Gloire au JAGUAR
Encore une fois c’est avec l’accord de l’AEA et aussi de l’auteur Patrick Jelensperger que je vous propose aujourd’hui un article sur les missions réalisées par le JAGUAR. Il s’inscrit dans la logique de celui des Rafales au dessus du Mali ; vous apprendrez que la mission Saint Dizier / N’Djamena effectuée dans le cadre de l’opération SERVAL n’est pas la plus longue jamais effectuée par des avions d’arme Français. Les contextes et les époques sont différents et je crois qu’il faut voir cet article comme une sorte de clin d’œil aux pilotes d’aujourd’hui.
MISSION LONGUE / OPERATION CHEVESNE
Le dernier numéro du Piège décrivait dans le cadre de l’opération « Serval » la première mission RAFALE de Saint-Dizier à, N’Djamena en passant par le Mali pour une mission de bombardement, durée du vol affichée : 09h41. C’est sans aucun doute la plus longue mission de bombardement effectuée par la chasse française, mais pas la plus longue sans bombardement.
Revenons en 1983, soit il y a 30 ans. A cette époque, le Liban vivait des moments difficiles, des troupes françaises s’y trouvent. La force aérienne est constituée de Super-Etendards de l’aviation embarquée. Le 22/9 ceux du P.A. « Foch » effectuent avec succès une attaque des batteries syriennes. Le 23/10 des attaques kamikazes sont dirigées vers les troupes américaines (241morts), et vers un poste Français situé dans l’immeuble « Drakkar » (58 paras tués). Le 17/11, 8 SuE du « Clemenceau » effectuent un raid sur un camp terroriste près de Baalbek. Mais une indisponibilité du P.A. l’obligera à revenir en métropole, il n’y aura donc plus de force aérienne de combat disponible sur place.
La FATAC doit alors être prête à, assurer éventuellement cette mission, depuis le « porte-avion » de l’Armée de l’Air, c’est-à-dire Solenzara. Cette mission revenait à la 11° escadre, mais les calculs montraient une durée de vol très largement supérieure aux 5 à 6 heures de vol auxquelles ses pilotes (et les avions) étaient habitués avec les opérations africaines (Tacaud, Lamantin, Manta…). C’est pourquoi une première mission d’endurance de 07h30 est effectuée le 16/11 par 2 avions au dessus de la France. Il est ensuite décidé d’effectuer une mission équivalente, plus longue pour évaluer la bonne tenue des pilotes et des avions. Elle est effectuée le 15/12 par 2 avions au départ d’Istres. Les pilotes sont astreints à quelques tests médicaux, les avions sont sélectionnés selon divers paramètres faible consommation d’huile, bonne étanchéité du circuit d’oxygène). Le trajet est très simplement un aller/retour vers Dakar selon la route traditionnelle de mise en place en Afrique, le long des côtes espagnoles, puis marocaines et mauritaniennes. Le demi-tour sera fait avant d’arriver à Dakar, aux environs de Nouadhibou. Pour cela, 2 C135F sont nécessaires, le premier effectue le trajet aller, le second mis en place préalablement à Dakar, décolle sur ordre du premier et vient à la rencontre de la patrouille pour ramener les 2 Jaguars vers la France. Il y a déjà 4h20 de vol affiché. Le retour se fait sur le même trajet, et est poursuivi, comme presque tous les convoyages retour d’Afrique jusqu’à Toul, cela avec un fort vent de face. Le décollage a eu lieu de nuit (nous sommes en octobre), l’atterrissage à Toul également, le vol a duré 10h20. A part les vols sur Mirage IV, c’est certainement la mission la plus longue effectuée par des avions de combat…… Les pilotes et les avions ont montré leur bonne tenue, la FATAC et la « Onze » étaient ainsi prêtes à assumer une mission au Liban depuis la métropole, en attendant la disponibilité du P.A.
Début janvier 1984, l’escadron 3/11 « Corse » est mis en place avec « Armes et bagages » à Solenzara pour cette opération dont le but est un bombardement sur le Liban, et qui reçoit le nom de baptême « Chevesne » (8 Jaguars et 3 C160 pour le matériel). Des vols d’entrainement sont programmés presque quotidiennement, cela d’autant plus que l’arrivée sur la Corse en très basse altitude par l’ouest ressemble à l’arrivée sur le Liban, vallées encaissées, relief identique, etc….. C’est ainsi que des vols avec percée en méditerranée à 100 NM à l’ouest de l’ile, achevés par des tirs sur le champ de tir de Diane sont effectués. La coopération avec la Marine nationale est concrétisée par des briefings des pilotes de la 17 F qui avaient volé au dessus du Liban. Au bout de quelques jours, la mission est prête, cartes, ravitaillements, conduite à tenir avec les CME, phimat, barracuda et leurres.
Le 18/01 l’ordre arrive à Solenzara, c’est pour demain, une mission de reconnaissance au dessus de la Résidence des Pins qui est l’Ambassade de France, la météo sera bonne. A 08h30 décollage de 5 Jaguars (La patrouille de 4 plus un spare qui rentrera). La rejointe sur 2 C 135F qui avaient décollé d’Istres est réalisée, la navigation suit un trajet côtier par la pointe de la botte italienne, le sud de la Crète et Chypre. Au cours de cette navigation la patrouille reçoit la visite de 2 F14 de l’US Navy qui l’escortent quelques minutes avant de les quitter bien amicalement. La côte libanaise apparait, la percée est effectuée, un recalage des calculateurs est fait au dessus du « Suffren », et à 12h00, à 500 Kts la patrouille survole la capitale, caméras OM 40 en fonctionnement, toutes CME sur marche, des paillettes et les leurres infrarouges sont largués, de façon à marquer la présence des cocardes françaises, pour la population et nos troupes au sol. La remontée et le retour se déroulent comme prévu, les 2 C 135F du trajet aller sont vides, mais 2 autres venus également d’Istres sont normalement au rendez-vous pour assurer le retour vers Solenzara. La mission aura duré 6h45 et nécessité 5 ravitaillements. Dès l’atterrissage les films sont développés, et les clichés convoyés par un Jaguar vers les autorités parisiennes via Creil. (Nous sommes en 1983, l’informatique balbutie…). A cette époque les Jaguars sont également sur la cote ouest des Etats-Unis pour l’exercice « Red Flag », tandis que le 4/11 est en Afrique. Cela permet à un responsable de la FATAC la célèbre phrase « Le soleil ne se couche plus sur la FATAC » ; un autre a dit ensuite « il y a 2 catégories de pilotes, ceux qui ont fait du Jaguar, et les autres ». Après cette mission, le dispositif reste en place, mais, il n’y aura pas de seconde mission. A la fin du mois, le « Clemenceau » reprend la mer vers Beyrouth, et le 26/01, tandis qu’il passe au large de la Sardaigne, une patrouille de 7 Jaguars effectue un passage TBA pour lui souhaiter bonne route vers sa destination. L’équipage était sur le pont, mais pour nos pilotes la piste est vraiment courte……
En matière de missions longues effectuées par avion de combat, il ne faut pas, oublier celles des Mirage IV. Si ce n’est pas réellement un avion de chasse, c’est néanmoins un avion de combat, d’ailleurs ses missions les plus longues étaient des missions de reconnaissances stratégiques. La première eut lieu en 1975 dans le cadre de « l’affaire Claustre ». Celle du 10 mai 1978, soit il y a 35 ans, une durée de 9h30 de vol avec 6 ravitaillements, quasiment la durée de la mission Serval-Rafale. C’était une mission de reconnaissance sur le nord Tchad, Zouar, Faya et Bardaï. Mais la plus longue est effectuée le 18 février 1986 après la destruction le 16 février de la piste libyenne d’Ouadi-Doum par une patrouille de 11 Jaguars de la 11° escadre ; mission de reconnaissance après décollage d’Istres pour un retour à Bordeaux, soit 11h00 de vol dont 30 minutes à Mach 2 /50.000’ et 48 tonnes en 12 ravitaillements délivrés par 4 C 135F. Comme pour Chevesne, les images sont développées sur place et convoyée vers la capitale par Alphajet.
Ces rappels ne sont en aucune façon une dépréciation de la mission des 4 Rafales, mais une précision historique rappelant que plusieurs décennies auparavant, les prédécesseurs des « Rasoir Alpha » avaient déjà inscrit de belles pages dans l’histoire aéronautique française avec des avions d’une génération antérieure : le Mirage IV, mais aussi cet avion tant décrié, mais si attachant et efficace pour ceux qui l’ont pratiqué, le Jaguar. A l’époque pour les Africains, Avion se disait « Jaguar ». Cet avion s’est ensuite illustré par des actions réelles au cours de la Guerre du Golfe, puis en ex-Yougoslavie.
Ce récit est issu de mes souvenirs, mais également de 3 livres :
Le félin Franco-anglais en action : le Jaguar, d’Alain Vezin
La GE sur M IV (témoignages) édité chez Lavauzelle
Le Mir IV, bombardier stratégique d’Hervé Beaumont édité chez Larivière.
A l’époque, j’étais le second de la Onze, j’ai leadé le passage au dessus du Clemenceau.
Les photos sont toutes origine 11 EC
La phrase en italique n’a pas été reprise dans le piège,
Le piège a nommé Hervé LONGUET comme l’auteur de la phrase : »il y a 2 catégories……………….