1987 devait être une année exceptionnelle, pour l’EC 2/11 Vosges. En effet, ce n’est pas un, mais trois anniversaires qui devaient être célébrés, cette année là : le soixante-dixième des escadrilles SPA 91et SPA 97, le trentième de la création de l’escadron et le dixième de l’arrivée du Jaguar, dans cette unité.
Le commandant d’escadron décide qu’une telle conjonction, si rare, ne peut être ignorée et qu’un tel événement ne peut pas, ne pas être dignement fêté. Il prend contact avec la maison mère, la FATac, notamment pour obtenir son accord et surtout, son appui financier. La réponse arrive vite, une vraie réponse de chef : « OK, mais dem…. vous, veux pas savoir ! »
Force est de se prendre en main, à commencer par s’assurer du nerf de la guerre. Moult courriers partent illico, à destination de tous les sponsors possibles, avionneurs et autres équipementiers. La manne qui ne peut que tomber en abondance, de leurs mains généreuses sera destinée entre autres, à l’édition d’une plaquette souvenir.
Ne reculant devant aucun sacrifice, le chef décide aussi, de jumeler l’escadron. Après un contact infructueux avec le conseil général des Vosges, il se tourne vers la ville d’Epinal, qui reçoit la proposition avec le plus grand enthousiasme. En effet, le maire, à l’époque, n’est autre que Philippe Séguin, qui voue une amitié particulière, aux forces armées. La ville est déjà, marraine d’un régiment de l’Armée de terre (le 170ème Régiment d’Infanterie, qui deviendra le 1er Régiment de Tirailleurs) et du sous marin nucléaire d’attaque « Rubis ». C’est dire s’il voit ce rapprochement avec une unité de l’Armée de l’air, avec sympathie. Et ce marrainage est aussi très prestigieux pour l’escadron, puisque Philippe Séguin n’est pas un maire tout à fait comme les autres : c’est un homme politique éminent, ministre des Affaires sociales, dans le gouvernement d’un certain Jacques Chirac. La charte de jumelage est promptement préparée et sera signée peu après.
Enfin, une fête aéronautique ne serait pas concevable sans quelques avions. Pour cela, pas de problème. La voie officielle nous étant fermée, on écrit à nos compagnons d’armes, à tous les copains rencontrés dans les cieux otaniens. Le commandant du Strike Command, himself (notre commandant avait passé deux années en échange, sur la base de Coltishall), nous répond qu’il enverra deux Tornados de la RAF. Les amis de Norwenich viendront eux, avec deux Tornados de la Luftwaffe. Et n’oubliant pas la mission de guerre électronique du 2/11, un F4 Phantom « Wild Weasel » et un EF 111 de l’USAFE sont aussi annoncés. Il y aura même, un F 100 d’un escadron privé de remorquage de cibles, basé en Sardaigne, qui accepte de faire un petit détour par Toul, avant de partir en révision au Royaume-Uni, ainsi que la patrouille « Martini », qui propose une démonstration sur PC7, moyennant l’installation d’une buvette de la marque. Et j’en oublie, certainement. Bref ! un plateau à faire rêver un « spotter » de l’époque.
Cependant, la cagnotte commence à s’épuiser. Certes, nos sponsors répondent avec sympathie et générosité, mais c’est moins d’espèces sonnantes et trébuchantes que de bimbeloterie qu’ils nous inondent (même si les pelles à neige sont loin d’être inutiles en Lorraine). Qu’à cela ne tienne, le chef a une idée lumineuse. « Tu as été dans un pays africain ami, il y a deux ans, au moment de la tentative de coup d’état, non ? » me dit-il. « On va écrire au Président, pour lui rappeler les liens étroits qui unissent maintenant, son pays avec l’escadron et patati et patata ». Je suis un peu réservé sur la méthode mais, aussitôt dit aussitôt fait, une lettre part, via notre ambassade. La réponse ne se fait pas attendre, puisqu’un chèque nous est adressé en retour. Le problème, c’est que la présidence de la République de ce pays ne connaissant pas vraiment l’EC 2/11, adresse son obole, à son homologue parisienne… Et que le chèque, libellé en francs CFA, même s’il ne représente pas une somme astronomique au cours du change, comporte tout de même, une rafale conséquente de zéros, qui pourrait impressionner une personne malveillante.
La voie hiérarchique s’émeut et se met en branle, de l’EM particulier jusqu’à la FATac « Qu’est-ce que c’est que ce mer.. ? ». Coup de téléphone matinal à l’escadron : « Poignard, gants blancs, venez m’expliquer ça, immédiatement, à Metz ». Au résultat, tout doit être annulé, illico presto. Adieu veaux, vaches, cochons, couvées, le rêve s’écroule. Seul le jumelage est maintenu, eu égard à la personnalité du maire d’Epinal. Quant au chèque, afin d’éviter un retour à l’envoyeur, embarrassant pour celui-ci, il sera finalement, reversé à de bonnes œuvres.
Le soixante-dixième anniversaire n’a jamais été célébré, mais il reste tout de même, un événement mémorable. Et cette plaquette, seul vestige, a fini par être éditée.
CDT FERRANDO