JAGUAR – F100 ; les livres référence

 

Récemment j’ai été amené à me replonger dans ces deux ouvrages ce qui m’a amené en fait à les redécouvrir. Ces livres sont remarquables et ont nécessité un travail énorme.

Bref, si vous vous intéressez à ces deux avion, ou un des deux, je vous recommande particulièrement de vous les procurer, vous ne serez pas déçu.

Si tel est le cas je joins les deux liens à partir desquels vous pourrez les acheter. Il suffit de cliquer.

Alain VEZIN : JAGUAR

Jean Pierre CALKA et Eric MOREAU ; F-100D/F SUPER SABRE

 F100 Calka - Moreau
F100 Calka – Moreau

Décollage lourd

Le Jaguar en 6K , 3 bidons

 

C’était bien connu et reconnu : le JAGUAR ne brillait pas par la poussée de ses 2 moteurs Adour, et certains disaient même qu’il arrivait à décoller parce que la terre était ronde. En configuration lourde qui grosso modo commençait à partir de 2 bidons, le décollage était parfois un peu sportif.

Le Jaguar en 6K Photo Dufourmatelle
Le Jaguar en 6K Photo Dufourmatelle

Il y avait bien l’UCB (acronyme dont je n’arrive pas à me rappeler la signification), document qui était censé donner les performances et notamment la distance de roulage au décollage, mais ce document était tellement optimiste que personne (ou presque) s’en servait : Amarger l’avait surnommé le “SPIROU”, comparaison avec une bande dessinée célèbre de l’époque qui en dit long sur le niveau de crédibilité accordé au document.
A titre personnel, 2 décollages lourds m’ont frappé.

– Le premier a été effectué par le colonel Boichot commandant de la base de Toul, vieux chibanne qui totalisait plus de 5000 heures de vol. Le JAGUAR venait d’arriver à Toul (moi aussi) et il fallait bien tester tout ce que cet avion pouvait faire et notamment le faire décoller avec 3 bidons, configuration qui n’avait que peu d’intérêt opérationnel car on ne pouvait plus mettre d’armement, (ce qui est quand même la finalité d’un avion d’arme), mais qui amenait l’avion proche de sa masse maximum. Je ne sais pas comment ce fut Boichot qui s’y colla, mais il y avait du monde pour regarder : c’était en piste 22 et vu du 2/11, on s’est bien rendu compte que ça prenait du temps et qu’à un moment on a vu l’avion disparaitre dans le creux de l’entrée de piste 04. Pour le (très) jeune pilote que j’étais, je ne trouvais rien d’anormal mais quand je vis la tête émue de Boichot au retour, j’ai réalisé qu’il ne rentrait pas d’un vol de “routine”. Je me souviens aussi de son commentaire “il faudra éviter de mettre des jeunes là dessus”.

– Le deuxième se passa à Bangui ; fin de matinée, début d’après midi, l’ordre tombe “Tous les avions à N’Djamena”. Ce n’était pas la première fois, mais ce coup ci, ça nous obligeait à décoller au moment le plus chaud de la journée (donc quand ça pousse le moins) et en piste nord, en légère montée. On était en 6J (configuration 2 bidons + CME), mais rien d’extraordinaire car c’était devenu courant. Lâcher des freins, contrôle accélération à 140 kts (pas terrible), le bout de piste commence à se rapprocher, 150 kts (je trouve qu’il a mis bien longtemps à prendre 10 kts), je commence à bien voir l’extrémité de la piste… et toujours 150 kts avec pourtant l’impression que ça pousse comme d’habitude. A ce moment il n’était plus question d’interrompre car il n’y avait ni barrière ni brin d’arrêt et le raisonnement était simple : j’attends de ne plus voir la piste sous moi, je mets l’avion en l’air, si ça ne le fait pas j’actionne le “panic button” (celui qui sert à tout larguer d’un coup),150 kts en lisse normalement l’avion vole et si j’ai la sensation de m’enfoncer “éjection”, avec le sentiment que ce sera probablement trop tard. Je ne sais pas à quelle vitesse j’ai décollé, mais le miracle s’accomplit une fois de plus ; je pense qu’il n’y avait rien de trop, mais encore une fois le JAGUAR ne m’avait pas trahi.

Je ne connais que deux JAGUAR qui se soient plantés au décollage (à confirmer),  celui de Bordeaux qui a fini en vrac de l’autre coté de la clôture de la base, mais dont la cause fut un “psycotage” complet du pilote qui s’en sorti malgré tout avec les félicitations du jury, et celui “d’Etche” à Bangui à cause d’un colmatage des filtres en amont des pompes HP !

Tous les pilotes qui ont volé sur JAGUAR ont certainement vécu un décollage de ce type, mais cette phase de vol a en partie, contribué à en faire un avion mythique : il en a fait des choses cet avion, et parfois on se demandait comment c’était possible.

Décollage de Banguy. Photo Eric Paletou
DL Banguy. Photo Eric Paletou

F 100 ; impressions pilote

F 100

 

Le F 100 ? Un avion d’hommes disaient ceux qui en avaient fait. Le mieux était donc de laisser la parole à un de ces pilotes en l’occurrence le capitaine CROCI. Cet article est tiré de LA référence en terme de livre sur le F100 : F 100D/F SUPER SABRE écrit par Jean Pierre Calka et Eric Moreau. Actuellement vendu à moitié prix

Premier contact

D’en bas, c’est gros un F-lOO ; c’est rassurant aussi, costaud, massif, agressif, bien planté sur son train assorti au reste.

On monte sur l’échelle et vu d’en haut, les premières impressions se confirment. Plongeons dans le grand trou de l’habitacle : quelle différence ! Après la boite a sardines genre CM 170 et Mystère IVA, on se sent perdu. Les bras « nagent dans la cabine », on ne se cogne plus au moindre mouvement. Coté mécanique, c’est aussi rassurant que l’extérieur, massif, agréable aussi. La couleur grise de l’habitacle est plus reposante que le tout noir vu jusqu’à maintenant.

Un peu plus d’instruments que dans le Mystère IVA, des nouveaux aussi (EPR dit delta Pi) pour contrôler la poussée du moteur et l’ouverture- fermeture des paupières lors de l’utilisation de la post-combustion, deux générateurs électriques plus la batterie, deux générateurs hydrauliques, plus secours par la RAM (Ram Air Turbine) fonctionnant manuellement ou automatiquement lorsque le régime moteur passe au-dessous de 42 % (évite, entre autres, le blocage commandes lors d’une extinction). Même une boite a cartes, côté droit, pour ranger ce que l’on veut.

F-100 la cabine
F-100 la cabine

Mise en route

Brêlage style T-33 avec une grosse ceinture au niveau du bassin. Le tracteur générateur MA2 est à coté, son servant a déjà branché l’alimentation électrique et la manche à air. Tour rapide de cabine – alimentation par l’APU du MA2. Une pression sur le bouton Start et l’air fourni par l’APU du MA2 (turbine fournissant un grand débit sous faible pression) lance le réacteur : manette des gaz sur Idle et on attend le ralenti. La mise en route peut aussi se faire avec cartouche ou bouteille et sur batterie secours).

Mise en route avec le MA2
Mise en route avec le MA2

Roulage

Découverte du Nose Wheel Steering ou roulette de nez orientable couplée au palonnier qui permet un roulage très précis sans faire usage des freins et qui désoriente le nouveau pilote à la première utilisation, celui-ci étant habitué à l’usage des freins pour virer.

 Cau à Solenzara
Cau à Solenzara

Décollage

Mise plein gaz sec comme sur les autres avions.

Mise PC : il n’y a pas de régulation PC (c’est-à-dire une mini PC avec un domaine PC jusqu’à PC maxi comme sur Mirage, ou le régime moteur est au maximum et où l’on joue sur la PC pour faire varier la poussée). Il faut « casser » la manette des gaz vers l’extérieur au décollage, la PC est allumée après avoir lâché les freins. L’avion ne tenait pas (et surtout pas les pneus) avec une poussée instantanée de plus ou moins 4,5 tonnes supplémentaires. On passe alors directement en pleine charge PC d’où le coup de pied au cul et la détonation correspondante. Ensuite on joue sur le régime moteur dans le domaine PC (course de la manette des gaz). La « marge de manœuvre » avec PC va du plein gaz sec (qu’on appelle puissance militaire) qui était d’environ 96/97%, à environ 90%. La rotation à partir de 145 kts (avion lisse) jusqu’à 165 kts (pleine charge) pour un décollage à 160 kts jusqu’à 180 kts. Les pneumatiques hautes pressions étaient limitées à 217 kts.

F-100D au décollage
F-100D au décollage

En vol

Avion très stable sur sa trajectoire, évoluant très bien en TBA et un peu moins en HA. Sous-motorisé en plein gaz sec (10200 lbs / 30900 lbs avion lisse) mais une remontée de poussée avec PC très visible, car l’avion peine beaucoup, vitesse minimale de sustentation, avion en vol horizontal = 136 kts. Vitesse minimale en combat, avion contrôlable (vario négatif important) = 105/110 kts. Les becs automatiques, fonctionnant aérodynamiquement sortaient vers 280 kts en vol horizontal et amélioraient la tenue de l’avion pour les vitesses inférieures. L’inconvénient est qu’ils étaient longs à rentrer. L’accélération de l’avion devenant alors difficile. En cas de sortie dissymétrique par grippage des galets de roulement, là il fallait faire atten­tion en combat, sinon c’était la gamelle assurée. Au départ, un intercepteur devenu un excellent chasseur-bombardier avec six points d’emport de charges extérieures (2 x 3) sur le F-IOOD. Le F-IOOF, en avait sept, ce septième, situé sous le fuselage. Le F-1OO a été employé en France pour toutes sortes de missions : inter­ception, assaut longue distance, appui-feu, reconnaissance tactique avec sa camera P2, remorquage de cibles pour les escadres de F-1OO, inter­vention outre-mer, plastron basse ou haute altitude au profit du CAFDA.

Outre ses canons et les missiles Sidewinder, il emportait toutes sortes de munitions, bombes, roquettes, bidons spéciaux pouvant être tirés sur air, terre et mer avec l’aide du viseur rustique GBR A4, ô combien efficace. En un mot, un avion de guerre très efficace, solide et fiable.

Capitaine Michel Croci

Dix ans sur F-100 à la 11 ème escadre de Chasse. Mort en service aérien commande le 25 janvier 1984 au Tchad.

F100
F100

Pour plus de photos cliquez sur F 100

F100 US

F 100

 

Le F100 a équipé la 11EC qui d’ailleurs n’était pas peu fière d’être dotée d’un avion américain et qui plus est, un avion d’homme ! Sur le site, il y a déjà quelques articles consacrés à cet avion, et en faisant des recherches sur la toile, je suis arrivé sur cette page Facebook https://www.facebook.com/groups/supersabre/photos/qui rappellera d’excellents souvenirs à ceux qui ont connu l’époque F100. Ce sont des photos de F100 US (quoique, j’en ai même trouvé une d’un F100 du 2/11), et elles sont superbes.

Pour le plaisir.

Photos de F100

F100

 

Deux articles de suite sur le F100 et qui plus est, concernant tous les deux le 1/11 ! Mais comme disent les journaleux, c’est l’actualité qui prime…

Bernard GOBERT, ancien commandant du 1/11, m’a fait parvenir des photos de son époque et plus particulièrement des photos de F100 qui sont superbes (c’est pour cette raison que je vous les propose). Je le remercie très sincèrement et j’en profite au passage pour renouveler ma demande ; envoyez moi vos photos, documents,… Ils viendront compléter ceux qui sont déjà en ligne au grand plaisir de ceux qui le consultent. Bon, il faut les retrouver, les scanner (ou les photographier) et puis me les faire parvenir. C’est compliqué, mais si vous considérez que vos photos, (celles qui sont dans les boites à chaussures et qu’on ne sort qu’exceptionnellement) finiront un jour ou l’autre aux oubliettes, ça peut faire changer d’avis.

Je vous en propose quelques unes ci-dessous, mais vous pourrez en retrouver d’autres dans la galerie “F100”. J’en ai ajouté une trentaine ; amoureux ou nostalgiques du F100, allez les voir sur “Galerie F100”

LE F-100 SOUS LES COCARDES FRANÇAISES

F-100D en patrouille

 

Premier utilisateur “étranger” du F-100, la France a reçu quatre-vingt huit F-100D et quatorze F-100F (y compris treize achetés directement par le gouvernement français). Le premier exemplaire se posa sur la base de Luxeuil à l’hiver 1958 et le dernier vol fut effectué en décembre 1978 lors d’une mission d’appui-feu à Djibouti.

La 11ème escadre de Chasse, auparavant équipée de F-84G, fut la première à recevoir les “Huns”, certains d’entre eux étaient des anciens avions de la 48th Tactical Fighter Wing (TFW) stationnée à Chaumont. Ils arrivèrent à Luxeuil après avoir subi un “inspect and repair as necessary – IRAN” en Espagne. Quant aux premiers F-100F pour les escadrons 1/11 “Roussillon” et 2/11 “Vosges” portaient toujours les “FW” de série de l’USAF. Un groupe de pilotes de la 11ème escadre fut envoyé sur la base de Luke au début de janvier 1958 pour la transformation sur F-100 et rentrèrent au mois de mai. Ils furent très impressionnés par la fameuse PC de la Bête, par un large cockpit et par des qualités d’intercepteur hors du commun. La transformation de l’escadre eut lieu à Luxeuil-Saint-Sauveur et prit 18 mois. Elle fut terminée à la fin de 1959.

Après la transformation de la “11”, ce fut le tour de la 3ème escadre de Reims. Cette dernière, tout comme la “11” avait participé, depuis la base d’Akrotiri, sur l’île de Chypre, à la crise de Suez avec ses F-84F. Ses premiers F-100 arrivèrent à Reims-Champagne en janvier 1959 afin de commencer l’équipement du 1/3 “Navarre” et ensuite du 2/3 “Champagne” avec 24 avions dans chaque escadron. Ils furent livrés en vol par des pilotes de convoyage de l’USAF et ravitaillés par des KC-97. La transformation de la “3” fut terminée à la fin du mois de janvier 1960 et le 1/3 (couleur de l’escadron, le jaune) effectuèrent des missions d’appui-feu en Algérie à la fin de 1959. Les avions décollaient de Reims pour attaquer des objectifs à l’est de l’Algérie et rentraient à Reims après une escale technique à Istres.

Les escadrons nouvellement équipés de F-100 effectuèrent une campagne de tir à Cazaux avec 11 avions du 2/3 (couleur de l’escadron, le rouge) et 13 appareils du 1/11. Ils s’entraînèrent au tir air-air et air-sol, au canon, au napalm, à la roquette et à la bombe Mk 25 lors de 937 sorties.

F-100D RVT
F-100D RVT

La 3ème escadre fit mouvement sur la base de Lahr le 10 juin 1961 pendant que la 11ème escadre faisait de même sur la base aérienne 136 de Bremgarten. Les deux bases étaient situées dans la vallée du Rhin. Ce changement de garnison coïncida avec la prise de l’alerte nucléaire avec la bombe atomique américaine Mk 43 dans le cadre des missions de la 4ème ATAF. Les avions étaient dans les mêmes configurations d’armement et de bidons que les avions de l’alerte “Victor” de l’USAF à l’exception que les pilotes français ne volèrent pas officiellement avec la bombe réelle et que les vols avec la maquette d’exercice étaient très rares. La plupart du temps, les vols d’entraînement s’effectuaient sans bombe mais seulement avec la poutre d’emport pour des bombardements en “low-altitude bombing system-LABS” ou en bombardement rasant sur une zone de tir d’exercice située sur le lac de Constance. Le grand 2/11 “Vosges” fut le premier escadron à prendre l’alerte nucléaire le 20 mai 1963. Deux avions étaient en alerte armée dans la QRA gardés par des sentinelles américaines.

Les personnels français étaient donc complètement intégrés dans le dispositif nucléaire de l’OTAN sans avoir à manipuler des bombes nucléaires depuis le sol français. Après 1967, les F-100 du 3/11 furent équipés de la nouvelle perche de ravitaillement coudée afin de pouvoir se ravitailler en vol sur les C-135F français. Les F-100 français prirent part aux exercices de l’OTAN comme le AFCENT Tactical Air Meet en 1963 à Hopsten et en 1964 à Chaumont. Cet exercice consistait en des missions de tir, d’appui-feu et de navigations basse altitude.

Lorsque le général de Gaulle fit sortir la France de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, les F-100 quittèrent les bases de Lahr et de Bremgarten pendant que les unités américaines étaient obligées de libérer leurs bases en France. La 3ème escadre vint s’installer sur la base de Nancy-Ochey en septembre 1967 après qu’elle fut transformée à Lahr sur Mirage III E. La 11ème escadre, elle, déménagea sur l’ancienne base américaine de Toul-Rosières entre juillet et septembre 1967. Vingt F-100D et quatre F-100F, anciens de la 3ème escadre formèrent un nouvel escadron, le 3/11 “Corse” sur la base de Colmar. A l’issue de ces déménagements, la mission principale des unités changea au sein de la FATac pour devenir l’appui conventionnel et l’attaque au sol. La mission secondaire de défense aérienne incluait la défense des couloirs de Berlin.

Patrouille de F-100D
Patrouille de F-100D

L’escadron 3/11 “Corse” deviendra l’Operational Conversion Unit – OCU sur F-100 et après 1967, reçu la mission de s’entraîner au ravitaillement en vol dans le cadre des missions de souveraineté dans les territoires d’outre-mer y compris à Djibouti depuis avril 1970. C’est ainsi que l’escadron prit part à l’exercice Lafayette en Méditerranée en attaquant le porte-avions USS Saratoga avec huit avions en décembre 1969. Il obtint également d’excellents scores lors des compétitions de tir d’AFCENT en 1969. En novembre 1971, trois avions du 3/11 prirent part à une évaluation dans les conditions climatiques de Djibouti préfigurant une future installation dans ce protectorat français situé sur les bords du Golfe d’Aden.

En 1973, la société North American Aviation (NAA), constructeur du F-100, proposa un programme de renforcement de structure pour les trente plus vieux avions de l’escadre. Ce programme de rajeunissement comprenait des travaux de renfort des caissons de voilures et de cadres principaux de fuselage ainsi que le changement de peau. Les travaux furent effectués par la SNIAS dans ses ateliers de Châteauroux. Les travaux s’échelonnèrent jusqu’en 1975.

Dans le même temps, un camouflage trois tons proche du camouflage de l’USAF (brun, vert sur le dessus et gris-bleu pour les parties basses) fut appliqué à la flotte entre 1972 et 1976. Toul reçut son premier F-100 camouflé le 23 juin 1974. Il s’agissait du F-100D 54-2160 – 11-ET.

L’escadron 4/11 “Jura” fut formé à Djibouti le 1er juin 1973 avec des pilotes de chaque escadron de F-100 de métropole ainsi que deux avions de chaque unité renforcés par une paire de F-100D et un F-100F du 3/11. Cette unité reprit le nom et les traditions du 3/11 “Jura”. Sa mission était la défense aérienne et la reconnaissance dans le territoire de la Corne d’Afrique, mission déjà entamée dès décembre 1972.

F-100D Gueule de Requin
F-100D Gueule de Requin

Le 3/11 entama sa transformation sur Jaguar en février 1975 après avoir effectué 36704 heures de vol sur F-100. Le 1/11 passa aussi sur Jaguar après un dernier vol sur F-100, le 10 octobre 1975. Quant au 2/11, il vola sur F-100 jusqu’au 25 juin 1977, date à laquelle il fut entièrement équipé de Jaguar. A cette date, la “11” avait effectué 205000 heures de vol sur F-10O. Le colonel Boichot, commandant de la base de Toul-Rosières et un des premiers pilotes transformé sur F-100 sur la base de Nellis, effectua le dernier vol de F-100 sur la base de Toul le 11 mai 1977 aux commandes du F-100D 54-2131 – 11-MJ.

Le 4/11 continua à voler à Djibouti sur les F-100 restants, remplaçant les Skyraider de l’escadron1/21 en janvier 1973. La base aérienne 188 partage la piste avec l’aéroport international de la jeune république de Djibouti. La dotation initiale du 4/11 est de sept F-100D et un F-100F, formant une escadrille, la SPA 158. La dotation finale de quinze appareils permettra de former une seconde escadrille, la SPA 161. Entre mars et juin 1978, les avions de l’escadron se voient parés d’une magnifique “gueule de requin” et un ou deux bidons de reconnaissance emportés sous voilure furent décorés d’une tête d’aigle du plus bel effet inspiré de la décoration de nez des B-25J du 498th Bomb Squadron de la Deuxième Guerre Mondiale.

F-100 Défilé Djibouti
F-100 Défilé Djibouti

Le 24 mai 1978, le lieutenant–colonel Salmon emmène une formation de onze F-100 au-dessus de Djibouti pour célébrer les 10000 heures de vol sur F-100 de l’escadron. Le dernier vol sur F-100 eut lieu le 12 décembre 1978 et l’escadron 4/11 “Jura” fut désactivé à la fin de l’année pour revivre sur Jaguar au début de 1979 depuis la base aérienne de Bordeaux. Ce dernier vol était la conclusion de vingt années de F-100 dans l’armée de l’air. Selon les termes du programme MAP (Military Aid Program), les quarante F-100 survivants furent rendus à l’USAF sur la base de Sculthorpe, au nord-est de Londres où ils furent démantelés ou cédés à différents musées de la région. Certains F-100 faisant partie des avions propriété de la France servirent de leurres sur la base de Djibouti.

Un avion, le 54-2165 – 11-ML du 2/11 “Vosges” ayant précédemment servi au sein du 493th Fighter-Bomber Squadron (FBS) de la 48th Fighter- Bomber Wing (FBW) de Chaumont de 1957 à 1959 avant qu’il ne soit transféré à l’escadron 1/3 “Navarre” à Reims sous l’immatriculation 3-IG fut préservé. Après environ deux ans de stockage à Sculthorpe, il fut donné au Duxford American Air Museum. Il y est présenté comme un avion du 352nd TFS, 35th TFW pendant la guerre du Vietnam.

Texte de P.A. ANTOINE présenté lors de l’assemblée générale de l’Amicale des anciens de la 11 ème Escadre de Chasse du 10 octobre 2009.

D’après North American F-100 Super Sabre

Peter Davies et David Menard

PA Antoine
PA Antoine

QUIZZ

Cazaux ou Zara ?

 

Un “collègue” Belge dont le site est www.sergebonfond.be

(dédié au 1rst Wing Belge) m’a envoyé cette photo. Si vous pouviez le renseigner. Perso, je dirai comme lui c’est à dire Zara, mais j’avoue que les indices sont maigres. Peut être le bout de paysage qu’on voit à l’arrière de la tuyère du F 100 de droite ? En tous les cas, la photo est belle.

Ci-dessous son mail

Bonjour,

Je vous joins la photo montrant deux F-100D du 2/11 Vosges : le 54-2149 (11-MH) et le 54-2269.

Tout deux sont en configuration “biroutier”.

J’ignore où et quand la photo a été prise.

Le camion citerne en arrière plan me fait penser à Zara, mais sur toutes les photos que je possède de cette époque, il est rouge, et non blanc !

Peut être Est-ce à Cazaux ?

Bien cordialement.

Serge.

Cazaux ou Zara ?
Cazaux ou Zara ?

QUIZZ

JAG 11X250kg bombes
QUIZZ Dans la galerie “Jaguar-armement” que je viens d’ajouter à la page JAGUAR, un internaute m’a signalé un bug. Pas très évident car il faut connaitre le JAGUAR et c’est pour cette raison que je vous propose plusieurs solutions. 1 – Le Jaguar est incapable de décoller dans cette configuration 2- Une fois “airborn”, il ne peut pas couper la PC, sinon il tombe 3- Décollant de Toul, à Neufchateau, il est “short” pétrole 4- Ce n’est pas le bon avion 5- Autre raison Si vous avez une idée, vous pouvez m”en faire dans la partie “commentaire ; la solution, la semaine prochaine RÉPONSE : C’était effectivement un biplace et non pas un monoplace. Pour les non spécialistes, les biplaces ont un numéro E.. et les mono A… Sur la photo, le bouclier porte le numéro A 124, alors que c’est un biplace reconnaissable à son “gros nez” dans lequel il y a la perche de ravitaillement en vol ; le mono possède une perche escamotable sur le coté doit. Félicitations à ceux qui ont eu la bonne réponse ; dommage; il n’y avait rien à gagner. J’essaierai de faire mieux la prochaine fois
JAG 11X250kg bombes
JAG 11X250kg bombes

JAGUAR : la bande son

Jaguar au roulage

JAGUAR : la bande son

Aujourd’hui, je vous propose une vidéo mais qui vaut essentiellement par sa bande son. Elle s’adresse plus particulièrement à ceux qui ont fait du Jaguar. C’est collector ! Il y a d’abord le bruit de l’électro-pompe, du micro-turbo puis les deux moteurs, le roulage et le décollage. Dommage que ces moteurs ne “grognent” pas comme le faisaient la majorité des autres. Ça rappellera beaucoup de souvenirs, et personnellement, ça m’a un peu pris aux tripes. Un grand merci à Jean Louis FODERE qui m’a envoyé le CD “Les 30 ans du Jaguar”. Je vous invite à cette occasion à aller visiter sa page Facebook “Les anciens du Jaguar” PS : la vidéo est un peu longue à charger. Soyez  patient Pour ceux qui seraient un peu plus pressés, je vous l’ai mise sur Youtube :   [local /wp-content/uploads/2014/08/30ans.avi]

F-100, JE T’AIME, MOI NON PLUS

F-100D 11-EC

F-100, JE T’AIME, MOI NON PLUS

Premiers contacts

À 17 ans et depuis quelques années déjà, dès qu’un moteur se fait entendre au-dessus de la Bourgogne, je garde le nez en l’air jusqu’à pouvoir identifier l’objet volant. Je reconnais parfaitement le P-47, le Vampire, tous deux basés à Dijon, suivis bientôt par l’Ouragan et le Mystère IV. Je sais aussi identifier le F-84E ou G, le F-84F et le RF-84F, qui n’effraient plus que rarement les chevaux quand nous récoltons les foins et les moissons de la ferme de mon oncle.

Cette année-là, en 1957, en vacance chez des amis à Verdun, nous sommes passés en voiture sur la route qui borde la base d’Etain et j’ai entendu… un coup de canon, puis vu un monstre qui crachait le feu en prenant son élan dans un bruit d’enfer. La “bête” a décollé, a viré et, pour la première fois, j’ai vu “LE F-100 Super Sabre, en chair et en os”. Je le connaissais déjà à travers quelques photos de lui parues dans “Aviation magazine”, mais cette première rencontre m’a réellement impressionné.

Peu de temps après, ma mère m’a offert la maquette de cette merveille, une des premières maquettes en plastique disponibles après le B-17 et fabriquée par “Lindberg”. J’ai donc construit mon premier F-100 et j’ai continué à rêver d’avions dans ma pension, l’École des Pupilles de l’Air, à Grenoble.

Mai 1966.

Dix ans ont passé.

Après quelques heures de vol, dont un tour de France aérien et quelques sauts en parachute, j’ai quitté Grenoble, puis Salon, puis Tours. En compagnie de quelques petits camarades pilotes de chasse, nous pilotons des Mystère IVA, en école de tir au 2/8 ” Nice”, à Cazaux.

Un jour, sur le parking des escadrons en campagne de tir nous voyons arriver … des F-100.

F100 super sabre
F100 super sabre

 

Avec quelques rares camarades, intéressés comme moi par la belle mécanique et les avions de pointe, et malgré les mises en garde de notre encadrement sur le comportement des pilotes des escadres nucléaires, nous sommes allés, presque en rampant, présenter nos respects aux demi-dieux capables de maîtriser une bête aussi puissante et aussi dangereuse.

L’accueil du chef, le Cdt Pierre G. que nous avions croisé à Salon et qui est devenu mon ami “Pierre” a été très sympathique, chaleureux. Nous avons pu examiner les bêtes en long, en large et en travers, et même nous installer dans la cabine. Nous en avons aussi profité pour tâter le terrain, car trois mois plus tard, à la sortie du dernier stage en école, à Nancy-Ochey, nous aurons à choisir notre première affectation opérationnelle. Mais à la question :

– « Comment fait-on pour aller chez vous ? »

La réponse a été :

– « Je peux difficilement vous renseigner. On vient de nous retirer la mission nucléaire. On parle de nous donner une autre mission, de nous déménager et même de nous faire assurer le vieillissement des futurs pilotes de Mirage.
     Mais ça, je n’y crois guère. De toute façon, rien n’est décidé. Tenez-vous au courant, vous pouvez m’appeler quand vous voulez. »

Chaleureux mais, au final, pas très encourageant. Cela nous a cependant suffit pour nous voir aux commandes d’un F-100 avant la fin de l’année.

Trois mois plus tard, à Nancy-Ochey, se tient l’amphi garnison. La liste des escadres qui vont nous accueillir et le nombre de places proposées, est affichée. Dans l’ordre du classement de fin de stage, chacun de nous est appelé pour choisir, en fonction des places restées disponibles, son affectation en unité opérationnelle.

Une place sur Mirage IIIC à la 5, à Orange. On nous fait comprendre que c’est un cadeau de roi, obtenu de haute lutte par le Commandement des écoles et réservé, de préférence, au major de promotion.

Quatre places sur SM-B2. Deux à la 12, à Cambrai, deux à la 10, à Creil.

Neuf places sur F-100 à la 11, à Bremgarten, dont six en vieillissement avant d’aller sur Mirage IIIE ou sur Mirage IIIR. Une première, Youpi !!!

J’ai pu choisir le Mirage IIIE et j’ai eu le vieillissement sur F-100. Le rêve !!!

À l’époque, la 11, après la dissolution de la 1 et de la 9, vient de s’agrandir à trois escadrons. Le 1/11, le 2/11 et le commandement de l’escadre sont basés à Bremgarten. Le 3/11 est à Colmar, de l’autre côté du Rhin.

Le jour dit, après un rassemblement savamment organisé pendant nos permissions, nous nous retrouvons, neuf lieutenants “élus” briqués comme des sous neufs, pour passer la frontière et nous présenter à nos chefs.

Accueillis par le Cdt en second de l’escadre, nous sommes ressortis de son bureau assez “sonnés” :

– « La 11 n’a jamais été une nurserie et ne le sera pas. Chaque escadron ne peut former qu’un ancien élève de l’École de l’air par an. L’escadre est formée de trois escadrons. Vous êtes neuf et je suppose que vous savez compter. En sortant de ce bureau vous vous présenterez à votre commandant d’escadron qui décidera de ce qu’il fera de vous. Je recevrai en temps utile les trois d’entre vous qui resteront à l’escadre. Merci messieurs. »

La douche… froide, glacée.

Heureusement, l’accueil dans les escadrons est plus chaleureux. Nous sentons bien que notre arrivée est une petite révolution, qu’il nous faudra faire nos preuves et, aussi, que nous ne sommes pas condamnés. Nous sommes considérés comme des pilotes à part entière. Plus jamais je n’entendrai la répartie célèbre qui, dans les écoles de pilotage, mettait fin à toute contestation justifiée ou non, quand les plus jeunes osaient parfois exprimer leur point de vue au cours d’un débriefing :

– « N’essaie pas de me vendre des salades. Je portais déjà les marques du masque à oxygène sur le visage quand toi, tu portais encore les marques du pot sur les fesses. »

Par chance, ou plutôt par “affinité” je crois, je suis affecté au 1/11 “Roussillon” où mon ami Michel est Cdt d’escadrille. Nous étions ensemble à Grenoble et nous avions fait plusieurs camps scouts où il était, déjà, chef de patrouille. Pour moi, il est un peu comme un grand frère.

La cabine du F100
La cabine du F100

Encadrés, briefés par les anciens dans une cellule d’instruction au sol créée pour la circonstance, notre petite troupe découvre la documentation américaine et suit les cours qui doivent lui permettre de maîtriser la bête.

L’ambiance est excellente, nous sommes tous motivés et impatients de faire les premiers vols. J’apprends tout sur l’avion et sur les procédures. Quelques jours plus tard je fais mon premier vol, en place arrière d’un avion leader de patrouille. Après avoir découvert l’allumage de la postcombustion qui, sur F-100, se fait à pleine charge, je peux tâter les commandes, écouter vivre l’avion, admirer l’équipier et respirer un grand coup car, bientôt, il faudra assurer.

Pour le premier vol en place avant, l’instructeur n’est pas commode. C’est un ancien moniteur de Marrakech et ancien des Skyraider. Il ne s’en laisse pas compter. Au retour, je suis plutôt content de moi et surtout très fier d’avoir piloté la bête.

Le débriefing est dur et se termine par :

– « De toutes façons, il faut que je parle au commandant d’escadrille. »

Cloué au mur, car rien n’a échappé à la rigueur et au professionnalisme d’”Hector”, je comprends que la partie n’est pas gagnée. Le moral en prend un gros coup et je crains l’élimination.

Michel, le Cdt d’escadrille, m’appelle et me reçoit avec sa tête des mauvais jours. Je pense que mon sort est réglé. Il me demande simplement comment s’est passé le vol et, pour me défendre, je lui dis que je ne comprends pas ce qui m’est reproché à ce stade de la progression. Il me regarde, étonné, et m’interroge un peu plus en détail. Je le vois se détendre puis sourire. Au bout d’un moment il me dit :

– « Il faudra que tu t’y fasses, mais il n’y a rien de grave pour toi. Ton instructeur pense même que tu pourrais partir en monoplace après un deuxième vol en biplace. Est-ce que tu te sentirais prêt ? Le seul vrai problème c’est que l’avion que vous venez d’utiliser est en panne, a priori pour plusieurs jours et que vous êtes nombreux à devoir être lâchés. »

Je tombe des nues. Devant mes hésitations, Michel me propose de faire ce deuxième vol avec un autre instructeur, tout aussi exigeant mais un peu moins “carré” qu’Hector.

Deux jours plus tard, je pars en double avec un “très vieil” Adc, qui devait approcher la quarantaine et dont le surnom, inspiré par des petites moustaches et un regard malicieux, rappelle un petit animal, genre furet.

Deuxième vol sans histoire et, dans la foulée, très fier, je pars en monoplace, escorté par l’instructeur qui vient de me lâcher. Salut à toi “La fouine”, merci l’Ancien.

Ce premier séjour sur F-100 est pour moi un souvenir merveilleux.

L’escadron est une unité soudée dont nous sommes membres à part entière. Les traditions et la personnalité de certains pilotes sont fortes…très fortes. Un groupe de cinq lieutenants anciens, tous chefs de patrouille, se charge, avec d’autres, de notre formation en vol, de l’ambiance et de notre “éducation” au sol. J’apprends beaucoup.

Célibataire logeant sur la base, j’ai la chance de participer, souvent, à des missions qui décollent le matin de bonne heure. Il fait généralement encore nuit quand Manif, Cdt d’escadrille célibataire logeant sur la base lui aussi, donne un coup de pied dans la porte de ma chambre. J’ai vingt minutes pour le rejoindre à l’escadron ou au mess. Petit déjeuner, briefing, salut aux mécanos et décollage “à la fraîche” pour des missions, souvent au profit de l’Armée de terre, dans le Jura, le Massif Central, le Sud-ouest, ou les terrains de manœuvre en Allemagne.

Un an plus tard, c’est le déménagement vers la France des escadres basées en Allemagne. Comme la “3”, escadre sœur de la “11” et mon escadre d’affection définitive, vient de quitter Lahr et s’installe avec difficultés à Nancy-Ochey, le Cdt d’escadron me propose de rester un peu plus longtemps sur F-100 et de continuer mon entraînement. Banco !

Nous arrivons à Toul en septembre 1967 dans des installations assez sommaires. Quelques semaines et une éjection plus tard, avec l’équipe de mécanos célibataires “qui va bien”, nous prenons une semaine complète d’alerte pour la période de Noël. Nous passons la journée en bout de piste, dans une remorque Déplirex sans eau et dont les radiateurs électriques sont alimentés par un groupe électrogène “un peu” sous dimensionné. Emmitouflés dans des couvertures, nous jouons aux cartes et nous lisons, en attendant le ou les vols d’alerte. Le mess nous ravitaille en thé et en casse croûtes. L’ambiance est au beau fixe, nous nous la “jouons, un peu la Bataille d’Angleterre” et, le soir, nous faisons un bon repas au mess.

F-100D en patrouille
F-100D en patrouille

En février 1968, sous-chef de patrouille, je pars pour Dijon découvrir le Mirage III.

En 18 mois, je viens d’effectuer 350 h de vol sur F-100, de vivre deux campagnes de tir, un échange escadron de trois semaines sur les plateaux d’Anatolie et un déménagement de base. J’ai, aussi, cassé le 11-EG n°42150 en m’éjectant pour la deuxième fois et, malheureusement, douloureusement, vu partir quelques amis.

– « Engagez-vous, rengagez-vous. Vous vivrez des aventures et vous verrez du pays », disaient les affiches en couleur.

Au-delà de tous mes rêves, pour moi, à l’âge de vingt-sept ans, cela était bien vrai.

Denis TURINA

Quelques “brèves”

Une petite surprise que nous avions faite à un de nos anciens en entraînement au BCP à Bremgarten. Il avait parfois tendance à nous bahuter, nous les jeunes lieutenants, et ce jour-là, après avoir fait le briefing de sa prochaine mission, toute la patrouille était partie au mess en laissant les cartes sur la table de la salle d’OPS. L’occasion était trop belle. Nous avons simplement déplacé d’une dizaine de kilomètres, en respectant le cap et le minutage, le trait d’entrée sur sa carte du sud, celle qu’il devait utiliser après une vingtaine de minutes de vol. Et nous avons attendu. L’entrée dans la salle d’OPS du leader en entraînement et le débriefing au retour ont mérité le détour. Prudents, nous n’avons rien dit sur le moment.C’était l’époque où les lieutenants CP, ORSA, et EMA étaient rois. Un jour, l’un d’eux a largué les sous-vêtements PN d’un de ses petits camarades sur la ville du Puy en Velay, pour qu’ils en fassent de la dentelle. Les sous-vêtements, propres, avaient été soigneusement pliés avant le vol, dans l’aérofrein du F-100.Il faut dire que, quelques jours plus tôt et selon la tradition, ce petit camarade avait réussi à faire brûler le calot de l’ancien dans la salle d’OPS.

Dans la salle d’OPS du 1/11 “ROUSSILLON” : c’est un retour de vol de nuit.
La Fouine, l’Ancien, chef pilote de l’escadron aimé et respecté, est en train de débriefer son équipier.
Jean-Louis, CP et jeune capitaine entre dans la salle d’OPS de l’escadron. Il vient d’effectuer son premier vol d’entraînement de nuit, en place arrière, pour devenir instructeur.

– « La Fouine t’es un salaud ! »
– « Moi ? qu’est-ce que je t’ai fait ? »
– « Ce soir : Rien !  Jusqu’à présent je te prenais pour un type bien, expérimenté, compétent et consciencieux.
     Maintenant je sais que tu es un salaud. »
– « Pourquoi ? »
– « Il y a trois ans, quand tu m’as lâché de nuit après seulement une heure de nav à basse altitude et trois atterrissages, j’ai pensé que tu avais vu à qui tu avais affaire et reconnu mes mérites. Maintenant je sais que c’est parce que tu avais la trouille, et que tu ne voulais pas risquer un autre vol de nuit en place arrière dans ce bocal où l’on ne voit rien de ce qui se passe dehors. Laisser partir un jeune après seulement un vol de nuit en place avant sur F-100, c’est de la « non-assistance à personne en danger » et tu le savais. Voilà pourquoi tu es un salaud ! »

Rires dans la salle d’OPS et passage en salle de repos pour continuer le débriefing.

Denis TURINA