BA 136 : les années Ricour (1993-95)

Le 9 juillet 1993, sous la présidence du général Aubert, commandant la région aérienne Nord-Est, le colonel Charles Ricour prend le commandement de la base aérienne 136 de Toul-Rosières. Il est le quinzième commandant de la base.

Le colonel Ricour
Le colonel Ricour

Le tour de France des jeunes pilotes fait étape à Rosières. Le colonel Ricour, commandant la base aérienne 136, récompense le vainqueur de la première étape (Roanne-Nancy) et félicite et encourage les concurrents. L’année 1993 se termine sans autre événement notoire.

Le colonel Ricour félicite les vainqueurs
Le colonel Ricour félicite les vainqueurs

Dans la nuit du 27 au 28 janvier 1994, le dieu Eole se fâche et la tempête fait rage sur la base aérienne 136. Le toit de l’ERT ne résiste pas et s’envole. Au petit matin le spectacle de la désolation peut se voir le long des quais. Le bâtiment du GERMaS 15.011 est également touché.

Le toit du GERMAS en partie arraché
Le toit du GERMAS en partie arraché

Le 3 février 1994, est lancée la grande opération de nettoyage de la base. Chef en tête, les officiers ; les sous-officiers ; les militaires du rang et les personnels civils sont invités à ramasser, dans la joie et la bonne humeur, tous les détritus et tous les déchets. Il leur est recommandé de les sélectionner pour faciliter le stockage. Comme quoi on peut être militaire, aimer la nature et la préserver !

Grand nettoyage : les chefs donnent l'exemple
Grand nettoyage : les chefs donnent l’exemple

Dans le journal Reflets 139, le père Derule lance un cri d’alarme. En quelques semaines la base vient de vivre plusieurs drames de la route. Il invite le personnel à réfléchir sur le bien-fondé de la vitesse au volant. Ce cri d’alarme est poignant mais saura- t-il convaincre la jeunesse ?

Le vendredi 8 avril 1994, le colonel Ricour, commandant la base aérienne, inaugure le nouveau poste de police à l’entrée de la base. Construction datant de la période américaine, le poste de police demandait une rénovation totale. C’est un système de sécurité performant qui a été mis en place puisque ce point d’entrée constitue le premier point de sécurité de la base.

Inauguration du nouveau poste de police
Inauguration du nouveau poste de police

Depuis quelque temps, une rumeur circule sur la fermeture de la base. La presse locale s’en fait l’écho. Le 22 mai 1993, le ministre François Léotard s’engage sur l’avenir de Toul-Rosières : ” Des investissements très importants ont été consentis sur cette base depuis l’arrivée des Jaguar en 1975. Il n’est pas envisagé de l’abandonner dans les prochaines années, pas plus d’ailleurs que celle de Nancy-Ochey qui vient de recevoir ses premiers Mirage 2000D“… Les élus locaux prennent position et interpellent le ministre de la défense. Le député de la circonscription de Toul, Monsieur Aloys Geoffroy donne son avis dans la presse locale. Monsieur François Florin, président de l’association des maires du toulois adresse un courrier au ministre. Monsieur Jacques Gossot, maire de Toul, décrit sa colère dans les colonnes de l’Est Républicain. Le moral des troupes accuse le coup, on ne parle que de cela sur la BA 136…. Une éventuelle fermeture de la base n’est pas sans rappeler la fermeture de la base américaine qui a laissé de très mauvais souvenirs au point de vue économique. La ville de Pont-à-Mousson exprime ses inquiétudes par voie de presse.

Dissolution du 1/11, première étape vers la fermeture de la base
Dissolution du 1/11, première étape vers la fermeture de la base

Le 24 juin 1994, le moral des troupes est en baisse. Une cérémonie militaire se déroule sur la base, la 11e escadre de chasse est dissoute ainsi que l’escadron de chasse 1/11…. Si la dissolution du niveau escadre est nationale, la dissolution de l’EC 1/11 marque le début des restructurations de Toul-Rosières. Placée sous la présidence du général Norlain, commandant la FATac, la prise d’armes qui se déroule sur le parking de la SALE, tourne une grande page d’histoire…On ne compte plus le nombre de gorges nouées et la soirée, organisée pour l’occasion en compagnie des troupes « Believe in Swing, Bario Brothers et Gérard Sandy », est une mince consolation pour tous les anciens de l’escadre et de l’escadron 1/11 qui vivent très mal cette décision. La 11e escadre est donc dissoute mais il reste toute la partie technique anciennement gérée par les services techniques de l’escadre. Le personnel est reversé à l’escadron de soutien technique spécialisé 10.011 (ESTS 10.011). Le commandant de l’ESTS s’installe donc dans le bureau de l’ancien commandant d’escadre, bénéficiant, de ce fait, de la meilleure vue sur la piste L’ESTS a un rôle de coordination entre les escadrons pour ce qui concerne le matériel. Les unités qui lui sont rattachées sont : la section de soutien logistique (SSL) qui perdure pour assurer le suivi du matériel déployé en OPEX ; le GERMaS 15.011 qui se restructure également en GMMTS (groupe de maintenance des matériels techniques spécialisés). Comme dirait Coluche, “c’est nouveau, ça vient de sortir !” Le personnel reste dans les murs, seule l’appellation est nouvelle…autrement dit : on ne change pas une équipe qui gagne ! Mais pour combien de temps encore ? La base continue cependant de vivre. La première restructuration ne sera pas la dernière, tout le monde en est conscient. Les promesses qui sont faites ne rassurent personne, on sait bien qu’elles n’engagent que ceux qui les reçoivent…

C’est dans ce climat de morosité que se produit l’accident aérien du colonel Ricour commandant la BA 136. Le 14 décembre 1994, Véto 101 ne répond plus à 8h53 Z. Le Jaguar biplace, à bord duquel le colonel Ricour a pris place, vient de se crasher sur l’axe principal du village de Diane-Capelle, non loin de Sarrebourg, en Moselle. L’équipage, le colonel Ricour et le lieutenant-colonel Bawejski, commandant de l’EC 3/11, a réussi à s’éjecter. L’avion creuse un cratère de cinq mètres de diamètre et de dix mètres de profondeur à quelques mètres des habitations. Le colonel Ricour, blessé, est transporté par le SAMU à l’hôpital de Sarrebourg, le lieutenant-colonel Bawejski est faiblement commotionné. L’avion est totalement détruit et a causé des dommages aux constructions et aux réseaux EDF, téléphoniques et d’eau. Aucune victime civile n’est à déplorer. Au point d’impact, un cratère de près de dix mètres de profondeur et de cinq mètres de diamètre s’est formé. Le sol, composé de terre glaise, a absorbé les 10 tonnes de l’appareil. L’avion s’est disloqué en touchant le sol et des morceaux se sont éparpillés dans un rayon de 10 à 15 mètres. L’axe principal de Diane-Capelle est complètement coupé à la circulation. Le colonel Ricour, selon les médecins, sera absent longtemps. Se pose donc la question de sa succession au poste de commandant de la BA 136. Le général Douin, chef d’état-major de l’Armée de l’Air, décide de ne pas retirer le commandement de la BA 136 au colonel Ricour, et le général Aubert, commandant la RANE décide de donner l’intérim au lieutenant-colonel Mével. C’est donc le commandant en second qui assurera l’intérim pendant les trois mois d’hospitalisation du commandant de la BA 136.

Photo du crash
Photo du crash
Le Jaguar a fini au milieu du village
Le Jaguar a fini au milieu du village

Le 11 octobre 1994, le lieutenant-colonel Mével, commandant par intérim la BA 136, coupe le traditionnel ruban tricolore pour l’inauguration de la médiathèque de la BA 136. L’ancien centre de lecture a fait peau neuve et c’est près de 6.000 ouvrages et 500 disques compacts que le personnel de la base peut emprunter à son gré.

Le lcl Mevel pendant l’intérim
Le lcl Mevel pendant l’intérim

Pour le téléthon 1994 la base aérienne 136 lance le défi de remonter un F-84F en deux journées. L’appareil démonté est transféré du musée de Nancy, propriétaire de l’appareil, vers la ville de Toul. Le samedi 2 et le dimanche 3 décembre 1994, les Touloises et les Toulois assistent au remontage de l’appareil aux couleurs de la 11e escadre de chasse. Le défi a été réalisé grâce à une équipe de joyeux mécaniciens tous volontaires. Donner un peu de son temps pour les autres, c’est donner un peu d’espoir…

Les mécanos du F84F du Téléthon
Les mécanos du F-84F du Téléthon

Après trois mois d’hospitalisation, le colonel Ricour reprend son commandement. Il remercie le personnel de la base pour avoir œuvré avec le lieutenant-colonel Mével, pour que son absence ne puisse pas être prise comme une excuse à une diminution du rendement opérationnel ou à un défaut dans l’exécution de la mission de la base.

Le 8 février 1995, le général Douin, chef d’état-major de l’Armée de l’Air, accompagné du colonel Robert, chargé du dossier de Toul-Rosières, viennent en visite sur le site. Cette visite éclair n’annonce rien de bien pour les partisans de la conservation de Toul-Rosières en tant que base aérienne, même si le chef d’état-major laisse échapper, à la fin de sa visite, “celui qui a déposé le dossier de fermeture de Toul sur mon bureau n’est jamais venu sur le site…“Le 22 février 1995, les journalistes sont toujours à l’affût de nouvelles sur la fermeture éventuelle de la base. Un article paraît dans l’Est Républicain qui annonce d’une manière tout à fait officielle que le Jaguar sera retiré du service escadron par escadron. La BA 136 accueillera des unités technico- logistiques…les unités comme l’EETIS Jaguar et le GERMaS contremesures resteront sur le site…le 15e RGA sera peut-être ramené sur le site…Les restructurations annoncées se concrétiseront. Les travaux de rénovation programmés seront néanmoins poursuivis. On peut se demander pourquoi les travaux ont été poursuivis. La raison en est toute simple. Les travaux de rénovation faisant appel à des entreprises civiles sont passés par marchés publics. Ces marchés sont découpés en tranches qui sont notifiées au fur et à mesure dans le temps. Une clause est insérée dans ces marchés, elle stipule qu’en cas de dédit de la part de l’administration centrale, une indemnité doit être versée pour combler le manque à gagner de l’entreprise. En fin de marché, lorsqu’il ne reste que quelques travaux à effectuer, l’indemnité est supérieure à la valeur des travaux qui restent. Le calcul est vite réalisé, il vaut mieux laisser le marché se terminer…En mars 1995, c’est l’inauguration du LC9, le bâtiment cadres qui a été remis à neuf. Le 27 avril 1995, le nouveau TACAN est inauguré. Le lendemain un radar ALADIN est mis en place, en remplacement du CENTAURE, qui part pour quelques mois de maintenance.

Le général Douin accompagné du colonel Robert
Le général Douin accompagné du colonel Robert

Un regain d’activité aéronautique sera toutefois enregistré sur le site grâce au détachement d’escadrons extérieurs, qui profiteront du terrain de Toul-Rosières pendant la fermeture de leur base. L’escadron 2/2, Côte d’or de la base de Dijon occupe la zone Roussillon. Vingt à vingt-cinq Mirage 2000 sont présents dans l’ancien escadron 1/11 pendant les mois de mai et de juin 1995, en attendant que la piste de Dijon soit de nouveau opérationnelle. Cet escadron sera suivi par une partie des escadrons de la BA 133 de Nancy. Le CLA se verra attribuer une lettre de félicitations pour les excellents résultats confirmés et très appréciés par les équipages.

Le 30 mai 1995, le père Derule fait ses adieux à la base pour une retraite bien méritée. Après 13 années à s’occuper des brebis égarées de la base et des paroissiens de Malleloy, il part pour le soleil de la côte d’azur. C’est un cadeau original qui lui est remis, un moteur tout neuf pour sa R4L, cette voiture qui a sillonné tous les chemins de la base de jour comme de nuit lors des exercices.

Le père Derule devant sa 4L quasiment neuve !
Le père Derule devant sa 4L quasiment neuve !

Le 31 mai 1995, la base accueille neuf MIG 29 Fulcrum de la Bundesluftwaffe à l’occasion d’un retour d’une campagne d’entraînement. Le parc de la SALE connaît un regain d’animation ce jour-là. Ces avions (24 au total) sont l’héritage de l’ex RDA et ont repris du service dans la Bundesluftwaffe.

Inconcevable il y a quelques années, des Mig 29 à Toul !
Inconcevable il y a quelques années, des Mig 29 à Toul !

La base se vide inexorablement, le F-84F, qui avait servi au téléthon est démonté et mis sur camions. Il va rejoindre le musée de l’air et de l’espace…

Départ du F-84F
Départ du F-84F

Les restructurations se poursuivent inexorablement. L’escadron de défense sol air 08.950 Woëvre est dissous le premier septembre 1995. Le fanion de l’unité est rendu et rejoindra le service historique de l’armée de l’air (SHAA). La section de défense sol air est créée. L’EDSA est mort ! Vive la SDSA !

Cette restructuration s’accompagne d’une diminution des effectifs cadres, qui passent de 25 à 15. Les militaires du rang, quant à eux, passent de 17 à 31, c’est le résultat de la mise en œuvre de la section bitube et du futur missile SATCP (sol air très courte portée- voir photo ci-dessus).

On enregistre la perte des deux sections CROTALE sur la base.

5 réponses sur “BA 136 : les années Ricour (1993-95)”

  1. Merci beaucoup pour ces articles, celui de “l’époque Ricour” en particulier, puisque j’étais alors à Toul. Que de souvenirs …
    Deux ou trois détails.
    Je n’ai pas souvenir que le commandant du nouvel ESTS 10.011 ait jamais occupé le bureau du commandant de la 11 ; il occupait en revanche celui de l’ex-CST de la 11 ; je m’en souviens d’autant mieux que j’étais ce 1er commandant d’ESTS (et je ne sais plus s’il y en a eu d’autres ensuite).
    Je me souviens très bien de la remarque du Gal Douin concernant le dossier de la fermeture de la base (que son auteur n’avait même jamais visitée) : j’étais au repas où cela s’est passé … ambiance en entendant cela de la bouche même du CEMAA !
    Autre souvenir : la 1ère année ou la 2è année du commandement du colonel Ricour, il y a eu en juin un bal de la base dans la zone du 1/11. Nous avions pour cela retapé de fond en comble un F100 prêté par le musée de Nancy Essey pour l’exposer juste le temps de cette soirée. Un boulot de dingue qui m’a valu quelques gros ennuis avec la DT FATAC mais que le col Ricour a “couvert” sans état d’âme. Et plus d’un sur la BA 136 était ravi de découvrir ce chef d’oeuvre de restauration que nos mécanos avaient réalisé (de mémoire, cela nous a coûté quelques 2000 heures de travail alors qu’au début j’avais annoncé seulement quelques centaines d’heures, à faire en off ! (Grosse arnaque !!!).
    Encore merci pour ces récits bien sympathiques à revivre.
    Amicalement.
    Eric Law de Lauriston

  2. Bonjour,
    Je pense que le crash du COL RICOUR a eu lieu en septembre pas en décembre

  3. Bonjour,

    Je me permets juste de revenir sur votre phrase en début d’article :
    “L’année 1993 se termine sans autre événement notoire”…
    Je vous rappelle simplement qu’il y a quand même eu un événement ( certes tragique..) “notoire” à cette époque !
    Le décès tragique du Capitaine Christophe Tschaen (Tchou) du 1/11(Tragédie) en service commandé au Tchad en août 1993…

    Merci.
    Cordialement,

  4. bonjour,
    pour confirmer ce qu’a écrit monsieur Schweitzer, le crash du colonel Ricour a eu lieu le 14 septembre

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