MARTEL sur OUADI-DOUM

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Par le LCL Antoine, alors commandant d’escadrille de l’EC 3/3 “ARDENNES “, puis commandant de l’EC2/11 de 1987 à 1989

Avant de parler de la mission au cours de laquelle un Martel a été tiré sur la base de OUADI DOUM au nord du TCHAD, parlons du couple JAGUAR -MARTEL. Le Martel (missile anti radar et télévision) est apparu d’une façon opérationnelle à la 3ème Escadre de chasse en 1974 tout d’abord à l’Escadron de chasse 1/3 ” Navarre ” puis au 2/3 ” Champagne “, le 3/3 ” Ardennes ” volant à l’époque sur Mirage V F. Quelques années plus tard le 3/3 ” Ardennes ” a été transformé sur Jaguar et comme le banc global Martel avait été installé entretemps à NANCY OCHEY, il est apparu naturel d’équiper le Jaguar de ce missile au sein de la 3ème Escadre de chasse. C’est le Capitaine Escoffier alors à la 7ème Escadre de chasse de SAINT-DIZIER qui est venu faire cette adaptation pendant plusieurs semaines à OCHEY avec le Jaguar A 29 en collaboration avec l’équipe technique missile. Il faut dire que si tous les Jaguar ne sont pas capables suivant les numéros de tous les types d’armement (nucléaire à partir du A 15, capable d’emport de CME offensives à partir du A 80, 5ème tranche Atlis sans compter les Elias, tous les Jaguar monoplaces (soit du A 1 au A 160) sont capables Martel).

Missile AS 37 Martel
Missile AS 37 Martel

Donc revenons au TCHAD :

Le colonel Kadhafi s’étant mis dans l’idée de construire une base aérienne au nord du TCHAD entre FAYA LARGEAU et FADA, à OUADI-DOUM, et de la protéger fortement, il est apparu à la FRANCE aidant le gouvernement de la république du TCHAD, la nécessité de surveiller les travaux de très près. Après plusieurs missions de reconnaissance et une première attaque de 12 Jaguar du 1/11 ” Roussillon” sur la piste en février 1986, quelques jours plus tard, le 22 février exactement, le 3/3 ” Ardennes ” a déployé une cellule Martel et 4 Jaguar à BANGUI.

Chose peu connue : le 3/3 ” Ardennes ” a tenu l’alerte permanente Martel à BANGUI pendant près de 18 mois avec seulement 12 à 14 pilotes opérationnels. Ce qui a valu à l’auteur à l’époque d’effectuer quatre détam de 2 mois en 14 mois de temps. Le 13 août 1986, le 3/3 ” Ardennes ” rentrait en métropole mais dès le samedi 14 novembre 1986 une nouvelle cellule Martel fut mise en place en Afrique.

Le terrain de OUADI DOUM était à l’époque protégé par 3 systèmes d’armes sol-air et un radar de surveillance. La mission a été préparée dans le plus grand secret fin décembre pour être effectuée aux environs de Noël mais il n’en fut rien. La relève du personnel s’est effectuée le 30 décembre et c’est la nouvelle équipe en place depuis quelques jours à qui a incombé cette mission. En deux temps il faut le dire. Cette équipe était composée du Commandant Lebourg, second du 3/3 ” Ardennes “, du Capitaine Saussier, du Lieutenant Wurtz, du Lieutenant Guy et de l’Aspirant Pages. Le décollage a eu lieu le 06 janvier 1987 à 06H30 du matin de BANGUI mais le Lieutenant Wurtz est rentré au parking cause panne (il s’est rattrapé ensuite).

Après trois ravitaillements en vol la patrouille s’est posée vers 10H00 locales à N’DJAMENA après une ballade à 15 NM des radars libyens, les radars dormaient ce jour-là (il faut rappeler que le Martel ne peut accrocher que sur un radar en émission). Le Lieutenant Wurtz ayant rejoint, la mission a été reconduite pour le lendemain. Après une écoute par un Atlantic de la marine et par un vol dans la zone d’une patrouille de F 1 CR de la 33ème Escadre de reconnaissance pour les réveiller, la patrouille des quatre Jaguar du 3/3 “

Ardennes ” a redécollé le 7 au matin. Elle était composée du Commandant Lebourg, du Lieutenant Wurtz, du Capitaine Saussier et du Lieutenant Guy. Mais les libyens n’avaient allumé que le Flat face (radar de surveillance) et c’est le Lieutenant Wurtz qui se l’est homologué. En effet c’est lui qui était équipé du Martel correspondant à la bande du radar, les trois autres étant équipés pour les systèmes sol-air. Il n’y a plus eu d’autres missions avec tir réel, le détachement s’est pérennisé jusqu’à mars 1987. Le 30 avril 1987 le 3/3 ” Ardennes ” quittait le Jaguar après dix années pour être équipés de Mirage III E rendus disponibles par la transformation de la 4ème Escadre de chasse sur Mirage 2000 N. Mais le problème Martel en Afrique restait entier et c’est au 2/11 ” Vosges ” qu’a été dévolue cette mission (le 2/11 ” Vosges ” étant l’escadron de contre-mesures offensives, il était normal que cette mission vienne compléter sa panoplie). D’ailleurs cinq pilotes du 3/3 ” Ardennes ” et quelques mécaniciens spécialistes du missile ont été versés au 2/11 ” Vosges à cette occasion.

Le contrat était d’être opérationnel Martel par le 2/11 ” Vosges ” au 1er septembre, mais grâce à un travail acharné, il le fut dès le 15 août. Bien lui en a pris car dès le 7 septembre il a fallu repartir à BANGUI avec les Martel car la phase finale de la reconquête du Nord du TCHAD était engagée par Hissène Habré avec l’aide de la France. La chose allant très vite, il ne fut pas nécessaire de rester longtemps et tout le monde rentra en France le 19 octobre 1987. Pour la petite histoire et en conclusion, les trois cellules Martel qui ont été mises en place l’ont toujours été avec votre serviteur et à chaque fois le C 135 F d’accompagnement (pour la mise en place) a été le CB avec le Capitaine Paille comme Commandant de bord ( un ancien de la 3ème Escadre de chasse à LAHR).

Radar Flat-Face
Radar Flat-Face

Il y a quelquefois des choses…

Autre point, pour la première fois au cours de la mise en place qui a précédé le tir réel, des avions du 3/3 ” Ardennes ” ont pris part à la relève (en effet les détam en Afrique étaient toujours effectués par des avions de la 11 ème Escadre de chasse que les mécaniciens du 3/3 ” Ardennes ” allaient préparer le Martel au GERMAS de TOUL avant les convoyages). Il s’agissait des A 16 et A 23, le A16 est celui qui a tiré l’AN 52 réelle à MURUROA. En décembre 1986, chef de détam, j’avais choisi pour faire la mission en leader cet avion et j’avais fait préparer en secret par les mécaniciens un pochoir représentant un champignon atomique et un martel car depuis les débuts de l’aéronautique aucun avion n’avait eu à effectuer ces deux types de missions. Il fallait que ce fût un français. Le couple JAGUAR – MARTEL est une véritable histoire d’amour, mais la suite je la développerai sur la plaquette des 30 ans du JAGUAR.

La petite histoire

Pour compléter cette histoire et tous les détails que seul Tonio est capable de donner, je voudrais rajouter ce qu’il s’est passé en marge de ce tir. C’est vrai qu’à cette époque le contexte politique est compliqué et preuve en est du nombre d’avions d’armes présents à N’Djamena : 12 Jaguar, 4 F1C et autant de F1CR. La France veut marquer le coup et frapper un objectif militaire. Deux options sont étudiées et préparées ; la 1 ère et celle qui fut réalisée fut ce tir Martel. Mais pour tirer un Martel, il faut que le radar émette ce qui n’était le cas qu’épisodiquement. Et c’est comme ça qu’en tant que chef de détachement des autres Jaguar, je reçus l’ordre de préparer une mission « spare », l’attaque d’un terrain d’aéroclub situé dans le Tibesti et sur lequel stationnaient des Macchi. 8 Jaguar armés chacun de deux paniers de 36 roquettes de 68 mm, à l’évidence on allait en faire du petit bois de ces Macchi.

L’Atlantic qui était aussi à N’Djamena avait décollé en avance et devait astiquer le 16 Nord pour intercepter les émissions des radars du terrain de Ouadi-Doum. Une heure limite avait été fixée et si aucune détection n’était perçue à ce moment, c’était la mission spare qui décollait. Le COMAIR, le LCL PECCAVY que j’avais eu comme commandant d’escadron au 2/11 était à bord de l’ATL et c’était à lui que revenait la responsabilité de déclencher la mission de frappe. A l’heure prévue toujours aucune détection de radar et normalement j’aurais dû partir. Au lieu de rentrer, il interpelle le commandant de bord de l’ATL « aujourd’hui, c’est mon anniversaire, on fait un dernier run ». Et c’est sur la branche retour du dernier run que les Libyens ont mis le Flat Face en route.

Je me souviens encore, être dans la salle d’OPS équipé avec mes 7 autres pilotes en train de regarder le chrono et les autres pilotes de la 3EC ; l’ambiance était particulière. Le compte à rebours était proche de la fin ; tout le monde était tendu, prêt à courir aux avions quand tout d’un coup, quelques minutes après ce qui aurait dû être le top départ pour moi, l’officier de permanence est entré brusquement dans la salle d’OPS en annonçant le mot code « Chalumeau » qui signifiait qu’une émission radar avait été captée. Et c’est ainsi que ce furent les pilotes du 3/3 qui se sont rués aux avions.

Chalumeau devrait rappeler des souvenirs à certains car c’était un mot code utilisé lors de certains exercices nucléaires ; c’est vrai que Peccavy venait de la 4EC, une escadre de M IIIE dont la mission principale était la mission nucléaire tactique.

Comme quoi l’histoire ne tient pas à un grand-chose ; une date anniversaire et à quelques minutes. Ce jour-là la chance n’était pas de mon côté.


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5 réponses sur “MARTEL sur OUADI-DOUM”

  1. Bonjour, sur la photo je crois voir un spoon rest (gauche), un bar lock sur le tertre, et un altimétrique odd group sur l’arrière. Mais je ne vois pas de flat face.

  2. Mon colonel

    En fait le détachement marine à N’Djaména était composé d’atlantic première génération avec le grain de café posé sur la partie haute de la dérive et deux antennes filaire implanté à mis longueur de part et d’autre du fuselage et qui reliaient la dérive et les profondeurs. Pendant la période que vous avez vécu il s’agissait uniquement de cette version ATL1 nommé atlantic car issue du programme OTAN d’avion de patrouille et de recherche maritime.
    Quatre pays en furent équipé, la hollande, l’Italie, l’Allemagne et le pakistan dont un avait était perdu suite à l’interception par un avion indien durant la guerre larvé indopakistanaise .
    L’ATL2 ou atlantique2 a était produit uniquement pour l’aéronavale fin des années 80 début des années 90 afin d’avoir un avion d’une nouvelle génération.
    Actuellement un certain nombre d’atlantique dont les cellules ont encore du potentiel vont subir une refonte complète de l’électronique de bord avec deux flirs un nouveau radar de recherche, un réaménagement de la tranche tactique,des nouvelles consoles et des possibilitées accru dans la polyvalence de ces missions.

  3. Merci pour cette précision. Effectivement par abus de langage, quand on parle de l’Atlantic on dit souvent “ATL 2”.

  4. que de souvenirs en lisant cet article, en effet , mon colonel, à l époque je travaillais au GERMAS 15/003 et plus spécialement à l’atelier missiles AS37 et AS30 .j’étais sergent et en charge de la maintenance complète des missiles MARTEL. Je me souviens d’avoir eu l ordre ,sans trop de détails, de préparer plusieurs autodirecteurs cales sur des fréquences différentes. J’avais pris un soin tout particulier à les peaufiner!!résultats bingo.

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