, non pas celle d’un héros, loin de là ! Ce n’est pas du tout mon idée, mais celle d’un homme qui a vécu une période un peu particulière de l’histoire de France avec ses aléas. J’aurais pu m’étendre davantage sur différentes anecdotes mais cela aurait pris une éternité. A mon âge il vaut mieux être bref.
Merci d’avoir suivi mon cheminement sans vous lasser, je l’espère. Je dois vous signaler tout de même qu’après avoir piloté de nombreuses grosses machines durant toute ma carrière, maintenant j’en suis réduit à piloter un fauteuil roulant électrique ! C’est la vie !!
Fait à Saint Estève le 20 octobre 2010.
Raymond GABARD
EXTRAIT DU JOURNAL DE MARCHE DE LA 4EME ESCADRILLE
DU GROUPE DE CHASSE 2/4
AOUT 1939
28 AOUT 1939
A 4H15, après une nuit blanche pour beaucoup de pilotes, rassemblement des officiers et sous-officiers en ville. A 5 heures tout le monde est présent au hangar avec la petite valise. On apprend le point de stationnement du groupe en campagne, il s’agit du terrain de XAFFEVILLERS que tous les pilotes repèrent sur la carte avec une photo aérienne à l’appui. A 8h30 l’ordre de départ arrive pour tous les avions du groupe, la 3eme Escadrille décolle derrière le capitaine BORNE ; la 4eme escadrille décolle à 9h35 et 1h10 après tout le monde se pose sur le nouveau terrain, après quelques atterrissages parfois comiques. Nous rencontrons le personnel arrivé par l’échelon roulant et nous prenons contact avec notre nouvelle garnison champêtre Le groupe entier est stationné à Roville-aux-Chênes, petit village situé à 4 kilomètres du terrain, sur la route de Rambervilliers à Lunéville. Le groupe reçoit un accueil que nous qualifions tout de même d’amical de toute la population (250 habitants) qui loge des troupes pour la première fois. L’affectation des logements est faite en pleine nuit par le commandant du groupe, assisté du sous-lieutenant CUNY, de la 3emes escadrille qui a bien du mal à se faire obéir de tout le monde. Certains logent dans des chambres et couchent dans des lits dont le confort est proportionnel à l’ancienneté et au grade, les jeunes sous-officiers couchent dans des granges, dans le foin. Il paraît néanmoins que la nuit fût bonne pour tout le monde malgré la température assez basse et qu’au réveil le moral de tous était excellent. Quant aux avions, nous les avons laissés en bordure nord du terrain, en lisière d’un bois et sous la protection d’une garde. Tous les 50 mètres une alvéole est ébauchée et un camouflage provisoire fait de branchages protégeant tous les avions des indiscrétions possibles. Le P.C de l’escadrille s’est installé près du P.C du groupe, il est bien pauvre (celui du groupe, car –salle de renseignements, l’est aussi).
SEPTEMBRE 1939
3 SEPTEMBRE 1939
Hier matin les murs de Roville étaient placardés d’affiches annonçant la mobilisation générale, ce soir à 17 h. La France est déclarée en état de guerre avec l’Allemagne (l’Angleterre l’était depuis 11 heures). Ces tristes nouvelles ne nous ont pas empêché de continuer notre installation qui, inexistante le jour de notre arrivée commence à prendre tournure. Tout le monde a fourni un gros effort, en particulier le personnel mécanicien qui, sous la direction de son chef, le sergent-chef LANSON a réalisé des merveilles. Les avions sont enfin camouflés efficacement, les alvéoles ont été approfondis et les branches d’arbre coupées nous ont mis sur le dos le chef du service des eaux et forêts. Le bar de l’escadrille qui, au début, était installé en plein vent sous deux gros arbres, est maintenant recouvert d’une toile de tente et possède un ameublement qui, pour être de fortune n’en pas moins agréable, nous n’insistons pas sur la façon dont les planches qui ont servi à construire les tables ont été achetées. Quoiqu’il en soit son chiffre d’affaires a considérablement augmenté et maintenant à toute heure du jour on peut y prendre casse-croûte, œufs variés et bière. Le lieutenant GIRARD fait installer un réfectoire pour les hommes : quatre tables. Les sous-officiers mangent sur les tables du bar. La soupe, amenée de Roille par la roulante, fait le tour du terrain et est distribuée sans distinction de grades à tout le personnel du groupe. L’installation à Roville a aussi évolué, tout le personnel du groupe est maintenant logé dans un ancien couvent désaffecté. Le lieutenant DUPERET, officié de tir du groupe, a profité de cette semaine pour construire, avec l’aide des réservistes, une butte de tir au nord-est du terrain, près de la corne du bois de sapins occupés par les avions de la 3eme escadrille. Le 1er septembre, nous avons eu le plaisir d’apprendre que les sergents LE CALVEZ et WERNERT étaient reçus à l’école de Versailles.
EXTRAIT DU JOURNAL DE MARCHE DE LA 4EME ESCADRILLE
DU GROUPE DE CHASSE 2/4
7 SEPTEMBRE 1939
Première mission de guerre de l’escadrille (et du groupe aussi). La plupart des pilotes qui n’ont pas volé depuis quinze jours commençaient à avoir des démangeaisons dans les mains, aussi les trois patrouilles qui sont demandées sont-elles particulièrement appréciées.
Elles comprennent :
1° Le capitaine CLAUDE, adjudant PLUBEAU, aspirant LE CALVEZ ;
2° L’adjudant BAPTIZET sous-lieutenant GIRARD, sergent DE LA CHAPELLE.
3° l’adjudant TESSERAUD, sergent GABARD ;
Missions de protection décevantes pour tout le monde, puisque le ciel était vide et que le vol n’a été, en fait, qu’une reconnaissance des lignes. Nous ne signalerons qu’une chose : quelques tirs de D.C.A vers LANDAU ; Le POTEZ 63 de l’escadrille, piloté par le sous-lieutenant DUPERRET est parti également sur les lignes effectuer une reconnaissance que le Colonel COCHET commandant des Forces Aériennes de la 5ème Armée, à laquelle est rattaché le groupe, désirait faire personnellement. Sans protection, le colonel COCHET a survolé, l’altitude de 2000 mètres, les lignes ennemies de ZWEIBRUCKEN à Offenburg, avec des pointes avancées sur KARLSRUHE et RASTATT. La défense arrière du POTEZ était assurée par le radionavigant adjudant GERBET
8 SEPTEMBRE 1939
Journée de gloire du groupe, de déception à l’escadrille, La 3 -ème escadrille. Le sergent JEAN décollant avec le plein complet d’essence sur le terrain lourd, s’est mis en vrille à 100 mètres d’altitude, et s’est écrasé au sol où son avion a pris feu.
- SEPTEMBRE 1939
Au cours de deux missions de protection comprenant huit sorties, rien n’est à signaler. A ROVILLE se déroulent les obsèques du sergent JEAN, au milieu de l’émotion du groupe entier auquel s’est jointe la population de ROVILLE.
- SEPTEMBRE 1939
En début de journée à l’escadrille, le capitaine CLAUDE, au cours d’une cérémonie toute intime, lit la deuxième citation de GUYEMER, mort au champ d’honneur il y a 22 ans. Est-ce son souvenir qui, planant sur les pilotes de la 4, les a fait rencontrer pour la première fois les avions ennemis ? Dès l’arrivée de la patrouille de l’adjudant PLUBEAU – adjudant BAPTIZET – sergent DE LA CHAPELLE sur le secteur WISSEMBOURG-LAUTERBURG, vers 11 heures, PLUBEAU aperçoit aux loin trois chasseurs ennemis qui piquent dans leurs lignes et disparaissent sans espoir de poursuite. Mais, à 11h20 nos trois pilotes sont attaqués dans le soleil comme il se doit et ¾ arrière par 3 chasseurs ennemis (des Henkel 112).
Extrait du Journal de Marche de la 6ème Escadrille du G.C. 3/6
12 avril : Mauvais temps. R.A.S. Un nouveau pilote arrive à l’Escadrille, le sergent Gabard, venant du C.I.C. de Montpellier. Les trophées ramassés sur le Heinkel sont apportés au bar de l’escadrille ; ce sont une mitrailleuse et deux chargeurs, le serre-tête d’un des nazis, et une superbe croix noire encore intacte malgré le feu.
13 avril
Désormais nous allons apprécier le sommeil ; à partir d’aujourd’hui le personnel de l’escadrille en alerte devra se lever à 4 heures du matin (comme dans la chanson mais pas en musique malheureusement !). Donc les yeux pleins de sommeil, la patrouille Le Guennec – Gauthier décolle sur alerte, mais doit bientôt rendre la main en raison d’un plafond trop bas ; que ne fait-on un appareil à dissiper les nuages ! Le S/Lt Capdeviolle rode son nouveau moteur en fin de matinée. L’après-midi fut consacrée en partie à un bel arrosage en l’honneur de nos cinq vainqueurs. Le P.N. de la 5ème, les officiers du P.C. et du groupe 1/16 assistaient aux agapes ; après la « bataille », trente cadavres de bouteilles de champagne trouvées aux alentours de la sainte table, goulots décapités, montraient la réussite de cet arrosage. J’ai oublié de mentionner que notre sympathique toubib, le Lieutenant Meltz, était aussi de la fête, prodiguant des conseils pleins de sagesse et menaçant d’hypertension (quel mot splendide !) les réfractaires au régime sec.
14 avril
Jour de repos complet, il pleut ; le printemps doit avoir peur de la guerre car jusqu’à présent les jours de soleil se comptent facilement !
15 avril
Dans la matinée le S/Lt Capdeviolle fait un convoyage à Reims. Diaz, notre adjudant tout neuf, rentre de permission. Un petit arrosage intime fête ses galons et son retour ; il a eu l’excellente idée de nous apporter un phonographe ainsi que quelques disques. Notre « toubib » vient prendre la tension de Maigret, Gabard, Bouin nouvellement arrivés. Notre « inspecteur » a un peu de tension (sans doute à cause du Heinkel de l’autre jour !), aussi se mit-il en devoir de dévaliser le bar de quelques bouteilles d’eau de Vichy qui s’y trouvaient.
16 avril
Quelques vols ont lieu ; Diaz, Bouin et Gabard font un petit tour en l’air. Aucune alerte de la journée au grand désespoir de certains.
17 avril
De bonne heure, la patrouille S/Lt Villemin – Pimont décolle sur alerte et découvre l’indiscret qui n’était autre qu’un anglais. Puis Japiot et le S/Lt Menneglier décollent à leur tour, mais pour se heurter au mauvais temps et font demi-tour. Le phono de Diaz ne chôme pas, et tangos, swings, congas se succèdent au grand désespoir de Le Guennec qui va jouer à l’ermite dans son avion, maudissant à tout jamais la musique moderne ! Ah : ces bretons… ils n’ont rien à envier aux auvergnats !
18 avril
R.A.S. Un car va à Reims, emportant tout le personnel volontaire vers quelques réjouissances et distractions de ce beau bled.
19 avril
Une seule chose à signaler, l’infirmerie va parait-il nous envoyer un brancard ; c’est vraiment très gentil ! D’autant plus qu’il trouvera sans doute son utilité après les arrosages ou comme hamac les jours de chaleurs !
20 avril
Dès la première heure de nombreux nazis sillonnent le secteur à très haute altitude, laissant derrière la trace de leur passage. Malheureusement aucun de ces lascars ne fut rattrapé. A 12h30 l’escadrille prend l’alerte, et seule la patrouille Le Guennec – Gauthier va faire une promenade à 8000, sans histoire d’ailleurs.
Extrait du Journal de Marche de la 6ème Escadrille du G.C. 3/6
21 avril
Trois patrouilles volent dans la matinée. Diaz et le S/Lt Capdeviolle vont sur le secteur A et reviennent sains et saufs de cette sale région ! L’après-midi, Boymond et Pimont partent en promenade sentimentale à Laon.
22 avril
Malgré un temps splendide aucune alerte ne trouble la douce quiétude dans laquelle nous sommes plongés. Japiot – Gabard puis le Capitaine et Maigret font un vol d’entraînement dans l’après-midi.
23 avril (vive la St Georges !)
Dès la première heure le secteur A est couvert par les patrouilles adj Japiot – S/Lt Villemin – Cne Guerrier. Rien à signaler en raison du plafond qui ne favorise pas les recherches.
Le Lt Legrand – Bouin puis le Guennec – Gauthier décollent sur alerte, sans résultat à part certaines entrevues avec des Hurricanes ou Spitfire.
25 avril
Par ciel très couvert la patrouille Diaz – S/Lt Capdeviolle décolle sur alerte. Nos deux chasseurs trouvent un nazi qu’ils poursuivent de nuages en nuages, puis le perdent de vue ainsi que le cap de retour ! Comme de toute façon il faut retrouver le sol, les deux Morane choisissent un terrain inconnu pour se poser ; mais celui-ci un peu mou fait capoter l’ami Diaz, tandis que le S/Lt Capdeviolle se voit contraint de se poser sur le ventre pour ne pas imiter son équipier ! Tout se terminera bien au grand plaisir de tous !
27 avril
Montée en altitude du S/Lt Capdeviolle. Belle journée sans histoire.
28 avril
Des bruits officieux courent comme quoi le Groupe va changer de région. Pour la troisième fois depuis le début de la guerre le Groupe arrive à un tournant de sa vie ; où ira-t-on ?…
29 avril
Le départ se confirme et est immédiat. Chacun fait ses paquets, et nous déménageons à regret nos locaux d’escadrille avec l’espoir d’un contre ordre possible…
30 avril
Grand branlebas depuis 4h00, les différents échelons terrestres quittent Wez Thuisy à l’aube. Les avions patientent jusqu’à midi en raison de la crasse, puis c’est l’envolée patrouille par patrouille à destination du terrain de Chissey dans le Jura. A part quelques orages et des ennuis de train d’atterrissage chacun retrouve la terre ferme dans une vallée agréable et verdoyante ; cela change de la craie champenoise et influe agréablement sur le moral.
1 mai
Une alerte au début de l’après-midi envoie la patrouille Diaz – S/Lt Capdeviolle en l’air ; des difficultés de radio gênent nos spécialistes de l’atterrissage en campagne (!) qui doivent se poser.
2 mai
Alerte de bonne heure ce matin, Japiot et le S/Lt Menneglier décollent et réveillent la moitié du pays, les « sans-cœur » ! La Loue (rivière voisine de l’escadrille) va nous procurer une distraction saine et agréable ; le Capitaine, craie en main, nous dévoile toutes les astuces de la pêche à la truite.
3 mai
Tous les pilotes volent sur alerte ou à l’entraînement ; belle journée dans un cadre montagneux ; ce croirait-on en guerre ?
Extrait du Journal de Marche de la 6ème Escadrille du G.C. 3/6
4 mai
Le temps couvert permet aux pilotes de se rendre sur les bords de la Loue. Les touches sont multiples malheureusement les petits poissons nous affectionnent plus que les gros ; néanmoins au début de l’après-midi la patrouille Le Guennec – Gauthier capture trois truites ; qu’attend-on pour décerner des citations à l’ordre de la gaule ? L’ami Bouin part en permission de détente en fin de soirée.
5 mai
La citation du Lieutenant Legrand arrive à l’escadrille. Je passe la plume au « calligraphe » Maigret qui va reproduire cette première citation sur le journal.
Citation du Lieutenant Georges LEGRAND – Groupe de chasse GC III/6 du 29 avril 1940
« Pilote de chasse de grande valeur d’un allant magnifique. Le 7 avril 1940, chef d’une patrouille légère, n’a pas hésité à attaquer une formation de 15 multiplaces de chasse ennemis protégeant deux avions de reconnaissance et a probablement atteint un de ces chasseurs » Signé : Général de Brigade Ronqtet – Commandant le Groupement de Chasse n°23
6 mai
Japiot et de S/Lt Menneglier décollent sur alerte, mais gênés par le ciel nuageux ne voient pas l’indiscret nazi qui depuis quelques jours s’intéresse particulièrement à la vallée du Doubs ; ce doit être un pêcheur ou un amateur de beaux paysages !… Dans la matinée, le S/Lt Steunou, mollets au vent, retire de l’eau une belle perche qui « vilipendait » sa progéniture au grès des remous !
7 mai
Notre petit père Boymond rentre de permission, apportant avec lui un ciel bleu immaculé, ainsi qu’un certain nombre de belles histoires fumantes où il est plus ou moins question de femmes mariés des mobilisés !!!
8 mai
La plupart des patrouilles décollent à priori ou sur alerte. La journée est chaude. Diaz a l’excellente idée d’apporter au bar un stock de canettes qui est le bienvenu ! Le radioguidage est une fois de plus mis en pratique par le Lieutenant Legrand qui nous déclare qu’à cent degré près on est ramené en toute sécurité au terrain ! C’est beau le progrès… Une patrouille de la 5ème escadrille fait la connaissance d’un vilain Dornier qui laisse un souvenir dans les plans du S/Lt Salaün. Avis aux amateurs !
10 mai
Journée tout ce qu’il y a de plus mouvementée après une nuit farcie de coups de la D.C.A. Les premières patrouilles décollent à 4h40 et la première rencontre a lieu vers 5h30 entre le S/Lt Steunou et un Heinkel 111 ; combat plutôt tournoyant, que vient rompre l’arrivée de la patrouille Diaz – S/Lt Capdeviolle. Diaz reçoit trois explosives dans l’avion, et l’une d’elle manque son but de peu en passant entre les jambes du « Bicot » ; ayant un léger excédent de vitesse sur les nôtres, le Heinkel parvint à se dégager de leurs griffes. Presque au même moment la patrouille Japiot – Gabard (et S/C Le Guennec : oubli du rédacteur) tombe sur cinq (six ?) autres Heinkel qu’ils arrosent abondamment, mais doivent rentrer faute de munitions. Nous croyons néanmoins que l’un deux a été abattu peu après. Pendant ce temps la patrouille Boymond – S/Lt Steunou trouve un Do 17 au S.E. de Dijon ; la patrouille Cne Guerrier – Gauthier se joint à eux, et l’aventure se termina par une magnifique descente en flammes, genre feu d’artifice. Deux membres de l’équipage sautèrent en parachute et l’appareil disloqué s’abattit à 6km de notre terrain dans un bois ; le troisième membre tomba le parachute en torche et ne fut pas retrouvé.
11 mai
Décidemment nous sommes bel et bien en guerre et la vie devient intéressante. Hier soir la 5ème escadrille a perdu deux appareils, ceux de l’Adj Goujon et du Sgt Hardouin qui sautèrent en parachute.
Extrait du Journal de Marche de la 6ème Escadrille du G.C. 3/6
Dès 3h30 les patrouilles d’alerte sont à pied d’œuvre. La patrouille Lt Legrand – Le Guennec- Gabard trouve un Heinkel 111, deux patrouilles de la « 5 » à bout de munitions suivent cette belle proie, qui finalement descend progressivement jusqu’au sol et s’abat sous les yeux d’un troupeau de vaches ! Les quatre membres de l’équipage quittèrent leur appareil, seul le pilote était blessé à la tête.
12 mai
En fin d’après-midi nous apprenons qu’une fois encore notre voisine la « 5 » a joué de malchance quoique ayant abattu deux Heinkel ; trois de ses pilotes, le Lt Martin, le S/C Colonge et l’Adj Goujon (encore lui !) durent faire plus ou moins usage du Lemercier, Goujon put se poser en campagne le « 406 » criblé de balles. Journée relativement calme. La fatigue se fait légèrement sentir en raison de la chaleur et de l’activité aérienne. Quatre patrouilles légères tiennent néanmoins le secteur A mais rentrent bredouilles.
13 mai
Un nouveau pilote est arrivé à l’escadrille, le S/Lt Satgé venant du C.I.C. de Chartres, après un vol d’essai il est aussitôt incorporé dans une patrouille légère. Journée calme, plusieurs décollages sur alerte ont bien lieu sans résultat. En fin de soirée le S/Lt Capdeviolle fait un essai de résistance de son gouvernail de direction contre les grilles qui bordent le terrain ! Essai satisfaisant pour les grilles !!!…
14 mai
Début de matinée calme. Vers midi de nombreuses patrouilles décollent sur alerte. De retour au nid, tous les appareils ne rentrent pas, il manque celui su S/C Boymond (MS 406 n° 684). Le S/Lt Steunou et une patrouille de la 5ème ont abattu un Heinkel ; nous apprenons aussi que Boymond a certainement abattu un Heinkel. Malgré tout l’angoisse subsiste à son sujet.
15 mai
Un deuil frappe l’escadrille, le premier de la guerre ! Notre camarade Boymond, absent depuis la veille, est tombé au champ d’honneur après avoir mené jusqu’au bout un combat inégal (vraisemblablement mis en flammes par les mitrailleurs des Heinkel qu’il attaquait, il s’est écrasé à Prenois) . Nous perdons en lui un véritable ami et un pilote de grande classe. L’escadrille ne tardera pas à venger ce premier deuil.
16 mai
Cinq patrouilles décollent sur alerte dans la matinée ; une traînée blanche créait un peu de perturbation dans la patrouille Japiot. Vers midi Gauthier va à Dijon porter deux couronnes sur le corps de Boymond. En fin de soirée une prise d’armes (Général Odic, commandant la Z.O.A.S ; Zone des Opérations Aérienne Sud) a lieu sur le terrain, durant laquelle le Lt Martin reçoit la légion d’honneur, l’Adj Le Gloan la médaille militaire, le Lt Legrand, le S/Lt Villemin et de Sgt Maigret la croix de guerre.
17 mai
Journée relativement calme. Dans la matinée un intrus s’est fait entendre, invisible dans les nuages ; nous avons appris par la suite que la D.C.A. suisse l’a forcé à se poser. Quelques essais des canons de 25 de la défense du terrain font penser que nous sommes en guerre. J’ai oublié de mentionner le 14 mai la poursuite engagée par la patrouille S/Lt Villemin – S/Lt Satgé contre plusieurs Heinkel 111 (11h 45). L’un d’eux poursuivi jusqu’au Rhin qu’il passa de justesse (les deux moteurs touchés), laissa dans l’appareil du S/Lt Villemin un mauvais souvenir. Une explosive avait traversé le bord d’attaque du plan, puis l’un des éclats s’arrêta dans le parachute du pilote. C’est ce qu’on appelle avoir chaud aux fesses !
18 mai
Le temps couvert permet aux pilotes d’utiliser en grand les matelas pneumatiques. Dans la soirée, la patrouille Lt Legrand – S/Lt Steunou décolle sur alerte, sans résultat.
Extrait du Journal de Marche de la 6ème Escadrille du G.C. 3/6
19 mai
Quelques couvertures à priori et sur alerte restent sans résultat. En fin de journée un conseil va de tuyau d’oreille en tuyau d’oreille comme quoi nous devons nous préparer armes et bagages en vue d’un départ immédiat…
20 mai
Vers 11h00 du matin, l’ordre de se tenir prêt à décoller pour l’après-midi est donné à tous. Branle-bas sur toute la ligne. A 14h00 les premiers Morane décollent à destination du terrain de Coulommiers. Deux Bloch 220 d’Air France emportèrent « la mécanique » ainsi que le petit biquet, fétiche cornu de l’escadrille qui compte à présent 1h30 de vol et 10 minutes de rouleur en Morane !
21 mai
Un très gros travail nous attend à Coulommiers. D’une D.A.J. relativement calme, le Groupe va effectuer des missions de chasse d’armée plutôt laborieuses ! Dans l’après-midi neuf pilotes de l’escadrille (avec 9 pilotes de la 5ème ; deux patrouilles triples, soit 18 avions) décollent à destination de notre front nord, secteur Cambrai – Bapaume. Gros tirs de D.C.A. ennemie qui sèment un peu de perturbation dans les patrouilles non encore habituées aux « gros tirs ». Tout le monde rentre à la « 6 ». Diaz (le spécialiste de la question) ramène un éclat de D.C.A. dans une aile. La 5ème escadrille est sans nouvelle de deux de ses pilotes, le S/Lt Salaün et de Sgt De Gervillier engagés dans un combat entre des Me 109 avec le Commandant Castanier.
22 mai
Nouvelle tenue de secteur de 40 minutes dans la région de Cambrai (une patrouille triple avec 2 patrouilles triples de D.520 du GC 1/3) ; la D.C.A. devient plus mordante et plus dense. En fin de mission quelques « poissons bleus » (Messerschmitt 109 et 110) disloquent le dispositif. Bouin est pris à partie par deux « sans cœur » d’outre Rhin mais parvient à s’en tirer après de savantes évolutions plus ou moins sinusoïdales (il volait avec le S/Lt Kawnick (*) après avoir perdu tous les deux le contact avec le reste du dispositif). Il se pose à Mantes et revient une fois le plein fait.
(*) Kawnick dans tous les documents français, mais Kawnik dans les documents polonais
24 mai
Ventres creux à 13h00 six pilotes partent vers le nord faire encore une promenade sentimentale, dont le retour n’est pas toujours garanti. Au début de la tenue du secteur nos chasseurs tombent sur un peloton de 20 à 40 bombardiers nazis (2 pelotons de 20 bombardiers chacin) protégés par un imposant dispositif de chasse. La corrida commence, les patrouilles supérieures plein d’allant (!) dégringolent des cieux sous le nez des patrouilles basses qui doivent faire face pour éviter d’être « seringuées » par les « poissons bleus » qui tombent sur les 406 (Messerschmitt 1Bf 110C). Grosse mêlée d’avions à cocardes et croix noires. Pimont, buveur d’essence invétéré et spécialiste de l’atterrissage en campagne se pose à bout d’essence près de Beauvais, passe la nuit là-bas bercée par les coups de canons et ne peut repartir que le lendemain. Le Commandant Castanier ne rentre pas. La patrouille Diaz – Capdeviolle – Steunou fait deux départs sur alertes dans résultat.
25 mai
Quatre des nôtres, le Lt Legrand, Le Guennec, Diaz et le S/Lt Capdeviolle complètent une patrouille triple guidée par un vieux guerrier, le Capitaine Chainat. Grosse bagarre sur les lignes, nos 7 Morane doivent faire face à un peloton de 24 bombings protégés par 18 Me 110 !!! Les boches font les choses en grand… Tout le monde rentre, Diaz ramène une passoire à la place de son 674. Une explosive lui passa à 5cm de l’oreille droite ! Le Cne Chainat rentre criblé lui aussi. Grâce au Lt Legrand, l’ami Diaz doit d’être encore parmi nous. Pendant ce temps le S/Lt Villemin et Maigret décollaient sur alerte. Trouvant un Do 17 il l’abattirent de l’autre côté de l’Aisne. Le S/Lt Villemin ayant le réservoir d’éthane troué parvint à se poser en territoire français, l’appareil pris feu aussitôt, mais seuls les sourcils de notre chasseur eurent à souffrir de la chaleur. Nous sommes sans nouvelles du petit Maigret qui a du se poser chez l’ennemi.
Extrait du Journal de Marche de la 6ème Escadrille du G.C. 3/6
26 mai
Le Cne Guerrier, Gauthier, Pimont, le S/Lt Steunou et le Guennec sont convoqués dès le matin pour accomplir en compagnie de Goujon une mystérieuse mission. Arrivés au Bourget par plafond bas, ils eurent à accompagner jusqu’au large des côtes du Calvados un Dewoitine d’Air France emportant le ministre Paul Reynaud vers Londres. Voyage sans incident à part un ravitaillement à Mantes et quelques « trouillomètres » à zéro au-dessus de la mer ! Posés à midi, nous n’étions pas déshabillés de quelques minutes que l’alerte sonne, tout le personnel a le temps de se terrer sous une pluie de bombes (250 environs), lâchées par un gros peloton de bombardiers nazis arrivés en tapinois de la direction de Meaux. Peu de Morane sont abîmés, la piste est encore praticable. Seul un soldat de la 5ème escadrille, grièvement blessé, meurt à l’hôpital. L’armurerie de la 5ème, visitée par une bombe incendiaire, nous fait revivre certains 14 juillet pendant quelques heures. L’espoir de revoir le Commandant Castanier pâlit de plus en plus.
Copie des citations du Sous-Lieutenant Villemin, du sergent Pimont et du sergent Maigret par le Général Commandant en Chef Vuillemin, Commandant en Chef des forces aériennes -Ordre « C » n°17 du 28 avril 1940 (entre le 26 et le 27 mai du livre de route)
Le Sous-Lieutenant Villemin Alphonse, pilote au Groupe de Chasse III/6
« Chef de patrouille calme et résolu. Le 11 avril 1940 a très brillamment mené sa patrouille à l’attaque d’un He 111 et l’a abattu dans nos lignes »
Le Sergent Pimont Roger, pilote au Groupe de Chasse III/6
« Pilote adroit et audacieux. Le 11 avril 1940 a participé à un combat aérien qui s’est terminé par la chute d’un He111 dans nos lignes »
Le Sergent Maigret Charles, pilote au Groupe de Chasse III/6
« Jeune pilote qui vient de donner sa mesure en participant le 11 avril1940 à un combat aérien qui s’est terminé par la chute d’un He111 dans nos lignes »
Ces citations comportent l’attribution de la Croix de Guerre avec palme.
26 mai
Une patrouille double de couverture part sur la somme faire sa promenade journalière. L’attaque d’un appareil anglais par notre fougueux « Cricri » (Le Guennec) et d’un Henschel par la patrouille du Cne Guerrier met un peu d’animation. Quelques tirs de D.C.A. tâchent le ciel de temps en temps. Rien de nouveau à signaler.
27 mai Même mission qu’hier. La patrouille triple est conduite par le Lt Legrand. Sur le retour de nombreux orages obligent six pilotes à se poser sur le terrain de Bouillancy dans l’Oise, vieille connaissance du début de la guerre ; c’est à ce moment que nous apprenons la défection du Roi des Belges devant- l’envahisseur.
29 mai
Quatre pilotes partent couvrir la région Beauvais – Gournay mais doivent interrompre par suite du mauvais temps.
30 mai
Des Morane du G.C. 3/2 sont convoyés au 3/6 par une dizaine de collègues, parmi lesquels nous retrouvons de vieilles connaissances de Chartres. Nous sommes néanmoins très désappointés d’avoir encore des Morane à casser. Quand verrons-nous les D.520 ou Curtiss P-40 ???
31 mai
Comme un coup de foudre nous apprenons dans la matinée notre départ immédiat dans le midi. Le contentement se lit sur les visages, d’autant plus que cela présage une transformation prochaine sur avions modernes…
A 16h00 pilotes et mécanos prennent l’air à destination du Luc, dans le Var, via Lyon (pour essence). Le départ de Lyon un peu tardif, oblige certains à se poser à Aix, à Marignane, à Hyères !…
Extrait du Journal de Marche de la 6ème Escadrille du G.C. 3/6
1er juin
Les retardataires arrivent au Luc. En fin de journée le Groupe est au complet. Dans l’après-midi, la patrouille Japiot – Gauthier va couvrir Marseille qui vient d’avoir la visite de quelques « fils de Goering ». Ces pauvres Marseillais non encore habitués à la guerre, tirent pendant 20 minutes sur leurs anges gardiens, qui sont contraints de se poser à Marignane afin de se faire reconnaître !
2 juin
Un peu avant midi nous apprenons le départ pour Valence du Capitaine, du S/Lt Capdeviolle, de Japiot et de Gauthier. Ceux-ci, avec six pilotes de la « 5 » partent pour un temps indéterminé, défendre ma vallée du Rhône qui depuis hier attire les Heinkel.
3 juin
La « campagne de Valence » s’annonce calme. Aucun vol aujourd’hui. Au Luc, des réglages d’armes envoient quelques pilotes à Hyères et à Cannes.
4 juin
Des essais radio occupent nos « valentinois », et une petite couverture sur Valence envoie la patrouille Cne Guerrier – Japiot – Gauthier chercher un peu de fraîcheur dans l’atmosphère.
4 juin (au soir)
A valence, un message de C.R. annonce l’arrivée d’une vague d’avions douteux. La patrouille d’alerte prend l’air en même temps que se pose une vingtaine de Morane, qui n’étaient autres que les avions douteux signalés !
5juin
Le GC 3/1 nous ayant remplacé, le détachement du GC 3/6 rejoint le Luc dans la matinée.
6 juin
Journée chaude et sans histoire ; il est pénible de se sentir si près de la mer de et ne pouvoir s’y plonger !…
En fin de journée nous apprenons que 12 pilotes du groupement vont partir à Toulouse « pedibus voie ferrée » pour rapporter des… MS 406.
7 juin
Deux heures avant le départ pour Toulouse le contre ordre arrive (il fallait s’y attendre…). Cela laisse présager l’arrivée prochaine des D.520, d’autant plus que certains spécialistes partent faire un stage aux usines Dewoitine. A midi, le Général Houdemond accompagnée des frères Tharaud (célébrités de Paris-Soir) rendent visite à l’escadrille.
8 juin
Dans la matinée, la patrouille Le Guennec – Capdeviolle va faire un essai armes – radio vers Cannes. Japiot remet ça le soir en compagne du S/Lt Capdeviolle, qui avait eu le matin des ennuis avec son éthane-diol.
9 juin
Journée pénible. Phébus devient gênant ; la pêche à la ligne reprend de dessus grâce à l’embryon de rivière qui longe la bordure ouest du terrain.
10 juin
Il est écrit que tous les « 10 » du mois nous aurons des surprises… En fin de journée, l’homme au menton en galoche, sosie d’Hitler, annonce gentiment aux Français qu’il leur déclare la guerre à partir de minuit (déclaration romantique mais saumâtre néanmoins !)
11 juin
Journée calme quant à la guerre franco-italienne. Diaz rentre de Toulouse en compagnie d’un beau D.520, très belle « voiture » dont nous tirerons le maximum il faut espérer. La patrouille Legrand – Capdeviolle – Gabard décolle pour Toulouse après.
Extrait du Journal de Marche de la 6ème Escadrille du G.C. 3/6
Un faux départ ; le Capitaine les imite dans la soirée. Un sergent polonais est affecté momentanément à l’escadrille, le sergent Cwynar (à prononcer « tzvinar » !)
12 juin
Décidemment la « 6 » rétrécit de plus en plus… Cwynar et le S/Lt Satgé partent à Toulouse par la voie ferrée, Japiot et Pimont par la voie des airs. Belle perspective d’alerte continuelle et d’heures de « combine » pour les rescapés de cette émigration vers la capitale du Cassoulet ! Restent donc le S/Lt Steunou (squadron leader pour l’instant), le S/Lt Menneglier (préposé à la butte de tir), Le Guennec et Gauthier. Diaz est planqué, ce sacré « bicot » s’entraîne sur son D.520 et est dispensé du réveil matinal………
La patrouille Le Guennec – Steunou – Gauthier décolle sur alerte, belle promenade au bord de la mer, rien à signaler.
13 juin
La même patrouille couvre à priori la région niçoise dans la matinée mais ne trouve pas « l’Italien de service ». Vers midi nous apprenons qu’une patrouille de la « 5 » a descendu deux Fiat Br.20 qui n’opposèrent aucune résistance devant les D.520.
20 juillet 1940
« Les événements qui se sont précipités depuis le 13 juin ont empêché l’auteur de ces lignes de tenir à jour ce journal (livre) de marche ; Voici néanmoins les grandes lignes de cette période, qui restera dans les anales de l’aviation française…
Les 14 et 15 juin
Le Groupe se rend du Luc à Toulouse recevoir des Dewoitine 520. Pendant ce temps les quelques pilotes munis de ces nouveaux appareils ne chôment pas et un exploit peu banal est accompli par Le Gloan (5ème escadrille), qui dans le même vol et en une demi-heure fait mordre la poussière à 5 italiens.
Le 18 juin
Arrive au groupe l’ordre de se rendre immédiatement avec arme et bagages sur le terrain de Perpignan la Salanque. Remplis d’espoir de continuer la guerre en Afrique du Nord, nous arrivons le 18 juin au soir sur le terrain de la Salanque. Tous les groupes de chasse et de reconnaissance, rescapés de la guerre, attendent l’ordre de sauter la « mare aux harengs » pour se rendre en Algérie. Le tour du GC 3/6 arrive le 20 juin au matin. Quelques « trouillomètres » sont plus ou moins à zéro, cela n’empêche pas les 36 pilotes du Groupe d’arriver sur la terre africaine, après une belle leçon de navigation donnée par le Capitaine Assollant. A Alger, où nous restons quatre jours, sont affectés au Groupe les Capitaines Sautier et Boulard, et le Sgt Brondel.
Le 24 juin
Nous quittons Alger à destination de Marsott, bled perdu dans les sables et la rocaille, situé entre Tébessa et Souk-Ahras. Un providentiel vent de sable oblige la moitié du Groupe, conduite par le Capitaine Sthehlin, à se poser sur le terrain de Constantine. Tout se serait bien passé si les appareils du Cne Boulard et du Sgt Gauthier n’avaient pas été pris d’une grande affinité l’un pour l’autre ! Du 24 juin au 11 juillet se déroule une période de délassement physique et moral, et nombreux sont ceux qui se souviendront de Sidi M’Sid !!!
Le 8 juillet
A lieu à Sétif une remise de nombreuse décoration par le Général Vuillemin. A l’escadrille le Lt Legrand est fait Chevalier de la Légion d’Honneur, Japiot reçoit la médaille militaire, le Cne Chainat est fait Commandeur, Le Gloan (S/Lt depuis peu) est fait Chevalier.
Le 11 juillet, à la suite du bombardement de Mers-el-Kébir par nos ex-amis Anglais, le groupe retourne sur le terrain d’Alger Maison Blanche, où nous attendent des combats assez particuliers avec les « basiers » de l’endroit, dont l’esprit étroit s’acclimate assez difficilement à nos caractères. L’armistice fut signé les 23 et 24 juin à l’avantage de nos ennemis, dont les longues dents s’useront espérons le contre l’Angleterre qui continue la lutte plus que jamais.»
30 juillet
La vie du Groupe marche au grand ralenti. Des convoyages de Dewoitine 520 (sur Constantine), Caproni et Potez 25 TOE (Sur Oran) ont rompu heureusement la monotonie de cette fin de mois. Par contre, les services nombreux et plus ou moins superflus de la base de Maison Blanche nous occupent suffisamment pour nous faire regretter le bon temps où nous retrouvions les amis avec quelques trous dans les plans du « taxi »…… Le 22 juillet, le camarade De Haut, peu « verni » ce jour-là, fit une attaque plein avant au décollage sur l’avion du « Sachem », ce qui l’envoya à l’hôpital pour une quinzaine de jours.
31 juillet Une commission italienne, techniciens habillés de blanc à l’allure martiale, est venue vers 10h00 tâter le pouls de nos « 520 », guidée par le Colonel commandant la base !… Nous avons appris par la suite que « le Dewoitine était un avion très bien au point de vue aérodynamique, mais qu’il se sustentait difficilement en l’air à cause de ses petits plans !!!… » Sur ce, nos frères latins repartirent, certainement charmés de leur visite.
1 août
La bien aimée solde nous est payé par le non moins bien aimé Lieutenant trésorier… Tous les pilotes restent en alerte, l’escadre anglaise se promenant dangereusement dans les parages.
21 août
La démobilisation bat son plein à tous les « étages » de la hiérarchie. Le Capitaine Chainat, le Cne Assollant ont déjà quitté le Groupe, ainsi que le toubib, le S/Lt Brandon et le Lt trésorier que nous ne verrons plus dans les sympathiques réunions de fin de mois !
La chaleur et l’inaction fatiguent tout le monde, heureusement que l’ami « Gras » est là pour faire oublier tous ces maux ! Quelques convoyages d’avions de Constantine à Alger ont rompu hier la monotonie de notre vie actuelle, et l’entraînement reprend au détriment des avions, qui sont devenu très fragiles sous le climat africain…… pas vrai le Guennec ?
Interruption lu livre de marche jusqu’au 9 septembre 1940
9 septembre
Et bien oui !… Allah a voulu que le Groupe résiste à la désagrégation générale de l’armée et le voilà plus complet que jamais en compagnie du GC 2/3 sur le terrain de Maison Blanche. Le personnel des groupes dissous est réparti dans les groupes qui subsistent encore, et nous retrouvons ainsi avec plaisir d’anciens camarades de Chartres. Deux nouveaux pilotes sont affectés à la « 6 », les sergents Gesquière et Michaud. Les vols d’entretien continuent au ralenti ; s’ils entretiennent les pilotes ils ne font pas de même avec les avions qui ont de plus en plus un grand Amour pour le plat ventre… A quand la quintonine pour les trains Messier ?
Lundi 14 octobre
Depuis près d’un mois toutes les têtes du groupe attendent le coup de hache fatal de la commission d’armistice qui en trois mois, doit faire d’un aviateur invaincu, un civil plein d’amertume.
Un triste hasard et les circonstances font que nous allons perdre le Commandant Stehlin, rappelé à Vichy vers des fonctions plus importantes.
A 11 h00 eut lieu l’arrosage de son départ, arrosage triste malgré l’ambiance et le soleil car le Commandant laisse un souvenir ineffaçable dans le cœur de chacun d’entre nous.
16 octobre
Une patrouille est désignée par le Lt Legrand pour aller accompagner en mer l’hydravion emportant vers Marignane le Cdt Stehlin ; malheureusement l’hydravion décolla à 9h00 du matin, et la patrouille à 9h30 !
La première liste noire arrive (dessin d’une hache) et va nous faire perdre un officier estimé de tous, le Lieutenant Legrand, qui atteint par la limite d’âge va bientôt partir en zone occupée, à Chartres, d’où nous étions partis plein de courage et surtout d’espoir…. ; triste retour au chose d’ici-bas !
22 octobre
Un autre pilote de l’escadrille nous quitte, affecté en Indochine ; c’est le « bicot », l’ami Diaz, sorti numéro 1 à la loterie des futurs coloniaux.
23 octobre
Le Lt Legrand s’est embarqué ce matin, plusieurs pilotes du Groupe allèrent à l’embarcadère l’accompagner.
Les vols continuent régulièrement à raison de 2 heures par avion et par semaine et même le « cheval de bois » périodique est respecté par le Lt Steunou qui le 18 de ce mois, essaya le demi-tour de pied ferme avec son « 25 ». Japiot fit mieux ce matin en nous montrant que le plat ventre train rentré se passait très bien sur Dewoitine 520 !
28 octobre
Deux événements marquent le début de cette journée et de la fin du mois ; le retour du « grand Sachem » et le départ du groupe demain pour Casa. A signaler le « caméléonage »après un mois de la chevelure du « grand Sachem » qui peut faire concurrence maintenant aux blondes oxygénées d’Hollywood !
29 octobre 1940
Depuis huit heures du matin, tout le Groupe attend en tenue de vol que les nuages acceptent de s’élever plus haut pour permettre décollage vers Casa. Entre 11 heures et midi le Groupe décolle par patrouille de trois via Oran Atterrissage normal à Oran.
30 octobre 1940
Arrivée du groupe à Casa. Gauthier qui, ayant demandé une permission de détente n’effectue pas le déplacement part en France […]