La 50 -ème Escadre US

        Dans les numéros de “Reflets” que m’a fait parvenir le général Ratié, j’ai découvert que le père Derule aumonier pendant 17 ans sur la BA 136 s’était intéressé à la période au cours de laquelle les Américains ont occupé la base qui s’appelait TRAB. D’autres articles à suivre….

Une escadre de chasse a particulièrement marqué la base de Toul-Rosières durant les années 1956-1958. C’est la 50ème, « l’Escadre des champions », ainsi surnommée parce qu’elle fut l’une des plus courageuses de la Deuxième Guerre mondiale.

Créée au début de la guerre, elle est, dans un premier temps, groupe de « poursuite » transformé en groupe « de chasse », puis « de bombardement ». De OMAHA BEACH aux objectifs stratégiques de la vallée du Rhin, la 50ème est intervenue pour supporter les troupes au sol par des bombardements importants ou mitraillages contre les voies de chemin de fer ou les routes de l’ennemi.

A la fin des hostilités, rentrée aux Etats-Unis, elle est dissoute le 7 décembre 1945. Pour son offensive aérienne en Normandie, dans le Nord de la France et en Centre Europe, elle a reçu de nombreuses décorations, incluant la « Distinguished Unit Citation » pour son action valeureuse en Allemagne du 13 au 20 mars 1945 et le 25 avril 1945, autorisant ses personnels à porter la fourragère correspondante.

Le 1 er janvier 1953, la 50ème est réactivée à Clovis AFB (Nouveau Mexique) puis, en juillet 1953, elle rejoint la base de HAHN en Allemagne. Elle est la première unité US en Europe à être équipée de chasseurs à réaction « Sabre ». En novembre 1955, elle prend le contrôle opérationnel de la base aérienne de TOUL-ROSIERES et commence son transfert le 19 juin 1956, lequel s’achèvera le 1er août 1956.

Désormais, « TRAB » devient « l’Escadre des champions ». Pendant son séjour à TOULROSIÈRES, elle poursuit son rayonnement, hérité des « Champions », en devenant célèbre par son efficacité au combat, sa sécurité des vols, son ambiance et ses activités sportives. Le refus du Gouvernement français d’accorder des droits de stockage d’armes nucléaires sur son territoire provoque son retour à la base de HAHN à partir de décembre 1959. Une stèle a été érigée, dans l’axe de la piste, au-dessus du village de ROSIERES, tout près de la statue de la Vierge qui surplombe le pays, pour rappeler l’accident survenu, au décollage, à l’un des pilotes de la 50e.

Stèle en souvenir du Ltt AUREL de la 50 ème

Pendant la « guerre froide », la 50e escadre est successivement équipée de P 4 Thunderbolt, de F 86 H « Sabre » puis de F 100 D, premier chasseur supersonique en vol horizontal, et, enfin, de F 100 F « Super Sabre ».

F 100
F 100

En 1957, TOUL-ROSIÈRES Air Base prend une extension sans précédent. Sa population locale approche les 3 500 personnes et elle devient une petite ville américaine au cœur de la Lorraine. La base vie, invisible des routes qui longent TRAB, est cachée dans un bois. Elle a tout ce qu’il faut pour la faire vivre : écoles, cinéma, baraquements pour célibataires, et tout un village pour les familles, constitué de grosses caravanes (« trailers ») dont on a supprimé les roues, et posées sur des socles en béton. Cependant, plusieurs centaines de familles logent chez l’habitant, à 30 km à la ronde.

Bientôt les premiers plans sont tracés pour la construction de villages aux pavillons standardisés, style US, ce seront : le village de « Toulaire », situé au-dessus de LIVERDUN, puis celui de « Régina Village » à TOUL, près du quartier de la Croix de Metz.

Entrée de Toulaire
Entrée de Toulaire

C’est alors que TOUL-ROSIÈRES accède à l’ère supersonique. Parmi les bases américaines en France prévues pour recevoir le F 100 « Super Sabre il y a : CHAMBLEY, CHAUMONT, ÉTAIN et bien sûr, TOUL-ROSIÈRES. Le modèle prévu est le « nec plus ultra » du Super Sabre, la version D 100 chasseur bombardier supersonique en vol horizontal à capacité nucléaire et parfaitement adapté pour les missions d’appui conventionnel.

En outre, il est équipé d’un pilote automatique et d’une perche de ravitaillement en vol, ce qui lui permet d’effectuer des missions à très long rayon d’action. L’entraînement des pilotes se déroule sur la base de Wheelus en Libye au cours de l’automne 1957 pour se terminer au printemps 1958. Avec quatre escadres de F 100 D armés d’engins nucléaires, l’USAFE maintient en France une force de frappe nucléaire sans précédent. Mais la présence du F 100 en France, et donc à TOUL-ROSIÈRES (87 appareils : 78 F 100 D monoplaces et 9 F 100 F biplaces), sera éphémère car fin 1958, le Gouvernement français prend la décision d’interdire le stockage d’armes nucléaires sur son territoire, à moins d’en avoir le contrôle.

Les F 100 D quittent donc TOUL pour plusieurs bases en RFA, en particulier, HAHN et RAMSTEIN. C’est ainsi qu’à partir du 1er septembre 1959, TOUL-ROSIÈRES devient une base de reconnaissance, son infrastructure lui permettant à n’importe quel moment d’accueillir une unité opérationnelle. Après le départ de la 50ème escadre, TRAB est utilisé comme base de déploiement. Commence alors une activité de routine dans le cadre de la « reconnaissance » au profit de l’OTAN jusqu’en 1961.

Ses avions, les RF 101 « Voodoo », effectuent des missions de reconnaissance photo tactiques à basse, moyenne et haute altitude, de jour comme de nuit. Cet avion de reconnaissance photographique est le plus rapide (1 900 km/ h) et le plus sophistiqué de l’arsenal américain en Europe et même aux Etats-Unis. C’est un bel appareil qui mesure 21 m de long et 12 m d’envergure, muni de tout un système de caméras déclenché automatiquement qui permet au pilote de prendre à 13 716 m d’altitude une photo d’une superficie de 368 km2 sur un seul négatif. N’oublions pas qu’à cette époque (début des années 1960), nous sommes à l’un des moments les plus tendus de la guerre froide : celui de la construction du « mur de Berlin ». C’est alors que TOUL-ROSIÈRES va quelque peu sortir de sa vie routinière.

Voodoo et F 84 F
Voodoo et F 84 F

A son actif, le Voodoo possède 3 records de vitesse transcontinentaux dont LOS ANGELES à NEW YORK et retour en 6 h 46 mn à la moyenne de 1 161 km/ h, le 14 novembre 1957.

En novembre 1961, pendant la crise de BERLIN, arrive à TOUL, avec son état-major, une partie de la Garde nationale du Missouri, soit une trentaine d’avions de chasse-bombardement du type F 84 F. Le bon vieux temps de la chasse est ainsi de retour. Quatre avions sont maintenus en état d’alerte opérationnelle 24 heures sur 24 avec leurs pilotes et leurs mécaniciens installés à proximité dans un petit baraquement. Leur tour d’opération terminé, ils quittent la base de TOUL en juillet 1962.

Entre le 15 juillet et le 1 er août 1962, deux escadrons équipés de RB 66 « Destroyer » font mouvement de leurs bases britanniques vers le continent jusqu’à TOUL-ROSIERES, et par voie de fait, TRAB devient la seule base de l’USAFE en France à dépendre d’un état-major situé en Grande-Bretagne.

Le RB 66 est un biréacteur d’une taille impressionnante chargé de la reconnaissance électronique et météorologique. Ce type de reconnaissance électronique se subdivise en deux catégories : active et passive.

Le RB 66 et le Mac Donnel Douglas F4
Le RB 66 et le Mac Donnel Douglas F4

Active : lorsqu’un avion brouille des émissions radio et radar par différentes méthodes, soit électroniques, soit classiques, par exemple à l’aide de petites lamelles métalliques.

Passive : lorsqu’un avion est chargé du recueil de renseignements et d’analyse des signaux radio et radar. Ces avions, équipés d’une perche de ravitaillement en vol dans le nez, peuvent donc aller loin vers l’Est et longer le « rideau de fer » pour capter et analyser tous les signaux radio et radar de « ceux d’en face » afin de les exploiter pour mieux connaître leurs moyens de défense aérienne. Opérationnellement, c’est certainement l’une des périodes les plus « chaudes » de TOUL-ROSIÈRES.

Un événement tragique se rattache à cet avion. Au cours de l’année 1965, un RB 66 dont l’équipage était composé de deux pilotes et d’un observateur, parti pour une mission de reconnaissance le long du rideau de fer, s’est aventuré au-delà de la frontière et a pénétré en Allemagne de l’Est. Abattu par les forces ennemies, les deux pilotes furent tués et l’observateur eut les deux jambes brisées. Les corps des deux aviateurs furent rendus rapidement aux Américains, mais l’observateur blessé demeura prisonnier pendant plusieurs mois en Allemagne de l’Est. Cet incident fit grand bruit dans la presse de l’époque et le responsable des RB 66 fut relevé de ses fonctions.

En septembre 1963, avec l’arrivée de la 10e escadre, TOUL-ROSIÈRES devient la 3e base de la Force Aérienne Américaine en Europe continentale. De mars à octobre 1963, les RB 66 opèrent de la base aérienne de CHAMBLEY, pendant que la piste de TOUL-ROSIERES fait l’objet d’importantes réparations. Durant les mois d’octobre et novembre 1963, elle est l’une des bases de l’USAF de France et d’Allemagne qui reçoit des avions et des troupes en relation avec l’opération « BIG LIFT » qui transporta toute la 2e division blindée en Europe.

C’est en 1964 que l’état-major américain décide d’équiper TOUL-ROSIERES d’un nouvel avion, et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit du dernier-né de l’arsenal américain en matière de reconnaissance tactique : le fameux « Phantom » RF 4 C, le plus rapide du monde, muni à l’avant d’une énorme caméra pour filmer. Le colonel BORDMAN, commandant la base, est arrivé des Etats-Unis à bord d’un PHANTOM qu’il pilotait lui-même. Il a, sans se presser, franchi 7 000 km en 4 heures avec 4 ravitaillements en vol (cf. photo MAC DONNEL-DOUGLAS F4).

Cet avion possède deux énormes réacteurs ainsi qu’une crosse d’appontage. A cet effet, il y a sur la piste (comme sur les porte-avions) à deux endroits, un brin d’arrêt avec freins hydrauliques souterrains. A cette fin, des travaux d’aménagement sont entrepris sur la base, en particulier au niveau de la piste, rallongée à ses extrémités, pour recevoir des « over run » (appelés aussi POR • Prolongement Over Run). Cette piste se compose de 1 920 mètres de revêtement souple, bitumineux, au centre, avec de chaque côté 240 mètres de dalles bétonnées : soit 2 400 mètres de long, de seuil à seuil. Avec un over run de 275 mètres de chaque côté, elle est donc actuellement de 2 950 mètres. Les travaux sont achevés en juillet 1965. C’est sur la base de CHAMBLEY que sont mutés les avions de TOUL pendant la durée des travaux qui s’activent en juillet 1965.

Ouvrons ici une parenthèse et parlons un peu des différents stades d’évolution de cette piste, des origines à nos jours, et nous saisirons alors combien est fausse l’idée selon laquelle la piste aurait été chauffée en hiver par des canalisations souterraines. En 1952, l’ensemble de l’ouvrage a une structure rigide en béton de ciment. Rapidement, et pour diverses raisons, un rechargement avec reprofilage est réalisé en béton bitumineux sur une épaisseur de 8 cm. Or, dans un délai assez bref, le tapis se fissure au droit des joints de la chaussée en béton, si bien qu’en 1963-1964, les Américains exécutent une nouvelle couche de roulement en enrobé de 4 à 5 cm d’épaisseur.

  

              2400m

  

POR

275m

240m

1920m

240m

POR

275m

L’Armée de l’Air française, en janvier 1967, envisage d’occuper la base aérienne de TOULROSIERES à compter du 1 er avril et de donner une activité opérationnelle à ce terrain à partir du 8 mai 1967. Les avions destinés à cette base seront des Mirage III E et des F 100. Ce sont donc les Français qui entreprennent de nouveaux travaux : colmatage des fissures… puis, en 1973, à titre expérimental, un projet de réchauffage du filet de la barrière d’arrêt est proposé par la Direction de l’Equipement. Une fois réalisé, les résultats escomptés n’étant pas probants, le système proposé est abandonné. En 1978 a lieu la remise en état des extrémités et des POR, puis la réfection de la partie centrale en enrobés par le 15 RGA (Régiment du Génie de l’Air).

Le 3 octobre 1965, les premiers « Phantom » arrivent (RF4 C). Nouvel honneur pour la Base de TOUL, le 1 er mai 1966, l’unité est déclarée opérationnelle, devenant ainsi le premier « squadronops » de toute l’USAFE avec la double mission de reconnaissance et d’appui feu. Les premiers « Phantom » qui se posent à TOUL sont impressionnants par leur taille et par l’énorme traînée de fumée noire qu’ils laissent derrière eux. Avec une vitesse de pointe approchant Mach 2,5, ces avions sont en mesure d’effectuer des reconnaissances, de jour et de nuit, et même par mauvais temps grâce à un système infra-rouge. Malheureusement, l’époque lorraine du Phantom est éphémère. Dès avril 1966, le Gouvernement français, après sa décision de se retirer du commandement intégré de l’OTAN, annonce que toutes les unités américaines en France vont être, soit soumises au contrôle français, soit obligées de quitter notre sol. On connaît le choix des Américains.

Ainsi, l’une des plus grandes bases opérationnelles de l’USAF en France commence à vivre ses derniers jours et les Phantom sont les premiers à quitter la Lorraine pour la Grande-Bretagne et la RFA. A noter que beaucoup de pilotes de l’Escadron partiront servir au Vietnam. Tout le personnel administratif et d’encadrement est muté en RFA. Les couleurs sont descendues pour la dernière fois le 21 mars 1967 et toutes les opérations étant terminées, le 21 mars 1967, la base de TOUL-ROSIERES est déclarée fermée. Le personnel de la base se replie sur la base de ZWEIBRUCKEN en Allemagne Fédérale.

Après le 1 er avril 1967, un groupe significatif de MP (Military Police) sera désigné comme gardien de la base, et un contingent de mécaniciens civils, dirigé par un chef d’équipe américain, sera conservé pour la sécurité et le maintien jusqu’à ce que les négociations avec le Gouvernement français soient terminées.

Ainsi prenait fin une période originale et glorieuse de la base aérienne de TOUL-ROSIÈRES « TRAB

Votre Padre, G.DERULE

Une réponse sur “La 50 -ème Escadre US”

  1. j’ai bien connu trab ,puisque j’y ait travallé au snack bar de 1965 a 1967 , de bon souvenir

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