Quand j’ai retrouvé la photo de la machine à fabriquer le napalm, j’ai voulu en faire un quizz sur la page FB de l’Amicale et puis, des souvenirs sont revenus et je me suis dit qu’il serait bien d’en faire profiter les autres.
Je fais commencer « l’histoire » lors de DATEX de 1978 au cours duquel le 2/11 s’est déployé à Landivisiau ; exercice classique et traditionnel effectué sous le contrôle du fameux 2ème CATAC. Fameux car il fallait s’attendre un peu à tout de leur part. Je me souviens d’un de leur appel téléphonique passé à voix basse car le traitant avait conscience qu’il nous communiquait des informations confidentielles qu’il n’aurait pas dû transmettre.
– Vous allez être tasker pour une mission 4 avions dont l’objectif est un pont.
– Super ! Et il est où ce pont ?
– Je ne peux pas vous le dire.
– Et l’HSO (heure sur objectif) ?
– Je ne peux pas vous le dire non plus, mais commencez à préparer la mission…. »
Nous étions début avril 1978 et 2 à 3 semaines auparavant, l’Amoco Cadiz, un super tanker avait fait naufrage au large des côtes bretonnes répandant plus de 200 000 tonnes de pétrole brut ; la pire catastrophe écologique que la Bretagne a connu.
Le LCL Roland chef des ST et régional de l’étape nous avait invité à déguster un énorme plateau de fruits de mer et avant d’arriver chez lui, nous avait fait passer par Portsall un petit port recouvert par 20 à 30 cm de pétrole brut ; un spectacle de désolation qu’on a pu contempler dans toute son ampleur lors du survol des cotes pour la mise en place à Cazaux où l’escadron enchainait sur la campagne de tir.
Mise en place salvatrice pour notre chef qui, à la suite de la soirée très arrosée chez Roland, avait chopé un hoquet dont il n’arrivait pas à se défaire mais qui avait disparu à l’arrivée à Cazaux. Certaines mauvaises langues ont conclu que l’atterrissage y était pour quelque chose. C’est vrai que ce jour-là il y avait un vent à décorner les bœufs et qui était plein travers… mais tout cela n’est que supposition.
La campagne de tir se déroulait normalement quand est arrivé sans préavis l’ordre de préparer une démonstration de tir réel au profit du ministre chinois de la défense. Toutes les escadres de la FATAC étaient sollicitées et le 2/11 récupérait le tir napalm, je devrais plutôt dire « tir de bidons spéciaux » car le terme « napalm » était banni. Pas vraiment un problème sauf que le dernier usage de cet armement remontait probablement à la guerre d’Indochine et que concrètement, il fallait remettre en route la machine à le fabriquer et surtout aller récupérer les seuls bouchons allumeurs encore existants qui se trouvaient à Djibouti. Un vol spécial DC8 fut affrété pour un aller et retour dans la journée.
La démonstration fut bien évidemment l’objet d’une répétition grandeur nature.
Le tir napalm sur le champ de tir de Calamar n’était pas des plus compliqué mais pas vraiment gagné non plus ; 4 Jaguar en « finger », les équipiers en PS lâche, volant à une hauteur comprise entre 50 et 100 ft. Le leader (dont je tairai le nom) n’avait pas voulu retenir le tir à imitation que lui conseillaient les vieux chibanis mais avait préféré l’annoncer à la radio. L’idée en soi n’était pas trop mauvaise sauf que sur Jaguar, le bouton « bombe » et l’alternat radio sont sur le manche et que pour activer les deux simultanément il fallait plus de doigts et si possible longs et crochus. Lors du « run » final, les deux mains sur le manche, le leader annonça : « Attention pour le tir… » et garda l’alternat enfoncé. Quand il s’aperçut qu’il venait de louper l’objectif, il s’écria à la radio « On ne tire pas ! », annonce qui eut l’effet inverse de celui escompté et les 3 autres Jaguar larguèrent leurs bidons de napalm…qui finirent dans le lac de Cazaux.
Je vous laisse imaginer la tête du grand YAKA (le Général Forget, le grand) présent à la tour de contrôle et responsable du bon déroulement de la démonstration. Le débriefing fut musclé mais comme toutes les autres patrouilles avaient plus ou moins merdé notre leader ne s’en tira pas si mal que prévu.
Le lendemain, la remontée de bretelles générale avait porté ses fruits et la démonstration devant le ministre chinois fut des plus réussie.
Les quelques bidons préparés en spare furent largués juste après, et à ma connaissance furent les derniers tirés dans l’Armée de l’Air. J’ai revu la machine à préparer le napalm dans un enclos situé en bord de taxiway à Saint Dizier pendant quelque temps et a dû probablement finir à la ferraille.

