A la mémoire du capitaine BOUDIGUES et de l’aspirant DELATTRE

Crash Olan

       Il y a 40 ans, le 17 Octobre 1985, le capitaine BOUDIGUES et l’aspirant DELATTRE trouvaient la mort au cours d’une mission d’entrainement à haute puis basse altitude.

Les circonstances

    La patrouille, des VELUM ALPHA, dans la phase de vol basse altitude, pénètre dans une vallée alpestre (vallée de la Bonne) sous une couche nuageuse masquant les sommets et percute la paroi rocheuse fermant celle-ci sous un fort cabré et près du sommet. Les impacts sont espacés de 300 m, les 2 appareils sont détruits et les 2 pilotes tués.

    La vallée de la BONNE est très encaissée et sa largeur ne permet pas un demi-tour d’avions d’armes. Elle se termine au pic de I’OLAN (3 566m) par une paroi pratiquement verticale s’abaissant vers le Sud-Ouest à 2 680 m au col de TURBAT.

Vue générale
Vue générale
La fin de la vallée
La fin de la vallée

       Cet accident faisait suite  à ceux que l’Escadron 1/11 connaissaient depuis un an, et auxquels  j’avais consacré un article.  https://www.pilote-chasse-11ec.com/periode-agitee-au-1-11/

Période difficile
Période difficile

J’ai reçu ce mail il y a quelques semaines.

Bonjour,
Je fais des recherches sur le crash  aérien du 17 octobre 1985. J’aurais souhaité contacter les familles des 2 pilotes : Le Capitaine Bernard BOUDIGUE (ou Boudigues selon les documents) et l’aspirant Stéphane DELLATRE.  tous les deux venaient de la base aérienne 136 de Toul-Rosières
Sur les lieux, il n’y a pas de stèle, beaucoup de personnes qui traversent le col Turbat sont étonnés pas ces débris d’avions.
Ce crash a eu lieu il a 40 ans cette année. J’ai déposé une petite plaque sur le chemin qui monte au col mais j’aurai souhaité déposer une vraie plaque pour rendre hommage à ces 2 aviateurs.
Merci.
Bien cordialement.
G. Peillon

Lui ayant donné les coordonnées de l’Amicale, il serait évidemment souhaitable pour un devoir de mémoire de pouvoir ériger une stèle sur les lieux de l’accident.

Les photos jointes

Crash Olan
Crash Olan
Stèle provisoire
Stèle provisoire

WELCOME IN TRAB (suite et fin)

Welcome in TRAB

1952 – 1966 : Toul-Rosières Air Base ou quatorze années de présence américaine en Lorraine avec les meilleurs squadrons des US Air Forces Europe.

        Plus que toute autre base américaine en France, Toul-Rosières Air Base (“Trab” pour les personnels de l’USAF en Europe) va, avec les années soixante, subir une mutation profonde. Après la lenteur qui a caractérisée les premières années de mise en train de la base, cette fois-ci, les choses vont vite. A peine les Voodoo du 66e TRW ont-ils évacué la base, que la machine administrative de l’USAFE se met une nouvelle fois en marche.

        Le 10e TRW et ses différents escadrons ont été, le 1er juillet 1964, relevés du contrôle de la 3e Air Force, et mis à la disposition de la 17e Air Force, dans le cadre d’une réorganisation portant le nom de code de « Third Rally ». C’est ainsi qu’entre le 15 juillet et le 1er août 1962, les 49e et 42e TRS vont faire mouvement de leur base britannique vers le continent jusqu’à Toul-Rosières. Suite de quoi, la 17e AF prenait une importance énorme au niveau des avions et des unités qu’elle pouvait mettre en œuvre, et ce déséquilibre inquiéta probablement l’USAFE. Pour y remédier, on décida, le 1er septembre 1963, de reverser le 10e TRW sous le contrôle de la 3e AF, et par voie de fait, Toul Rosières allait devenir la seule base de l’USAFE en France à dépendre d’un Etat-Major situé en Grande-Bretagne.

      Mis à part cette exclusivité. il y avait aussi désormais à Toul la présence d’un avion relativement rare et intéressant : le RB-66 « Destroyer », appareil assez peu connu puisque ce « bombardier » moyen aurait pu être aussi bien à l’aise avec les forces stratégiques (il était plus gros que le « Vautour » qui servait alors dans nos escadrons stratégiques), mais en vérité, le « Destroyer » fut toujours considéré comme un avion « tactique ».

     Le tout premier modèle de cet avion vola dès 1954. et il était déjà prévu pour la reconnaissance aérienne. Il s’agissait d’un RB-66A propulsé par deux réacteurs en nacelle. Le modèle de production définitif devait être en fait le RB-66B dont 175 exemplaires furent construits, les premiers étant livrés dès 1956. Dans ce premier lot, il y eut 30 avions qui équipèrent, dans le cadre de notre historique, les 19e et 30e TRS du 10e TRW basé en Angleterre à partir de 1957. Ces avions furent d’ailleurs des modèles RB-66C, reconnaissables par de petits réservoirs profilés en bout d’aile. L’avion avait en outre une espèce de soute ventrale destinée à transporter des « flash » utilisés pour des missions de reconnaissance de nuit. Comme armement défensif, le RB-66C était équipé d’une tourelle de queue pourvue de deux canons de 20 mm. Impressionnant par sa taille, l’avion affichait un poids de 31 tonnes.

RB 66B
RB 66B

   Ci-dessus, un RB 66  

     Dès 1962, on trouve donc à Toul des RB-66B et C qui équipent le 42e TRS (bande rouge sur les nacelles ainsi que sur la dérive), et le 49e TRS (même décoration mais de couleur verte). D’emblée, il faut préciser que le 19e TRS était un escadron de reconnaissance photo « classique » utilisant d’ailleurs pour ce rôle des RB-66B, alors que le 42e TRS avec ses RB-66C, était chargé des missions de reconnaissance électronique. Les « pods » que porte la version « C » en bout d’ailes contiennent d’ailleurs une instrumentation d’écoute électronique. Les deux versions sont encore équipées à cette époque de la tourelle de queue. A l’intérieur des avions des deux types, les diversifications deviennent visibles. Le RB-66B comporte toujours un équipage de trois hommes seulement : pilote, navigateur et mitrailleur radariste. Le RB-66C quant à lui, emporte pour chaque mission un équipage de sept hommes : pilote, navigateur, mitrailleur-radar, et quatre officiers de guerre électronique installés dans un compartiment séparé et pressurisé, à l’endroit même où se trouvait la soute.

      Comme mentionné plus haut, le 42e TRS était chargé de la reconnaissance électronique (et météorologique selon certaines sources). A ce stade, abordons immédiatement le problème de ce type de reconnaissance qui se subdivise en fait en deux catégories : active et passive. La reconnaissance dite « active » sous-entend qu’un avion brouille des émissions radio et radar par différentes méthodes, soit électronique, soit de manière plus classique comme par exemple avec des « chaff » (petites paillettes métalliques coupées selon certaines longueurs d’ondes).

      La reconnaissance dite « passive » est chargée, quant à elle, du recueil de renseignements, et d’analyser des signaux radio et radar. C’était là le rôle primordial du 42e TRS de Toul. Plus tard, avec l’avènement d’un système de défense aérienne de plus en plus sophistiqué, la tourelle de queue fut supprimée et remplacée par une espèce de cône contenant diverses antennes réceptives, ainsi qu’un compartiment spécial destiné à emporter des «chaff». L’équipage fut dès tors réduit à six hommes, mais le siège du mitrailleur resta en place à toutes fins utiles, soit pour emporter un passager, soit un instructeur. Par la même occasion, la plupart des avions de Toul perdront leur couleur d’escadron respective, ce qui rendra les identifications et le rôle des divers avions extrêmement délicat, d’autant plus que tous les RB-66 sont progressivement équipés de pods ECM en bout d’aile. Par ailleurs, les bandes de couleur disparaissent, et font place au sommet de la dérive à un insigne unique : une étoile ailée. cette dernière étant formée des couleurs symboliques du 10e TRW : rouge et vert pour Toul, jaune et bleu pour le et le 30e TRS basés en Grande-Bretagne. Sur le flanc également, les avions portent désormais un insigne relativement important en taille, à savoir celui du 10e TRW.

      On peut aisément affirmer que l’époque des RB-66 est celle qui est la plus méconnue de la vie de Toul sous contrôle de l’USAFE. A l’entour, on ne sait trop bien ce que font ces fameux avions bourrés d’instruments électroniques qui volent par tous les temps, de jour comme de nuit. Et lorsqu’en 1965 un Destroyer est abattu au-dessus de l’Allemagne de l’Est lors de l’une de ses missions, les choses deviennent plus claires ! Des murmures d’espionnage et de base secrète fusent de partout… Pourtant, officiellement, ce ne sont que des missions de routine.

       Tous les RB-66 sont équipés d’une perche de ravitaillement en vol dans le nez : ils peuvent donc aller loin, vers l’Est, et voler le long du Rideau de Fer pour capter et analyser tous les signaux radar et radio de « ceux d’en face», puis les exploiter pour mieux connaître les moyens de défense aérienne mis en œuvre par les blocs de l’Est. Opérationnellement parlant, c’est certainement une des périodes les plus « chaudes » de Toul-Rosières.

      Pour ce qui est du ravitaillement en vol, le Capitaine Stan Tippin. ancien officier électronicien avec le 42e TRS, confirme qu’aucune manœuvre de ce type n’avait lieu au-dessus de la France-même, pour des raisons non explicites, mais très probablement pour des raisons de sécurité. Les tankers de l’époque étaient des Boeing KB-50 stationnés en Grande-Bretagne, alors que les circuits de ravitaillement proprement dits se trouvaient dans deux secteurs : « nord» au large de la Scandinavie, et « sud » au-dessus de l’Allemagne. On raconte aussi que les RB-66 de Toul ne participèrent jamais à aucun échange d’escadron avec les forces de l’OTAN, probablement à cause de la mission très « spéciale» de ces avions… Pourtant. des RB-66B ont participé à certaines compétitions « Royal Flush ».

      La plupart des missions de temps de paix effectuées par ces avions à partir de la base de Toul, duraient en général plusieurs heures, et les RB-66 se promenaient» aussi bien au-dessus de la Norvège que de l’Italie ou de la Turquie ; bien peu au-dessus de la France en somme paraît-il, pays qui fut plutôt considéré comme simple base d’attache..

Un Douglas RB-66B Destroyer du Tactical Reconnaissance Wing parti de Toul Rosières Air Base s'apprête "faire le plein" au-dessus d'une masse de nuages couvrant l'Europe au début des années soixante. On distingue la perche de ravitaillement fixe sur le nez qui approche du ravitailleur Boeing KB-50 (USAFE).
Un Douglas RB-66B Destroyer du Tactical Reconnaissance Wing parti de Toul Rosières Air Base s'apprête "faire le plein" au-dessus d'une masse de nuages couvrant l'Europe au début des années soixante. On distingue la perche de ravitaillement fixe sur le nez qui approche du ravitailleur Boeing KB-50 (USAFE).
Un RB-66C-DT (54-461) en finale à Toul en 1962. L'insigne du 10e TRW est bien visible.
Un RB-66C-DT (54-461) en finale à Toul en 1962. L'insigne du 10e TRW est bien visible.
Le L-20 Beaver de liaison du 10e TRW à "TRAB" avec l'étoile filante du Wing sur la dérive et l'emblème sur l'arrière du fuselage
Le L-20 Beaver de liaison du 10e TRW à "TRAB" avec l'étoile filante du Wing sur la dérive et l'emblème sur l'arrière du fuselage
Un RB-66B-DL (54-440) du 10e TRW Toul en 1963.
Un RB-66B-DL (54-440) du 10e TRW Toul en 1963.

La naissance du 26e Tactical Reconnaissance Wing

     Dès 1964, dans les sphères élevées de l’État-Major de l’USAFE, une idée prenait progressivement forme : celle de constituer sur le continent européen, en l’occurrence en France, et rattachée par la même occasion à la 17e Air Force, une nouvelle escadre de reconnaissance.

     L’idée est très vite approuvée, et le projet est signé dès le 12 octobre 1964. Puis les premiers détails administratifs sont ébauchés. Et ce sera finalement la base de Toul qui sera choisie pour abriter cette nouvelle escadre de reconnaissance : le 26e TRW.

     Mais ce n’est pas tout, car dans le même temps, on parle de rééquiper cette nouvelle escadre d’un nouvel avion. et pas n’importe lequel : avec le dernier-né de l’arsenal américain en matière de reconnaissance aérienne tactique : le McDonnell RF-4C « Phantom » …

    Cette même année 1964, des travaux de modifications et de constructions débutent sur la base de Toul pour une programme chiffré à $ 3,5 millions (dollars de l’époque), afin de recevoir le nouvel avion et son infrastructure technique. En effet, la mise en place du 26e TRW devrait se concrétiser dès le 1er juillet 1965. Les RB-66 qui se trouvaient encore à Toul ne sont pas retournés aux États-Unis malgré ce changement. Dans un premier temps, en juin 1965, le 42e TRS fait un saut de puce pour se rendre sur la base américaine de Chambley, vide à cette époque, et on assistera, là-bas aussi, à la création d’une nouvelle unité : le 25e Tactical Reconnaissance Group. Puis, fin juillet, afin de terminer au plus vite le programme de modernisation de la base de Toul, au niveau de la piste notamment, tous les RB-66 restants, soit ceux du 19e TRS, sont mutés eux aussi à Chambley où ils resteront d’ailleurs afin d’être intégrés au 25e TRG. Bref, les RB-66 Destroyer sont appelés à continuer à survoler nos villes et nos campagnes…

    L’originalité du RB-66 permet que l’on s’attarde quelque peu sur le sort ultérieur de cet avion jadis basé sur notre sol. Lorsque, en 1966, l’USAFE évacue ses bases en France, les RB-66 vont faire route vers la base de Spangdahlem en RFA, où ils seront administrativement rattachés au 36e TFW de Bitburg. Leur nouvelle affectation va de concert avec une nouvelle mission : celle de la guerre électronique exclusivement. Moyennant force modifications réalisées aux États-Unis, les avions reviennent en Allemagne transformés en EB-66, revêtus de peintures de camouflage « style Vietnam », et le ventre hérissé d’antennes !

    Puis, avec l’intensification de la guerre aérienne dans le Sud-Est Asiatique, une partie de ces EB-66 sera renvoyée, au début des années soixante-dix aux Etats-Unis sur la base de Shaw en Caroline du Sud. De là, ils feront une courte étape sur la base de Davis-Monthan en Arizona pour un entraînement spécifique. Enfin, de l’Ouest américain, ils vont faire route vers la Thaïlande pour participer activement à la guerre aérienne. Curieux destin que celui de certains avions jadis visibles au-dessus de la campagne lorraine et perdus au-dessus du Nord-Vietnam…

Un coup d'œil dons la soute électronique d'un RB-66 du 42e TRS ; le Capitaine Stan Tippin (officier électronicien) est à son poste d'écoute
Un coup d'œil dons la soute électronique d'un RB-66 du 42e TRS ; le Capitaine Stan Tippin (officier électronicien) est à son poste d'écoute
Ici, à Toul en 1963, le Capitaine Ston Tippin (ou centre) pose avec les membres de son équipage devant un Destroyer sur lequel est peint l'insigne du TRW. Sur les blousons est cousu le badge du 42e TRS.

      L’originalité du RB-66 permet que l’on s’attarde quelque peu sur le sort ultérieur de cet avion jadis basé sur notre sol. Lorsque, en 1966, l’USAFE évacue ses bases en France, les RB-66 vont faire route vers la base de Spangdahlem en RFA, où ils seront administrativement rattachés au 36e TFW de Bitburg. Leur nouvelle affectation va de concert avec une nouvelle mission : celle de la guerre électronique exclusivement. Moyennant force modifications réalisées aux États-Unis, les avions reviennent en Allemagne transformés en EB-66, revêtus de peintures de camouflage « style Vietnam », et le ventre hérissé d’antennes !

    Puis, avec l’intensification de la guerre aérienne dans le Sud-Est Asiatique, une partie de ces EB-66 sera renvoyée, au début des années soixante-dix aux Etats-Unis sur la base de Shaw en Caroline du Sud. De là, ils feront une courte étape sur la base de Davis-Monthan en Arizona pour un entraînement spécifique. Enfin, de l’Ouest américain, ils vont faire route vers la Thaïlande pour participer activement à la guerre aérienne. Curieux destin que celui de certains avions jadis visibles au-dessus de la campagne lorraine et perdus au-dessus du Nord-Vietnam…

Photographié en août 1972 à Ramstein AB en RFA, un EB-66E (54-539) du 39e Tactical Electronic Warfare Squadron de Spangdahlem AB (alors rattaché administrativement au 36e TFW de Bitburg). Quelque dix années auparavant cet appareil volait encore aux couleurs du 10e TRW de "Trab" en tant que RB-66B ! On distingue les nouvelles antennes ECM placées sur les côtés du fuselage et sur les pylônes des moteurs.
Photographié en août 1972 à Ramstein AB en RFA, un EB-66E (54-539) du 39e Tactical Electronic Warfare Squadron de Spangdahlem AB (alors rattaché administrativement au 36e TFW de Bitburg). Quelque dix années auparavant cet appareil volait encore aux couleurs du 10e TRW de "Trab" en tant que RB-66B ! On distingue les nouvelles antennes ECM placées sur les côtés du fuselage et sur les pylônes des moteurs.
Un RF-4C Phantom du 10e TRS.
Un RF-4C Phantom du 10e TRS.

Des « Phantom » en Lorraine…

      En fait, avec le départ des 19e et 42e TRS, la base, de même que l’escadre nouvellement formée, se retrouvaient sans escadrons ni avions. Une nouvelle fois, une réorganisation en profondeur a lieu au sein de diverses unités existantes. D’entrée, il est question d’équiper le 26e TRW de trois escadrons. C’est ainsi que le 38e TRS également équipé du RF-101 Voodoo, et stationné à Ramstein, va être rattaché au 26e à partir du 1er octobre 1965, mais ses avions resteront Outre-Rhin… De même, le 32e TRS opérant à partir de la base de Laon Couvron, sur Voodoo lui aussi, sera muté au 26e TRW, mais avec son plein effectif avions cette fois-ci.

    Enfin, un nouvel escadron, le 22e TRS, mis sur pied le 1er octobre 1965, complètera les rangs de la nouvelle escadre.

     Le premier escadron à recevoir le fameux Phantom sera le 32e TRS. Mais au-delà de cette reconversion, il faut voir le petit « événement » en soi que constituait l’arrivée des RF-4C, puisque la France avait ainsi la primeur d’être le pays d’Outre-Atlantique où arrivaient les premiers Phantom de reconnaissance ! Les équipages du 32e TRS s’étaient entraînés sur la base de Shaw aux États-Unis, « écurie » des pilotes de « reco » de l’USAF, et les premiers RF-4C se posaient à Toul, venant de Shaw, le 3 octobre 1965. Étant les plus « anciens » sur ce type d’avion, les équipages du 32e TRS ont également assuré le convoyage de vingt-sept RF-4C depuis l’usine de McDonnell à St-Louis, jusqu’à Toul-Rosières, et ceci entre octobre 1965 et juin 1966.

    A partir du 1ermai 1966, le 32e TRS était déclaré opérationnel sur RF-4C, devenant ainsi le premier squadron “ops” de toute l’USAF en Europe. Ceci-dit, le 32e n’était pas étranger à Toul, puisque, entre octobre 1960 et mars 1962, cette unité fut stationnée sur la base, équipée à l’époque du RF-101C. Son insigne, un aigle tenant dans ses serres un appareil photo et une bombe, symbolise la mission double à laquelle s’entraînait cet escadron entre 1962 et 1964 : reconnaissance et appui feu…

    Les premiers « Phantom » qui se posent à Toul en 1965, impressionnants par leur taille et par l’énorme traînée de fumée noire qu’ils tissent derrière eux, sont encore tout blanc. Selon l’ancienne coutume, on peut voir sur leurs flancs l’inscription US Air Force, et un « buzz number» «FJ» suivi des trois derniers chiffres du serial number. Courant 1966, cependant, les premiers avions camouflés apparaissent. Très sobres d’allure, ils ne portent aucun code ni insigne, seul le nez radar est resté blanc…

    Le 22e TRS est lui aussi entièrement équipé du RF-4C courant 1966, quant au 38e TRS, celui-ci recevra son premier Phantom en avril 1966, mais l’unité restera basée à Ramstein.

    Le RF-4C est à l’époque (et même encore aujourd’hui), ce qu’il y a de mieux en matière de reconnaissance aérienne tactique en Europe et même de l’autre côté de l’Atlantique. Avec une vitesse de pointe approchant Mach 2,5, le RF-4C est en mesure d’effectuer des reconnaissances de jour et de nuit, et même par mauvais temps, grâce à un système infrarouge.

     L’épopée lorraine du Phantom est principalement une histoire de prise en main et d’entraînement intensif, afin de maîtriser cette nouvelle machine. Cependant, dès le mois de mai 1966, le 32e TRS participe pour la première fois avec son nouvel avion à un exercice de grande envergure : l’« Exercice Southern Arrow».

     En vérité, la présence du Phantom sur notre territoire fut relativement éphémère, et peu d’événements marquent la vie du 26e TRW. En outre, dès avril 1966, le gouvernement français, après sa décision de se retirer du commandement intégré de l’OTAN, annonce que toutes les unités américaines en France vont être soit soumises au contrôle français, soit obligées de quitter notre sol. On connaît le choix fait par les Américains.

Tel deux loups blancs en maraude, une paire de McDonnell RF-4C Phantom du TRS/26e TRW de Toul-Rosières Air Base s'élèvent dans le ciel de Lorraine en 1965, peu après leur arrivée à ''Trab" (USAF).
Tel deux loups blancs en maraude, une paire de McDonnell RF-4C Phantom du TRS/26e TRW de Toul-Rosières Air Base s'élèvent dans le ciel de Lorraine en 1965, peu après leur arrivée à ''Trab" (USAF).
Le Phantom serial number 64-1060, premier RF-4C arrivé Toul-Rosières en 1965. L'avion appartient au 32e TRS.
Le Phantom serial number 64-1060, premier RF-4C arrivé Toul-Rosières en 1965. L'avion appartient au 32e TRS.

     L’une des plus grandes bases opérationnelles de l’USAFE en France commencent à vivre ses derniers jours, et les Phantom sont les premiers à quitter la Lorraine.

     Le 32e TRS fera cap sur la base d’Alconbury en Grande-Bretagne où il rejoindra à le 10e TRW, et le 1er novembre cet escadron effectuera déjà ses premières missions à partir de sa nouvelle base. Il faut préciser aussi que, si tous les avions du 32e ont été transférés en Grande-Bretagne, beaucoup des pilotes de l’escadron, notamment des « anciens » du RF-4C, sont partis au Vietnam. Peu après, le 22e TRS rejoindra lui aussi la base d’Alconbury et y établira ses quartiers définitifs.

     Pour que cette histoire se termine cependant sur une note optimiste, signaIons que le 26e TRW ne fut pas dissous lors de son départ de France. Tout le personnel administratif et d’encadrement fut muté sur la base de Zweibrücken en RFA, laissée libre par les Canadiens. Deux nouveaux escadrons sont alors alloués à l’escadre : le 38e TRS, qui lui appartenait déjà, et qui s’en vient de Ramstein, et le 47e TRS venu de Laon-Couvron, et qui touchera lui aussi des RF-4C. Note optimiste également parce que la base de Zweibrücken est si proche de la France que, pour effectuer leurs approches et, selon la direction des vents, leurs décollages, les impressionnants Phantom continuent à survoler une petite parcelle de notre territoire…

    Au moment où paraissent ces lignes cependant, le 26e TRW n’est plus formé que d’un seul escadron : le 38e TRS, et c’est en outre la dernière unité de reconnaissance de l’USAFE basée sur le continent !

     Mais Toul-Rosières n’a jamais cessé de vivre puisque l’Armée de l’Air a repris cette base. Ainsi, celle-ci reste un témoignage vivant et un symbole de la présence américaine sur notre sol, non pas une force d’occupation, mais plutôt un partenaire dans la défense d’intérêts communs : ceux de la paix. D’incroyables souvenirs se rattachent à Toul, et toute une époque nostalgique où nos villes et nos campagnes résonnaient du grondement des F-86, F-100, F-84F, RF 104, RB-66 et RF-4 partis à jamais, sauf des mémoires de ceux qui ont eu la chance de connaître cette époque.

Jean-Pierre HOEHN

Preuve de l'attachement que portaient les Américains à la Lorraine, ce C-47 du "liaison flight" de "Trab" était décoré de l'emblème cher au Général De Gaulle, l'homme même qui allait contraindre les Nord-Américains à quitter peu après leurs bases de France.
Preuve de l'attachement que portaient les Américains à la Lorraine, ce C-47 du "liaison flight" de "Trab" était décoré de l'emblème cher au Général De Gaulle, l'homme même qui allait contraindre les Nord-Américains à quitter peu après leurs bases de France.

WELCOME IN TRAB (part 1)

Welcome in TRAB

     Après avoir fait paraitre plusieurs articles sur la vie courante de la base de Toul Rosières (TRAB)  https://www.pilote-chasse-11ec.com/trab/  du temps des Américains, je vous propose d’aborder le volet “opérationnel” c’est à dire celui qui concerne les unités et les avions qui y ont stationné. 

Article de Jean Pierre HOEHN paru dans “AIR FAN” 

 La base aérienne de Toul Rosières, en Meurthe-et Moselle, a sans aucun doute vécu les jours les plus actifs et les plus diversifiés de toutes les bases de I’U.S. Air Force qui se trouvaient jadis en France. De surcroît, elle eut la quasi-exclusivité de certains types d’avions utilisés nulle part ailleurs sur notre territoire (tels que le F-86H et le RB-66) et elle fut, ne l’oublions pas, la première base de l’USAF en Europe à recevoir des « Phantom » ; en substance les premiers RF-4C de reconnaissance.

        On peut affirmer également que, sur les quatorze années où cette base fut active sous couleurs américaines (et elle le fut jusqu’en 1966, année du retrait de la France de l’OTAN), huit années au moins furent consacrées exclusivement à la reconnaissance aérienne tactique. la période restante étant celle du transport, et du « strike » nucléaire.

       Toul a été déclarée officiellement installation militaire américaine dépendante de l’USAFE, le 1er janvier 1952. Elle est placée, à ce moment-là, sous le contrôle de la 12e Air Force. Le 19 décembre de la même année, le 7412e Support Squadron est mis sur pied, afin de préparer la base pour l’arrivée du 117e Tactical Reconnaissance Wing (TRW). Cette unité fait en réalité partie de la Garde Nationale (ANG) de l’Alabama. placée sous le contrôle fédéral pour une durée de 21 mois, et mise à la disposition du Tactical Air Comrnand (TAC).

       Le 1er février 1952, le 117e TRW est à nouveau cédé par le TAC, et mis à la disposition de la 12e AF, et par conséquent de l’USAFE. A cette époque, le 117e TRW est composé des éléments suivants : le 117e Tactical Reconnaissance Group, le 112e Tactical Reconnaissance Squadron. Au niveau équipement, le 112e TRS vole sur RB-26 Invader, tandis que les deux autres squadrons sont équipés du RF-80A.

       En vérité. les installations et les infrastructures destinées à accueillir hommes et matériels sont inexistantes à Toul à l’époque où le 117e TRW est versé à l’USAFE. De ce fait, des installations provisoires pour un détachement avancé du personnel d’état-major et pour les équipes administratives et logistiques sont obtenues dans un premier temps dans différentes casernes françaises de la région de Nancy, et ce, jusqu’en juin 1952. Passée cette date, des villages de « toiles » s’installent sur la base et ses premiers occupants arrivent : l’État-Major du 117e TRW, de même que celui du 117e TRG, le 117e Medical Group, ainsi qu’une multitude d’autres petits détachements chargés de faire vivre la base.

      Puis arrivent les unités du Génie : le 332e Engineer Aviation Group, et le 942e Engineer Topographical Detachment affectés à l’USAFE, afin de commencer la construction de la base proprement dite. Ces unités répondaient au nom curieux de « SCARWAF soit : « Special Category Army Personnel With the Air Force ».

     Au cours de l’année 1952, la base de Toul ne dispose d’aucune installation opérationnelle. Une piste existait déjà, certes, mais les taxiways n’étaient terminés qu’à 50 %, alors que les travaux sur les parkings. les alvéoles et les aires d’alerte et de maintenance, avaient à peine débuté. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de janvier 1953, que les gros travaux commenceront pour de vrai sur la tour de contrôle, les hangars, les bâtiments administratifs, les systèmes de conduite d’eau et de chauffage. En résumé. les hommes du rang, sous-officiers et officiers seront obligés de passer l’hiver 1952/53 sous des tentes chauffées.

     Pour les premiers Américains arrivant à Tout en ces années-là, le spectacle est celui de la désolation, et la base est bientôt surnommée « l’enfer de la boue ». Arrivant de Paris par le train, la police militaire veille, à la gare de Toul, à ce que les chaussures des militaires soient bien brillantes ! Sitôt sur la base, ces mêmes soldats ne savent plus s’ils portent des sabots ou des chaussures de sortie, car la boue recouvre tout sans merci…

    Le manque d’infrastructures de la base va d’ailleurs retarder l’arrivée des unités « volantes ». Ainsi, en attendant, le 117e TRG et le 157e TRS vont être basés à Furstenfeldbruck en RFA, alors que le 112e TRS se retrouve à Wiesbaden et le 160e TRS à Neubiberg, en RFA également.

32 TRS
2 TRS
81 TFS
10 TFS
38 TRS

L’épopée des chasseurs-bombardiers commence…

       Toul est en effet prédestinée à recevoir des unités de chasse, ou plutôt, pour employer la terminologie de l’époque, des « Fighter-Bombers ». C’est l’époque, il ne faut pas l’oublier, où la dissuasion nucléaire est au premier plan, et on ne parle qu’en ces termes.

       La base de Toul, maintenant fin prête et éprouvée opérationnellement, va pouvoir dès lors accueillir ses premiers chasseurs bombardiers. Cependant, entre 1954 et 1956, le rôle exact de la base reste encore assez confus, puisque seules des unités dites « rotationnelles » venant des États Unis, vont profiter de son infrastructure. Les premiers « jets » qui vont arriver sont des F-86F Sabre volant sous les couleurs des 612e   et 613e   Fighter Bomber Squadrons (FBS), alors qu’un troisième escadron, le 430e   FBS est équipé quant à lui de F-86H. En 1955 ces opérations temporaires sont supprimées, et deux nouveaux escadrons, équipés eux aussi du F-86F, arrivent. Il s’agit des 416e et 531e   FBS faisant partie du 21e FBW, muté du TAC à l’USAFE. En vérité, il ne s’agira là aussi que d’une affectation temporaire, puisque le 21e FBW ira prendre ses quartiers sur la base de Chambley en juin 1955, date à laquelle cette base sera déclarée opérationnelle elle aussi.

Les « Maîtres du Ciel » arrivent !

    Telle est la devise du 50e Fighter Bomber Wing avec son insigne au « Griffon » … Ce Wing n’est pas un nouveau venu en Europe, puisqu’il volait déjà en Allemagne à partir de la base de Hahn depuis 1953, équipé de Sabre F-86F.

     Le 19 juin 1956, le 50e FBW arrive à Toul Rosières, et ce sera là la première unité qui y établira ses quartiers définitifs. Tout d’abord unité de bombardement dit « conventionnel », le Wing prendra très tôt une mission de « strike » nucléaire, et désormais, un champignon atomique s’ajoutera au griffon sur l’emblème du Wing. Le 50e est formé de trois escadrons qui tous sont basés à Toul. Il s’agit des 10e FBS, 81e FBS et 417e FBS. Cependant, le 50e amène un nouvel avion sur sa base française. Certes, il s’agit encore et toujours du Sabre, mais cette fois-ci c’est le F-86H, également surnommé le « Hog » car c’est le plus gros et le plus lourd des Sabre jamais construit. En d’autres termes c’est un modèle optimisé pour l’attaque au sol (un concurrent en quelque sorte du F-84F), et capable de transporter une bombe nucléaire tactique, tout en gardant grâce à ses canons de bord, une mission secondaire de supériorité aérienne.

     Ce sont 78 avions de ce type, soit 26 par escadron, qui vont venir s’installer à Toul. Chaque avion porte autour du nez une bande de couleur frappée d’étoiles blanches. Deux bandes identiques ornent également la dérive avec, en plein milieu, l’insigne du squadron auquel appartient l’avion. Les couleurs sont respectivement les suivantes : bleue pour le 10e FBS, jaune pour le 84e FBS et rouge pour le 417e   FBS. Seul l’avion du commandant de l’escadre porte les trois bandes de couleurs différentes sur la dérive et autour du nez, ainsi que l’emblème du Wing.

      Le colonel Jack Keith qui commandait l’un des escadrons à Toul, se rappelle que tous ses pilotes étaient “fanas” de voler sur Sabre. D’autant plus que le « H » avait un réacteur plus puissant que le « F » qui permettait quelques fantaisies supplémentaires… En combat aérien par exemple, le « H » pouvait s’aligner avec tous les chasseurs occidentaux qui volaient à cette époque dans le ciel d’Europe. Seul adversaire vraiment sérieux et même supérieur : le Sabre Mk.6 des Canadiens…

     Les F-86H de Toul seront également les seuls Sabre de ce type à être stationnés en Europe, et ce sera. sans nul doute, l’avion le plus puissant utilisé par l’USAFE en ses jeunes années…

F 84F du 110° TFS
F 84F du 110° TFS

 Durant la “Crise de Berlin”, en 1962. un chasseur-bombardier Republic F-84F Thunderstreak du 110e Tactical Fighter Squadron de l’Air National Guard du Missouri est vu en finale sur la piste de ”Trab”, Toul-Rosières Air Base pour les aviateurs américains. On distingue l’inscription “Miss Missouri” peinte sur la décoration de nez rouge.

Futur EC 3/11
Futur EC 3/11

Ci-contre, vue aérienne d’une “marguerite” de Toul-Rosières AB en 1964 avec les biréacteurs Douglas RB-66B Destroyer du 19e  Tactical Reconnaissance Squadron de l’USAF. Aujourd’hui, près de vingt années après, cette même “marguerite” abrite les Jaguar de I’EC 3/11 “Corse” de la FATac, la base de Toul étant devenue, depuis 1967, l’antre de la 11e Escadre de Chasse,

Premiers changements

      Le 10 juillet 1952, le 117e TRW est relevé du contrôle de l’US Air Force en Europe, et est reversé sous les ordres de l’État de l’Alabama, mais son personnel, y compris son équipement, restent sur place. Une nouvelle unité est formée à ce moment-là, il s’agit du 10e TRW, mis sur pied le 10 juillet 1952. Les escadrons composant le Wing prennent également une nouvelle dénomination : 1er TRS, ainsi que les 32e et 38e TRS. Mais la base de Toul prévue à l’origine pour accueillir cette nouvelle unité, n’est toujours pas prête, et une nouvelle fois le ciel reste vide d’avions. Pour cette raison, le 10e TRW, ainsi que toutes ses unités rattachées, mis à part le 10e Reconnaissance Technical Squadron, vont faire route vers la base de Spangdahlem en RFA, au cours de l’année 1953. Un quatrième escadron, le 42e TRS (Electronics and Weather) sera rattaché au 10e TRG à Spangdahlem le 18 mars 1954, escadron que l’on retrouvera d’ailleurs beaucoup plus tard à Toul.

Les premiers avions arrivent…

      En novembre 1953, la base est déclarée terminée au niveau de son infrastructure entre 45 et 90 %, et il faut attendre 1954, pour que celle-ci puisse être déclarée opérationnelle à 100 %. Malgré cela, le 465e Troop Carrier Wing (TCW) Medium (M) arrive, et avec lui, tout son personnel et unités annexes qui vont, pour la première fois dans l’histoire de la base, rendre celle-ci opérationnelle. En fait, la raison pour laquelle le 10e TRW avec ses « jets » de reconnaissance n’a pas pris possession de la base, est inconnue ! On peut cependant présumer qu’en raison de la complexité de la mise en place d’une escadre entière sur une base, avec tout ce que cela comporte au niveau de l’infrastructure, l’État-Major de l’USAFE a jugé bon de ne plus déménager le 10e TRW une nouvelle fois. Toujours est-il que le 465e TCW est formé de trois escadrons : le 780e TCS, le 784e TCS et le 782e TCS. Seul le 784e TCS sera en vérité basé à Toul. les deux autres escadrons allant prendre leurs quartiers à Neubiberg (780e TCS) et à Wiesbaden (782e TCS). Ses avions sont des C-119CF construits par Fairchild et connus également sous le nom de « Flying Packet». Cette version bien particulière est équipée de deux moteurs Pratt & Whitney R-4360, et de l’hélice standard Hamilton, montés tous deux sur le C-119C. Quant à la cellule, celle-ci est identique à la version C-119F, avec train et volets hydrauliques. Avant de venir en Europe, ces mêmes avions avaient participé à de grandes manœuvres en Alaska et dans le Grand Nord canadien. A cet effet, ils avaient été recouverts de grandes bandes rouge vif, et c’est sous cette configuration que certains avions arrivèrent à Toul. En outre, le nez de chaque avion était peint aux couleurs respectives de son squadron : rouge pour le 780e TCS, bleu pour le 784e TCS et vert pour le 782e TCS.

     Pour ces premiers équipages qui arrivent à Toul (“Trab” dans le jargon GI, pour Toul-Rosières Air Base : TRAB), l’aventure commence ! Certains pilotes ont apporté à l’auteur leur témoignage pour la rédaction de cet historique, et leurs souvenirs sont caractéristiques. L’un d’eux se souvient que la piste de Toul était bombée en son milieu. Au départ. le C 119 accélérait “plein pot” pour atteindre cette « butte » à mi-course juste pour apercevoir à ce moment-là l’extrémité de la piste. L’avion reprenait alors un nouvel élan pour sa course finale. Les vols de nuit pendant ces premières années étaient eux aussi dignes d’intérêt. Les feux de balisage n’existaient pas encore bien entendu, et pour les remplacer, on alignait des fûts de pétrole auxquels on mettait le feu. Au passage de chaque avion, la turbulence des hélices éteignait les feux, et une jeep devait suivre le long de la piste et rallumer les fûts pour les suivants !

     Début 1954, la base est officiellement inaugurée et est déclarée opérationnelle à tous les niveaux. Pour le 781e TCS les missions commencent. Les C-119 portent sur leurs flancs l’inscription « Troop Carrier » (Transport de Troupes), et il s’avèrera que ces avions transporteront plus de parachutistes français et britanniques que d’Américains ! Certains avions de Toul ont même assuré le transport de légionnaires paras qui ont sauté sur Philippeville, en Algérie. Les équipages de l’USAF avaient cru, paraît-il, qu’il s’agissait de simples exercices ! Par la suite, certains responsables du 784e  TCS eurent des réprimandes de la part du Congrès US, car ce genre de mission débordait largement du cadre strict de l’OTAN… Puis débutent les vols de routine : approvisionnement des bases de l’USAF en Europe, au fur et à mesure que celles-ci s’installent. Liaisons et missions de support dans les pays de l’OTAN où se trouvent des ambassades américaines. Surviennent aussi des vols « humanitaires » lors de tremblements de terre en Afrique du Nord, de blizzard en Italie et de sécheresse en Inde. Des vols réguliers sont assurés vers la base de Nouasseur au Maroc. ainsi que vers d’autres bases du SAC jadis installées en Afrique du Nord, elles aussi. La Grèce et la Turquie font également partie des destinations les plus régulières.

    Puis arrive l’époque où les unités de chasse basées en Europe continentale effectuent leurs campagnes de tir sur la base de Wheelus en Libye. Toutes les six semaines, les C-119 y emmènent les mécaniciens, des pièces détachées. et même des équipes de golf lorsqu’occasionnellement, dans l’Est de la France, il fait trop mauvais pour les activités de plein air ! Bref, le C-119 sert à tout, il transporte n’importe quoi, n’importe où. et bientôt le 781e TCS ne sera plus considéré comme transport de troupes, mais comme « Trash Carrier », ou, avec un peu d’exagération : « Poubelles Volantes ».

    Le squadron basé à Toul était formé de 48 avions, l’ensemble du Wing alignant ainsi 54 C-119. Mais Toul-Rosières va connaître une autre destinée, et vers la fin de l’année 1954, le 784e TCS, de concert avec les deux autres escadrons basés en Allemagne, va faire route vers la base d’Évreux-Fauville dans l’Eure. La mise en place sur cette dernière base sera achevée au cours du printemps 1955. Le 1er août de cette même année, le 465e   TCW sera mis à la disposition de la 332e   Air Division (Combat Cargo), et n’en bougera presque plus ; seuls ses avions seront remplacés au fil des années,

RF 80C
RF 80C

 RF-80C Shooting Star du Tactical Reconnaissance Wing de l’AIabama Air National Guard. Cette unité devait, à l’origine, être la première à occuper Toul-Rosières AB mais pour des raisons d’insuffisance d’infrastructures les squadrons du Wing furent basés en Allemagne de l’Ouest. On voit ici l’un des avions du Wing photographié avec son pilote sur la base de Fürstensfeldbruck

C 119C
C 119C

Fairchild C-119C Flying Boxcar du 465e TCW vu au Bourget en 1958. Premiers appareils à occuper ”Trab”, les “Packet” du 781e TCS/465e  TCW ne restèrent pas à Toul ; en 1954 le Wing faisait mouvement sur Evreux-Fauville. 

 L’épopée des chasseurs-bombardiers commence…

     Toul est en effet prédestinée à recevoir des unités de chasse, ou plutôt, pour employer la terminologie de l’époque, des « Fighter-Bombers ». C’est l’époque, il ne faut pas l’oublier, où la dissuasion nucléaire est au premier plan, et on ne parle qu’en ces termes. La base de Toul, maintenant fin prête et éprouvée opérationnellement, va pouvoir dès lors accueillir ses premiers chasseurs bombardiers. Cependant, entre 1954 et 1956, le rôle exact de la base reste encore assez confus, puisque seules des unités dites « rotationnelles » venant des États Unis, vont profiter de son infrastructure. Les premiers « jets » qui vont arriver sont des F-86F Sabre volant sous les couleurs des 612e   et 613e   Fighter Bomber Squadrons (FBS), alors qu’un troisième escadron, le 430e   FBS est équipé quant à lui de F-86H. En 1955 ces opérations temporaires sont supprimées, et deux nouveaux escadrons, équipés eux aussi du F-86F, arrivent. Il s’agit des 416e et 531e   FBS faisant partie du 21e FBW, muté du TAC à l’USAFE. En vérité, il ne s’agira là aussi que d’une affectation temporaire, puisque le 21e FBW ira prendre ses quartiers sur la base de Chambley en juin 1955, date à laquelle cette base sera déclarée opérationnelle elle aussi.

Les « Maîtres du Ciel » arrivent !

    Telle est la devise du 50e Fighter Bomber Wing avec son insigne au « Griffon » … Ce Wing n’est pas un nouveau venu en Europe, puisqu’il volait déjà en Allemagne à partir de la base de Hahn depuis 1953, équipé de Sabre F-86F. Le 19 juin 1956, le 50e FBW arrive à Toul Rosières, et ce sera là la première unité qui y établira ses quartiers définitifs. Tout d’abord unité de bombardement dit « conventionnel », le Wing prendra très tôt une mission de « strike » nucléaire, et désormais, un champignon atomique s’ajoutera au griffon sur l’emblème du Wing. Le 50e est formé de trois escadrons qui tous sont basés à Toul. Il s’agit des 10e FBS, 81e FBS et 417e FBS. Cependant, le 50e amène un nouvel avion sur sa base française. Certes, il s’agit encore et toujours du Sabre, mais cette fois-ci c’est le F-86H, également surnommé le « Hog » car c’est le plus gros et le plus lourd des Sabre jamais construit. En d’autres termes c’est un modèle optimisé pour l’attaque au sol (un concurrent en quelque sorte du F-84F), et capable de transporter une bombe nucléaire tactique, tout en gardant grâce à ses canons de bord, une mission secondaire de supériorité aérienne.

     Ce sont 78 avions de ce type, soit 26 par escadron, qui vont venir s’installer à Toul. Chaque avion porte autour du nez une bande de couleur frappée d’étoiles blanches. Deux bandes identiques ornent également la dérive avec, en plein milieu, l’insigne du squadron auquel appartient l’avion. Les couleurs sont respectivement les suivantes : bleue pour le 10e FBS, jaune pour le 84e FBS et rouge pour le 417e   FBS. Seul l’avion du commandant de l’escadre porte les trois bandes de couleurs différentes sur la dérive et autour du nez, ainsi que l’emblème du Wing. Le colonel Jack Keith qui commandait l’un des escadrons à Toul, se rappelle que tous ses pilotes étaient “fanas” de voler sur Sabre. D’autant plus que le « H » avait un réacteur plus puissant que le « F » qui permettait quelques fantaisies supplémentaires… En combat aérien par exemple, le « H » pouvait s’aligner avec tous les chasseurs occidentaux qui volaient à cette époque dans le ciel d’Europe. Seul adversaire vraiment sérieux et même supérieur : le Sabre Mk.6 des Canadiens… Les F-86H de Toul seront également les seuls Sabre de ce type à être stationnés en Europe, et ce sera. sans nul doute, l’avion le plus puissant utilisé par l’USAFE en ses jeunes années…

F-86H-5-NH Sabre et F-84F-30-RE
F-86H-5-NH Sabre et F-84F-30-RE
Dans la boue de TRAB
Le sergent Andreson de l'USAF montre de quoi avait l'air l'entrée de Toul Rosières AB au temps de ses débuts et des villages de toile. La boue régnait en maitre sur le camp en 1954.

Mission de routine au-dessus de la France…

    Le soir du 15 octobre 1957, à 16h45 Zoulou, une formation de trois F-86H décolle de Toul pour un vol de navigation sur 740 miles nautiques, avec comme point de destination, la base US de Châteauroux dans l’Indre. Le leader est le capitaine Keith, en numéro deux vole le lieutenant Larry Nunn qui vient à peine d’avoir 21 ans et dont Toul est la première affectation opérationnelle. A ses côtés, en position numéro trois, se trouve l’avion du lieutenant Richard Savold.

     Au départ de la Lorraine la météo de Châteauroux est bonne, avec une visibilité de 7 miles et une légère brume, la « visi » prévue lors de l’arrivée des Sabre étant estimée à 6 miles. La formation grimpe à 35 000 pieds, et à 17 h 49 Z, à 10 minutes de l’arrivée à destination, la tour de Châteauroux est contactée pour demander l’évolution de la météo. Le plafond est estimé à 40 000 pieds, brume persistante, et visibilité horizontale tombée à 3 miles ! Les trois « H » arrivent au-dessus de la base à 17 h 59 Z, avec dans leurs réservoirs 2 800 litres de kérosène chacun. La tour donne alors l’autorisation d’entamer une descente jusqu’à 20 000 pieds, en position d’attente, et à 18 h 15 Z, une approche GCA est autorisée.

     A 5 000 pieds, en approche, le leader remarque qu’un banc de brouillard relativement épais s’avance vers la base en venant du nord-ouest. A ce moment précis, chaque avion dispose encore de     1 500 litres de kérosène, et une nouvelle fois, la tour est contactée afin de connaître la météo. Le leader est avisé que le banc de brouillard vient juste de recouvrir la piste, avec un déclin de la visibilité à 4/10e de mile, et qu’il n’y a aucune chance de sortir de cette purée de pois… Au même moment la radio du lieutenant Nunn tombe en panne, le privant de tout contact aussi bien avec son leader qu’avec la station GCA. Le chef de patrouille demande à l’avion numéro trois de se poser en premier, alors que par signes des mains et hochements de tête, il essaye de faire comprendre au lieutenant Nunn qu’il se posera avec lui en formation serrée.

    A 18 h 30 Z, en approche finale la station GCA avise les pilotes que la visibilité vient de tomber à 1/10e de mile, et que la piste ne sera pas visible avant que les chasseurs soient passés sous les minimas GCA. En effet, après avoir dépassé l’entrée de piste, celle-ci n’est toujours pas visible, et la manette des gaz est poussée en avant afin de permettre un redécollage rapide et une nouvelle approche. A cinq pieds au-dessus de la piste, les feux de balisage percent enfin faiblement le brouillard et le pilote en position numéro trois réduit la puissance de son réacteur et se pose sans problème. Le leader remet les gaz afin que le lieutenant Nunn puisse le suivre pour se remettre en vent arrière, et effectuer une seconde approche. Avant de rentrer le train, le leader jette un regard par-dessus son épaule pour s’assurer que le numéro deux est toujours Ià : à sa grande stupéfaction, le F-86H a disparu…

    A peine remis de ses émotions, le leader reçoit un appel radio du numéro trois, l’informant que l’avion en panne radio vient de se poser lui aussi sans problème. En vérité, n’ayant pu contacter son leader, le lieutenant Nunn croyait que cette approche était pour lui, et il s’était posé sans hésiter…

     Le capitaine Keith se présente alors pour sa deuxième approche avec une réserve de 900 litres dans ses réservoirs, et se pose finalement lui aussi, dans des conditions météo « zéro-zéro ». Par mesure de prudence, les trois F-86H sont alors tractés jusqu’au parking, parce qu’avec une telle visibilité on a jugé qu’il était trop dangereux de rouler sur un taxiway ! Ce soir-là, les pilotes de transport de Châteauroux étaient restés cloués au sol, et lorsque le lieutenant Nunn pénétra dans la “salle d’OPS”, tous les pilotes présents l’assiégèrent de questions : « alors comment ça s’est   passé ? » « No sweat » répondit Nunn, gêné d’avoir suscité tant d’attention…

     En ces années-là, Toul-Rosières air base prend une extension sans précédent. Sa population locale approche des 3 500 personnes, et elle devient elle-même une petite ville américaine au cœur de la Lorraine. Invisible de la route qui longe la base, se cache dans un bois tout ce qu’il faut pour la faire vivre : écoles, cinéma, baraquements pour célibataires, et tout un village pour les familles, fabriqué à partir de grosses caravanes dont on a supprimé les roues. Bien sûr, un certain nombre d’Américains logent chez l’habitant, mais bientôt les premiers plans sont tracés pour la construction d’un village aux petits bungalows plats, style US : ce sera le village de Toulaire.

F-86H "Hog"
Toul-Rosières Air Base et l'époque du North American F-86H "Hog". Optimisée pour l'attaque air-sol, cette version du Sabre constitua une rareté dans le ciel de l'Hexagone ; elle ne fut utilisée que par le 50e FBW au sein de ses trois escadrons, les 10e , 81e et 417e FBS. En haut et au centre sont illustrés deux F-86H portant les couleurs combinées de "boss" du 50e FBW entre 1956 et 1957.
Un F-86H du 81e FBS de Toul vu à Fürstenfeldbruck en 1956 lors d'une journée "Portes-Ouvertes".
Un F-86H du 81e FBS de Toul vu à Fürstenfeldbruck en 1956 lors d'une journée "Portes-Ouvertes".

Toul-Rosières air base accède à l’ère supersonique…

     Alors qu’aux États-Unis le F-100A « Super Sabre » vole déjà en unités depuis 1954 et son successeur le F-100C depuis 1956, l’USAFE va elle aussi être équipée du premier chasseur-bombardier supersonique construit dans le bloc occidental.

     Parmi les bases américaines en France prévues pour recevoir le Super Sabre, il y a Chambley, Chaumont, Étain et bien sûr Toul-Rosières. Dans le cadre de l’« Operation High Flight», les nouveaux chasseurs sont convoyés vers l’Europe via la route polaire, passant par le Groenland et l’Islande. Le modèle perçu sera le nec plus ultra du Super Sabre, en l’occurrence le F-100D. C’est un chasseur-bombardier à possibilité nucléaire lui aussi, mais parfaitement adapté pour l’appui-sol conventionnel. En outre, ce modèle est équipé d’un pilote automatique, et, avec l’adjonction d’une perche de ravitaillement en vol, son rayon d’action lui permet des missions sans « limites », ne seraient-ce humaines. L’entraînement des pilotes de Toul se déroule sur place en Europe, sur la base de Wheetus en Libye, débutant au cours de l’automne 1957 et se terminant pendant le printemps de 1958. Le 50e FBW devient dès lors Tactical Fighter Wing, selon la nouvelle terminologie de l’époque, et le nombre impressionnant de 87 F-100 va se retrouver à Toul ! Soit 26 monoplaces et trois F-100F biplaces par escadron.

     A l’origine. les F-100 portent tous les couleurs respectives de leur escadron, tout comme les F-86H, car chaque escadron assure la maintenance de ses propres avions, et en principe, chaque pilote vole toujours sur le même appareil. Plus tard, au cours de l’année 1958, on assiste à la mise en place de la maintenance « consolidée » ce qui veut dire que tous les F-100 sont révisés par la même organisation. Dès lors, chaque avion perd sa singularité propre, et les bandes de couleurs des trois escadrons, ainsi que l’insigne du Wing, ornent uniformément toutes les dérives. Il en sera de même pour les T-33, les L-20 et les C-47 utilisés par le 50e TFW.

      Avec le Super Sabre, sa vitesse et sa puissance, le F-86H est vite oublié, même par les plus fervents défenseurs du Sabre. La mission du Wing reste cependant la même : primordialement le « strike » nucléaire et l’appui-sol tactique, avec une mission secondaire d’interception. Le profil de mission en vogue à l’époque, répond au schéma classique « Hi-Lo-Hi », c’est-à-dire approche de l’objectif à haute altitude, par souci d’économiser du carburant et ainsi pouvoir aller loin, mais aussi à l’abri de la chasse adverse. Les missiles sol-air quant à eux n’existent pas encore. L’attaque de l’objectif se fait à basse altitude, avec un « pull-up » au-dessus de celui-ci, puis une ascension rapide vers des altitudes élevées, pour échapper au souffle nucléaire.

     En vérité, c’est au niveau du combat aérien que les choses changent vraiment avec l’avènement du F-100. Celui-ci est en effet trop lourd pour des combats dits « tournoyants » du type        « Lufberry» dans lequel les chasseurs tentent de se mettre en position de tir dans la tuyère de l’adversaire par des virages de plus en plus serrés. Désormais la technique est celle du « hit and run ». En d’autres termes, le F 100 attaque d’une position élevée par l’arrière, fonce sur son adversaire pour une passe de tir, et regagne à nouveau de l’altitude soit pour disparaître soit pour se remettre en position de tir. Contrairement à certaines unités basées aux États-Unis, et qui équipèrent leurs F-100D de missiles air-air du type « Sidewinder », le 50e TFW ne vola jamais dans une telle configuration, du moins pendant son séjour à Toul. Le bombardement et le strafing reste inscrits en lettres d’or sur le carnet de missions du Wing et on se fait la main une nouvelle fois en Afrique du Nord, sur le El Uotia Munitions Delivery Range, dans le désert de Libye.

    Avec quatre escadres de F-100D, tous armés d’engins nucléaires, l’USAFE maintient en France une force de frappe sans précédent, depuis que les Américains sont installés sur notre territoire. Mais la présence du F-100 en France, et par voie de fait à Toul sera très éphémère car fin 1958, le gouvernement français prend la décision d’interdire le stockage d’armes nucléaires sur son sol, à moins d’en avoir le contrôle. L’USAFE met alors en route l’opération « Red Richard » et les F-100 de Toul font une nouvelle fois un retour aux sources. Leur nouvelle base d’attache sera celle de Hahn en RFA pour les 10e et 81e TFS, tandis que le 417e TFS fera route sur la base de Ramstein. Tous les liens ne seront cependant pas coupés avec la France, car depuis Hahn, les F-100 du 50e TFW survoleront encore notre territoire lors de différents et nombreux vols de navigation. Mais à part cela, Hahn et le 50e TFW verront transiter un bon nombre de F-100D et F destinés à notre Armée de l’Air ! C’est ainsi que le colonel Henry C. Newcomer, patron du 50e, va convoyer le premier F-100D destiné à la France sur la base de Luxeuil en 1959, dans le cadre de l’Assistance Militaire (MAP).

L'escadre des champions", voilà tout simplement le surnom que les membres du 50e Tactical Fighter Wing s'étaient choisi et qui figurait en bonne place sur le panneau placé à l'entrée de la base de Toul-Rosières en 1958 ! Sous l'emblème du 50e TFW on distingue les insignes de ses trois squadrons constitutifs.
L'escadre des champions", voilà tout simplement le surnom que les membres du 50e Tactical Fighter Wing s'étaient choisi et qui figurait en bonne place sur le panneau placé à l'entrée de la base de Toul-Rosières en 1958 ! Sous l'emblème du 50e TFW on distingue les insignes de ses trois squadrons constitutifs.
Vu à Hahn AB au printemps 1960, un outre F-100D cette fois-ci aux couleurs du 10e TFS avec bandes bleu-foncé et étoiles blanches.
Vu à Hahn AB au printemps 1960, un outre F-100D cette fois-ci aux couleurs du 10e TFS avec bandes bleu-foncé et étoiles blanches.

 La reconnaissance est de retour…

     A partir du 1er septembre 1959, Toul Rosières devient une base D.O.B. (Dispersed Operating Base). Cela veut dire qu’elle est vide d’avions, mais que son infrastructure lui permet à n’importe quel moment d’accueillir une unité opérationnelle. En attendant une nouvelle activité. la base est mise sous contrôle du 7100e Support Wing (USAFE).

      En fait, pour la base de Toul, ce sera un retour vers sa vocation première : celle de la reconnaissance. Comme on s’en souvient, le 10e TRW avait été basé, du moins administrativement, à Toul-Rosières, entre 1952 et 1953, avant de faire route sur Spangdahlem. Le 1er août 1957, deux escadrons du 10e TRW — le 32e et le 38e TRS — avaient été mutés de Spangdahlem à Phalsbourg, en France. Le 8 mars 1958, ces mêmes escadrons ont été transférés du 10e TRW au 66e TRW dont l’État-Major se trouvait alors à Laon Couvron dans l’Aisne. Poursuivant cette véritable « révolution » dans l’organisation de l’USAFE au niveau de ses unités de reconnaissance, le 10e TRW avec les 1er et 30e TRS firent route depuis Spangdahlem sur la RAF Station d’Alconbury en Grande Bretagne, et ce le 15 août 1959. Au même moment, le 19e TRS fit lui mouvement vers la RAF Station de Bruntingthorpe, alors que le 42e TRS se retrouva à la RAF Station de Chelveston. Par voie de fait, le 10e TRW tout entier se retrouva sous le contrôle de la 3e Air Force, organisation responsable de toutes les bases de l’USAFE se trouvant dans les Iles Britanniques. Signalons tout de suite, car cela nous aidera à mieux comprendre l’histoire de Toul, qu’à ce moment-là, tous les escadrons ci-dessus vont être transformés sur RB-66 « Destroyer » à part le 42e TRS qui volera pendant un temps sur B-66.

     Alors que toute cette activité se déroule Outre-Manche, Toul-Rosières va se mettre au travail elle aussi ! Pour des raisons non exactement cernées, mais probablement pour des motifs d’infrastructures beaucoup plus importantes à Toul qu’à Phalsbourg, les deux escadrons de reconnaissance installés sur cette dernière base vont faire un saut de puce pour s’établir à Toul en octobre 1959. Il s’agissait des 32e et 38e  TRS, équipés tous deux du RF-101C « Voodoo. Les deux escadrons dépendent administrativement du 66e TRW et de la 17e Air Force, regroupant sous son contrôle les bases de l’USAFE en France et en Allemagne. Les RF-101C de Phalsbourg changent de « robe » en arrivant à Toul. La décoration portée sur la dérive : bande jaune ou verte frappée d’étoiles blanches, va disparaître en faveur d’une bande rectiligne de couleur appropriée à l’escadron (sans étoiles). Cette décoration fut portée du moins par les avions du 38e TRS. Ceux du 32e TRS portaient quatre bandes de couleurs rouge, verte, jaune et bleue, convergeant vers une étoile jaune enfermée dans un disque bleu. Ce fut là, la décoration officielle portée par les avions du 66e TRW de Laon-Couvron, les couleurs bleue et rouge étant celles du 17e  et du 18e  TRS respectivement.

Pour Toul commence alors une activité de routine dans le cadre de la reconnaissance au profit de l’OTAN et de la 17e Air Force. Le Voodoo effectue des missions de reconnaissance photo tactique à basse, moyenne et haute altitude, de jour comme de nuit. Et une nouvelle fois, le RF-101 sera, du moins à cette époque, l’avion de reconnaissance le plus rapide et le plus sophistiqué de l’arsenal américain en Europe, et même aux États-Unis.

La Garde Nationale arrive à Toul…

    C’est dans le cadre de la grande opération « Stair Step » que Toul-Rosières va sortir quelque peu de sa vie routinière. Cette opération de grande envergure avait été mise sur pied, rappelons-le afin d’épauler les forces de l’OTAN et de l’USAFE lors de la construction du « Mur » de Bertin, un des moments les plus tendus de la Guerre Froide au début des années soixante. Pour renforcer le dispositif de l’USAFE, ce sont des unités de la Garde Nationale (U.S. Air National Guard) qui ont été mises sous contrôle fédéral. Pendant un temps indéterminé, ces fameux guerriers du « week-end » deviennent des « réguliers » sous le contrôle du TAC.

     Le 13 novembre 1961, le TFS arrive Toul, équipé de vingt-six F84F, de quelques T-33 et de l’inséparable C-47. Le squadron fait partie de la Garde Nationale du Missouri normalement basée sur l’aéroport de Saint-Louis. Il sera regroupé en France avec d’autre unités identiques sous le sigle de 7131e  Tactical Wing dont l’État-Major se trouve à Toul même. Le bon vieux temps de la chasse est ainsi de retour, les F-84F volant désormais aux côtés des RF101C.

    En 1962, alors que les 650 hommes qui forment le contingent du 110e TFS sont bien implantés au sein de Toul air base, voilà comment un journaliste du Missouri, venu sur place, voit la base et son activité :  « Les pilotes de Lambert-St-Louis Field montent une alerte opérationnelle 24 heures d’affilée. Quatre avions sont maintenus en état d’alerte avec leurs pilotes et mécaniciens installés à proximité dans un petit baraquement. Les F-84F sont chargés de leurs bombes et de réservoirs supplémentaires, et les canons sont armés. Les pilotes, eux-mêmes, portent tous un pistolet en bandoulière, et disposent pour leurs longues heures d’attente d’une chambre de repos avec lits, une petite salle à manger, et ils ont même une petite machine à laver automatique à leur disposition… Les autres avions sont parqués dans des alvéoles, eux-mêmes disposés en « marguerite » et le tout prend un air hautement opérationnel avec des gardes en armes installés partout, et des rondes de nuit incessantes effectuées par des Air Policemen accompagnés de leurs chiens… » (Article paru dans le St-Louis Dispatch du 6 mai 1962).

    Mission accomplie, le 110e TFS retourne à St-Louis le 16 juillet 1962, et le 7131e Tactical Wing est dissous conséquemment le 15 août de la même année. Mais entre temps. les Voodoo avaient eux aussi quitté la base de Toul. C’est ainsi que le 15 mars 1962, le 32e TRS avait fait définitivement route sur Laon-Couvron pour y rejoindre les autres escadrons composant le 66e TRW, alors que le 38e  TRS avait été muté sur la base de Ramstein en RFA, le 5 juillet 1962.

(à suivre„,)

Lockheed T,33A appartenant au flight de communication du 50e Wing vu sur la base de Toul vers la fin des années cinquante. L'avion a reçu sur la dérive les couleurs habituelles du wing. couleurs répétées sur la moitié extérieure des bidons. Le « buzz-number » porté au milieu du fuselage est un détail inhabituel pour l'époque.
Lockheed T,33A appartenant au flight de communication du 50e Wing vu sur la base de Toul vers la fin des années cinquante. L'avion a reçu sur la dérive les couleurs habituelles du wing. couleurs répétées sur la moitié extérieure des bidons. Le « buzz-number » porté au milieu du fuselage est un détail inhabituel pour l'époque.
McDonnelI RF-101C Voodoo en finale, aérofreins et train sortis, à Toul Rosières en 1965. L'avion appartient au 38e Tactical Reconnaissance Squadron dont il porte la bande transversale noire et blanche sur la dérive. On distingue un insigne sur le nez, vraisemblablement celui appliqué l'occasion du « Royal Flush IX.
McDonnelI RF-101C Voodoo en finale, aérofreins et train sortis, à Toul Rosières en 1965. L'avion appartient au 38e Tactical Reconnaissance Squadron dont il porte la bande transversale noire et blanche sur la dérive. On distingue un insigne sur le nez, vraisemblablement celui appliqué l'occasion du « Royal Flush IX.

Livre 11 EC – V2

Livre 11 EC

     Après avoir vendu le dernier exemplaire, j’ai mis le livre en accès libre (c’est à dire gratuitement) sur Internet. Dans l’article “Livre 11EC” je faisais le point de ce que j’avais entrepris et il n’était plus question de repartir sur une nouvelle publication papier. La raison est simple : je ne me voyais plus stocker les livres dans mon garage, répondre aux demandes, les poster…..

     Je reçois régulièrement des demandes de personnes qui tiennent à se procurer un exemplaire papier, demandes auxquelles je réponds par la négative et en précisant qu’il n’y aurait pas de suite aux tirages précédents.  Et puis, il n’y a que les ânes qui ne changent jamais d’avis, j’ai découvert qu’Amazone proposait de prendre en compte l’autoédition en assurant tous les services qui s’y rattachent : impression, affichage sur le site, envoi,… Il suffit de leur envoyer le manuscrit et après acceptation, ils se chargent de tout !  La contrepartie évidente est qu’ils ne font pas çà gratuitement ce qui a forcément une incidence sur le cout unitaire. 

    La nouvelle version proposée est au prix de 26 Euros malgré une marge personnelle réduite ; j’ai fait le choix de la version couleur, donc plus chère que la précédente (15 Euros), mais le résultat est plutôt sympa.

    Cette “V2” reprend le contenu de l’originale mais comporte une bonne quinzaine d’articles supplémentaires.

    Si vous êtes intéressés, vous pouvez la commander en suivant ce lien https://www.amazon.fr/dp/B0DZJ4CD9D?ref_=pe_93986420_774957520

    Vous pouvez aussi le télécharger gratuitement en allant sur la page d’accueil du site 11 EC 

Manuel équipage UCB 105-1

     L’UCB 105-2 était le manuel de l’équipage normalement à disposition des pilotes de Jaguar. Un Internaute (merci Julien) m’a fait parvenir un lien du  site AVIALOGS sur lequel on trouve beaucoup de documents techniques aéronautiques et en particulier sur le Jaguar (qu’il faut aller chercher à la lettre “S” comme SEPECAT). C’est ainsi que j’ai découvert l’UCB 105-1 qui a la même vocation que l’UCB 105-2 mais qui est plus complet et qui réserve aussi quelques surprises. 

    

     Par exemple “l’atterrissage train rentré” ; le domaine a été ouvert  lors d’un convoyage à DAKAR, mais je ne savais pas qu’il existait une procédure prévoyant ce cas de figure. Le supplément SV qui décrit cette procédure date apparemment d’avril 1987, époque à laquelle j’étais pratiquement retiré des affaires….

Procédure train rentré

Ci-contre, quelques articles qui m’ont surpris : 

– l’interdiction de ravitailler en PCM avion lisse !?!

–  la restriction de vol à incidence élevé qu’on appelait lez trou du 6F qui était bien connue mais que je n’ai vue décrite nulle part 

– le dispositif de restitution d’effort ; je savais qu’on tirait sur une boite à ressort, mais je ne savais pas quelle tête elle pouvait avoir…

PC modulée en lisse
PC modulée en lisse
Trou 6F
Trou 6F
Dispositif restitution effort
Dispositif restitution effort

Pour récupérer le document complet UCB 105-1, vous pouvez le télécharger en allant sur le site AVIALOGS ou le faire à partir de ce lien : UCB 105-1 

 

Photos de F 100

F 100

       Cette semaine, j’ai reçu le mail suivant  :

       “Je suis le neveu de Michel “Mike” Barbier, pilote de chasse sur F-100D de la 11ème escadre de chasse. Michel va bien et coule, à plus de 92 ans, une existence paisible dans le Var. Dernièrement, j’ai retrouvé une série de diapositives prises au cours de sa carrière militaire. J’aime à croire qu’elles devraient vous plaire !” 

mail effectivement accompagné d’une série de photos de F 100 en couleur que je trouve magnifiques. Ces photos datent de 1964 à Bremgarten pour être plus précis, époque où les portables n’existaient pas et faire développer des tirages couleurs financièrement parlant , n’était pas donné.

Je les ai ajoutées à une galerie déjà publiée sur le site; 

 

 

 

Histoire de BAP 100

BAP 100 sur Jaguar
BAP 100 sur Jaguar

                                                                                           Histoire de BAP 100

              Petit rappel 

       Le 16 Février 1986, 11 Jaguar attaquaient et neutralisaient la piste de Ouadi-Doum ; 7 étaient équipés de BAP 100 (Bombe Anti Piste) et les 4 autres en bombes classiques de 250 kg freinées. Sur les 12 X 7 BAP 100 tirées, seules 9 atteignirent leur objectif en faisant un trou dans la piste ; le mauvais déploiement de certains parachutes a provoqué des trajectoires erratiques et ont fait en sorte que certaines bombes n’atteignent pas la piste. La cause évoquée fut alors simple et de bon sens : lot de parachute défectueux. “Attaque de la piste de Ouadi-Doum”

      Quelques années plus tard, lors d’une réunion d’anciens de l’EC 1/11, Schiltz qui participa à l’attaque me dit qu’en fait la cause était une vitesse excessive et supérieure à la limitation d’emploi de la BAP 100 qui était de 450 kts. Il faut préciser qu’arrivés au point initial, nous avions accéléré à 500 kts pour être certain d’avoir au moins 450kts lors de la finale car entre le point initial et le largage nous avons effectué 3 virages au cours desquels nous aurions dû perdre un peu de badin. Ces virages étaient assimilés au « Jink » et étaient destinés à diminuer notre vulnérabilité face aux menaces sol/air en ayant des trajectoires avions moins prédictibles.

       Mais le Jaguar était un avion qui réservait parfois des surprises et contre toute attente nous avons conservé cette vitesse de 500kts, donc supérieure à cette fameuse limite des 450kts. Cette hypothèse a d’ailleurs été reprise par un « instruit » ancien du CEV qui faisait partie du comité de lecture de la revue que publie le Musée de l’Air. Un collègue de promotion était alors président et m’avait demandé l’autorisation de publier l’article dans lequel je racontais comment s’était passé l’attaque. Arguant du fait que nous étions « arrivés trop vite » et que nous avions overshooté la limite vitesse de la BAP 100, il n’était pas question qu’une revue aussi prestigieuse puisse comporter un article qui ne reflétait pas l’exacte vérité.

    Quand j’ai quitté l’Armée de l’Air, j’ai travaillé dans le groupe industriel qui possédait la société qui avait conçu et construit la BAP 100 ; j’ai retrouvé un ingénieur qui avait participé au projet et qui m’a dit que la limité haute préconisée et figurant sur la fiche technique de la société était bien de 500 kts, que les calculs avaient bien étaient fait pour 500 kts et qu’il fallait même ajouter ce fameux coefficient « k » compris entre 1,1 et 1,2 qui en fait amenait ainsi la limite à 550 kts. Ce coefficient « k » est utilisé pour tout calcul de limite structurelle ; quand un pont est limité à par exemple « 10 T », il ne va pas s’écrouler s’il y a « 10,1 T » mais commencera à présenter des signes de fatigue à 10xk T. Malheureusement, je n’arrive pas à remettre la main sur la fiche constructeur de Thomson Brandt ; j’ai dû bien la ranger pour être certain de ne pas la perdre….

    Par contre , j’ai retrouvé un numéro de la revue « TIR Information » d’avril 1989, consacrée à la BAP 100 qui est jointe ci-dessous.

Bulletin "TIR Information" d'avril 1989
Bulletin "TIR Information" d'avril 1989
Tir BAP 100

                                                                     BOMBE ANTI-PISTE 100 Tête explosive

      CARACTERISTIQUES PHYSIQUES

      – Longueur hors tout…………………………………………………………..1786 mm

      – Calibre……………………………………………………………………………100 mm

     – Masse totale…………………………………………………………………….37 kg

     – Masse totale de matière active……………………………………………7,2kg

   CARACTERISTIQUES TECHNIQUES

      La BAP 100 « Bonne de Guerre » est constituée de :

 La tête active contenant :

             – 3,5 kg d’explosif (HEXAL)

            – Un générateur piezzo-électrique à l’ogive relié à la fusée située à l’arrière de la tête.

           – La fusée équipée des sécurités et du retard d’initialisation (0,025 s).

           – Le tronçon central comprenant :

          – Le double système d’accrochage (sous adaptateur / sous bombe supérieure).

          – Le vérin pyrotechnique éjecteur (vitesse d’éjection 2,5 m/s).

        – Un séquenceur électronique fournissant les ordres nécessaires au fonctionnement. Il existe deux types de séquenceur en fonction de l’altitude de largage (65 m ou 80 m).

 Le propulseur comprenant :

        – L’enveloppe métallique (masse 8,6 kg).

        – L’allumeur électrique BICKFORD PPN/CA fixé sur le fond avant du bloc de poudre.

        – La poudre propulsive (3,5 kg de SD 1152) qui produit une poussée moyenne de 2300 daN pendant 0,3 s.

       – L’ensemble empennage fixé à l’arrière du propulseur. Il comprend :

       – Quatre ailettes déployables et verrouillables.

      – Un conteneur pour le parachute cruciforme (0,85 m2)

     – Un vérin pyrotechnique assurant l’ouverture des ailettes et le verrouillage du parachute.

 Les sécurités

    – Les courts-circuits de tous les allumeurs pyrotechniques ne sont levés qu’après éjection effective de la bombe (sécurité électrique.

    – Chaîne pyrotechnique non alignée avant l’éjection.

     – Interdiction de la séquence de mise à feu si le freinage est insuffisant.

     – Les caractéristiques de stockage sont :

     – Classe : 1 ,1 E

    – Températures limites : -20° C < T < 40° C

CARACTERISTIQUES TACTIQUES

    Les BAP 100 sont larguées à partir d’adaptateurs spécifiques (30.6.M2), convenant aux pylônes équipés d’éjecteurs à entraxe de 14″, sur avions d’armes. Elles sont utilisées en chapelet de 1, 6, 12 ou 18 bombes. Elles permettent la neutralisation de pistes d’aérodromes, d’autoroutes, ponts ou autres infrastructures à carapace bétonnée.

Conditions nominales de tir.

     – Altitude > 65 m pour le séquenceur 65

    – Altitude > 80 m pour le séquenceur 80

    – Vitesse comprise entre 350 kts et 550 kts

   – Distance Avion-Bombe à l’armement de la fusée :

   – 190 m pour V = 350 kts

   – 340 m pour V = 550 kts

Efficacité

    – Le pouvoir de pénétration est de 30 cm de béton pour les objectifs bétonnés (pistes aérodromes, autoroutes, etc …).

    – La surface à réparer est de 50 m2.

    – Le diamètre du cratère est de 4 m.

    – La profondeur du cratère est comprise entre 0,8m et 1,2m.

    – L’explosion retardée se produit entre 0,3 m et 0,5 m

   – Températures d’utilisation : -40° C < T < 70° C

                                                          Il est bien stipulé dans cette fiche que la vitesse de tir est comprise entre 350 et 550 kts.

     A bientôt 40 ans après l’attaque, ce point qui ne relève pas du simple détail, n’est pas élucidé. Ce qui m’étonne, est que « l’institution » n’ait pas pris le problème à son compte ou si elle l’a fait, elle est restée très discrète à ce sujet.

     Je lance un peu une bouteille à la mer … si quelqu’un a des informations autres que celles avancées dans cet article, je suis preneur.

 

Plaisir magistral

CM 170 Fouga Magister

       Je remercie tout d’abord Henri GUYOT de m’avoir autorisé à mettre en ligne cet article tiré d’Air Actualités dont il a été rédacteur en chef. Je vous invite à aller visiter son site https://www.traditions-air.fr/ qui constitue une véritable mine d’informations sur l’Armée de l’Air et bien évidemment ses traditions. J’ai eu la chance d’être formé sur CM 170 et la lecture de l’article m’a rappelé beaucoup de (bons) souvenirs et je pense qu’il devrait en être de même pour ceux qui ont volé sur cet avion.

      A la faveur de la 2 000 000° heures de vol du Fouga Magister CM 170 effectuée au sein de l’Armée de l’air, le rédacteur en chef du magazine Air Actualités n’a pas résisté au plaisir de vous faire partager l’une de ses nombreuses heures de vol sur ce merveilleux appareil.

   PPV, pilotage perfectionnement et voltige – zone de travail : R 71 Bravo – Axe : Lima- Altitude mini : niveau 80 :Terrains de déroutement : Istres, Orange – Pétrole mini : 250l au point initial – Mission de remplacement : tours de piste à Salon – Avion : N° 516 AZ »

     Les ordres de vol ont été signés sur le cahier ad-hoc. Après examen de la forme 11 (suivi mécanique de l’aéronef) et quelques civilités échangées avec le chef de piste, casque et parachute tenus d’une seule main sur l’épaule, je longe l’alignement impeccable des dix appareils de l’escadron, à la découverte de mon avion. Par cette matinée de juin, le soleil levant et la brume estompant tous les reliefs à l’Est du terrain laissent présager une chaude journée aéronautique. Ainsi, le premier tour s’annonce comme un privilège. De plus, selon l’expression de la gente chasseresse, « il fait un temps de curée » sur zone, ce qui convient parfaitement à mon infortunée condition d’abonné affecté en état-major. Tout est calme : ni les cigales, ni les Marboré VI n’ont entamé leur concert strident. Seul le bruit métallique des cales, projetées par les pistards, résonne étrangement sur le parking de Salon-de-Provence.

    Seul dans ma tour d’ivoire

    L’« alpha zoulou » est là et dans un premier temps, le rite de l’inspection extérieure de l’avion s’accomplit comme un besoin mythique de caresser la monture. Je lui enfonce l’amortisseur du train d’atterrissage avant, je lui vérifie, de l’œil et de la main, zeus , sauterelles de capotage, bouchons de réservoirs… Les bidons sont froids, donc pleins… Les réacteurs sont bien là où il faut, vus de l’entrée d’air ou de la tuyère. Je n’oublie pas non plus le traditionnel coup de botte sur la roulette de queue (qui doit remplir son office c’est-à-dire tourner sur son axe) ni l’épreuve de force avec le cadre de conjugaison des gouvernes du papillon. Toutes ces actions insolites, indispensables en matière de sécurité des vols, matérialisent en fait le premier contact affectif du pilote avec son avion. Me voilà maintenant à l’étroit dans ma cabine, assis sur mon parachute, harnaché, coiffé du casque et le masque inhalateur d’oxygène sur le nez : c’est alors la valse des interrupteurs orchestrée par des actions vitales (A/V) bien établies et par de savantes formules mnémotechniques. Le réacteur gauche rugit, le droit aussi et bientôt je referme la verrière m’isolant du même coup du monde extérieur, tout à la joie de me retrouver seul dans cet habitacle qui devient du même coup ma « tour d’ivoire »

                 «  – Salon Airport – Mistral 122 – Taxi clearance and take-off instructions.

                    –  Mistral 122 / Runway in use : 34 / Fox Echo : 1016 / November Hotel : 1023 / Report holding point. »

Le frein de parking est lâché et aux régimes réacteurs de 10 000 tours/minute, l’« objet siffleur » s’ébranle en cahotant sur chaque dalle du parking pour rejoindre les taxiways. La hauteur de mon séant par rapport au sol n’excède pas deux pieds pour le moment. Point de manœuvre, les A/V (actions vitales) avant décollage sont entonnées à voix haute sur le téléphone de bord comme, il y a bientôt trente ans, avec mon premier et persuasif moniteur.

« Sois Courageux Mais Prudent, Vol, Garde Intelligence Habileté Observation ». Tout un programme : « S » pour serrage manette, servocommande, sensibilité artificielle ; « C pour commande libre et dans le bon sens ; « M » pour moteurs… « O » pour oxygène sur 100%. Rien ne se néglige ne s’oublie en la circonstance.

    Entre le Lubéron et la montagne de Lure

     Alignement sur la piste Pleins gaz sur freins : 21500 t/m pour une poussée de 2 fois 480 kg- 15° de volets. Le Magister s’élance plaisamment ; moment suprême qui me ramène à mon lâcher, il y a bien longtemps et en d’autres lieux. Aucun problème de tenue d’axe ne perturbe l’élan modéré du Fouga. 20 secondes après, approchant les 100 kt, ce dernier ne me demande même pas la permission de décoller tant l’action que j’applique sur la profondeur me semble imperceptible. A partir de là, après la rentrée du train, le miracle intervient, c’est la révélation du volatile qui vient subitement de retrouver son milieu de prédilection, car les rugosités terrestres ont laissé la place à un coussin invisible mais douillet, où l’avion semble glisser sans effort.

      3 000 pieds, sortie de circuit, succédant aux trajectoires scrupuleusement définies, la conquête des azurs est amorcée entre le Lubéron, le Ventoux et la montagne de Lure, vitesse 220 kt, 2000 pieds par minute au variomètre. Plus l’altitude croît et plus il me semble que le cadre majestueux de la Provence s’immobilise autour de moi. A peine si j’aperçois la lente translation du décor par rapport à une aspérité de la verrière. J’ai l’impression de devenir le maître de ces lieux, et je scrute le ciel comme pour déceler l’éventuel intrus venant empiéter sur mes terres : la surveillance du ciel en terme professionnel. Rien à craindre, seuls quelques messages radio, émis de nulle part, fusent dans mes écouteurs et violent l’intimité qui s’est Instaurée entre l’avion et moi. Je mesure le contraste que suscite cette montée sur axe avec le défilement tumultueux perçu lors des navigations habituellement effectuées à basse altitude à 500 pieds sol, à des vitesses de 240 ou 280 kt.

Elégance, finesse et maniabilité pour ce biréacteur d'entrainement. Le Fouga Magister a conquis de nombreuses générations de pilotes.
Elégance, finesse et maniabilité pour ce biréacteur d'entrainement. Le Fouga Magister a conquis de nombreuses générations de pilotes.

      « Actions vitales à 10 000 pieds : moteur… tachy… T4… pression, température d’huile… oxygène… pressurisation, altitude cabine… pétrole : 630 litres en transfert… pas de fuite aux bidons Tout va bien:

       Voici l’axe et la route Est-Ouest qui le constitue, borné par la petite ville de Céreste et par le coude caractéristique indiqué sur ma carte au 1/500 000e. L’horizon, par sa pureté rectiligne, sa netteté, son étendue, semble sortir tout droit d’un manuel de pilotage de base. Le travail va s’effectuer entre les niveaux 95 et 145. Toutes les maladresses sont autorisées à ces altitudes et l’audace, si audace il y a, réside seulement à les commettre. Ce faisant, l’entité « perfectionnement » mentionnée sur le cahier d’ordres recouvre toute sa signification.

      La vitesse magique

      A 18 500 t/mn, les « huit paresseux » portent bien leur nom et servent de préambule à mes évolutions. Exercice de coordination par excellence, la qualité de leur exécution se mesure en souplesse mais aussi en précision et les vitesses imposées des 240 kt point clé bas et 140 kt point clé haut les rendent très académiques. Mais déjà, les virages serrés max me ramène à un jeu plus viril. Entamés à 220 kt, plein gaz et immédiatement sur la tranche, les 5,5 g d’accélération, obtenus par action sur la profondeur, sont inévitables pour atteindre les vibrations annonciatrices du décrochage. En insistant, le résultat ne tarde pas à être brutal, mais cesse avec le simple relâchement de l’action sur la profondeur. Le « badin » s’est rapidement dégradé, ce qui introduit naturellement le virage rayon minimum. En effet, à 140 kt, niveau constant, à plus de 60° d’inclinaison et avec une assiette légèrement positive, l’aile basse semble plantée dans le sol et l’horizon défile allégrement.

     140 kt, la vitesse offrant l’incidence de finesse max (avion lisse) demeure magique pour le Fouga. Elle permet entre autres, la montée pente max, le régime d’endurance max, etc. Ainsi, en panne des deux réacteurs, en affichant celle-ci, je pourrais rejoindre, là où je suis, les terrains d’atterrissage de Saint-Christol, Aix, Orange ou Salon, situés dans un rayon de 30 Nm (56 km). Trêve de commentaire. J’entame à présent l’enchaînement de la série de voltige classique. Parfaitement aligné sur l’axe au niveau 130, régime 19500 t/mn, je vais rechercher la vitesse de 260 kt pour le retournement. A 70° de cabré, le nez dans le ciel, le demi-tonneau exécuté sur la trajectoire à partir de 180 kt, me contraint à rejeter la tête vers l’arrière pour retrouver le visuel de l’horizon. La boucle entre les vitesses de 280 et 110 kt, déroule maintenant ciel et terre dans le plan vertical.

     Dans cette mouvance, les réservoirs de bouts d’aile deviennent des « bouées de sauvetage » en matière de recalage dans l’espace. Leurs hauteurs relatives me tracent le chemin du zénith, leur pivotement et l’angle à 45° qu’il matérialise avec l’horizon un instant plus tard, me désigne le mas de Provence au centre du parebrise sur lequel je dois tourner le demi-tonneau du « huit cubain ». Commencé à 300 kt, une ascension un peu plus soutenu du nez de l’avion annonce le rétablissement final. Arrivé sur le dos, le haut de l’arceau verrière calé sur l’horizon, à 140 kt, je déploie mon énergie sur toutes les gouvernes de l’avion pour obtenir le droit légitime de revenir élégamment en vol normal, les ailes horizontales

     Nouvelles aventures

    Un bref coup d’œil dans la cabine me permet de constater que la fin de transfert des bidons en bout d’aile est effective. S’enchaîne une série puis une autre. Pour corser l’affaire, j’en viens à celle « basse vitesse » où je soustrais systématiquement 40 kt au départ de chaque figure. Il est à noter qu’il suffit de 200 kt au Fouga Magister pour « passer la boucle » (plein gaz évidemment). Dans l’euphorie, je renouvelle la démonstration étonnante selon le principe que le Fouga peut être placé sans danger, même avec un badin ridicule, dans les attitudes les plus scabreuses. Effectivement, à partir de là, si je ne le contrarie pas, en conservant les commandes strictement au neutre, irrémédiablement je vois son nez au bout d’un certain temps, repasser sans encombre sous la ligne de l’horizon et l’appareil, de par son équilibre dynamique, est dès lors prêt à de nouvelles aventures.

La mission ne serait pas complète sans une vrille. Je grimpe au niveau 150. Là, avion lisse, compensateur à 0, gaz plein réduit, nez haut à 95 kt, j’engage franchement et complètement la direction et comme pour refuser l’abîme qui s’ouvre sous moi, je ramène la profondeur en butée arrière sur le siège baquet. Le Fouga semble tout d’abord refuser l’incongruité de la manœuvre que je lui impose. Ainsi, lors de son premier tour de vrille, tournant déjà vivement autour de l’axe de roulis et de tangage, il essaie de reprendre une bouffée de ciel pur au-dessus de la surface que constitue l’horizon. Ensuite, il se visse inexorablement dans une spirale terrestre. Deux tours, trois tours, l’altimètre s’emballe, le badin s’interroge en battant entre 60 et 140 kt. La vrille est franche, sans soubresaut parasite, il est temps d’en sortir. Par l’action de la pleine direction à l’opposé de la vrille, la rotation cesse et il suffit d’un peu de profondeur avant, pour ramener l’appareil dans son domaine de vol.

Train sorti vérifié. Dernier virage pour l'atterrissage.
Train sorti vérifié. Dernier virage pour l'atterrissage.

 L’héritier des années glorieuses

    Après quelques trèfles, tonneaux lents, barriqués et des baquets, le jaugeur m’interpelle : 380 litres. Les bonnes choses ont toujours une fin et c’est l’heure de mettre le cap sur le terrain. Evoquant la fin d’un bonheur, c’est justement pour son intempérance notoire, héritage des années glorieuses, que le Fouga se transforme en « espèce en voie de disparition ».

     Rigueur professionnelle oblige : je recale les « gyro » et vérifie mes instruments de radionavigation. Eux aussi me semblent maintenant bien désuets, mais cette faiblesse instrumentale du CM 170 pourrait être curable car un simple GPS de quelques milliers de francs suffirait pour rénover avantageusement l’avionique de ce vétéran. A 1500 pieds, 220 kt, j’entre maintenant dans le circuit et tout s’anime autour de moi. « Je ne suis pas tout seul ». J’arrive rapidement à l’initial. Après un break vigoureux, je sors le train d’atterrissage à 130 kt, puis les volets pour basculer en dernier virage. A 110 kt (15 000 tours/minute), le nez se verrouille sur le seuil de piste, le rectangle de béton grandit et l’arrondi me fait tangenter gentiment la planète 90 kt.

      Le parking s’est transformé en une ruche bourdonnante et brûlante. L’avion est maintenant dans ses cales, les interrupteurs sur « off », les robinets coupe-feu fermés. Les réacteurs tournent en moulinet avant de s’arrêter. Je ressens à présent la langueur physique qu’occasionne ce type de mission mais je suis bien. Après plus de trois milles heures sur le Fouga, je m’étonne de la satisfaction sans cesse renouvelée de m’entraîner sur cet appareil.

LCI Henri Guyot

Air Actu n° 464 juillet – août 1993   

L'auteur de l'article : Henri GUYOT qui a effectué plus de 3 000 heures sur CM 170 Fouga Magister
L'auteur de l'article : Henri GUYOT qui a effectué plus de 3 000 heures sur CM 170 Fouga Magister

BREMGARTEN

BREMGARTEN

   Cet article paru dans TAM en 1966 (Terre Air Mer) ainsi que les documents joints, extraits du journal Reflets et guide de la BAO 136, m’ont été envoyés par une personne qui a effectué son service militaire sur la base de Bremgarten et que je remercie ; vous constaterez qu’il n’y  a pas beaucoup de changements par rapport à ce qu’on a connu à Toul Rosières.

         La tache argentée qui miroitait quelques instants auparavant dans le soleil de mai s’est matérialisée : un F 100 apparaît en bout de piste. « Vous êtes « clear » pour l’atterrissage » , a annoncé la tour de contrôle. Effectivement, la prise de terrain est excellente, l’appareil roule sur la piste à plus de 200 km/ h, sa vitesse diminue, un panache blanc éclate derrière lui : le parachute permettant d’augmenter le freinage vient de se déployer, l’avion regagne maintenant son parking. Le pilote descend, encore tendu par sa mission, mais, une fois de plus, celle-ci a été menée à bon terme.

         A la B.A. 136, près de Bremgarten, une telle séquence est monnaie courante. La base doit assumer une mission opérationnelle d’assaut et de protection, comportant éventuellement le recours à l’arme nucléaire. Pour ce faire, elle dispose de soixante-quinze F 100 répartis en trois escadrons (1/11, 2/11, 3/11) et d’un terrain d’une superficie de cinq cent soixante-dix hectares. Son rôle l’oblige à être en alerte permanente et à avoir 70 % de son matériel disponible. Le F 100, direz-vous, ce n’est plus un nouveau-né en matière de défense aérienne. En effet, le Super-Sabre (vitesse de 1,3 mach, 16 000 mètres de plafond) porte gaillardement ses dix ans d’existence, et reste cependant un « instrument » des plus valables, si sa carrière touche maintenant à son terme, les « Mirage III » devant assumer sa relève. Vu les responsabilités de la B.A. 136 et la fréquence des vols, comment expliquer, vous demanderez vous, la longévité des appareils et la rareté extrême des accidents ? On aborde là un aspect capital de la vie d’une base, mais moins spectaculaire, donc injustement méconnu du profane : la maintenance. Succinctement, il s’agit d’un contrôle au cours duquel le pilote signale toute anomalie avant l’entrée de l’avion en visite périodique, visite au cours de laquelle il est littéralement disséqué ; ensuite a lieu un vol d’essai accompagné de tests particuliers.

      Le contrôle local d’aérodrome

       Mais voyons de plus près la somme d’efforts déployés au sol pour permettre à la surveillance du ciel et s’effectuer avec le maximum d’efficacité.

       Rattaché au commandement de l’escadre, le C.L.A. (contrôle local d’aérodrome) doit assurer le décollage et le recueil des appareils et comprend, outre une cellule de commandement, la tour de contrôle, le bureau d’information aéronautique (B.I.A.) et le contrôle d’approche.

       Le B.I.A. fournit au pilote tous les éléments utiles pour préparer sa mission dans la salle des opérations, c’est un va-et-vient continu de ces hommes au métier si exigeant, qui exige une maitrise de soi et une santé peu commune pour résister aux différences de pression, aux accélérations, à la tension nerveuse du vol ; ils entrent, relèvent des chiffres, reçoivent leur plan de vol et repartent vers leur mission.

        La tour de contrôle donne à la patrouille toutes les informations pour le décollage ; au retour, si le temps est beau, elle fait de même pour la reprise de contact avec l’aérodrome. Mais supposons que les conditions atmosphériques soient mauvaises ; en ce cas, les radars de contrôle d’approche interviennent. Si Ia couche nuageuse est peu épaisse, « l’approche » donne ses éléments au pilote ce qui lui permet de passer sous la couche ; si le temps est vraiment bouché l’approche prend en charge l’appareil qu’un radar panoramique permet d’amener à 500 mètres, de lui faire sortir son train, avant de le passer au radar de précision qui garantit l’atterrissage proprement dit. En cas d’avarie de freinage on peut déclencher de la tour de contrôle le filet de protection, nasse pour poissons géants, qui se détend brutalement ; haut de trois mètres, il peut « encaisser » un appareil lancé à 200 km/h ! Fort heureusement, nous n’eûmes pas à juger de son efficacité.

        Le C.L.A. prend en charge, si besoin est l’accueil d’avions étrangers à la base (déroutés pour raisons atmosphériques ou incident mécanique) ; au total, le contrôle peut superviser jusqu’à 200 manœuvres (atterrissages et décollages) par jour. L’un des secrets de son efficacité son personnel n’ignore rien des problèmes qui peuvent se poser au pilote, grâce au Link trainer, reproduction exacte, avec tous les instruments, d’une cabine de F 100, permettant de recréer minutieusement les conditions de vol.

Les auscultations du matin

      L’appareil est maintenant sagement rangé dans son alvéole. C’est ici que commence le travail au premier échelon celui de l’escadron : il faut refaire les pleins de carburant (TR4) d’oxygène inspecter l’avion sous toutes ses coutures. Prenons par exemple une opération des plus importantes, la P.P.V. (préparation pour le vol) du matin. La première tâche du sergent mécanicien Nédellec est de vérifier si l’appareil est à la masse. Puis il s’introduit dans l’entrée d’air, pour faire tourner le premier étage du compresseur et vérifier les ailettes. Il a pris soin, auparavant, de vider ses poches, afin que rien ne risque d’en glisser et de rester dans ce point vital, il ressort des entrailles de l’avion, moderne Jonas s’échappant d’une baleine d’acier, puis passe au train avant, à son logement, aux goupilles de sécurité, vérifie la précharge des accumulateurs, le niveau d’huile, les ailerons, les volets, veille aux fuites possibles (hydrauliques surtout). En ce qui concerne plus spécialement le train, il regarde si les amortisseurs sont suffisamment gonflés et observe l’état d’usure des pneus : sur ceux-ci, on peut remarquer de petits trous qui sont autant de repères : lorsqu’ils sont effacés, l’échange s’impose. Mais l’usure n’est pas régulière, une prise de contact un peu brutale entraîne des marques plus ou moins importantes, un pneu étant composé d’un certain nombre de toiles superposées, les stratifications deviennent apparentes après un accroc ; si l’on distingue quatre de ces toiles, le pneu est considéré comme hors d’usage.

Lors de la PPV du matin
Lors de la PPV du matin

     Poursuivant sa P.P.V., le mécanicien inspecte le patin de queue, enclenche le parachute frein et, pour finir, se présente devant la tuyère ; après avoir jugé que le réacteur était bien centré, il pénètre à nouveau dans l’avion afin de constater l’état de l’accroche flammes, dont certains éléments pourraient s’être détachés. « Il faut bien se représenter, souligne notre guide, l’adjudant-chef Goettelmann, les responsabilités qui incombent au mécanicien ; la moindre négligence peut avoir des conséquences tragiques. »

     Il existe différentes P.P.V. ; outre celle du mécanicien de piste, il en est une pour l’équipement, où l’on vérifie tous les instruments, sauf ceux des radars et de radio, objets d’une visite spéciale, et la P.P.V. de l’armurier, qui contrôle entre autre le mécanisme du siège éjectable.

      En cas d’avarie, l’escadron dispose d’un atelier qui prend en charge les réparations urgentes (fuites hydrauliques) et procède à des échanges standard de réacteurs, tel celui qui s’effectuait sous nos yeux et qui avait été rendu nécessaire par la présence de particules de métal dans la tuyère.

     Une heure de vol, dix-huit de travail

     Pour les cas graves, on passe au deuxième échelon et le groupe d’entretien, et de réparation de matériels spéciaux ou G.E.R.M.A.S. entre en scène. Après cent heures de vol, l’appareil lui est confié pour une visite périodique (V.P.100) qui mobilise six mécaniciens avion pendant sept jours ouvrables. Le réacteur est démonté et transmis à l’atelier spécialisé et le travail sur la cellule commence. Cinq avions sont en permanence en révision et en réparation ; le service disposant de cinq équipes de révision et d’une équipe de dépannage, un problème de rendement maximum se pose : il faut absolument synchroniser le travail, aussi ce dernier est-il planifié, afin que les cinq mécanos œuvrent simultanément Le F 100 est divisé en zones de révision, numérotées de 0 à 7 ; avion en général, nez, partie centrale du fuselage, aile droite, arrière du fuselage et empennage, aile gauche et train principal, cockpit, réacteur. Chacun sait ce qu’il doit faire et consigne ses observations sur des analytiques. Tout cela se déroule dans un vacarme assourdissant, qui rend la tâche de ces hommes particulièrement pénible.

    Pour la V.P. des 200 heures, la visite s’effectue selon le même processus, mais les six mécanos affectés à la cellule y consacrent douze jours de travail. Vingt-cinq réacteurs sont confiés en moyenne à l’atelier compétent, et si pour la V.P. 100 heures on se limite à une vérification assez rapide (des filtres surtout) la V.P. 200 mobilise trois hommes pendant trois jours, plus une journée au banc d’essai. Au total, pour une heure de vol, il faut compter 18 heures de travail d’un personnel spécialisé.

    Du rendement du G.E.R.M.A.S. dépendent les possibilités en heures de vol de l’escadre, 1 000 à 1 200 heures sont ainsi « régénérées » chaque mois.

     L’escadron de ravitaillement technique

      Il ne suffit pas de réparer, de contrôler encore faut-il avoir en main tout le matériel nécessaire. L’Escadron de Ravitaillement Technique (E.R.T.) y pourvoit. Sorte d’intendance technique, il fournit toute espèce de ravitaillement (munitions, carburant, outillage, etc.), ce qui nécessite un service de documentation important qui permet d’évaluer à tout instant les niveaux du stock : 27 000 fiches pour autant d’articles à fournir. Il existe en plus un fichier de matériel américain, car toutes les pièces du F 100 ont une référence précise, une erreur provoquerait une commande et des frais inutiles.

     Périodiquement, il convient de rajuster « les réserves » dans les magasins, car un avion n’est pas défini une fois pour toutes ; il subit des modifications constantes certaines pièces sont périmées, d’autres apparaissent. Pour s’alimenter, I’E.R.T. a dû faire face à une pénurie de pièces de rechange sur le marché international, ce qui explique la création d’une commission d’achat à Washington, qui traite, le cas échéant, directement avec les fournisseurs américains. Pour donner une idée des opérations effectuées par l’escadron, signalons qu’en avril 80 tonnes de matériel ont été expédiées, 130 tonnes réceptionnées, et 60 tonnes sont passées en transit, car la BA. 136 sert également d’intermédiaire pour d’autres Bases (Lahr, Fribourg, Stetten).

Les fiches de l'ERT
Les fiches de l'ERT

        23 hectares ! Telle est la surface couverte par les réserves d’essence et de munitions (il arrive que 300 000 litres de kérozène soient consommés en une journée). Justement, un camion-citerne vient faire le plein ; aussitôt il est mis à la masse pour éliminer l’électricité statique qui pourrait se trouver sur le véhicule. On remarque les potences équipées d’éclairage antidéflagrant pour les pleins de nuit. Pompé dans une des énormes cuves de 100 000 litres, le carburant est d’abord filtré au tamis micrométrique, avec séparation d’eau à 100 % , car le TR. 4 n’admet aucune humidité ni impureté, puis acheminé dans les perches de distribution ; le plein est fait ; la lourde citerne retourne vers les pistes.

Promenade en enfer

        La Base est construite sur un volcan. Constatation brutale, mais qui reflète Ia réalité ; heureusement elle a ses ange gardiens : les pompiers de la S.S.I.S (Section de sécurité incendie et de sauvetage) qui, sous la direction de l’adjudant-chef Ségalas, assument trois missions principales : protection des appareils, des installations, et mission « strike » en cas de catastrophe nucléaire. En plus il leur arrive d’aider les pompiers civils allemands en cas d’urgence (incendie de forêt par exempte). Pour leur première tâche, trois sont en alerte permanente au pied de Ia tour de contrôle un véhicule rapide d’extinction, un véhicule lourd, et un de sauvetage muni d’une perche permettant de « cueillir » le pilote coincé son cockpit. « Pompiers, tournez » annonce la tour ; les moteurs ronflent, les équipages sont en place et le scénario se reproduit pour chaque atterrissage et décollage.

      En ce qui concerne les installations, il faut procéder au contrôle des extincteurs innombrables, des 20 camions citernes. Assurer tous les six mois l’instruction du personnel (civil et militaire) au moyen de causeries. La base est divisée en secteurs ; dans chacun d’eux l’instruction est adaptée au type d’extincteur utilisé par le service (il en existe 25 modèles différents à Bremgarten)

     L’épreuve du feu

     Ces charges sont confiées à des sous-officiers brevetés, qui ont suivi des stages à la Base de Cazaux, et qui encadrent un personnel recruté dans le contingent, venant de tous les horizons et qu’il faut former en six semaines. L’entraînement est dur, l’alerte permanente éprouvante, l’instruction ne cesse jamais, mais le moral et l’esprit de corps sont étonnants, aussi les résultats sont-ils payants. Un exercice nous le prouve dans une cuve, on enflamme mille litres de kérosène, une colossale colonne de fumée parcourue d’épaisses volutes pourpres, jaillit vers le ciel ; mais les lances entrent en action et, en un temps record, le « sinistre » est étouffé sous une nappe blanchâtre de mousse. Un peu plus loin, on procède aux épreuves du troisième degré. Il s’agit de trois parcours de plus en plus compliqués à effectuer au milieu de murailles de carburant en feu, et d’une température de 200 à 300 degrés. Monstres de fiction, engoncés dans leur combinaison d’amiante (14 à 17 kg !) les hommes effectuent un à un le parcours, tâtonnant dans la fumée, avant de retrouver l’air libre dont ils ne pourront profiter de suite, car il faut alors les « dépiauter » de leur armure. Signalons que ces combinaisons peuvent supporter jusqu’à 1 100° et que leurs usagers sont munis d’appareils respiratoires d’une autonomie de trois minutes, c’est suffisant car un pompier ne peut tenir plus longtemps, même avec sa combinaison ; il faut donc que son sang-froid égale sa maîtrise technique pour effectuer un sauvetage dans un laps de temps aussi court.

    En quittant la Base, nous passons près d’un alvéole ; le hurlement d’un réacteur nous assourdit ; un F 100 s’apprête à partir ; dans le ciel, la ronde sans relâche, cet écrasant labeur de surveillance et d’entretien, grâce auquel l’alerte peut être maintenue ; on guette, on est sur pied de guerre, mais, paradoxalement, la paix est à ce prix.

Christian Cot. Photos « TAM » : Ph. de Berliner.

La SSIS à l'épreuve du feu
La SSIS à l'épreuve du feu
La base de Bremgarten
La base de Bremgarten
Journée porte ouverte
Journée porte ouverte

Général FORGET

       Encore une fois, c’est en consultant mes archives que j’ai retrouvé les photos de la galerie figurant au bas de l’article ; et puis, j’ai ajouté l’ordre du jour relatif au départ du général FORGET qui date de mai 1983. Une façon de rendre hommage au “grand YAKA” chef redouté et respecté qui a marqué l’histoire de l’Armée de l’Air et plus particulièrement de la 11 EC lors de l’opération Lamentin.

        Il était aussi un fervent défenseur du Jaguar et avait fait part de ses qualités dans l’article : https://www.pilote-chasse-11ec.com/le-jaguar-lavion-par-lequel-on-fait-la-guerre-general-michel-forget/

ORDRE DU JOUR N°16

       “Au cours de ces quatre années de mon Commandement, nous avons parcouru ensemble un long chemin, parfois dur, mais dont nous avons su gravir la pente.

        La Force aérienne tactique, avec ses Escadres de Combat, a affirmé ses capacités d’intervention, en appui de nos troupes ou en missions offensives profondes, classiques et nucléaires. Elle a renforcé sa coopération avec nos Forces terrestres, nos Forces navales, avec les Forces terrestres et aériennes de nos Alliés. Elle a donné une dimension nouvelle au champ d’action de ses Unités aériennes par ses multiples missions d’entraînement ou de présence, en Afrique et même outre Atlantique. La FATAC a ainsi largement contribué à affirmer le rôle essentiel de nos Forces aériennes de combat au sein de nos Forces Armées, pour la défense des intérêts de notre Pays, sur nos frontières, en Europe, Outre-Mer.

       Au cours de ces quatre années, sur vos Bases aériennes, vous avez su tirer tout le parti de la priorité que nous a donnée l’Armée de l’air pour renforcer le durcissement, le camouflage, la défense antiaérienne et la protection au sol de nos installations. Une cadence soutenue d’exercices et de manœuvres vous a rendus plus aptes à mettre et à maintenir en condition opérationnelle vos Bases aériennes, et ceci, dans les conditions les plus difficiles envisagées pour le temps de guerre. Sachez que, dans ce domaine, c’est toute l’Armée de l’air qui a pris exemple sur votre expérience, vos efforts et vos résultats.

       Ensemble, nous avons fait beaucoup. Il vous reste beaucoup à faire. Dans le domaine de la préparation au combat, rien n’est jamais définitivement acquis. Et les difficultés ne vous manqueront sans doute pas en cette période difficile que connaît notre Pays. Sachez, dans ces conditions, préserver mieux que jamais le potentiel des Forces dont vous avez la charge. Sachez par-dessus tout maintenir votre cohésion, votre discipline et votre esprit opérationnel. C’est ce que je souhaite pour vous, pour nous tous, le plus ardemment.

       Au moment où je vous quitte et où je quitte l’Armée de l’air, je salue solennellement vos Drapeaux, symboles de notre patriotisme et de notre cohésion, symboles qui évoquent aussi le souvenir de ceux des nôtres qui sont morts en servant leur Arme, au combat ou à l’entraînement.

       Militaires de tous grades et de toutes spécialités, personnels civils de la Force aérienne tactique et de la 1ère Région aérienne, j’ai été fier de vous avoir sous mes ordres. Restez fiers de servir nos Forces aériennes, Forces sans lesquelles il n’y a pas, pour notre Pays, de Défense efficace. “

                 A Metz, le 4 mai 1983