Une fois n’est pas coutume ; l’article que je vous propose traite de l’actualité et plus particulièrement du fait aérien de la guerre en UKRAINE. Tout comme Christophe CONY du magazine “AVIONS” je suis effrayé par l’hystérie antirusse qui s’est emparée de notre pays et de la censure qui a pour but d’interdire toute version qui s’éloigne un tant soit peu de ce que nous délivre nos médias nationaux. Il n’est pas question d’apporter un soutien à POUTINE mais simplement de savoir ce qu’il se passe réellement sur ce théâtre d’opérations. Les réseaux sociaux permettent d’avoir des versions différentes concernant les opérations terrestres (libre à chacun de se faire sa propre idée) mais il est quasiment impossible de trouver quelque chose concernant la guerre aérienne.
Je suis tombé par hasard sur cet article de Christophe CONY qui a eu l’amabilité de me donner l’autorisation de le publier sur le site et qui semble bien informé ; j’ai particulièrement apprécié l’introduction et la conclusion (très mesurées) que je vous invite à consulter même si vous n’avez pas l’intention de lire la totalité de l’article.
LA GUERRE EN UKRAINE
Le 24 février 2022, une semaine après la reprise des tirs de l’artillerie lourde de l’armée ukrainienne dans la région du Donbass, le président de la fédération de Russie Vladimir Poutine a pris la décision de lancer une opération militaire spéciale en Ukraine afin de protéger les populations de cette région, victimes selon lui d’abus et de génocide de la part du régime de Kiev. Soulignant que Moscou n’avait pas l’intention d’occuper les territoires ukrainiens, le dirigeant russe a déclaré que les objectifs de l’opération étaient la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine. Le 21 janvier précédent, Vladimir Poutine avait déjà reconnu la souveraineté des Républiques populaires de Donetsk (RPD) et de Lougansk (RPL), les deux provinces du Donbass.
L’ancien directeur de la DST Yves Bonnet et Éric Denécé ont coécrit le 7 mars un excellent article intitulé « Ukraine : comment en sommes-nous arrivés là ? dans lequel ils analysent les causes et les responsabilités de la guerre. Parmi leurs conclusions, l’une d’elles est sans équivoque à l’égard du rôle joué par les États-Unis en Europe depuis la chute de l’Union Soviétique. Cette crise nous renvoie à la prise en considération des données de la géopolitique qui nous rappelle qu’aucun État ne peut assurer sa sécurité au détriment de celle des autres, surtout quand l’un d’eux est surpuissant, et que les alliés sur lesquels il compte se dérobent. Lorsque l’on néglige ces principes et que l’on joue avec le feu, on finit immanquablement par se brûler : c’est ce que l’Ukraine a fait. Cet article dont je vous conseille vivement la lecture a été mis en ligne le 9 mars dernier par le magazine indépendant FILD.
Pour être clair, le fait pour les États-Unis de pousser L’Ukraine à entrer dans l’OTAN signifie que des missiles nucléaires placés sous l’autorité des Américains pourraient être stationnés à la frontière même de la Russie, ne laissant plus à cette nation le temps matériel de riposter en cas d’attaque. Une ligne rouge infranchissable pour les responsables russes, à l’image de celle qu’ont représentés pour les Etats-Unis les missiles nucléaires installés par l’URSS à Cuba en octobre 1962. Ceci n’excuse bien sûr en aucune façon l’invasion actuelle d’une partie de L’Ukraine par la Russie, mais si vous poussez à bout votre adversaire, vous devez savoir qu’il peut réagir de façon particulièrement violente…
La situation géopolitique
Condamnée avec raison par la plupart des nations mondiales, cette guerre lancée par la Russie a instantanément entrainé une pluie de sanctions économiques occidentales ; des sanctions cependant très peu suivies en Asie (la Chine et l’Inde n’ayant pas souhaité s’y associer) et pas du tout en Afrique, en Amérique latine et dans les États arabes du Golfe. Une autre conséquence a été la mise en place dans les médias européens d’une censure et d’une propagande phénoménales, du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale… Les médias russophones ont par exemple été interdits tandis que les réseaux sociaux américains Facebook et Instagram autorisent désormais les appels à la violence et au meurtre visant les Russes. Cette désinformation à grande échelle, qui confine à l’auto-aveuglement, fait qu’il est devenu presque impossible pour un journaliste d’exercer son métier correctement en confrontant les sources. Le réflexe de pluralisme est pourtant essentiel à une information éclairée !
Le politologue français Éric Denécé, ancien officier de renseignement de la Marine nationale et actuellement directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), a été interrogé le 23 mars sur la chaîne israélienne d’information en continu i24NEWS. Il a livré une analyse de la guerre en Ukraine qui se démarque de l’hystérie antirusse des grands médias occidentaux. Je me permets ici d’en retranscrire l’essentiel : La souffrance, la terrible souffrance que rencontre la population ukrainienne est en partie de la responsabilité de l’OTAN qui, depuis trente ans, n’a cessé de provoquer les Russes et j’insiste sur un point, aussi de l’irresponsabilité du gouvernement ukrainien qui n’a pas respecté les accords de Minsk [1]. (…) Je dois avouer que je suis très choqué de l’ensemble des discours de Zelensky et de la propagande qu’il fait puisque cet homme (…) qui n’était qu’un comique il y a quelques années, qui est lui-même poursuivi dans les Pandora Papers [2] pour avoir dissimulé sa fortune et soupçonné d’avoir blanchi 40 millions de dollars, est en train de devenir une icône, voire un héros de la liberté dans l’Occident. (…) Le vrai enjeu aujourd’hui, c’est : comment aider la population ukrainienne et non pas comment sauver ce régime qui est aussi corrompu que les précédents.
[1] Les accords de Minsk, signés début 2015 pour mettre un terme au conflit qui avait éclaté un an plus tôt dans l’est de l’Ukraine, garantissaient entre autres que le Donbass, majoritairement russophone, demeurerait ukrainien en échange du maintien du russe comme seconde langue officielle, d’un statut spécial et de la tenue d’élections libres. Ces trois points n’ayant jamais été respectés par le gouvernement de Kiev, la guerre a alors repris. Entre 2014 et 2020, elle a causé selon l’ONU plus de 13 000 morts (dont 3350 civils) et le déplacement de près d’un million et demi de personnes.
[2] Publiés le 3 octobre 2021 par le Consortium international des journalistes d’investigation, ces documents révèlent des affaires de fraude et d’évasion fiscale mettant en cause plusieurs milliers de personnalités dans le monde.
(…) Il faut quand même rappeler (…) depuis 2014 les traitements inhumains et les attaques très importantes contre les populations du Donbass. Il faut toujours rappeler ça sans chercher à justifier quoi que ce soit. Moi je suis surtout très choqué par la manière dont Zelensky s’adresse à l’ensemble des parlements du monde entier. Il décerne des bons points et des mauvais points sur ce que devrait faire la France, sur ce que devraient faire les États-Unis. Également, j’ai vu ses réflexions sur Israël il y a quelques jours et j’ai été excessivement choqué par le discours qu’il a tenu devant la Knesset en faisant un lien entre (l’attaque russe,) la Shoa et la Solution finale. Je trouve cela tout à fait inadmissible.
Il y a surtout un point qui me choque (…), c’est qu’il y a effectivement des unités néonazies dans l’armée ukrainienne, ça c’est absolument insupportable. Tous les commentateurs disent « Oui, vous savez, ils ne sont pas aussi nombreux que ça. » Moi je dis souvent : on aurait (…) trois militaires néonazis dans l’armée française, cela ferait la une de l’actualité, ce serait un scandale sans fin et là on ferme les yeux sur le fait qu’il y a des ultra-nationalistes qui sont probablement 800, 1000, 1200 et on considère ça normal. Donc il y a vraiment un jugement qui est totalement faussé par l’émotion, par des éléments irrationnels sur cette crise.
Encore une fois, envahir l’Ukraine a été une très mauvaise chose pour Vladimir Poutine ; il faut le condamner mais nos pensées vont toujours aux populations ukrainiennes et pas du tout à ce régime de Kiev. D’ailleurs les oligarques russes sont aujourd’hui poursuivis à peu près partout dans le monde et il me semble indispensable que l’on poursuive aussi les oligarques ukrainiens, parce que sinon ces réseaux criminels vont s’installer dans l’Union Européenne.
L’ancien directeur de la DST Yves Bonnet et Éric Denécé on coécrit le 7 mars un excellent article intitulé « Ukraine : Comment en sommes-nous arrivés là ? », dans lequel ils analysent les causes et les responsabilités de la guerre. Parmi leurs conclusions, l’une d’elles est sans équivoque à l’égard du rôle joué par les États-Unis en Europe depuis la chute de l’Union Soviétique : cette crise nous renvoie à la prise en considération des données de la géopolitique qui nous rappelle qu’aucun État ne peut assurer sa sécurité au détriment de celle des autres, surtout quand l’un d’eux est surpuissant, et que les alliés sur lesquels il compte se dérobent. Lorsque l’on néglige ces principes et que l’on joue avec le feu, on finit immanquablement par se brûler : c’est ce que l’Ukraine a fait. Cet article dont je vous conseille vivement la lecture a été mis en ligne le 9 mars dernier par le magazine indépendant FILD :
Pour en savoir plus : n’hésitez pas à télécharger le bulletin de documentation n° 27 du CF2R « La situation militaire en Ukraine », par Jacques Baud (ancien colonel d’État-major général, ex-membre du renseignement stratégique suisse et spécialiste des pays de l’Est) :
https://cf2r.org/wp-content/uploads/2022/03/BD-27-Baud-Ukraine-2.pdf
Pour être clair, le fait pour les États-Unis de pousser l’Ukraine à entrer dans l’OTAN signifie que des missiles nucléaires placés sous l’autorité des Américains pourraient être stationnés à la frontière même de la Russie, ne laissant plus à cette nation le temps matériel de riposter en cas d’attaque. Une ligne rouge infranchissable pour les responsables russes, à l’image de celle qu’ont représentés pour les États-Unis les missiles nucléaires installés par l’URSS à Cuba en octobre 1962. Ceci n’excuse bien sûr en aucune façon l’invasion actuelle d’une partie de l’Ukraine par la Russie, mais si vous poussez à bout votre adversaire, vous devez savoir qu’il peut réagir de façon particulièrement violente…
Les forces en présence
Je me bornerai ici à reprendre certains des chiffres cités dans le rapport « 2022 World Air Forces » du magazine britannique Flight International.
La force aérospatiale russe, dont la modernisation a été entamée il y a dix ans par Vladimir Poutine, dispose au début de l’année 2022 de 1435 avions de combat (chasse, assaut, bombardement) auxquels s’ajoutent 69 avions de reconnaissance et de guerre électronique, 20 ravitailleurs en vol et 408 avions de transport, plus 1424 hélicoptères de combat ainsi que – pour mémoire – 507 appareils d’entraînement. L’aviation navale russe a en compte 76 avions de combat, plus 63 avions et hydravions destinés aux missions spéciales (lutte anti-sous-marine, patrouille maritime, secours en mer et commandement aéroporté), 37 avions de transport, 119 hélicoptères de combat, 15 avions et hélicoptères d’entraînement. Soit un potentiel total d’environ 1500 avions et 1500 hélicoptères de combat, ce qui en fait la deuxième flotte aérienne de combat au monde derrière celle des États-Unis et devant celle de la Chine.
La Russie n’ayant évidemment pas dévoilé son dispositif, il est impossible à l’heure où j’écris ces lignes de dresser la liste complète des régiments d’aviation qu’elle a engagés dans le conflit. On peut malgré tout citer les unités suivantes, dont beaucoup étaient déjà présentes au début du mois de février 2022 à proximité des frontières de l’Ukraine. Les autres ont été déplacées à proximité du front depuis leurs bases de temps de paix. Réparties dans les districts militaires Ouest (6e et 11e armées aériennes) et Sud (4e armée aérienne), ces formations ne comprennent aucun régiment de MiG-29 :
6e armée aérienne
-14e GvIAP sur Soukhoï Su-30SM à Koursk-Khalino
-47e BAP sur Soukhoï Su-34 à Voronej-Baltimor
-159e IAP sur Soukhoï Su-35S à Petrozavodsk et Besovets
-790e IAP sur Soukhoï Su-35S, MiG-31BM/BSM et Soukhoï Su-27SM à Tver et Khotilovo
-4e ORAE sur Soukhoï Su-24MR à Chatalovo
-33e OTSAP sur divers avions et hélicoptères de transport à Saint-Pétersbourg-Levachovo
-15e BrAA sur Kamov Ka-52, Mil Mi-28N, Mil Mi-35M, Mil Mi-8MTV-5 et Mil Mi-26 à Ostrov.
-332e OVP sur Mil Mi-28, Mil Mi-35 et Mil Mi-8MTV-5 à Saint-Pétersbourg-Pouchkine
-440e OVP sur Kamov Ka-52, Mil Mi-24P et Mil Mi-8MTV-5 à Viazma
11e armée aérienne
-23e IAP sur Soukhoï Su-35S à Baranovitchi
-277e GvBAP sur Soukhoï Su-34 à Lida
-18e GvChAP sur Soukhoï Su-25SM à Tchernigovka
-266e ChAP sur Soukhoï Su-25SM à Domna
-35e OTSAP sur divers avions et hélicoptères de transport à Khabarovsk-Central
-799e ORAE sur Soukhoï Su-24MR à Varfolomeevka
-18e GvBrAA sur Kamov Ka-52, Mil Mi-28N, Mil Mi-35M, Mil Mi-8AMTSh/MTV-5 et Mil Mi-26 à Khabarovsk-Central.
-112e OVP Mil Mi-28N et Mil Mi-8AMTSh à Tchita-Tcheriomouchki
-319e OVP sur Kamov Ka-52 et Mil Mi-8AMTSh à Tchernigovka
-117e OVTAP sur Il-76MD à Orenbourg
-708e VTAP sur Il-76MD à Taganrog-Central
4e armée aérienne
-43e OMChAP sur Soukhoï Su-30SM et Soukhoï Su-24M/MR à Saki
-3e GvSAP sur Soukhoï Su-27SM/SM3 et Soukhoï Su-30M2 à Krymsk
-31e GvIAP sur Soukhoï Su-30SM à Millerovo
-368e ChAP sur Soukhoï Su-25SM/SM3 à Boudionnovsk
-559e BAP sur Soukhoï Su-34 à Primorsko-Akhtarsk
-11e SAP sur Soukhoï Su-24M/MR à Marinovka
-960e ChAP sur Soukhoï Su-25SM/SM3 à Primorsko-Akhtarsk
-37e GvSAP sur Soukhoï Su-24M et Soukhoï Su-25SM à Gvardeïskoe
-38e IAP sur Soukhoï Su-27SM/SM3 et Soukhoï Su-30SM à Belbek
-39e VP sur Kamov Ka-52, Mil Mi-28N, Mil Mi-35M et Mil Mi-8ATSh à Djankoï
-30e OTSAP sur divers avions et hélicoptères de transport à Rostov-sur-le-Don-Central
-16e BrAA sur Mil Mi-28N et Mil Mi-8AMTSh/MTV-5 à Zernograd
-55e OVP sur Kamov Ka-52, Mil Mi-28N, Mil Mi-35M et Mil Mi-8AMTSh à Korenovsk
-487e OVP sur Mil Mi-28N, Mil Mi-35M et Mil Mi-8AMTSh/MTV-5 à Boudionnovsk
14e armée aérienne
-2e GvBAP sur Su-34 et Su-34MR à Tcheliabinsk-Chago
Aviation stratégique
-121e GvTBAP, sur Tu-160 à Engels-2
-184e GvTBAP, sur Tu-95MS à Engels-2
-52e GvTBAP, sur Tu-22M3 à Tchaïkovka
-840e TBAP, sur Tu-22M3 à Soltsy-2
L’Ukraine, dont la majorité du matériel est ancien puisqu’il a été hérité en 1991 de l’ex-Union Soviétique, dispose début 2022 d’une soixantaine de chasseurs MiG-29 répartis dans trois brigades d’aviation tactiques, la 40e BrTA à Vasylkiv près de Kiev, la 114e à Ivano-Frankivsk et la 204e à Loutsk, ces dernières dans la partie ouest du pays. La 204e BrTA était basée en Crimée jusqu’à l’annexion de cette région par la Russie en 2014. Une trentaine de chasseurs Soukhoï Su-27 (en comptant les variantes biplaces) sont opérationnels au sein de la 39e BrTA à Ozerne, près de Kiev et de la 831e BrTA à Myrhorod, au nord-est de l’Ukraine. Douze autres monoplaces et deux biplaces sont stockés.
La 7e BrTA de bombardement et de reconnaissance tactique exploite près d’une vingtaine de Soukhoï Su-24M/MR depuis Starokostiantyniv, dans l’Ouest, où sont également basés les nouveaux drones armés Bayraktar TB2 achetés à la Turquie ; ces drones dépendent du 383e opDKLA (régiment indépendant de véhicules aériens sans pilotes).
Les 24 Soukhoï Su-25M1/M1K d’assaut restants sont regroupés au sein de la 299e BrTA à Koulbakino, près de Mykolayiv, sur les côtes de la Mer Noire.
Les principaux avions de transport, une quinzaine d’Antonov An-26 et sept Iliouchine Il-76MD, font partie de la 25e BrTrA basée elle aussi dans le sud du pays, à Melitopol sur les côtes de la Mer d’Azov. Deux autres unités emploient les transporteurs restants : la 15e BrTrA à Boryspil, près de Kiev (quelques avions et hélicoptères pour le transport de VIP) et la 456e GBrTrA à Vinnytsia-Gavrichevka, au sud-ouest de Kiev (Antonov An-24B, Antonov An-26 et Mil Mi-8).
L’essentiel des 135 hélicoptères militaires appartient à l’armée de Terre ukrainienne ; il s’agit de vieilles versions de Mil Mi-24 d’assaut et de Mil Mi-8 de transport (une soixantaine de chaque, plus quinze Mi-2 de liaison) qui sont réparties au sein de quatre brigades d’aviation de l’armée (OBrAA) : la 11e à Kherson-Chornobaïvka, la 12e à Novyi Kalyniv, la 16e à Brody (toutes deux près de Lviv) et la 18e à Poltava. Chacune de ces brigades opère avec une escadrille de Mi-8, une autre de Mi-24 et une section de Mi-2, sauf la 18e OBrAA dont les Mi-24 ne forment qu’une section. Une vingtaine de Mi-8 et une trentaine de Mi-24, retirés du service, sont stockés sur la 57e base d’aviation située juste à côté de la base de Brody. La Garde nationale ukrainienne, basée à Alexandria, utilise également dix Mi-8 (cinq Mi-8MT armés et cinq Mi-8MSB-V non armés) ainsi que deux Mi-2MSB et sans doute quelques Airbus H225.
La brigade d’aviation de la Marine ukrainienne dispose de quelques hélicoptères embarqués Kamov Ka-27PL et Ka-29 (ces derniers stockés depuis longtemps), les Ka-27PL opérant avec l’escadrille d’hélicoptères de la Marine basée à Koulbakino près de Mykolayiv.
Russie Ukraine
Chasseurs 772 100
Assaut 616 44
Bombardement lourd 123 –
Transport 445 32
Hélicoptères d’attaque 544 60
Pour résumer, l’Ukraine dispose d’une force aérienne d’environ 300 avions et hélicoptères (hors les réserves) quand la Russie en possède 3000 ! La disproportion est énorme sur le papier, mais il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas pour la Russie d’une guerre totale. Cette nation n’engage donc pas toute son armée de 680 000 hommes (hors conscrits et réservistes) mais une sorte de « corps expéditionnaire » réunissant 150 000 soldats, à comparer aux 260 000 hommes de l’armée ukrainienne qui a depuis mobilisé plus de 100 000 réservistes.

LES COMBATS AÉRIENS
Le jeudi 24 février 2022 vers 04h30, la Russie déclenche l’assaut, ses troupes franchissant la frontière ukrainienne au nord en direction de Kiev, à l’est vers Kharkiv (Kharkov en russe), au sud-est dans le Donbass et au sud depuis la péninsule de Crimée. Des frappes aériennes sont dans le même temps déclenchées à travers le pays à l’aide de missiles balistiques et de croisière, visant en particulier onze terrains d’aviation, des sites de défense antiaérienne, des stations radar, des centres de commandement et de communication. Contrairement à ce que l’on a cru un moment, l’état-major ukrainien n’est pas totalement surpris par cette attaque, les services de renseignement de l’OTAN l’ayant prévenu quelques heures plus tôt comme en attestent plusieurs témoignages de pilotes ukrainiens. Beaucoup d’appareils ont donc eu le temps d’être déplacés préventivement vers des bases secondaires, des aéroports civils ou des pistes de campagne. Seules demeurent sur leurs bases de temps de paix les machines non-opérationnelles, ce qui entraîne quand même des pertes conséquentes.
Le Soukhoï Su-27P « 37 bleu » de la 39e BrTA est détruit par un tir de missile sur la base d’Ozerne (près de Jitomir), causant la mort du lieutenant-colonel Eduard Vagorovsky. Le lieutenant Viatcheslav Radionov de la 40e BrTA est tué, de même que six personnels au sol, alors qu’il tentait d’évacuer un MiG-29 de sa brigade lors d’une frappe de missiles sur la base de Vasylkiv. Au moins deux Su-24MR stockés sur l’aéroport de Bila Tserkva, 85 km au sud de Kiev, sont également détruits tandis que sur la base de Tchouhouïv, au sud-est de Kharkiv, six L-39C Albatros et quatre vieux MiG-23 stockés étant réduits en ferraille par des tirs de missile ; un MiG-29 de la 114e BrTA qui tentait de fuir y est aussi endommagé au-delà de réparable en roulant dans un cratère. Deux Soukhoï Su-24M et six MiG-29 stockés à Starokostiantyniv sont détruits ou sérieusement endommagés. Quatre autres bombardiers Su-24M stockés à Loutsk disparaissent en fumée sous les tirs de missiles russes, parmi lesquels le n/c 715339. Les Su-25 « 12 bleu » et « 42 bleu » de la 299e BrTA stockés sur la base de Koulbakino sont détruits par des missiles Kalibr de même que deux biplaces d’entraînement L-39C Albatros. Deux quadriréacteurs Il-76MD de la 25e BrTrA sont également transformés en ferraille à Melitopol. L’un des deux était opérationnel (n/c 76697), l’autre (n/c 76322) était stocké depuis 2007. Sept Il-76 intacts pourront se réfugier dans la nuit du 24 au 25 à Deblin en Pologne. La base de Chornobaïvka, siège des hélicoptères Mil Mi-2, Mi-8 et Mi-24 de la 11e OBrAA à Kherson, est aussi prise à partie par des missiles.


Plusieurs combats aériens ont lieu dès les premières heures de l’invasion, alors que les Ukrainiens tentent encore d’évacuer vers l’arrière le plus d’avions possible. Le lieutenant-colonel Volodymyr Kokhanskyi [3] et le lieutenant Roman Pasoulko, à bord d’un biplace MiG-29UB de la 40e BrTA, sont tués au-dessus du village de Blotchchyntsy, au sud de Kiev. Le Major (commandant) Stepan Choban, de la 831e BrTA, est abattu au-dessus de Kanatovo mais il peut se parachuter de son Su-27. Il aura moins de chance quatre jours plus tard… Son vainqueur pourrait être le Major Viktor Doudine, du 23e IAP, qui est crédité ce jour d’un Su-27. Le Major Dmitry Kolomiets de la 39e BrTA est lui aussi abattu entre Khmelnitski et Ternopil aux commandes d’un Su-27 [4]. Le lieu de son « crash », très à l’ouest de l’Ukraine, pourrait indiquer un « tir ami » dans le chaos provoqué par l’attaque russe. Un second Soukhoï de la 39e BrTA, le Su-27S1M « 23 bleu » qui avait été déployé dans le sud du pays, se réfugie dans l’espace aérien roumain à 06h15 (heure locale) équipé de tout son armement : six missiles R-27 à moyenne portée et quatre R-73 à courte portée. Intercepté par deux chasseurs F-16, il est escorté jusqu’à la 95e base aérienne de Bacău où il se pose cinquante minutes plus tard.
[3] Kokhanskyi était pilote-inspecteur principal à la KhNUPS, l’Université nationale des forces de terrain de Kharkiv.
[4] Le gouvernement ukrainien mentionnera le 7 août 2022 qu’il était à bord d’un petit biplace d’entraînement Aero L-39 Albatros, ce qui parait très étonnant puisqu’il s’agissait d’une mission de combat.


En fin de matinée l’aéroport Antonov d’Hostomel (Gostomel), situé à 40 km au nord-ouest de Kiev, est pris d’assaut par un bataillon aéroporté russe amené par une vingtaine d’hélicoptères Mi-8AMTSh du détachement Klin-5, une unité d’opérations spéciales normalement stationnée sur la base aérienne de Torjok, à 200 km au nord-ouest de Moscou. Ces Mi-8 sont appuyés par des Ka-52 et des Mi-24, ainsi que par des Su-25. L’aéroport tombe aux mains des commandos russes au bout de quelques heures.
Des Su-25 de la 299e BrTA participent à la contre-offensive que la Garde nationale ukrainienne lance dans l’après-midi aux côtés des MiG-29 de la 40e BrTA, des Su-24 de la 7e BrTA et d’hélicoptères Mi-24 de l’aviation de l’armée. Au cours des combats, deux appareils de transport civil, l’An-74T UR-74010 et l’An-26 UR-13395 sont détruits sur le tarmac tandis que plusieurs autres sont endommagés, dont l’An-132D UR-EXK. Vers 21h00, les Ukrainiens sont parvenus à reprendre le secteur nord-ouest de l’aéroport mais l’Antonov An-225 UR-82060 Mriya, le plus gros avion du monde, est détruit dans son hangar durant la nuit ainsi que deux autres avions d’Antonov Airlines. Grâce à l’arrivée de nouvelles troupes, les Russes vont réussir le lendemain à sécuriser la tête de pont sur l’aéroport d’Hostomel, leur aviation ayant annihilé la colonne de renfort ukrainienne.
Si un MiG-29 de la 40e BrTA est abattu dans le réservoir de Kiev par des missiles sol-air portatifs (plus connus sous leur acronyme anglais de MANPADS), de même que le Su-24M « 20 blanc » de la 7e BrTA dont l’équipage est tué [5] dans les lignes russes près de Boryspil, les défenseurs réussissent à détruire cinq des trente-quatre hélicoptères utilisés dans l’attaque d’Hostomel. Le Mil Mi-24P RF-95290 « 04 rouge » de la 17e BrAA est abattu par un MANPADS au cours de l’approche à très basse altitude au-dessus du Dniepr près de Vyšhorod [6]. Un Ka-52 – peut-être le RF-91122 « 22 jaune » dont des photos sont apparues sur les réseaux sociaux – est contraint de se poser à proximité même de l’aéroport après avoir été endommagé par les soldats de la 4e brigade de la garde nationale d’Ukraine ; son équipage blessé est aussitôt évacué par un Mi-24. Touché par un missile sol-air portatif Stinger, un second Ka-52 codé « 18 bleu » de la 18e BrAA doit effectuer un atterrissage d’urgence au nord-ouest de Kiev ; on ignore le sort de son équipage, apparemment du 319e OVP, qui aurait pu rejoindre les lignes russes. Une quatrième épave d’hélicoptère a été repêchée début juin 2022 dans le réservoir de Kiev ; il s’agit du Mi-24VM RF-13024 « 29 bleu » du 112e OVP dont les trois hommes d’équipage sont décédés [7]. Sévèrement endommagé, un Mi-8AMTSh du détachement Klin-5, le RF-91285 « 52 rouge », devra être dynamité sur l’aéroport d’Hostomel au moment du retrait des troupes russes de la région de Kiev, fin mars. On peut signaler qu’à 10h30, l’état-major des forces armées ukrainiennes réclamait déjà la destruction d’au moins six avions, deux hélicoptères…
[5] Maj Dmitry Koulikov (pilote) et Maj Mykola Savtchouk (navigateur).
[6] Équipage tué : Lt Renat Mankichev et S/Lt Kirill Nasedkine.
[7] Maj Roman Grovitch, Maj Nikolaï Bougaï et Cne Alexeï Belkov.













Précédés par des Su-24MR de reconnaissance chargés de détecter les défenses antiaériennes adverses, des bombardiers tactiques Su-24M et des avions d’attaque au sol Su-25 harcèlent durant toute la journée les forces terrestres ukrainiennes. À Kherson, les Su-25 russes détruisent ainsi, sans perte, plus d’une centaine de véhicules militaires sur le pont Antonovsky qui enjambe le Dniepr.
Les forces aériennes ukrainiennes font exactement la même chose pour repousser les colonnes russes qui approchent du pont, mais avec des résultats nettement plus mitigés. À 12h05, deux Su-25 de la 299e BrTA décollent de Kanatovo pour s’en prendre à des véhicules de transport lourd sur la route T2202 reliant Tchaplynka à Nova Kakhovka. Leur attaque se solde par la perte du lieutenant-colonel Oleksandr Jibrov, tué aux commandes du Su-25M1K « 19 bleu » qui s’écrase à Tchorna Dolyna. J’ai à peine eu le temps d’esquiver, se souvient son ailier. Nous avons largué les bombes, les tirs de missiles ont commencé, à ce moment-là, il y a eu un éclair et son avion n’était plus visible, transformé en flamme. Je n’ai rien vu après ça.
Une seconde paire arrive peu après sur le même objectif armée de lance-roquettes de 80 mm. Si trois camions KamAZ du génie transportant des ponts mécanisés lourds TMM-3M2 sont détruits, les MANPADS russes se révèlent cette fois encore terriblement efficaces. Le capitaine Oleksandr Chtcherbakov s’écrase au sol après s’être s’éjecté à trop basse altitude du Su-25M1 « 30 bleu ». Le Su-25M1 « 15 bleu » est quant à lui touché par un missile au côté droit ; son pilote le Major Rostislav Lazarenko (commandant adjoint de la 299e BrTA) réussit à s’échapper en lançant des leurres pour éviter d’autres MANPADS, mais les dégâts sont tels qu’il doit effectuer un atterrissage forcé sur un aérodrome de dégagement : Miraculeusement, l’atterrissage a réussi, j’ai freiné et j’ai même eu assez de carburant pour dégager la piste. J’ai soufflé un grand coup, je suis sorti de la cabine et j’ai vu que mon Su-25 était complètement détruit. La queue, les ailes, tout était perforé. J’ai regardé les ailettes du réacteur – pas une seule n’était intacte, toutes étaient cassées. Comment il avait pu m’amener là, c’est un mystère. Les techniciens de la brigade arrivés sur place ne pourront que constater que le « 15 bleu » est désormais irréparable…
Vers 15h00, le lieutenant-colonel Vyatcheslav Yerko de la 40e BrTA est lui aussi abattu en combat aérien à Volodymyrivka, au nord-ouest de Kiev, au cours d’une bataille féroce durant laquelle les efforts conjoints des pilotes ukrainiens ont permis d’abattre cinq avions ennemis. Il parvient à s’éjecter de son MiG-29MU1 « 05 blanc » mais s’écrase au sol, son parachute ayant été abîmé. Aucune épave de chasseur russe n’a été retrouvée. Une cinquantaine de kilomètres au sud de Kiev, un missile antiaérien – probablement ukrainien – touche le bimoteur de transport An-26 « 59 bleu » du Centre de recherches d’état des forces armées ukrainiennes qui s’écrase au nord du village de Joukivtsi ; cinq des quatorze personnes à bord sont tuées. La milice indépendantiste pro-russe de Lougansk (RPL) déclare avoir descendu au cours de la journée deux bombardiers Su-24 ukrainiens.








Un Su-25 russe tombe près de Karpylivka, au sud-ouest de Tchernobyl, mais son pilote est récupéré par son camp après s’être éjecté. Si Moscou attribue cette perte à une faute de pilotage, Kiev indique que l’appareil a été détruit par un tir provenant du sol. L’Antonov An-26 RF-36074 « 19 bleu », qui effectuait une livraison de fret et d’armes pour l’opération en cours, s’écrase sur le territoire russe en raison d’une défaillance technique. Tout l’équipage du pilote Rostislav Eremenko (six hommes) est perdu dans le « crash » survenu à Ostrogojsk, près de Voronej. L’état-major ukrainien revendique en soirée avoir abattu quinze appareils, dont trois Su-25 lors d’une attaque de l’aéroport de Poltava et cinq avions plus un hélicoptère dans la région de Lougansk. Ces affirmations – démenties par les Russes – sont à prendre avec précaution en l’absence de preuve de leur destruction. La seule perte certaine est celle du colonel Rouslan Roudnev, du 266e ChAP, dont le décès sera rendu public le 1er mars ; son Su-25SM « 29 jaune » a été abattu par un PLRK portable dans la région Irpin – Makariv – Kalynivka. Parmi les appareils russes perdus dans le Donbass figurerait un Su-24 descendu par un missile antiaérien près de Kramatorsk, équipage tué.
Grâce à l’arrivée par voie de terre mais aussi par hélicoptères de la 76e division d’assaut aéroportée de la Garde, transportée en Biélorussie par une vingtaine d’Iliouchine Il-76, les Russes peuvent finalement sécuriser leur tête de pont sur l’aéroport d’Hostomel le 25 février, leur aviation ayant annihilé la colonne de renfort ukrainienne. À 04h30, le chasseur Su-27P1M « 100 bleu » de la 831e BrTA est abattu par un missile Bouk-M de sa propre DCA au-dessus d’Osokorky (Oskorki), dans la banlieue sud-est de Kiev. Aux commandes se trouvait le colonel Oleksandr Oksanchenko, pilote de démonstration du Su-27 en Ukraine de 2013 à 2018 et commandant-adjoint de la 831e BrTA. Les autorités locales feront croire qu’il a été frappé par un missile russe S-400 tiré depuis la Biélorussie (soit à la distance incroyable de 150 km) alors qu’il a manifestement été victime d’une défaillance de communication entre l’aviation et l’artillerie antiaérienne ukrainiennes…
Deux Su-25 de la 299e BrTA partis bombarder un pont sur le Pripiat, à une quarantaine de kilomètres de la frontière biélorusse, sont interceptés vers 07h00 par des chasseurs russes à une vingtaine de kilomètres au nord-est de l’aéroport d’Hostomel. Touché par un missile air-air, le Su-25M1 « 39 bleu » prend feu au-dessus d’une base de loisirs ; pour éviter des victimes civiles, le lieutenant-colonel Guennady Matoulyak reste aux commandes de l’appareil qui s’écrase dans une forêt du village de Hlibivka (Glebovka), près du réservoir de Kiev. Son ailier, le lieutenant Andreï Maksimov, parvient à s’échapper. La 204e BrTA perd le MiG-29 « 35 bleu » qui s’écrase pour des raisons inconnues dans la région d’Ivano-Frankivsk, le pilote pouvant s’éjecter sain et sauf. Les Russes rayent de leurs effectifs le Mi-28N « 43 bleu » du 39e VP qui tombe près de l’aéroport d’Hostomel, à proximité du village de Blystavytsa, causant la mort du lieutenant-colonel Ayrat Safargaleev et du Major Dimitri Zlobin.
La DCA ukrainienne revendique un Su-25 qui se serait écrasé à 08h30 près de Voznessensk, au nord-ouest de Mykolayiv, mais aucune preuve n’en a été fournie. Résumant les résultats des deux premiers jours de guerre, le commandement ukrainien déclare que les Russes ont perdu quatorze avions et huit hélicoptères, dont deux Su-30SM abattus par un pilote de Su-27, le lieutenant Vitaly Molchan qui sera décoré à titre posthume. Si cette déclaration nous apprend qu’un second pilote de Su-27 ukrainien a été tué en combat aérien, il faut signaler qu’aucun Su-30SM russe n’aurait été perdu en combat ce jour-là. Un avion de ce type, appartenant au 31e GvIAP, est par contre incendié par un missile balistique Tochka-U lancé sur la base aérienne de Millerovo, dans la région de Rostov.
Profitant de l’émotion suscitée sur les réseaux sociaux par les quinze victoires qu’il annonçait la veille, le Ministère de la Défense d’Ukraine lance sur son compte Twitter la légende du « Fantôme de Kiev » : un pilote de MiG-29 aurait abattu six avions russes en l’espace de 30 heures, répandant la terreur chez ses adversaires ! Les médias se chargeront de préciser que deux Su-35, un Su-27, un MiG-29 [8] et deux Su-25 seraient tombés sous les tirs du premier as du 21e siècle, Vladimir Abdonov, dont le score sera même porté à dix victoires le 27 février. Cette Fake News grotesque, que l’on peut associer à une autre annonce du MDU faite le 25 février (sept hélicoptères ont été abattus par des missiles Stinger), a probablement été répandue pour tenter de masquer les lourdes pertes subies par les défenseurs dans les premières heures de l’attaque russe… Elle a été officiellement reconnue comme une fausse information par le gouvernement ukrainien le 2 mai 2022.
[8] Décompte forcément faux, puisque les Russes n’ont engagé aucune unité de MiG-29…






Le 26 février, les Su-25 ukrainiens armés de roquettes S-8 de 80 mm sont de nouveau lancés par paires à l’assaut des troupes russes qui progressent dans le Sud en direction de Kherson. L’avance des troupes russes dans le sud de l’Ukraine leur permet de rétablir l’approvisionnement en eau de la Crimée, en ouvrant les vannes du canal Nord-Crimée (alimenté par le Dniepr) qui étaient fermées depuis huit ans sur ordre du gouvernement ukrainien. Les « Gratch » de la 299e BrTA détruisent plusieurs ponts de bateaux sur le Dniepr au prix d’un nouveau tué, le capitaine Andreï Antykhovytch dont le Su-25M1 « 31 bleu » s’écrase à 17h55 près du village de Fedorivka.
D’autres ripostes aériennes ukrainiennes ont lieu dans la région de Gorodnia, près de la frontière biélorusse, pour un total général de 34 sorties. Un convoi de vingt véhicules aurait ainsi été entièrement détruit par un Su-24M. L’activité de l’aviation adverse conduit les Russes à poursuivre leurs frappes de missiles sur les bases ukrainiennes, six MiG-29 de la 114e BrTA étant ainsi détruits ou sérieusement endommagés par des missiles Kalibr tirés par des navires de la Flotte de la Mer Noire à Ivano-Frankivsk dans la nuit du 26 au 27. Ces avions stockés n’étaient cependant pas opérationnels, comme la plupart de ceux qui ont été perdus au sol durant les trois premiers jours du conflit. La base d’Ozerne est également frappée. L’aviation russe réclame la destruction de huit avions et sept hélicoptères de combat à l’issue de cette journée.
Craignant un débarquement aéroporté semblable à celui d’Hostomel sur la base aérienne de Vasylkiv, siège des MiG-29 de la 40e BrTA, l’état-major ukrainien semble multiplier les déclarations sans fondement. À 01h30, il déclare qu’un pilote de Su-27 vient d’abattre un quadriréacteur Il-76MD vers Vasylkiv ; on apprendra par la suite qu’il s’agit du colonel Oleksandr Mostovoy, le commandant de la 831e BrTA, qui sera décoré pour avoir également descendu deux hélicoptères Mi-24 dans le même secteur. Aucune preuve de ces « victoires » n’a jamais été apportée, ce qui est d’autant plus curieux que les batteries de missiles S-300 sont elles-mêmes créditées d’un Mi-8 et d’un Su-25 à Vasylkiv… Les forces russes n’ayant jusqu’à preuve du contraire lancé aucun raid aéroporté sur la base de Vasylkiv, il est possible que toutes ces revendications soient le fruit de la panique engendrée par des frappes de missiles balistiques au cours de la nuit.
Le bilan final de la journée indique que onze avions russes auraient été abattus. Parmi ceux-ci figurent trois Su-30SM, dont un au-dessus de la mer par la DCA de navires russes (!) et un autre par un missile antiaérien ukrainien ; un Su-24 ; deux Su-25 supplémentaires, l’un durant la nuit à Vinnytsia, l’autre tombant victime d’un système antiaérien S-300 dans le Donbass. La même batterie aurait descendu une heure plus tard un hélicoptère. Le MDU revendique avoir abattu depuis le début des hostilités la bagatelle de 27 avions et 26 hélicoptères ! La seule perte russe du jour qui soit certaine est celle d’un hélicoptère Mi-35M frappé par un missile sol-air à Sahy (Sagi), quelques kilomètres à l’est de Kherson.





Le 27 février est une journée au cours de laquelle la force aérospatiale russe n’effectue aucune revendication aérienne, son adversaire ayant fortement réduit le nombre de ses missions. Le Su-24M « 77 blanc » de la 7e BrTA est abattu alors qu’il bombardait un véhicule de transport de troupes russe à Borodyanka, au nord-ouest de Kiev. L’équipage, composé du Major Rouslan Bilous (pilote) et du capitaine Roman Dongalyouk (navigateur), est tué. L’aéroport de Jitomir, 150 km au nord-ouest de la capitale, est frappé par des missiles balistiques Iskander mais l’étendue des dégâts demeure inconnue.
Quelques Su-25 ukrainiens, opérant seuls ou par paires, attaquent quand même des colonnes russes dans les régions de Kherson et Tchernihiv en compagnie de Su-24M, ce dernier type d’appareil bombardant aussi des convois vers Zaporojié. Le Su-25M1 « 49 bleu » du lieutenant Andreï Maksimov est abattu par un missile aux abords du pont Antonivsky à Kherson mais son pilote peut s’éjecter ; blessé aux deux jambes et à la colonne vertébrale, Maksimov tombe dans les lignes russes où il est capturé. Sur le front de la Mer d’Azov, des Mi-8 ukrainiens transfèrent des renforts dans la cité de Marioupol sur le point d’être encerclée, car Melitopol et le port voisin de Berdiansk sont sur le point de tomber.
Le MDU affirme qu’un bombardier stratégique Toupolev Tu-22M3 aurait largué depuis la région de Koursk (en Russie) seize missiles sur la ville de Kharkiv, mais les photos prises sur place ne montrent que les restes de roquettes d’artillerie. Un hélicoptère Ka-52 est revendiqué par les défenseurs ukrainiens, ainsi qu’un Mi-8 transportant des troupes aéroportées à Ivanivka, dans la banlieue de Kherson, ce qui n’empêche pas les troupes russes de s’emparer au cours de la journée de cette grande ville située à l’embouchure du Dniepr. Un Su-25 russe aurait aussi été descendu en fin d’après-midi près de l’aéroport d’Hostomel, pilote tué. Il s’agit sans doute du Su-25SM RF-93027 « 12 rouge » du 18e GvChAP dont les restes seront retrouvés entre Bouda-Babynetska et Blystavytsia, une dizaine de kilomètres plus à l’ouest.

Le 28 février, les revendications des deux camps sont une nouvelle fois contradictoires : du côté russe, le Major Viktor Doudine du 23e IAP intercepte deux Su-27 à 10 000 m d’altitude ; il abat le premier seul et le second en collaboration avec son ailier… Cet officier avait réclamé deux jours plus tôt la destruction d’une batterie antiaérienne Bouk-M1 à l’aide d’un missile Kh-31PM qu’il avait tiré après être descendu à seulement 400 m d’altitude. Du côté ukrainien, le lieutenant Andreï Gerous de la 40e BrTA se fait homologuer un Il-76 transportant près de 150 parachutistes qu’il descend à 03h20 au-dessus de l’aéroport Kropyvnytskyi de Kirovohrad, au centre de l’Ukraine. Or, la seule perte confirmée des belligérants est celle du Su-27S1M « 11 bleu » piloté par le Major Stepan Choban de la 831e BrTA, détruit en combat aérien au-dessus de Kropyvnytskyi… Aucune épave d’Il-76 russe n’ayant été retrouvée, il est donc logique de penser que Choban [9] a été descendu par un MiG-29 ukrainien ! Un hélicoptère Mi-8 de la 16e OBrAA est aussi abattu par un missile sol-air près du village de Makariv, dans le district de Boutcha, au nord-ouest de Kiev. Tout l’équipage est tué (colonel Oleksandr Grigoryev, capitaine Dmitry Nesterouk et lieutenant Vasyl Hnatyouk).
[9] Ou Chobanu, un pilote d’origine roumaine.
La force aérienne ukrainienne contre-attaque à plusieurs reprises. Les Su-25 de la 299e brigade tactique bombardent des colonnes de véhicules blindés dans les régions de Kiev et de Jytomyr, tandis que les Su-24M de la 7e BrTA frappent quatre chars et des colonnes mécanisées russes dans la région de Tchernihiv, à proximité de la frontière biélorusse et près de Berdiansk, au sud-est de Marioupol. Le Ministère de la Défense ukrainien signale que ses chasseurs ont intercepté et abattu deux avions au cours de la journée, tandis que trois autres ont été « liquidés » par des missiles sol-air S-300 lors d’un raid aérien sur Vasylkiv et Brovary, dans le secteur de Kiev. Tous ces appareils auraient été des Su-30 et des Su-35.
Les pertes russes se montent à un hélicoptère et trois avions : un Mi-35 tombé à Olechky près de Kherson, faisant deux tués, un chasseur biplace Su-30SM abattu au-dessus de l’aéroport d’Hostomel [10] et deux bombardier Su-34. Le premier est un appareil du 277e GvBAP qui s’écrase près de Borodyanka, à l’ouest de Kiev, après avoir été frappé par un missile sol-air ; l’équipage du RF-821251 « 31 rouge », composé du capitaine Artur Goubaïdouline et du Major Maxim Bogdan, est récupéré par les troupes russes après s’être éjecté. Le second est le RF-81259 « 05 rouge » du 2e GvBAP qui tombe sur l’aérodrome de Bouzova, utilisé par la section de planeurs de l’aéroclub de Kiev.
[10] Au moins un des membres d’équipage, le Lt Viatcheslav Maklagine (navigateur), est tué.
Dans la soirée du 28 février, le Ministère de la Défense russe proclame que son aviation a acquis la supériorité aérienne sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine, les forces aérospatiales revendiquant la destruction de 311 blindés ainsi que celle de 42 avions et hélicoptères, dont 11 en vol et 31 au sol. S’il est impossible de confirmer ces affirmations, elles apparaissent cependant plus crédibles que le bilan annoncé le lendemain à 06h00 par le Ministère de la Défense ukrainien : 1007 blindés dont 191 chars, auxquels s’ajoutent 29 avions et 29 hélicoptères russes détruits depuis le début de l’attaque, des chiffres totalement invérifiables.


À partir du 1er mars, l’aviation russe interrompt ses raids sur les bases aériennes adverses pour se consacrer en priorité à l’appui aérien des troupes terrestres. La « guerre éclair » de Vladimir Poutine, lancée par des forces limitées et confrontée à une résistance ukrainienne beaucoup plus forte que prévue, s’enlise dans toutes les directions opérationnelles, sauf au Sud où deux bases viennent de tomber aux mains des Russes : Chornobaïvka, près de Kherson, où un Mi-2, un Mi-8MTV et moins neuf Mi-24 non opérationnels de la 11e OBrAA sont capturés, ainsi que Melitopol où stationnait la 25e BrTrA de transport. L’Il-76MD n/c 76699, alors en maintenance, y est saisi par les troupes de Moscou.
Des hélicoptères ukrainiens attaquent un convoi à Snihourivka, au nord de Kherson. Le maire de Mykolayiv (Nikolaïev), autre grande ville du Sud, reconnait la perte d’un Mi-8 dont l’équipage est hospitalisé. Touché par un missile russe, un Su-24M de la 7e BrTA s’écrase à 06h50 près du village de Krasenivka, au nord-est de Tcherkassy ; l’équipage peut s’éjecter bien qu’il soit blessé. Les Ukrainiens récupèrent ce jour le Su-27S1M « 23 bleu » de la 39e BrTA qui était interné en Roumanie depuis le 24 février. Un missile balistique ukrainien Tochka-U frappe la base de Taganrog, à l’extrémité est de la Mer d’Azov, où il met le feu à un quadriréacteur de transport Il-76MD russe. À l’image d’un autre Kamov de sa brigade le premier jour de l’invasion, le Ka-52 RF-90304 « 14 bleu » de la 18e BrAA doit effectuer un atterrissage forcé près du village de Babyntsi, au nord-ouest de Kiev ; devant l’impossibilité de l’évacuer, il sera détruit à la fin du mois de mars par les troupes russes lors de leur repli.
Dans la matinée du 2, le commandement de l’armée de l’Air ukrainienne déclare sur son compte Facebook que deux de ses chasseurs MiG-29 ont livré dans la nuit du 1er au 2 une féroce bataille aérienne dans la région de Kiev à deux Su-35 russes ; un Su-35 a été abattu avec des missiles air-air, un autre par un système de défense aérienne S-300 mais l’un des MiG-29 s’est écrasé et son pilote est porté manquant. Quelques heures plus tard, le Ministère de la Défense russe niera toute perte dans ce secteur, en précisant que le chasseur ukrainien a été abattu par erreur par sa propre DCA ! Il est un fait qu’aucun exemplaire du « super-chasseur » Su-35S n’a jusqu’alors été perdu en Ukraine. Le pilote du MiG-29 est le Major Oleksandr Brinjal de la 40e BrTA dont le décès ne sera révélé qu’un mois plus tard, accompagné d’une nécrologie héroïque selon laquelle ce n’était plus deux, mais douze Su-35S qu’avaient dû affronter les deux pilotes ukrainiens, Brinjal abattant deux de ses adversaires avant de succomber tandis que son ailier en abattait un troisième. Par la suite, son camarade le capitaine Andreï Piltchchikov révèlera que Brinjal a été victime d’un missile air-air russe R-77-1 du type « tire et oublie » alors que les Ukrainiens ne disposent que de vieux missiles R-27 dont le radar embarqué doit illuminer la cible jusqu’à l’impact… Piltchchikov avouera que les pilotes ukrainiens n’ont rien pu faire, ce qui indique qu’aucun appareil russe n’a été descendu en retour… Le vainqueur de Brinjal doit être le Major Viktor Doudine du 23e IAP, qui remporte au même moment sa quatrième victoire homologuée en descendant d’un seul missile R-77-1 un nouveau « Su-27 » près de Kiev, ce qui lui vaudra trois jours plus tard d’être fait « Héros de la Fédération de Russie » par Vladimir Poutine.





Le 2 mars, l’état-major ukrainien signale que ses Su-24M et ses Su-25 ont détruit des colonnes d’équipement militaire et de personnel russe dans les régions de Kiev, Soumy, Tchernihiv et Kharkiv. Ces raids en soutien de l’armée de terre seront renouvelés le lendemain ainsi que le 5 mars. Les Russes revendiquent deux avions abattus en l’air et deux autres détruits au sol pour un total général, le 3 au matin, de 13 avions dans les airs et 49 au sol.
Le capitaine Oleksandr Korpan, qui avait été détaché avec un ailier sur la base de Starokostiantyniv où tous deux opéraient aux côtés des Su-24 de la 7e BrTA, est effectivement tué en matinée au cours d’une alerte aérienne. Alerté d’une possible frappe de missiles russes, le personnel présent sur la base fait décoller en urgence tous les avions déjà chargés en munitions et en carburant. Pour une raison encore inconnue, le Su-25M1 « 29 bleu » de Korpan prend feu peu après le décollage, alors qu’il survole à basse altitude des immeubles résidentiels. Plutôt que de s’éjecter, l’officier dirige son avion en perdition à la périphérie de la ville où il s’écrase, sauvant ainsi la vie de dizaines de civils. Son geste héroïque vaudra à « Sacha » Korpan d’être fait à titre posthume Héros de l’Ukraine le 10 mars. L’état-major ukrainien le créditera d’une centaine de véhicules russes détruit depuis le 24 février, un palmarès qui parait assez exceptionnel en à peine une semaine de combats… Les Ukrainiens subissent aussi la perte d’un Su-24M de la 7e BrTA descendu par un chasseur Su-35S russe dans une forêt entre Bilka et Dovbysh, à l’ouest de Jitomir ; tué dans le « crash », l’équipage était composé de deux anciens puisque le pilote, le colonel Mykola Kovalenko, avait commandé la 7e BrTA avant de devenir directeur adjoint de la KNUPS (l’Université nationale de l’armée de l’air de Kharkiv) et que le navigateur, le capitaine Evgueny Kazimirov, était retraité depuis dix ans.
Le 3 mars, les revendications ukrainiennes se poursuivent avec un Su-30 abattu par l’artillerie antiaérienne à Irpin, au sud de l’aéroport d’Hostomel, un Su-34 à Volnovakha, au sud de Donetsk et un chasseur à Bilhorod-Dnistrovskyï (Belgorod-Dnestrovsky), au sud-ouest d’Odessa. Si l’on ne peut confirmer les appareils tombés dans les régions de Donetsk et d’Odessa, le « Soukhoï Su-30 » est en fait le Su-25SM RF-91961 « 07 rouge » du 18e GvChAP, qui tombe à Makariv après avoir été touché par un missile sol-air au-dessus d’Irpin. Son pilote peut s’éjecter et regagner les lignes russes. Un Mi-28 du 39e VP s’écrase pour une cause inconnue, entrainant dans la mort les Major Igor Markelo et Sergueï Emelyantchik. Du côté ukrainien, le capitaine Vadim Moroz de la 299e BrTA est tué en attaquant une colonne blindée à Novoaleksandrovka, dans la région de Mykolayiv, son Su-25M1 « 40 bleu » ayant probablement été victime d’un MANPADS russe.


Lors de la journée du 4 mars, l’aviation de Moscou continue ses frappes sur les bases adverses, l’état-major russe revendiquant dix-sept appareils ukrainiens détruits au sol et cinq en l’air (ces derniers par la DCA). La base de la 299e BrTA à Koulbakino, près de Mykolayiv, est brièvement capturée par les troupes russes mais elle est reprise par les Ukrainiens dès le lendemain. Sa tour de contrôle et ses soutes à munitions et à carburant sont touchées par des raids aériens, de même que les alvéoles de protection sur le parking.
L’aviation ukrainienne annonce que ses Su-24 et ses Su-25 ont opéré avec succès dans les régions de Kiev, Soumy, Tchernihiv et Kharkiv. Elle réclame la destruction de trois Su-25 et de trois hélicoptères, portant son total à 39 avions et 40 hélicoptères depuis le début du conflit. Des six revendications de Kiev, quatre sont pour une fois documentées. La première concerne le Su-25SM RF-91958 « 04 rouge » du 18e GvChAP descendu par un missile près de Tchernihiv et dont le pilote s’éjecte au-dessus des lignes ukrainiennes. Il semble que le Major Evgueni Osipov participe ensuite aux combats au sol, au cours desquels il est tué par balle selon les autorités ukrainiennes qui l’annoncent dans un premier temps capturé… La seconde est le Su-25SM3 RF-93026 « 08 rouge » du 368e ChAP tombé à Volnovakha, dans la province de Donetsk, après avoir été touché par les artilleurs de la 54e brigade mécanisée ukrainienne ; son pilote le Major Ivan Vorobyov peut s’éjecter mais il sera retrouvé mort. La troisième est le Mi-8MTV-5 RF-04525 « 57 bleu » baptisé Nikolaï Maïdanov de la 16e BrAA qui est descendu en tentant de récupérer le Major Vorobyov. Transportant huit commandos, l’hélicoptère s’écrase en milieu d’après-midi à Solodke près de Volnovakha. Des trois membres de l’équipage (Major Alexandre Tchevtsov, lieutenants Dimitri Taranets et Ivan Reutine), seul Reutine s’en sort vivant de même qu’un de ses passagers, le capitaine Anatoly Semikine du 31e IAP ; blessés, les deux hommes sont faits prisonniers. La quatrième est le Mi-8AMTSh RF-91292 « 83 bleu » du 35e OTSAP dont l’épave sera retrouvée près de Makariv, une trentaine de kilomètres à l’ouest de Kiev, avec les corps de son équipage (capitaine Gennady Ismagoulov, lieutenant Alexeï Trichine et capitaine Konstantin Kousov, de la 18e BrAA) ainsi que ceux de deux passagers. La Marine ukrainienne réclame pour sa part avoir abattu en début de matinée un Su-35S en Mer Noire, mais sans en fournir la moindre preuve… ce qui n’a rien d’étonnant car aucune unité russe ne dispose de ce type de chasseur sur ce front !




Le 5 mars est une journée au cours de laquelle les pertes des deux partis en présence vont être sévères, particulièrement côté russe. L’aviation de chasse russe revendique la destruction en combat aérien de quatre Soukhoï Su-27 et d’un MiG-29 près de Jitomir, environ 130 km à l’ouest de Kiev. Le gouvernement ukrainien reconnaitra plusieurs mois plus tard qu’un de ses avions s’est bien écrasé vers 08h00 dans une forêt proche du village de Tarsivka, le pilote ayant pu s’éjecter sain et sauf. Il serait intéressant d’apprendre quelles étaient les unités impliquées dans cet affrontement, d’autant que la défense anti-aérienne russe réclame un autre Su-27 et un Su-25 dans le secteur de Radomychl, au nord-ouest de Jitomir. Un second Su-25 ukrainien est revendiqué par la DCA vers Nijyn (Nejine), au sud-est de Tchernihiv. Deux hélicoptères Mi-8 ukrainiens sont détruits dans la région de Kiev, dont un au sol.
Au moins neuf appareils russes sont dans le même temps abattus avec certitude par l’artillerie anti-aérienne ukrainienne. Le bombardier Su-34 RF-81879 « 24 rouge » du 2e GvBAP est descendu par un SAM vers 12h40 au-dessus de Tchernihiv ; l’équipage peut s’éjecter mais si le pilote (Major Krasnoyartsev) est capturé blessé, le navigateur (Major Krivolapov) est retrouvé mort. Un second Su-34 du 2e GvBAP, le RF-81864 « 26 rouge », tombe sous les tirs de la 58e brigade d’infanterie motorisée indépendante au sud-est de la même ville, les deux membres d’équipage (Major Ravil Gattarov et Major Dimitri Rounev) étant cette fois tués. Le Mi-24P RF-94966 « 24 bleu » du 30e OTSAP, en mission au nord de Kiev, est abattu par un missile sol-air portatif près de Kozarovychi, ne laissant aucun survivant. Chargés d’escorter un Mi-8 qui évacue des blessés, deux Mi-24 appartenant sans doute à la 17e BrAA sont pris à partie près de Kiev par des MANPADS d’origine polonaise PPZR Piorun. Le Mi-24P RF-95286 « 32 rouge » s’écrase à Kozarovichi avec son équipage, le capitaine Viatcheslav Baraev et le lieutenant Alexandre Khripounov.
Dans la région de Mykolayiv, au sud de l’Ukraine, les artilleurs de la Marine ukrainienne réclament quatre hélicoptères, dont trois abattus par le même soldat… Trois de ces revendications peuvent être confirmées, toutes étant des machines du 39e VP : les Mi-8AMTSh RF-91164 « 59 bleu » et RF-91165 « 58 bleu », ce dernier écrasé à Kalinovka en faisant trois morts, ainsi que le Mi-24VM RF-13017 « 22 bleu » tombé vers Bachtanka, au nord-est de Mykolayiv ; le pilote, le lieutenant-colonel Youri Oritchak et le navigateur, le lieutenant Eldar Timoutchev, étant tués. Les missiles antiaériens causent aussi la perte de deux Su-30SM du 43e régiment aéronaval d’attaque de l’aviation de la flotte de la Mer Noire (43e OMChAP) lors d’une mission de bombardement. Le premier est le RF-33787 « 45 bleu » qui s’écrase près de Chapaïvka, une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Mykolayiv ; l’équipage composé du Major Alexeï Golovensky et du capitaine Alexeï Kozlov est capturé après s’être éjecté. Le second Soukhoï tombe dans les lignes russes mais son équipage, composé du lieutenant-colonel Alexeï Khasanov et du capitaine Vasily Gorgoulenko, ne survit pas au « crash ». Selon l’état-major ukrainien, 34 avions et 37 hélicoptères russes ont été détruits depuis le début du conflit.










Le 6 mars, les forces russes annoncent avoir abattu trois Su-27 près de Poltava, de même qu’un Su-25 dans la région de Radomychl (au nord-ouest de Jitomir) et deux hélicoptères Mi-24 dans le secteur de Makariv, également à l’ouest de Kiev. L’Antonov An-26KPA n/c 6909 « 57 bleu » de la 456e GBrTrA ukrainienne est détruit par une frappe de missile sur l’aéroport de Vinnytsia-Gavrichevka, au sud-ouest de Kiev. Dans le Sud, les autorités de la région de Mykolayiv signalent la perte de deux appareils de l’armée de l’Air ukrainienne à proximité du parc naturel d’Olechky Sands, à l’est de Kherson. Ces deux machines étaient des hélicoptères Mi-8 de la 18e OBrAA dont les équipages sont tués par des missiles sol-air près de Mykolayiv (Major Konstantin Zyabnitsky, capitaines Sergueï Bondarenko et Igor Pazitch ; Major Igor Tourevitch, capitaines Oleksandr Tchouiko et Vladislav Gorban). Les combats dans le secteur sont particulièrement violents car les Russes perdent eux-mêmes un Mi-8 du 55e OVP à Nova Kakhovka, un peu plus au nord-est ; frappé par un MANPADS, l’appareil tombe dans le Dniepr en entrainant dans la mort son équipage de trois hommes [11] et ses seize passagers, des personnels des 368e ChAP (trois hommes) et 37e GvSAP (treize hommes) qu’il transférait de Djankoï vers la base de Chornobaïvka récemment capturée. Cette hécatombe sonne le glas du 37e GvSAP dont on n’entendra plus parler dans les semaines suivantes…
[11] Maj Youri Belitchenko, Cne Konstantin Saïgakov et Lt Ildar Izmailov.
Retombant dans ses exagérations antérieures, l’état-major de l’armée ukrainienne revendique en conclusion de cette journée la destruction de pas moins de dix avions et onze hélicoptères ! Outre le Mi-8 du 55e OVP, les seules autres pertes russes dont on a la preuve sont le Su-34 FR-95070 « 06 rouge », abattu à 18h15 par un missile Bouk dans la banlieue est de Kharkiv, faisant un tué et un blessé parmi son équipage, ainsi qu’un Su-25 dont le pilote peut s’éjecter. Un Su-30SM russe aurait aussi été abattu près de Popasna, à l’ouest de Lougansk ; son équipage aurait été fait prisonnier.
Les combats aériens avec les forces ukrainiennes vont ensuite baisser nettement en intensité, celles-ci étant de moins en moins engagées vu les pertes sévères subies dans les premiers jours de l’invasion. Un nouvel intervenant, bien moins coûteux en hommes, supplée l’aviation ukrainienne de manière très efficace pour cibler les véhicules et les blindés : le drone armé d’origine turque Bayraktar TB2.
Le 7 mars, les Russes revendiquent avoir abattu un MiG-29 tandis que les Ukrainiens réclament deux avions à 20h30 et 21h10 près de Kiev. Une seule perte russe peut être identifiée : celle du lieutenant-colonel Oleg Tchervov, du 266e ChAP, tombé aux commandes du Su-25SM RF-90969 « 29 jaune » près du village de Myrotské, au nord-ouest de Kiev.
Le 8 mars, l’aviation russe lance des frappes en profondeur jusqu’en Ukraine occidentale. Des MANPADS détruisent trois hélicoptères ukrainiens au nord-est de Kiev. L’un est un Mi-24 de la 16e OBrAA qui s’écrase près du village de Koulajyntsi ; l’équipage, composé du lieutenant-colonel Oleksandr Maryniak et du Major Ivan Bezzoub, est tué. Les autres sont deux Mi-8MT de la 11e OBrAA qui tombent entre Nova Basan et Bervytsia. Au moins deux des membres d’équipage du « 133 » sont tués (lieutenant-colonel Oleg Hegetchkor et capitaine Igor Moroz), tout comme le capitaine Volodymyr Sklyar sur le « 135 » à bord duquel il officiait comme mécanicien embarqué. Les capitaines Ivan Pepelyachko (pilote) et Oleksiy Tchij (navigateur) ont la chance d’être éjectés du « 135 » avec des blessures aux jambes ; ils sont capturés par les Russes qui les libèreront lors d’un échange de prisonniers le 13 avril 2022. La dernière perte ukrainienne est celle du Major Andreï Lyoutachine, de la 40e BrTA, dont le MiG-29 est touché en détruisant à la roquette trois transports de troupes blindés BMP ; l’avion et son pilote s’écrasent dans une forêt proche de Berezivka, à l’ouest de Kiev. Les Russes déplorent pour leur part un seul tué : le Major Sergueï Volynets, du 368e ChAP, dont le Su-25 se « crashe » dans ses lignes, sans doute dans la province de Donetsk.
La Pologne propose durant cette journée de confier sa flotte de vingt-trois MiG-29 aux États-Unis pour que ceux-ci la transmette à l’Ukraine, mais cette proposition est rejetée dès le lendemain par le gouvernement américain pour une fois soucieux de ne pas augmenter les tensions dans la région.






Touché au moteur gauche par un missile le 9 mars, le Su-24M « 26 blanc » de la 7e BrTA tente de revenir à son terrain mais il s’écrase vers 11h00 dans un étang du village d’Ivanki, dans la région de Tcherkassy. L’équipage réussit à s’éjecter. Les forces aériennes ukrainiennes perdent aussi à 19h40 le MiG-29MU1 « 10 blanc » de la 40e BrTA tombé à Novopil, au nord-ouest de Jitomir ; son pilote était le commandant d’un des deux escadrons de la 204e BrTA, le Major Yevgueny Lysenko probablement envoyé en renfort à la 40e brigade en raison de son expérience. Selon le gouvernement ukrainien qui rendra sa mort publique le 14 mars, ce pilote de MiG-29 a d’abord descendu un des deux adversaires engagés en combat aérien avant d’être abattu par l’artillerie antiaérienne. On peut cependant douter de cette déclaration puisqu’aucune épave d’avion russe n’a été retrouvée, alors que le secteur est toujours demeuré sous contrôle ukrainien….
Dans la soirée du 9 mars, le bilan officiel des forces russes fait état de la mise hors service de 90% des principaux aérodromes de l’aviation militaire ukrainienne, un chiffre qui parait nettement surévalué. Le major-général Igor Konachenkov, porte-parole du Ministère de la Défense russe, déclare : Au moment du lancement de l’opération spéciale, les forces armées ukrainiennes disposaient de 250 avions et hélicoptères de combat opérationnels. Les forces aérospatiales russes ont détruit 89 avions de combat et 57 hélicoptères, en vol comme au sol. À ce total doivent être ajoutés 93 drones de tous types, 953 chars et blindés légers, 101 lance-roquettes multiples, 351 canons et mortiers ainsi que 718 véhicules militaires.
Lors de la journée du 10 mars, l’aviation et les défenses anti-aériennes russes revendiquent un avion et trois hélicoptères Mi-24 ukrainiens sur lesquels on n’a aucun détail. Les forces de Moscou perdent en contrepartie deux appareils. Le premier est le Su-25SM RF-91969 « 10 rouge » du Major Nikolaï Prozorov, du 18e GvChAP, abattu vers 01h30 par un missile sol-air portatif de la 10e brigade d’assaut de montagne à Bekhy, au nord de Jitomir. Le second, qui pourrait être un Su-34, s’écrase vers 21h00 près de la ville biélorusse de Kojan-Gorodok, à 17 km de la base aérienne de Louninets. L’équipage blessé réussit à s’éjecter.
Dans la matinée du 11 mars, des missiles à longue portée russes frappent les bases aériennes de Loutsk et d’Ivano-Frankivsk où une dizaine de MiG-29 et de Su-24 pourraient avoir été détruits. Un Su-27 est également gravement endommagé par une frappe de missile sur la base aérienne de réserve de Kanatovo, au nord-est de Kirovograd [12]. Selon l’état-major ukrainien, il s’agirait en fait de raids menés par des formations de Su-24 et Su-34 escortés par des Su-35, au moins dix missiles de croisière ayant aussi été lancés par six bombardiers stratégiques Tu-95MS. Les forces aériennes ukrainiennes n’effectuent que dix sorties d’attaque au sol, menées par des Su-24 et des Su-25 ainsi que par des Mi-24. L’hélicoptère russe Mi-8MTV-5 RF-24764 « 60 blanc » s’écrase à l’atterrissage dans la matinée du 11 à Valouïki, au sud-est de Belgorod (Russie), à proximité de la frontière ukrainienne.
[12] La date de cette perte n’est pas certaine.
Le 12 mars, les frappes russes de missiles se poursuivent. Elles touchent notamment en matinée la base aérienne de Vasylkiv, une quarantaine de kilomètres au sud de Kiev, où stationnent les MiG-29 de la 40e BrTA. On ignore l’étendue des dégâts. Alors qu’il attaquait une colonne de troupes, un Su-24M de la 7e BrTA ukrainienne est touché à basse altitude par un missile dans l’après-midi du 12 mars. L’appareil s’écrase près de Nova Kakhovka, au nord-est de Kherson, sans que son équipage ait le temps de s’éjecter. Le pilote, le lieutenant-colonel Valery Ochkalo et son navigateur, le Major Roman Chekhoun, sont tués dans l’explosion.
Un avion russe touché par un missile sol-air portatif au-dessus d’Izioum, au sud-est de Kharkov, tombe en Russie dans la région de Belgorod ; l’équipage de deux hommes se parachute. Un autre appareil serait tombé à Roubijne, dans le secteur de Lougansk. Un Mi-24VM (ou bien un Mi-35M) est perdu près de Novomykolaivka, au nord-est de Jitomir. Le Ka-52 RF-13409 « 74 rouge » du 55e OVP s’écrase à Skadovsk, au sud de Kherson ; son pilote le capitaine Andreï Lyoulkine est grièvement blessé, son navigateur le lieutenant Alexandre Potapenkov est tué. L’état-major ukrainien estime avoir détruit 59 avions russes, 83 hélicoptères, 371 blindés, 1305 véhicules, 66 lance-roquettes multiples et 7 drones.
Le lieutenant-colonel Denis Litvinov, un pilote de Soukhoï qui pourrait appartenir au 266e ChAP, réussit par miracle à rentrer d’une sortie d’attaque au sol après que son Su-25SM RF-90965 « 32 jaune » a été touché par un MANPADS, comme le révèle un commentaire du Ministère de la Défense russe : Alors qu’il effectuait une mission de combat (…), un avion d’assaut Su-25, second d’une paire, a été touché par un missile sol-air portatif tiré depuis le sol par un soldat de l’armée ukrainienne. Son pilote a décidé d’éteindre le moteur endommagé et de demeurer à bord. Réalisant qu’il ne survivrait pas à une autre attaque, le pilote de l’avion de tête, le lieutenant-colonel Denis Litvinov (…) a décidé de couvrir son ailier avec son propre appareil. Il a détecté visuellement le lancement d’un deuxième missile et, en tirant des leurres infrarouges, a réussi à le détruire. Pendant l’approche à l’atterrissage, le pilote du Su-25 endommagé a signalé une panne des systèmes d’avionique et de contrôle, mais il a réussi à atterrir sans incident grâce à l’assistance fournie par (son leader).









Le 13 mars dans l’après-midi, l’aviation russe revendique un Su-24 près de Novyi Bykiv (Novy Bokov), à l’est de Kiev. Plus tard dans la journée, un MiG-29 de la 114e BrTA piloté par le Major Stepan Tarabalko est abattu en combat aérien ; la mort de cet officier sera confirmée par les autorités ukrainiennes le 20 mars. Le Ministère de la Défense d’Ukraine affirme de son côté que sa force aérienne a abattu quatre avions et trois hélicoptères. Une seule de ces sept revendications peut être confirmée, celle d’un Su-30SM du 14e GvIAP descendu par un missile sol-air à proximité du village de Mala Komytchouvakha, dans la région d’Izioum, au cours d’une mission d’attaque au sol. Cet appareil est très probablement le RF-81771 « 60 rouge » dont l’équipage peut s’éjecter sain et sauf. Après une traque de plusieurs jours, les lieutenants-colonels Sergueï Kosik (pilote, commandant-adjoint du régiment) et Max Krichtop (navigateur) finiront par être capturés. Ils feront par la suite partie d’un échange de prisonniers.
Dans les premières heures du 14 mars, une trentaine de missiles de croisière pulvérisent une partie du centre de regroupement des combattants volontaires étrangers à Yavoriv, à une vingtaine de kilomètres de la frontière polonaise. Ils auraient été tirés par des bombardiers stratégiques depuis l’espace aérien russe selon un responsable du Pentagone. La base de Yavoriv, également centre de formation et d’entraînement de l’OTAN, servirait de plateforme de livraison pour l’aide militaire venue d’Europe ; il faut donc considérer ce bombardement comme une sérieuse mise en garde adressée par la Russie aux Occidentaux. En réponse à l’envoi par les forces ukrainiennes d’un missile tactique Tochka-U sur le centre-ville de Donetsk où il a fait 21 morts civils et 35 blessés [13], l’armée russe indique par ailleurs qu’elle va désormais cibler les entreprises de défense ukrainiennes réparant des armes, incitant les civils qui y travaillent à quitter leurs postes pour éviter d’être touchés… Au cours d’une mission sur Volnovakha, au sud-ouest de Donetsk, un Su-25 de la 299e BrTA ukrainienne est abattu par un système de missiles de défense aérienne Pantsir-S. Son pilote le Major Roman Vasilyouk réussit à s’éjecter près du village de Yegorovka, mais il est blessé à la jambe en tentant de s’échapper et il est capturé par la milice populaire de la RPD. Il sera libéré le 24 avril lors d’un échange de prisonniers.
[13] Ce tir non autorisé amènera dès le 15 mars le président Volodymyr Zelensky à limoger le commandant des forces conjointes ukrainiennes dans le Donbass, le général Oleksandr Pavlyouk, « recasé » à la tête de l’administration militaire de la région de Kiev.
Le Ministre de la Défense ukrainien Oleksii Reznikov déclare que l’aviation et les unités de défense aériennes du pays ont déjà abattu 167 avions et hélicoptères russes, le bilan de la journée étant de quatre hélicoptères et deux avions, dont un chasseur abattu par un missile anti-aérien (aucune preuve fournie). Le lendemain, le Ministre des Affaires étrangères va révéler des chiffres différents : 81 avions et 95 hélicoptères, soit 176 appareils.



Le 15 mars, les Russes revendiquent un Mi-8 et deux avions. Le Mi-8 est un appareil de la 11e OBrAA qui est effectivement descendu près de Maryinka en RPD, tuant tout son équipage composé du capitaine Oleksandr Borys ainsi que des lieutenants Oleksandr Lazovsky et Leonid Tymotchenko). Les deux avions auraient été victimes d’une batterie de missiles antiaériens Bouk-M3 assurant la protection d’une colonne logistique en provenance de Biélorussie ; les hommes du lieutenant Sergueï Ovcharenko réclament un Su-25 à 14h10 à l’est de Tchernihiv et un Su-24 à 14h20 à l’ouest du même secteur, sans qu’on puisse confirmer ces revendications de manière indépendante.
Par contre, le MiG-29MU-1 « 15 blanc » de la 40e BrTA doit effectuer un atterrissage forcé sur le ventre près de Novyi Bykiv, 80 km à l’est de Kiev, après avoir été touché par un intercepteur russe MiG-31BM qui a tiré sur lui un missile hypersonique R-37M BVR à 125 km de distance ! Si son appareil est endommagé au-delà du réparable, le pilote ukrainien s’en sort sain et sauf. Un bombardement de la base aérienne ukrainienne de Kramatorsk, au nord de Donetsk, y aurait également détruit quatre Su-25, un Mi-24 et cinq hélicoptères Mi-8 dans trois des hangars, une affirmation impossible à vérifier.
Un groupe composé de Su-24, Su-25 et Mi-24 ukrainiens, sous le couvert de chasseurs, aurait effectué d’après le MDU neuf sorties sur des colonnes d’équipements et des rassemblements russes. L’affirmation semble douteuse au vu de la différence de performances des types d’appareils engagés. Une colonne d’une douzaine de véhicules russes aurait été détruite par l’aviation d’assaut, en liaison avec l’artillerie, dans le secteur de Marioupol où les combats font rage depuis le début du mois.
Le jour-même où les forces russes prennent le contrôle total de l’ensemble du territoire de la région de Kherson, la base aérienne de Kherson est bombardée par l’artillerie ukrainienne qui y revendique la destruction d’une quinzaine d’hélicoptères. Les photos satellites apparues par la suite montrent quatre hélicoptères Mi-8AMTSh, Mi-24VM et Mi-28N détruits et trois autres endommagés par le feu, ce qui poussera les Russes à déplacer le régiment d’hélicoptères (39e VP ?) basé sur place. La DCA ukrainienne revendique pour sa part avoir abattu trois avions, dont deux Su-34, et un hélicoptère. L’un des avions est le Su-30SM RF-81773 « 62 rouge » du 14e GvIAP qui s’écrase près du village de Bryhadyrivka, dans la région de Kharkiv, victime d’un canon antiaérien ZU-23 de la 80e brigade d’assaut aérienne indépendante. Le lieutenant-colonel Alexandre Pazynitch (commandant-adjoint du régiment) et le capitaine Evgueni Kislyakov décèdent dans le « crash ». Le MDU réclame au total 192 appareils répartis en 84 avions et 108 hélicoptères depuis le début du conflit. Au même moment, l’analyste Justin Bronk, du think tank britannique RUSI, estime pour sa part les pertes russes confirmées entre 15 et 20 jets de combat et à environ 30 hélicoptères, peut-être légèrement plus.







En revendiquant dans la journée du 16 mars un Mi-24 ukrainien dans la région de Samara, les forces armées russes estiment avoir détruit depuis le début de leur « opération militaire spéciale » un total de 181 avions et hélicoptères, 172 drones, 1379 blindés, 133 lance-roquettes multiples, 514 canons et mortiers, et 1168 véhicules militaires des forces armées ukrainiennes. Dans la nuit du 16 au 17, des Su-25 russes détruisent des entrepôts d’armes et de munitions ukrainiens.
Le MDU signale que ses forces armées ont détruit dans le même temps deux Su-34 dont un par la DCA près de Tchernihiv, trois Su-30SM dont deux dans la région d’Odessa et trois hélicoptères par la DCA près de Mykolayiv. On peut confirmer deux de ces pertes : le Ka-52 RF-13411 « 76 rouge » du 55e OVP, abattu par un MANPADS Piorun à Voznessensk, dans la région de Mykolayiv ; et un Su-25 du 18e GvChAP qui s’écrase à 23h30 au retour d’une mission de nuit sur l’Ukraine. Son pilote le capitaine Vladimir Bardine peut s’éjecter mais on retrouvera son corps sans vie deux jours plus tard à Kasli, dans l’oblast russe de Tchelyabinsk.
Le 17 mars, les bombardiers et avions d’assaut ukrainiens attaquent de nouveau les colonnes motorisées russes. La DCA ukrainienne revendique avoir abattu au cours de la journée sept avions et un hélicoptère russes, ce dernier étant un Ka-52 qui serait tombé à 11h45 près de Boutcha, au nord-ouest de Kiev. Le MDU indique que le 960e régiment d’assaut russe, sur Su-25, a subi des pertes importantes lors de ses opérations sur le front Sud.
Le 18 mars, l’usine de réparation aéronautique de Lviv est frappée par plusieurs missiles de croisière Kalibr. Le hangar principal, qui abritait trois MiG-29 ukrainiens en révision ainsi que trois MiG-29 de l’armée de l’air azerbaïdjanaise, est totalement détruit. D’autres appareils stockés à proximité paraissent endommagés. Parmi les avions ukrainiens réduits à l’état de ferraille, le MiG-29 « 12 blanc » était l’unique exemplaire de la variante modernisée MiG-29MU2 capable d’utiliser des missiles guidés Kh-29 pour l’attaque au sol. Un missile hypersonique de haute précision Kinjal est pour la première fois utilisé pour détruire un dépôt d’armes souterrain de missiles et de munitions de l’aviation ukrainienne à Deliatyn, au sud d’Ivano-Frankivsk. Le Ministère de la Défense d’Ukraine affirme, encore une fois sans fournir de preuves, que ses forces ont descendu deux Su-34 et trois hélicoptères russes.




Le 19 mars, l’aviation tactique russe poursuit ses raids de jour et de nuit, en particulier sur les centres de contrôle, les stations radar et les systèmes antiaériens. Un missile Kinjal fait exploser un dépôt de carburant militaire dans la région de Mykolayiv. Il aurait été lancé depuis un MiG-31K [14] opérant au-dessus de la Crimée, mais il est aussi question de navires de surface… Les forces ukrainiennes revendiquent la destruction de trois hélicoptères russes.
[14] Sur le MiG-31 et le missile Kinjal, voir la rubrique « Actualités » d’AVIONS 241, juillet-août 2021.
Lors de la journée du 20 mars, des Su-24M et Su-25 ukrainiens effectuent des attaques au sol, missions qui seront poursuivies les 21, 22 et 24. Le communiqué du MDU déclare qu’un Su-34 et un hélicoptère ont été abattus par la défense antiaérienne dans le Donbass, mais l’hélicoptère ne figure plus dans un communiqué ultérieur. Un Ka-52 de la 18e BrAA portant l’immatriculation RF-90656 et le code « 05 bleu » est pourtant bien détruit par la DCA ukrainienne mais en plein centre d’Hostomel, au sud-est de l’aéroport. L’équipage, composé des Major Roman Kobets et Ivan Boldyrev, réussit à s’éjecter au-dessus des lignes russes.
Le 21 mars, des appareils de transport du district militaire Est de la Fédération de Russie livrent une centaine de tonnes d’aide humanitaire aux habitants des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. Un Su-24M de la 7e BrTA est abattu près de Zelena Dolyna, dans l’oblast de Dnipropetrovsk, alors qu’il bombardait des blindés russes. Le capitaine Oleksandr Korneïtchouk (navigateur) s’éjecte, suivi de son pilote le Major Vyacheslav Khodakivsky qui se tue en sautant à trop basse altitude. Quelque temps auparavant, cet équipage avait déjà été touché par un missile, mais il avait réussi à atterrir en urgence sur un aérodrome de dispersion d’où son appareil avait pu être rapatrié à Starokostiantyniv. Dans la nuit du 21 au 22, des hélicoptères Ka-52 et Mi-28N détruisent neuf chars et sept blindés transports de troupes ukrainiens selon le Ministère de la Défense russe.
Étant donné que la grande ville portuaire et industrielle de Marioupol, qui revêt une importance stratégique en mer d’Azov, est encerclée depuis le 3 mars par les troupes russes, l’état-major ukrainien décide de mettre en place dans le plus grand secret un pont aérien par hélicoptère pour ravitailler la garnison assiégée. Vu les risques encourus, tous les pilotes sont volontaires et chacun d’eux ne doit participer qu’à une seule mission, celle-ci engageant deux Mi-8. Deux autres hélicoptères sont prévus en soutien, au cas où il serait nécessaire d’effectuer une mission de sauvetage. L’itinéraire prévu consiste à décoller de la base de Dnipro, à effectuer un ravitaillement à Zaporojié puis à franchir les lignes russes jusqu’à l’usine Azovstal, le retour s’effectuant par le même chemin à l’aide d’un second ravitaillement. Il faut parcourir au total près de 600 km, dont 200 dans les lignes ennemies.
Deux Mi-8 décollent discrètement du terrain de Dnipro le 21 à 03h30. Pour ce vol de nuit, les équipages sont équipés de lunettes de vision nocturne. Le pilote du premier appareil est le capitaine Roman Drogomyretsky de la 11e OBrAA ; celui du second est le Major Oleksiy Grebentchchikov qui a comme navigateur le capitaine Igor Kharchenko. Les hélicoptères ont été débarrassés de leur armement offensif afin de pouvoir emporter deux tonnes de charge utile chacun : des missiles sol-air Stinger, des missiles antichars NLAW, des munitions, des systèmes de communication internet par satellite Starlink et des fournitures médicales. À bord de chaque appareil a pris place un officier du renseignement militaire ukrainien (GUR) chargé de riposter aux tirs venus du sol en maniant la mitrailleuse embarquée ; il doit aussi guider l’équipage jusqu’aux lignes ukrainiennes au cas où l’hélicoptère devrait faire un atterrissage forcé. Après une rapide escale de ravitaillement à Zaporojié, les Mi-8 prennent la direction du sud-est, passent à mi-chemin au-dessus de la ville de Polohy puis atteignent la mer d’Azov ; ils tournent ensuite sur leur gauche et longent la côte directement jusqu’à Marioupol. Pour augmenter leurs chances, les appareils volent à 250 km/h au ras du sol, parfois à moins de cinq mètres d’altitude. L’un d’eux heurte même la cime d’un arbre avec une de ses roues ! 38 minutes jusqu’à la ligne de front, 42 minutes jusqu’à Azovstal. Je m’en souviendrai toute ma vie, déclarera Grebentchchikov.
Les hélicoptères se posent au sein même de l’immense aciérie Azovstal, dans les sous-sols de laquelle s’est retranché le régiment « Azov », une unité d’élite ouvertement néo-nazie de la Garde nationale ukrainienne qui est chargée de défendre la ville avec la 36e brigade d’infanterie de marine. Les pilotes laissent tourner les moteurs afin de pouvoir redécoller en urgence. Émergeant des tunnels environnants, les soldats d’ « Azov » se précipitent pour récupérer les fournitures puis charger, plus difficilement, les seize blessés graves qu’ils ont amenés avec eux. Au bout d’une vingtaine de minutes, les appareils redécollent avec l’aube, en profitant du fait que la fumée qui s’élève de la ville déjà en grande partie détruite se dirige vers la mer. Les troupes ukrainiennes déclenchent alors un feu d’enfer sur les positions russes pour couvrir le bruit des Mi-8 qui réussissent à se reposer sans encombre à Dnipro vers 07h30.
Les forces ukrainiennes revendiquent avoir abattu au cours de la journée un avion et deux hélicoptères. L’avion, endommagé par la DCA près de Tchouhouïv (au sud-est de Kharkiv), serait tombé en flammes sur le territoire russe. Le 21 toujours, le gouvernement ukrainien prend la décision d’interdire aux conducteurs d’utiliser des enregistreurs vidéo de voiture, lui qui incitait jusque-là sa population à témoigner massivement des pertes subies par les envahisseurs… La veille, Volodymyr Zelensky a interdit onze partis politiques d’opposition, les accusant de diviser (la société) et de collaborer (avec l’ennemi). En clair : d’avoir pour la plupart une position modérée dans ce conflit. Parmi eux, le parti de centre-gauche Plateforme d’Opposition-Pour la vie, deuxième force politique du pays. Cette dérive autocratique du « héros de la démocratie » occidentale n’a absolument pas été relevée par les principaux médias français, qui ne se sont pourtant pas privés de souligner la dérive autoritaire de Vladimir Poutine ! Elle témoigne de l’influence grandissante du bloc radical d’extrême-droite au sein du gouvernement ukrainien.






Le 22 mars, des Su-25 russes attaquent les forces ukrainiennes à Irpin, juste à l’ouest de Kiev. Dans la nuit du 22 au 23, des hélicoptères Ka-52 et Mi-28N auraient détruit huit chars, cinq blindés, neuf camions, trois blockhaus et sept canons. Les revendications du MDU se montent à six avions et un hélicoptère descendus par la DCA, dont un Su-25 qui semble n’avoir été qu’endommagé à 16h45 au-dessus de Marioupol. L’hélicoptère serait, selon le témoignage d’un membre de la Garde nationale ukrainienne, un Mi-8 qui se serait écrasé dans ses lignes après avoir été touché par un missile sol-air. On ne peut pour l’instant confirmer aucune de ces pertes russes, contrairement à celle d’un Soukhoï Su-24M de la 7e BrTA. Le bombardier codé « 49 blanc » est abattu par des missiles sol-air à Souligovka, près d’Izioum ; son pilote le Major Alexeï Kovalenko [15] est tué mais son navigateur réussit à s’éjecter et à regagner les lignes ukrainiennes.
[15] Homonyme de l’ancien commandant de la brigade, le colonel Mykola Kovalenko tué le 2 mars 2022.
Le 23 mars, des bombardiers russes Su-34 utilisent des armes guidées pour frapper des blindés, des parcs de véhicules et des dépôts d’armes ukrainiens. L’état-major ukrainien revendique la destruction de sept avions et un hélicoptère, à nouveau sans en fournir la moindre preuve… Par contre, un MiG-29 de la 204e BrTA est abattu en combat aérien au-dessus de Tryhirya (Trigorye), au sud-ouest de Jitomir. Son pilote le Major Dmitry Tchoumatchenko est tué. Cet appareil pourrait être le « 47 blanc » (n/c 2960729003), ou bien le « 48 blanc » (n/c 2960728120) qui auraient tous deux été détruits au cours du mois de mars 2022.
La Russie affirme avoir détruit le 24 mars la plus grande réserve de carburant encore restante de l’armée ukrainienne, à Kalinovka près de Kiev, avec des missiles de croisière Kalibr. De plus, les forces russes auraient détruit depuis la veille plusieurs équipements militaires ukrainiens, dont trois systèmes de défense anti-aérienne et quatre drones. Selon le MDU, la DCA ukrainienne aurait abattu deux avions et la force aérienne un troisième.
Le 25 mars, six missiles de croisière russes frappent le centre de commandement de l’armée de l’Air ukrainienne à Vinnytsia, causant d’importants dégâts aux infrastructures. L’état-major russe signale que certaines de ses colonnes et concentrations de troupes ou de matériels ont été attaquées à la roquette et à la bombe par des avions ukrainiens. Selon le communiqué officiel de Moscou, son artillerie antiaérienne a abattu deux Su-25 et un Su-24 au-dessus de la ville de Vychneve (Vitchnyovoe), juste au sud-ouest de Kiev.
De son côté, l’état-major ukrainien indique que sa DCA a descendu trois avions et sa force aérienne trois avions plus un hélicoptère. Ce dernier, le Mi-8MTV-5-1 RF-91882 « 02 rouge », s’était posé en campagne près de Malaya Rohan, à quelques kilomètres au sud-est de Kharkiv, après avoir été endommagé en combat. L’appareil est finalement détruit au sol par un MANPADS, sa destruction étant enregistrée par un drone Leleka-100. Les autres revendications ne sont pas documentées.
Dans la soirée du 25 mars, le chef d’état-major adjoint de l’armée russe, le général Sergueï Roudskoï, déclare que les principaux objectifs de la première étape de « l’opération spéciale » sont atteints. Les capacités de combat des forces ukrainiennes ont été réduites de manière importante, ce qui permet (…) de concentrer le gros des efforts sur l’objectif principal : la libération du Donbass. Les forces russes ont bloqué certaines grandes villes ukrainiennes comme Kiev, Kharkiv, Tchernihiv, Soumy et Mykolayiv. 54% de la république populaire de Donetsk et 93% de celle de Lougansk ont été « libérés ». La région de Kherson est sous le contrôle total des Russes, comme la majeure partie de celle de Zaporojié. Au cours du premier mois de l’opération, 1351 soldats russes sont morts et 3825 ont été blessés (soit 5176 hommes) selon le décompte officiel qui estime que les pertes militaires ukrainiennes se montent à près de 30 000 hommes dont 14 000 tués, ce qui paraît nettement surévalué… Mais il est impossible d’en dire plus puisque l’Ukraine ne communique plus sur ses pertes depuis le 12 mars, date à laquelle elle admettait déjà 1300 tués. Dans le même temps, L’Otan estime les pertes totales russes entre 7000 et 15 000 hommes.
Le général Roudskoï affirme que les forces aériennes ukrainiennes et les systèmes de défense aérienne sont presque complètement détruits, tandis que la marine ukrainienne n’existe plus. Selon lui, les trois quarts des avions de combat et la moitié des hélicoptères ukrainiens sont détruits ; un seul des 36 drones Bayraktar TB2 demeure en service ; 82 % des systèmes mobiles de missiles antiaériens S-300 et Bouk-M1 ont été annihilés. L’Ukraine a également perdu une partie importante de ses véhicules de combat (entre 30 et 65%). Les forces russes ont mené des frappes sur seize des principales pistes d’atterrissage militaires ukrainiennes et détruit trente-neuf dépôts de stockage et armureries. Des armes de haute précision ont frappé trente usines clés du complexe militaro-industriel.





Le 26 mars, le gouvernement de Kiev réclame la destruction d’un avion russe impossible à confirmer.
Le 27 mars est marqué par de nouvelles revendications non vérifiables des forces ukrainiennes : quatre avions plus un hélicoptère. Le 28 à 09h30, le bilan est, selon l’état-major général des Forces armées ukrainiennes, de 123 avions et 127 hélicoptères russes détruits depuis le 24 février, plus 586 chars, 1693 blindés, 302 canons automoteurs, 54 lance-missiles, 95 lance-roquettes multiples, 1150 véhicules militaires, 66 drones et 7 navires. La journée est marquée par une troisième mission de ravitaillement ukrainienne vers Marioupol, la seconde ayant été effectuée quelques jours plus tôt par deux Mi-8 de la 12e OBrAA. Comme d’habitude, les hélicoptères volent tellement bas qu’il leur faut « sauter » de grands pylônes électriques en arrivant sur le bord de mer, mais cette fois ils doivent filer sur les vagues devant deux navires de guerre russes qui, heureusement, n’ouvrent pas le feu… Les appareils appartenant cette fois à la 16e OBrAA sont pilotés par le lieutenant-colonel Viatcheslav Voronyi et un officier nommé Vitaly Pleka ; ils amènent à Azovstal quatre tonnes de fret (armes, systèmes Starlink, analgésiques et antibiotiques) et reviennent à l’aube avec une quinzaine de blessés.
Le 28 mars, le Ministère de la Défense russe confirme que des avions de combat adverses apparaissent toujours dans les airs en annonçant la destruction de deux Su-24 à l’ouest de Korosten, dans la région de Jitomir, et celle d’un Su-25 près de Droujkivka, au nord de Donetsk. Des hélicoptères Mi-28N et Mi-28UB détruisent plusieurs blindés ukrainiens avec des missiles guidés à près de 5 km de distance, tandis que des bombardiers tactiques Su-34 frappent avec succès divers objectifs terrestres au cours de la nuit (quatre systèmes de missiles antiaériens, une station radar, deux entrepôts de munitions et trois de carburant, etc.).
La quatrième mission à réussir du pont aérien ukrainien vers Marioupol débute ce jour à 04h00. Conduite par deux Mi-8, elle amène un chargement composé de trois tonnes de médicaments, de munitions et de nourriture, mais aussi de seize parachutistes volontaires pour renforcer la garnison. Le site d’atterrissage n’est plus le même : prévu pour être Azovstal, il a dû être changé au dernier moment pour le port de Marioupol car l’usine vient d’être lourdement bombardée. Arrivés sur place peu après 05h00, les hélicoptères ne restent que sept minutes, un seul blessé léger prenant place à bord de l’appareil du commandant de la 11e OBrAA. Celui-ci a expliqué pourquoi au média d’information en ligne ukrainien LIGA.net : J’ai demandé : « Où sont les autres ? » et ils m’ont répondu : « Il n’y en a pas plus ». Plus tard, j’ai appris qu’en raison du changement de site de débarquement, les blessés devaient être transportés d’Azovstal jusqu’au port. Ils sont montés dans des bateaux et sont partis par la mer en direction du port. Mais ils n’ont pas pu s’éloigner de la côte, car les navires russes se tenaient à une distance de cinq à dix kilomètres. Du coup les bateaux se sont échoués et les blessés n’ont pas réussi à atteindre le port. Je ne connais pas leur sort.
Au retour, l’un des hélicoptères est cette fois détecté par les forces russes qui ouvrent le feu. Moscou revendique la chute de ce Mi-8 en mer d’Azov, à cinq kilomètres au large de Marioupol, mais il s’agit d’une affirmation erronée car les deux appareils sont bien revenus à leur base ; tout comme l’est l’autre revendication selon laquelle ces hélicoptères évacuaient les principaux commandants du régiment « Azov »… Par contre, il est clair que les troupes russes et celles des insurgés de la RPD sont désormais prévenues que leurs adversaires tentent de forcer le blocus par voie aérienne. Le lendemain 29, une nouvelle tentative échouera d’ailleurs en raison de violents tirs d’infanterie ; les hélicoptères devront rentrer à Dnipro avec des impacts de balles.
Le Ministère de la Défense de l’Ukraine affirme pour sa part que sa force aérienne a abattu huit avions plus trois hélicoptères dont on ne trouve aucune trace.
Le 29 mars, l’armée russe lance des frappes de missiles Kalibr sur la base de Starokostiantyniv, siège des Su-24 de la 7e BrTA et des drones armés Bayraktar TB2. En milieu de journée, le Ministre de la Défense russe Sergueï Choïgou déclare à l’agence TASS qu’il estime – manifestement de façon très optimiste – que 123 des 152 avions de combat ukrainiens ont été éliminés, ainsi que 77 des 149 hélicoptères. Constatant l’avancée des pourparlers
russo-ukrainiens qui se tiennent en parallèle à Istanbul, l’état-major russe décide d’entamer en gage de désescalade le retrait rapide de ses troupes des secteurs de Kiev et de Tchernihiv, c’est-à-dire du nord de l’Ukraine.
L’état-major ukrainien signale subir des frappes aériennes dans les secteurs de Kharkiv et du Donbass ; il affirmera dans la matinée du 30 avoir touché ou détruit douze avions et quatre hélicoptères dans les 48 heures précédentes, soit quatre avions et un hélicoptère dans la journée du 29… Encore une fois non vérifiables.
Au cours de la matinée du 30 mars, un Su-24M de la 7e BrTA est touché par la chasse russe près du village de Toumen, dans la région de Rivne à la frontière avec la Biélorussie. L’équipage tente de rejoindre sa base mais l’appareil trop endommagé s’écrase avant d’y parvenir, au seuil de la piste 27 de la base aérienne de réserve de Kanatovo, à Kropyvnytskyi. Le pilote était le colonel Maxim Sikalenko, commandant par intérim de la 7e BrTA ; le navigateur était le Major Konstantin Gorodnitchev, de nationalité russe, qui était demeuré en Ukraine après les combats du Donbass alors que ses propres parents avaient choisi de retourner en Russie…
Le MDU affirme que l’armée de l’Air ukrainienne a abattu quatre avions qu’on ne peut confirmer, contrairement à celle d’un hélicoptère du 332e OVP : frappé par un MANPADS, le Mi-28N RF-13628 « 65 rouge » s’écrase près du village d’Elitnoye, dans la région de Kharkiv, tuant son équipage composé du Major Artem Ogoltsov (pilote) et du capitaine Alexandre Prikhodko (navigateur).
Dans la journée du 31 mars, les forces russes entrent dans la ville d’Izioum, près de Kharkov, où les combats étaient acharnés depuis le 3 de ce mois. Malgré les alertes des 28 et 29 mars, les autorités ukrainiennes considèrent que le pont aérien vers Marioupol se déroule jusque-là de manière satisfaisante ; elles décident de frapper un grand coup en doublant les effectifs engagés pour la prochaine mission, de manière à livrer davantage de soldats en renfort ainsi qu’une équipe chirurgicale mobile. Cette mission comporte quatre Mi-8 des 11e et 16e brigades qui sont protégés par une « canonnière volante » Mi-24. Vers 05h00, les cinq appareils se posent les uns après les autres sur la jetée du port de Marioupol où les volontaires déchargent des médicaments et des munitions, mais aussi de nouvelles stations Starlink, avant d’aider à embarquer les blessés graves. Vingt d’entre eux prennent place à bord du Mi-8 du Major Yevgueny Soloviov, le commandant adjoint de la 11e OBrAA ; treize autres sont placés dans celui du Major Youri Tymous, de la 16e OBrAA. Leurs deux hélicoptères redécollent immédiatement, Soloviov en tête.
Quatre minutes après leur départ et alors qu’ils franchissent la côte, des traceuses encadrent subitement les Mi-8 par l’arrière. Un MANPADS frappe de plein fouet celui de Soloviov au niveau du moteur gauche, heureusement sans exploser. Bien que le pilote évolue à ce moment-là au ras du sol, il parvient à maîtriser sa machine et à rentrer sur un seul moteur à Dnipro au terme d’une heure et huit minutes de vol. Touché lui aussi, son ailier n’a pas sa chance : il s’écrase à proximité du hameau côtier de Rybats’ke (en russe Rybatskoye), deux kilomètres au sud-ouest du port de Marioupol. Les Ukrainiens ont subi le feu d’un détachement antiaérien de la milice populaire de la RPD commandé par le lieutenant Sviridenko, qui les a pris pour cible avec des missiles Stinger capturés peu auparavant. Les tireurs, le soldat Alexsandre Proskourine et le sergent-chef Andreï Lebedev [16], seront crédités de deux victoires, le second hélicoptère étant supposé avoir percuté en mer à une vingtaine de kilomètres de la côte avec une quinzaine de passagers.
[16] À cette date, ce duo est crédité depuis le 24 février 2022 de trois hélicoptères et cinq drones Bayraktar.
Leur victime est le Mi-8MTV « 653 » de la 16e OBrAA, dont les trois membres d’équipage sont tués : le pilote, le Major « Dmytro » Tymous, le navigateur, le lieutenant Denys Badika et le mécanicien, le lieutenant Ivan Vakhovsky. Le lieutenant du GUR qui maniait la mitrailleuse embarqué, Sergueï Babak, est fait prisonnier de même qu’un des blessés d’ « Azov » en cours d’évacuation, le soldat Dmitry Lobinski. Les quinze autres personnes à bord ne survivent pas au « crash ». Prévenus par radio de l’embuscade, les deux Mi-8 restants, qui commencent juste à charger des blessés, décollent en urgence tandis que le Mi-24 engage les troupes russes autour d’Azovstal pour les distraire. De l’atterrissage du premier appareil au décollage du dernier, moins de vingt minutes se sont écoulées… La seconde formation utilise un autre itinéraire pour rentrer, ce qui lui permet d’échapper aux tirs.
Profitant du retrait russe dans le nord et le nord-est de l’Ukraine, les troupes de Kiev reprennent le contrôle de quatre bases aériennes ainsi que de l’aéroport d’Hostomel. Fait rare, le Ministère de la Défense de l’Ukraine ne revendique en ce dernier jour du mois de mars aucune victoire aérienne !
Le président Vladimir Poutine confirme qu’il exigera dès le 1er avril le paiement du gaz russe en roubles, et non plus en dollars ou en euros, de la part des pays « inamicaux » de l’Union européenne [17]. Étant donné qu’il prévoie la suspension des contrats en cours si les pays concernés n’obtempèrent pas, une crise économique majeure est peut-être sur le point d’éclater ; elle pourrait très vite se doubler d’une crise alimentaire au vu de la quantité de céréales importée de Russie et d’Ukraine par l’UE.
[17] Rappelons que 48,4% des importations de l’UE en gaz proviennent de Russie, ainsi que 25,4% de celles en pétrole.



















Conclusion (provisoire)
À l’heure où j’écris ces lignes, le 31 mars 2022 au soir, que peut-on tirer comme enseignements de la guerre en Ukraine ? « Invasion totale marquée par de multiples crimes contre l’humanité » pour les uns, « opération militaire spéciale pour imposer la paix dans le Donbass » pour les autres, ce conflit a vu pour la première fois la Russie utiliser sur une grande échelle et avec un certain succès des missiles de croisière de haute précision de type Kh-101 et Kalibr, ainsi que des missiles hypersoniques Kinjal. D’un point de vue strictement aéronautique, on a pu constater dans chaque camp l’efficacité redoutable des missiles sol-air portatifs à guidage thermique contre les appareils volant lentement et près du sol, comme les hélicoptères ou les Soukhoï Su-25. Du côté de la force aérienne russe, la perte de plusieurs Su-30SM et Su-34 chargés de bombes classiques (généralement des OFZAB-500 de 500 kg, souvent couplées de missiles air-sol Kh-29T) met en lumière un manque criant de moyens de guidage télévisés ou lasers pour la détection et la désignation des cibles, contrairement aux principales forces de combat occidentales. L’emploi de munitions à guidage de précision – bombes guidées ou missiles – leur aurait permis d’opérer à 6000 ou 7000 mètres d’altitude, c’est-à-dire hors d’atteinte de l’artillerie légère, des systèmes de défense aérienne à courte portée et des MANPADS… La chasse russe semble en revanche s’être montrée efficace puisqu’elle a revendiqué une vingtaine de victoires aériennes, pour la plupart des chasseurs Su-27 et MiG-29 ukrainiens, dont au moins douze sont certaines. Les Ukrainiens réclament de leur côté une dizaine de victoires aériennes mais aucune ne peut être vérifiée, à l’image de 60 à 80% de leurs revendications… Il est par contre à peu près sûr qu’après cinq semaines de combats acharnés l’armée de l’Air ukrainienne a les reins brisés.
D’un point de vue géostratégique, ce gâchis humain aurait pu être évité si l’Ukraine avait respecté les accords de Minsk et surtout si elle avait accepté ce que réclamait la Russie depuis des années : devenir un état neutre comme les huit autres pays européens qui s’en portent très bien (Irlande, Suède, Finlande, Autriche, Suisse, Liechtenstein, Moldavie, Malte)… La poursuite des opérations militaires verra vraisemblablement la Russie s’emparer du port stratégique de Marioupol ainsi que de l’ensemble du Donbass, car malgré sa résistance jusqu’ici impressionnante l’Ukraine n’a pas les moyens de faire une guerre d’usure contrairement à son adversaire. Vladimir Poutine voudra-t-il poursuivre son avancée dans le Sud jusqu’à couper totalement l’accès de l’Ukraine à la Mer Noire, ou se contentera-t-il de fermer la Mer d’Azov ? Nul ne le sait. Mais ne soyez pas étonnés si une quelconque « République populaire de Kherson » favorable à Moscou venait à se créer dans les temps à venir ! La sécurisation d’une des rives du Dniepr est en effet la meilleure façon de garantir l’approvisionnement en eau de la Crimée. Il est même possible que l’objectif final soit de s’emparer de tout l’est de l’Ukraine, depuis Kharkiv (la deuxième ville du pays) jusqu’à la Mer Noire. Malheureusement et selon la célèbre formule du théoricien militaire Carl von Clausewitz, la guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens.
La Russie n’a pas réussi à renverser le gouvernement ukrainien en place – si tant est que cela ait fait partie de ses plans – mais elle demeure en position de force sur le terrain. Souhaitons pour les populations civiles locales, qu’elles soient de langues ukrainienne ou russe, que les négociations de paix aboutissent rapidement. L’Ukraine ne pourra qu’en sortir exsangue, amputée de larges portions de son territoire et contrainte à la neutralité ; l’Europe sera affaiblie et la Russie définitivement arrimée à la Chine. Tout ça pour ça ! Le centre politique et économique de la planète est aujourd’hui en train de basculer irrémédiablement vers l’Est, la Chine et l’Inde. Les nations occidentales (Europe, Amérique du Nord, Japon, Australie) ne représentent plus que 11% de la population mondiale mais elles consomment pourtant 70% des ressources et dépensent les trois-quarts du budget militaire cumulé. Les autres nations, soit 89% de la population terrestre, souhaitent continuer à commercer avec ce grand exportateur de matières premières qu’est la Russie. Le déclin du monde occidental ne vient-il pas de débuter avec cette guerre ?
FIN
Je dédie cet article à mon camarade Frédéric Stahl, rédacteur en chef de la revue Navires & Histoire, qui aurait tant voulu pouvoir traiter de cette actualité brûlante en révélant, comme il aimait le faire, le dessous des cartes…