TAM 88

      TAM 88 était un exercice majeur OTAN qui s’est déroulé en 1988 à partir de la base canadienne de Solingen (RFA) , auquel la France participe bien qu’elle ne fasse pas partie de la structure intégrée. Cela fait 35 ans mais quelques souvenirs notoires me restent encore : 

       – tous les jours un “Mass-raid” d’une cinquantaine d’avions décollait de Solingen et il y en avait presque pour une heure à mettre tout le monde en l’air ; un grand spectacle 

       –  le briefing du soir qui rassemblait l’ensemble des participants commençait toujours par le “Hack” qui consistait à synchroniser les montres des participants. Le général Britannique responsable de l’exercice avait chronométré le temps qu’il lui fallait pour aller de la porte d’entrée de la salle jusqu’à son siège de façon à ce qu’il s’assoit quand l’officier en charge du briefing prononce le mot “Hack” ; du grand art ! 

       –  pour pénétrer dans la zone OPS (celle d’un escadron), les véhicules étaient systématiquement fouillés, un miroir passé sous la caisse,… car à l’époque l’IRA (branche armé Irlandaise) avait menacé de s’en prendre aux intérêts de l’OTAN. Quelle ne fut pas la surprise du fusilier commando Canadien quand à l’ouverture du coffre de la 305  du détachement français, il vit un pilote (Gadget) lui demander comment il allait ! L’histoire fit rapidement le tour des participants qui en rigolèrent ; pas certain qu’il en soit encore ainsi à notre époque….

–  cela me permet aussi d’adresser un petit coucou à “Néné” chef du détachement français. 

TAM 88

       Dans la jungle des exercices aériens qui événement a été régulièrement commenté dans se déroulent régulièrement dans les cieux européens, nul doute que les lecteurs ou « aérophiles » peuvent y perdre un peu le nord…

    Bien que pour eux des notions telles que « Tiger Meet », « Tactical Meet », « Best Focus », «Central Entreprise», « Datex », «Reforger» soient souvent synonymes de « beaucoup d’avions rassemblés en un même jour en une même place, donc une opportunité photographique sans pareille, on sait beaucoup moins ce qui se cache derrière ces exercices eux-mêmes.

      Nul besoin d’avoir honte de son ignorance car en Amérique du Nord, avec des exercices tels que « Red Flag », « Blue Flag », « White Flag », « Maple Flag « Giant Voice », « Bull’s Eye » et beaucoup, beaucoup d’autres, il faut être spécialiste pour distinguer ce qui fait l’originalité de chacun d’eux, ainsi que leur raison d’être. 

   Le « Tactical Air Meet » est l’un de ces exercices qui se déroule tous les 2 ans et que tout le monde connait maintenant puisque cet évènement a été régulièrement commenté dans les pages de notre magazine. C’est devenu une chose tellement courante en fait, qu’on ne sait plus très bien à quoi il sert, ni comment il se déroule !

Canberra Tornado TAM 88
Canberra Tornado TAM 88

    Est-ce une réunion « amicale » du type « Tiger Meet » ? Est-ce une compétition entre escadrons ou avions ? Ou alors s’agit-il de mettre en commun ses forces pour faire face à une menace commune ?

       Autres questions. Comment les participants vivent-ils cet exercice ? Volent-ils avec moins de restrictions ? Accumulent-ils plus d’heures de vol ? En retirent-ils vraiment des leçons, qu’ailleurs ils n’auraient jamais pu apprendre ? Bien entendu, ces questions concernent tout aussi bien les équipages navigants que les techniciens au sol.

       Cette année, c’est ta base canadienne de Baden Solingen qui a été choisie pour accueillir être cet événement. Une chose est certaine de prime abord : le fait de changer tous les deux ans de base aérienne en lieu et place d’une base d’exercice unique comme il en existe en Sicile, en Sardaigne ou même en Corse est révélateur sur deux points. Premièrement, on ne peut contredire le caractère d’exercice que prend une telle manifestation dans la mesure où la base qui accueille 70 appareils supplémentaires, devra forcément s’adapter à un rythme différent, tant au niveau de l’infrastructure, de la logistique et, du ravitaillement qu’à celui du « management », dirons-nous, de l’espace disponible pour permettre à toutes les équipes invitées de travailIer dans les meilleures conditions possibles.

       Cette pression se fait également sentir au niveau des contrôleurs aériens, assurant la gestion totale de l’ensemble des mouvements sur l’aérodrome, depuis les circuits d’approche jusqu’à la circulation sur les taxiways et la piste principale.

On peut aller plus loin encore, en évoquant l’intégration de 200 personnes supplémentaires, équipages, techniciens et autres personnels qu’il faudra nourrir, loger et transporter. Bref, pour la base qui reçoit, il s’agit effectivement d’une mise à l’épreuve et d’un contrôle de ses capacités à s’accommoder d’un rythme de vie non conforme à son activité quotidienne habituelle. Par contre, c’est un scénario qui pourrait se jouer dans l’hypothèse d’une crise sérieuse ou d’un conflit… Un autre élément entre en faveur du choix d’une base opérationnelle « normale », située sur le continent.

TAM 88-2 JAG de RAF en DL PS
TAM 88-2 JAG de RAF en DL PS
F 16 Danois
F 16 Danois

      Il s’agit pour les équipes participantes d’évoluer dans un espace aérien et dans une zone géographique identiques à ceux dans lesquels elles auraient à intervenir en cas de conflit, et dans le cadre de leurs responsabilités au sein de l’OTAN. Mener un tel exercice à partir d’une base en Sicile, par exemple, impliquerait des problèmes logistiques énormes, et l’intervention quasi systématique de ravitailleurs en vol pour se rendre jusque sur le continent et en revenir.

      Bref, pour le « base commander » de Baden-Solingen, accueillir le TAM 88 fut un honneur, mais pas forcément une partie de plaisir. On pourra ainsi vérifier en pratique ses capacités de « manager », et à la fin de l’exercice, c’est lui qui recevra des messages de félicitations et de remerciements, mais c’est également lui qui sera la cible n°1 si, au soir d’une journée de travail, les mécanos n’ont pas d’eau chaude pour prendre leur douche : c’est accessoire direz-vous, mais ça compte, et c’est essentiel pour conserver sa bonne réputation…

      Et justement, les mécanos et les chefs de piste, ceux qu’on oublie trop souvent, comment cela se passe-t-il pour eux ?

     A leur niveau, le défi à relever est certainement plus grand encore que pour tous les autres, et sans commune mesure avec le travail quotidien sur leur base d’origine. Imaginez la situation sous l’angle suivant. Au TAM, vous aurez trois ou quatre forces aériennes qui, toutes, sont venues avec quatre avions, tous du même type, le F-16 par exemple ; Belges, Danois, Hollandais et Américains vont s’observer mutuellement pour voir lequel d’entre eux pourra, au jour le jour, aligner ses quatre avions disponibles à 100 %. Pas une mince affaire en soi car, si l’une des équipes a des difficultés à ce niveau, ou une indisponibilité de 25 % voire de 50 % sur un avion identique, cela peut-être révélateur d’un problème sur le plan de la maintenance. Pour les équipes au sol, ce sera indubitablement une espèce d’épreuve, et la volonté, surtout, d’atteindre le statut opérationnel des collègues étrangers. Mais heureusement, dans ce type d’exercice international, voué à la réussite d’une cause commune – la défense des pays de l’OTAN –  il est normal que l’on tire des leçons de ses éventuels échecs, et que l’on bénéficie de l’expérience des autres.

      C’est ainsi qu’un technicien hollandais donnera quelques « tuyaux » à un collègue belge sur un problème de maintenance bien particulier. Alors qu’un technicien de l’USAF ayant travaillé sur F-16 dans le climat aride de l’Arizona, dispensera des conseils judicieux aux Européens sur la maintenance de l’avion en plein air, lors de nos étés continentaux. Mais on pourra également discuter d’un problème commun à l’avion, d’une panne ou d’une défaillance fréquente, et trouver, ensemble, un moyen d’y remédier. Lors d’une telle manifestation internationale où chacun défend ses « couleurs », ce sont eux, les techniciens qui tiennent un peu la barre. Sans eux, même le plus « tigre » des pilotes sera dans l’impossibilité de voler, et s’il le faut, ils travailleront toute la nuit pour que le lendemain toute l’équipe, pilotes compris. puisse répondre « présent » et relever un nouveau défi.

EF 111 Guerre Electronique
EF 111 Guerre Electronique
F 16 de Spangdalem
F 16 de Spangdalem

      En ce qui concerne les pilotes, les choses ont quelque peu changé pour eux, à ce TAM 88.

       Dorénavant, il ne faudra plus confondre un TAM avec ce qui fut jadis un « Weapon Meet » ou un « Royal Flush ». Autrement dit, il ne s’agit plus d’une compétition ou d’un concours dans le style « allez-y et que le meilleur gagne ! » Il n’y a plus de classement au TAM, ni d’équipe gagnante. L’esprit du « Meet » a changé : il est devenu plus réaliste.

     En effet, comme devait le déclarer un général lors de la cérémonie d’ouverture : « ce serait une contradiction de nous battre entre nous, alors que le but recherché est d’être efficace ensemble, contre un ennemi commun. » Quoi de plus logique !

     Un participant devait par ailleurs déclarer : « l’abandon de la notion de compétition enlève une partie du stress qui pesait sur les équipages. Aujourd’hui, on recherche l’harmonie et non plus le duel. Au niveau sécurité, c’est mieux également car les équipages ne prennent pas de risques inutiles. » Voilà dans l’esprit dans lequel s’est déroulé ce TAM 88.

     Passons maintenant à la raison d’être du TAM. En termes généraux, il s’agit de recréer un environnement qui permette aux forces aériennes de l’OTAN (Allied Air Forces Central Europe – 2nd et 4th ATAF) de mettre en pratique des tactiques et procédures qui ont été développées conjointement au niveau des forces d’attaque, de défense aérienne, de reconnaissance et de guerre électronique, afin d’en assurer une utilisation harmonieuse tout en tenant compte des divers matériels utilisés.

Les objectifs recherchés par ce biais sont de nature variée : étendre le champ d’activité et d’intervention des différentes forces aériennes concernées, améliorer les capacités de commandement et de contrôle, faire un usage intensif des moyens d’interprétation et d’aides informatiques pour le planning des missions, et enfin, assurer une meilleure compréhension des opérations aériennes combinées. Parallèlement et indirectement, l’exercice permet également de développer la confiance mutuelle entre les divers équipages participants sur un plan plus humain et personnel.

     Concrètement, comment fonctionne l’exercice ? Les participants qui, tous, se retrouvent regroupés sous la notion de force « attaquante », sur la même base, en l’occurrence Baden-Solingen, sont structurés en cinq « escadres TAM », dont chacune a un rôle bien particulier : deux sont vouées à l’attaque au sol, une à la couverture aérienne/chasse, une à la reconnaissance et une à la guerre électronique. Les missions sont coordonnées par un « ATOC » (Allied Tactical Operations Center). Ces escadres effectuent une mission d’attaque « en masse » (près de 40 avions ou plus) une fois par jour, scénario au cours duquel elles obtiennent également l’appui d’un E-3A AWACS de l’OTAN. Leur mission consiste à défaire et à pénétrer le réseau de défense aérienne d’un ennemi hypothétique, pour attaquer ensuite, derrière les lignes, divers objectifs. En 1988, ceux-ci étaient situés en Belgique et en France, exclusivement dans le Nord-Est. A titre d’exemple, l’ancienne base américaine de Chaumont figurait sur la liste des objectifs attaqués.

CF 18 Canadien
CF 18 Canadien
F 15 de Birburg
F 15 de Birburg

      Les forces de défense aérienne ne font pas partie intégrante du TAM, mais participent à l’exercice en jouant le jeu. Ces dernières consistaient en deux escadres de chasse, des sites de missiles sol-air, des stations de détection fixes et mobiles, et elles disposaient elles aussi d’un AWACS. En résumé, toutes les missions dites offensives s’effectuèrent au départ de Baden. Il y en eut 600 en tout.

       Toutes les missions dites de défense, soit 300 au total, furent lancées à partir de diverses bases localisées en France, en Belgique et en Allemagne. On estime qu’environ 500 avions furent concernés par l’exercice, alors que l’équipe TAM elle même disposait de 73 avions à Solingen.

       Afin de tirer le maximum de leçons de cet exercice, une place prépondérante avait été laissée aux missions de préparation, puis à l’analyse des résultats. Une équipe spéciale avait même été mise en place afin d’en vérifier tous les éléments et de se prononcer, ensuite, sur la « qualité » de la mission effectuée.

On comprend mieux l’importance de la planification, lorsque l’on considère que tous les avions partent du même terrain. Il faut donc se rassembler quelque part dans le ciel afin de former le dispositif d’attaque prévu. Or, un F-104 ou un F-5 n’a pas la même autonomie qu’un F-111 ou un Tornado par exemple ; mais il faut que tout le monde arrive sur l’objectif et puisse en revenir avec assez de pétrole.

       Ainsi, durant les missions quotidiennes, on pouvait assister en premier lieu, au décollage de I’AWACS, suivi des avions ECM, puis des F-111 , puis des Tornado et ainsi de suite, les F- 104 et F-5 décollant, en général, en dernier. Au retour, le scénario se déroulait en sens inverse, I’AWACS se posant en dernier, bien après fa grande masse des chasseurs

Et les équipages, d’où proviennent-il ? Il est à signaler que chaque pays présentait une équipe formée d’éléments (avions et hommes) provenant de divers escadrons. Les pilotes eux-mêmes, il faut le préciser, ne sont pas des « débutants ». Ils sont tous certifiés et diplômés du « T.L.P. » (Tactical Leadership Program), et ont une qualification de chef de patrouille leur permettant de mener quatre avions, et de types différents qui plus est. Leur expérience servira bien entendu à la formation des jeunes dans leurs unités respectives

      La France, qui ne fait plus partie intégrante de l’OTAN, avait participé au TAM 88, une fois de plus en tant qu’invitée, avec les 2e , 7e, 11e et 33e escadres. Il en fut de même pour l’Italie et le Danemark qui, eux, ne font pas partie du « Allied Air Forces Central Europe ».

      La conclusion de cet exercice, le général Fred Noak (RFA), commandant en second de I’AAFCE, devait la résumer en ces termes « contrairement à « Maple Flag » ou « Red Flag », le TAM nous offre un bonus non négligeable ; celui de mener des opérations à basse altitude et de manière réaliste, dans un environnement géographique que nous aurions à défendre en cas réel. On ne pourrait trouver un exercice plus adapté que celui-ci pour des membres de l’OTAN.

        Jean-Pierre HOEHN   AIR FAN 

UNITÉS PARTICIPANTES AU TAM 88

        BELGIQUE : Escadron – Bierset, Mirage V (2) / 8e Escadron – Chièvres, Mirage V (2) / 42e Escadron de Reconnaissance – Florennes / Mirage V BR (2) / 349e Escadron – Beauvechain, F-16 (1)

       ITALIE :  62e Escadre – Ghedi, Tornado (2) / 9e Escadre – Grazzanise, F-104S (1) / 36e Escadre – Gioia del Colle, Tornado (1)  Escadre – Trapani, F-104S (1) / Escadre – Istrana. F-104S (1) /  350e Escadron — Beauvechain, F-16 (1)

     HOLLANDE : 314e Escadron – Eindhoven, NF-5 (2) / 316e Escadron — Gilze-Rijen, NF-5 (2)

    CANADA : 409e Escadron Nighthawks » – Baden Soelingen, CF-18 / 421e Escadron Red Indians » – Baden Soellin CF-18 / 439e Escadron « Tigers » – Baden Soellingen CF-18. Le Canada a participé avec 8 avions.

      GRANDE-BRETAGNE – : llnd Squadron – Laarbruck, Jaguar (2) / IXth Squadron – Brüggen, Tornado GR. 1 (4) / XIXth Squadron – Wildenrath, FG.R2 Phantom (2)

      RAF Germany : Unités de la RAF basée en Grande-Bretagne : 29th Squadron –  Coningsby, Tornado F3 (2) / 560th Squadron – Wyton, T-17 Canberra (1) (ECM) / 617th Squadron – Marham, Tornado GR.1 (4)

     DANEMARK : 730th Squadron – Skrydstmp, F-16 (2) / 725th Squadron – Kamp, F-35 Draken (4)  

     FRANCE : 2e Escadre de Chasse – Dijon, Mirage 2000 (2) / 11e Escadre de Chasse Toul, « Jaguar (2) / 7e Escadre de Chasse – St. Dizier, Jaguar (2) / 33e Escadre de Reconnaissance – Strasbourg, Mirage F1CR (2)

     USA : 20th TFW – Upper Heyford, F-111E (4)CF-18 / 52nd TFW – Spangdahlem, F4G (2) et F-16 (2) / 42nd Electronic Combat Squadron – Upper Heyford, EF-111A (2) (ECM) / 36th TFW – Bitburg, F15C (2)

     RFA : JaBo 32 – Lechfeld, HFB-320 Hansa Jet (ECM) (2) / JaBo 33 – Büchel, Tornado (4) / AkG 51 – Bremgarten, RF4E (2) / IG 74 – Neuburg, F-4E (2)

     Enfin il y eut le Nato Airbone Early Warning Force (NAEWF) avec un E-3A aux couleurs de  l’OTAN.

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