Livre “Histoires de la 11ème Escadre de Chasse”

Couverture livre "Histoires de la 11ème Escadre de Chasse"

Le contenu.  Ce livre de 435 pages, 100 articles et 115 photos ne vous propose pas l’histoire de la 11EC avec un grand « H », mais une compilation d’articles écrits par ceux qui ont appartenu à cette unité. Ils racontent ce qu’ils ont vécu au sein de la 11EC : une mission effectuée en métropole ou en OPEX, une anecdote, un récit de la vie quotidienne… Pour les anciens de la 11EC, le livre rappellera beaucoup de choses et les autres découvriront ce qu’était cette escadre. Avec un peu de recul, on peut dire qu’elle était vraiment particulière et ce à mon sens, pour deux raisons ; l’avion, le F 100 puis le Jaguar, et la mission CAFI (Composante Air des Forces d’Intervention) qui l’a amené à intervenir sur tous les théâtres d’opérations pendant plus de 20 ans.

Patrick BAUDRY : préface “Histoires de la 11ème Escadre de Chasse”

C’est un grand privilège d’ouvrir ces “Histoires de la 11ème Escadre de Chasse”. André CARBON y a rassemblé les témoignages d’anciens qui vont vous ravir, vous toucher et vous émouvoir. C’est donc avec une très vive émotion que j’écris cette préface, car il s’agit de me plonger dans les souvenirs les plus forts de ce que j’ai pu vivre alors, en poursuivant ma passion du vol et ma quête d’absolu.

Lorsque les gens me demandent parfois quels sont mes souvenirs les plus forts, ils pensent évidemment à ceux que j’aurais pu vivre dans l’Espace ! Et ils seraient surpris de m’entendre alors raconter quelques anecdotes de la vie à la 11 ! C’est là que se nichent mes meilleurs souvenirs, souvenirs de passion, de stress et de camaraderie, et, finalement, je dirais tout simplement d’amitié. C’est pour cela que lorsque les moteurs de Discovery se sont allumés deux dizaines d’années plus tard et quatre dizaines de mètres plus bas, je me suis exclamé à la radio : « Et, à la chasse bordel ! ».

J’ai omis le “Mort aux cons” traditionnel qui aurait pu … ne pas être compris par tout le monde, mais que je pense encore fortement !  Certes, plus de 3000 tonnes de poussée au cul, c’est autre chose que la PC du F100, mais cela m’a ramené en un instant à ce moment magique lors de mon premier décollage avec cet “avion d’homme”, chaperonné par le vénéré Sayous. Pourquoi vénéré ? Parce qu’il était un ancien de cette onzième escadre que j’avais appelée de tous mes vœux à la fin de l’ETO à Cazaux, et il était mon premier instructeur pour cette transformation qui s’effectuait alors au 3/11.

C’est à la 11 que j’ai pu commencer à mettre en miroir mes rêves et la réalité enivrante d’être pilote de chasse, grâce à Mathuz (diminutif de Mathusalem pour le Capitaine Sayous), et à “ses frères”. Rien n’était facile ni gratuit. C’était une autre époque, avec d’autres hommes, d’autres caractères, d’autres méthodes de travail, mais je tiens à souligner le sens du devoir et la passion de ces hommes qui menaient de front au quotidien courage et exploit, même en temps de paix. D’une manière simple et rude, ils m’ont appris que la conquête de la troisième dimension “air-espace” a, dès ses origines, amené l’homme à dépasser ses limites et j’ai commencé là-bas à apprendre à flirter avec les miennes ! Les témoignages de cet ouvrage m’ont ramené à cette époque, où petit PO que j’étais, je participais au premier convoyage de F100 à Djibouti pour le 4/11. Les quelques mois passés là-bas m’ont aidé à comprendre le sens du mot “paradis”, paradis du pilote, bien sûr ! Je dois dire que je n’ai retrouvé pareille Liberté, Egalité et Fraternité qu’à la Cité des Etoiles, avec mes camarades Cosmonautes soviétiques. C’est un paradoxe, mais c’est ainsi !

L’ouvrage d’André est incroyablement humain, vivant et vrai. Il a su rassembler un extraordinaire foisonnement de détails, d’anecdotes et d’histoires qui nous racontent, comme si nous y étions encore, l’âme d’une Escadre qui fut la nôtre. Dans ces épopées, on ne plaçait pas la vie des individus au premier plan, mais celle de nos avions, de nos équipes, de nos détachements et de nos missions. De nos femmes et de nos chevaux aussi… bien sûr ! A l’heure où tout est galvaudé, où la prise de risque et la recherche de l’excellence sont ignorées, cela redonne leurs lettres de noblesse au dévouement et à l’implication qui sont si nécessaires à notre devenir ainsi qu’à nos idéaux.

Il nous reste, après avoir lu ce livre plein d’humanité, à souhaiter que les chefs futurs de nos armées y puisent l’essence même du courage, de la volonté et de l’abnégation nécessaires au maintien d’une civilisation que nous avons su bâtir et qui souhaite pouvoir continuer à vivre en paix. Qu’ils s’en inspirent, c’est la clef de notre avenir en tant que nation et dans le Monde de demain qui est déjà bien en chemin !

Merci, André, pour cette magnifique Mémoire !

Merci à tous les auteurs de cette compilation !

Et longue vie à la 11 ! Même dissoute, elle est présente dans nos cœurs et nos mémoires.

Patrick Baudry ; Ancien de la 11, et du 1/11

Le prix est de 15 Euros et une ristourne de 20% (soit 12 Euros) est consentie aux membres de l’Amicale des anciens de la 11ème Escadre ; prix auquel il faut ajouter 7 Euros pour frais d’envoi.

Où le commander ?  Vous pouvez payer par virement bancaire (demandez le RIB) ou envoyez un chèque à l’adresse suivante :                                                                                                                                                                                               André CARBON                                                                                                                                                                                                                                                                                                 7 rue d’ARCOLE                                                                                                                                                                                                                                                                                        33470 GUJAN  

livre11ec@gmail.com

Où le trouver ? Il est en vente dans 2 librairies parisiennes “

La Maison du Livre Aviation” 75 boulevard Malesherbes 75008 PARIS et

“L’Appel du Livre” 99 rue de Charonne 75011 Paris

Le ravitaillement en vol sur F 100 « SUPER SABRE »

F100 en phase de ravitaillement

 Le ravitaillement en vol sur F 100 « SUPER SABRE »

C’est pendant mon premier séjour sur F-100, entre 1966 et 1967, qu’ont eu lieu les premiers essais de ravitaillement en vol à la 11 Escadre. Les informations sur ces opérations étaient rares.

Après avoir volé pendant six ans sur Mirage III E, c’est comme Commandant en second du 2/11 « Vosges » que j’ai retrouvé le F-100 et suivi le stage de transformation au ravitaillement en vol. Cet exercice ne m’a jamais paru particulièrement facile. Mes vols sur avions de chasse ont malheureusement pris fin le 26 mai 1975, date de ma troisième éjection.

Avec seulement 17 missions de ravitaillement, un seul détachement en Afrique, et même si elle m’a beaucoup marqué, mon expérience dans ce domaine est forcément limitée.

1 – Historique

Avec l’accession à l’indépendance de certains pays africains, des accords de défense sont signés. Ils prévoient l’intervention de moyens aériens français « en cas de besoin ». Les missions incluses dans le cadre de ces accords sont assurées par les « Vautour », seuls chasseurs à grande autonomie disponibles dans l’Armée de l’air. Les « Vautour » vieillissant, il faut songer à les remplacer. En dehors des Forces Aériennes Stratégiques (F.A.S.), le seul avion capable d’assurer la mission, car ravitaillable en vol, est le F-100. Les F-100 de la 11, « prêtés » à la France par les américains dans le cadre de l’« OTAN », ne peuvent pas intervenir en opérations sans leur autorisation et ne sont pas tous techniquement ravitaillables. La France achète donc quelques F-100 capables d’être ravitaillés en vol. Le ravitailleur prévu est, bien entendu, le C 135 F, déjà utilisé pour ravitailler les Mirages IV. Dans l’Armée de l’Air des « années soixante », seules les FAS ont une expérience du ravitaillement en vol. Les premiers pilotes transformés défrichent donc le terrain avec l’aide du CIFAS, le centre d’instruction des FAS, à Bordeaux.

2 – Technique

Deux types de perches de ravitaillement existent.

La perche droite, apparemment fragile et peu souple n’a pratiquement pas été utilisée. La perche coudée, plus souple, est la perche standard opérationnelle. Les réservoirs pendulaires (bidons) standards de 275 gallons ne sont pas ravitaillables en vol. Pour assurer les missions outre mer, des bidons de 335 gallons ravitaillables en vol sont achetés. Sur F-100, la perche de ravitaillement est située sur l’aile droite, à 2 mètres environ de l’axe de l’avion. L’opérateur ravitailleur positionne le panier de ravitaillement à 2 mètres à droite de l’axe du C 135. Le « boom » et le panier restent fixes pendant toute la durée du ravitaillement. Le débit du transfert de carburant (1000 lbs minute, je crois), conditionné par la résistance à la pression des réservoirs et des tuyaux du circuit de carburant du F-100, est très inférieur au débit utilisé pour les Mirage IV.

En phase d'approche du ravitaillement
En phase d’approche du ravitaillement

Pour ravitailler, le pilote du F 100 doit :

– mettre les réservoirs à l’air libre,

– sélectionner la loi de pressurisation dite « de combat », ce qui, en diminuant fortement la pression à l’intérieur du cockpit, réduit les risques liés à une décompression explosive en cas de choc avec le panier de ravitaillement.

La technique de contact demande de ne regarder ni le panier, ni la perche de ravitaillement. Le pilote du F-100 s’approche par l’arrière et en dessous du ravitailleur puis remonte vers lui pour se stabiliser 5 à 10 mètres derrière le panier. La perche est dans l’axe du panier si:

– les yeux du pilote du F 100 sont alignés sur la ligne peinte sous le fuselage et dans l’axe du C 135,

– l’extrémité rigide du « boom » est sur l’horizon.

Quand la position est stable, le pilote avance lentement jusqu’à ce qu’il « sente » le contact de la perche avec le panier. Pendant ce temps, pour aider le pilote et renseigner aussi l’équipage du C135, le « Boom » annonce la distance restante en mètres : « Deux mètres, un mètre, contact». A ce moment, le pilote augmente légèrement la puissance du réacteur tout en mettant du palonnier à gauche (à l’opposé de la perche) pour que le tuyau souple qui porte le panier forme un « S ». Si le contact est bon, la perche est verrouillée au panier et il suffit d’avancer sous le ravitailleur jusqu’à ce que le bon repère, peint sur le tuyau souple, atteigne  la courbure du « S » sans le dépasser. Après quoi la tension dans la cabine se relâche un peu. Il suffit de maintenir la pression sur le palonnier pour compenser la résistance de la perche sur le panier, et garder la position par rapport au ravitailleur avec une tolérance pouvant aller jusqu’à un mètre.

Dans le panier du C135
Dans le panier du C135

La précision du pilotage est primordiale. Les commandes de vol du F-100 n’ont pas la précision de celles d’avions plus modernes et l’opération demande une grande concentration. Cela n’empêche pas certains de ravitailler « les doigts dans le nez », mais pour la plupart d’entre nous l’opération n’est jamais gagnée d’avance. Il suffit, sur certains films, de regarder l’agitation de la gouverne de profondeur du ravitaillé, pour mesurer le travail et la nervosité du pilote. En fin de ravitaillement et indépendamment de la crampe à la jambe gauche du pilote, la masse atteinte par l’avion impose de mettre pleine puissance pour essayer de « téter » les derniers litres, car la vitesse de ravitaillement est plus favorable au ravitailleur qu’au ravitaillé. Il existait une technique d’utilisation de la post combustion, rarement utilisée car très coûteuse en carburant. En cas de nécessité, la procédure du toboggan pouvait aussi être utilisée, mais elle n’était pas opérationnelle pour ravitailler une patrouille de plusieurs avions. Le fait que la perche soit décalée latéralement et située assez en arrière par rapport au nez de l’avion rend le contact délicat, car le pilote ne voit ni le panier ni le « gland » pendant l’opération.

Il n’est pas exceptionnel que, le contact ayant eu lieu en bordure de panier, celui-ci se dégage en « fouettant » vers le F-100. En général le pilote, qui a toujours un œil qui traîne du coté droit, a juste le temps de descendre d’un mètre et de baisser la tête pour voir le panier passer à quelques centimètres de la verrière. Il y a eu, à ma connaissance, au moins un cas de retour d’un F-100 en « décapotable », comme suite à une collision avec le panier au cours d’un contact un peu viril.

3 – Opérations

Le ravitaillement des F 100 ayant pour but d’intervenir en Afrique, il a fallu mettre au point différentes méthodes pour permettre à l’équipe F 100 / C135, de décoller, naviguer, se dérouter, percer, atterrir, tout en assurant la cohésion de l’ensemble, même par mauvaise météo. Les ravitaillements sont effectués au cours de deux types principaux de missions.

3.1 – les missions de convoyage outre-mer.

Le dispositif standard de mission outre-mer comprend 1 ravitailleur et 3 chasseurs. Pendant les vols de convoyage, les chasseurs restent en formation de manœuvre sur le ravitailleur dans lequel se trouve une équipe de mécaniciens et de pilotes, dont un « directeur des vols », capable de prendre toute décision au titre des F-100 ( gestion des pannes, déroutements éventuels, « timing » des ravitaillements, etc.). Le ravitailleur assure la navigation, les procédures imposées par le contrôle aérien et le ravitaillement. La procédure de décollage classique prévoit de faire décoller d’abord les chasseurs pour s’assurer qu’ils peuvent assurer la mission (pas de panne). En cas d’incident les chasseurs déjà en l’air atterrissent et peuvent être dépannés tout de suite puisque les mécaniciens sont toujours au sol. Quand tout va bien, le ravitailleur met en route et roule jusqu’en bout de piste. Pendant ce temps les chasseurs effectuent un « hippodrome » assez large et, à leur top, le ravitailleur lâche les freins pour décoller. Le top est calculé pour que le rassemblement en formation serrée sur le ravitailleur (1 F-100 d’un coté, 2 de l’autre) soit assuré au moment où celui-ci atteint ses paramètres de montée. De cette manière, l’ensemble peut pénétrer en sécurité dans une couche nuageuse, même à basse altitude. Les ravitaillements (souvent 2) se font sur le trajet, dans un secteur où, compte tenu de la météo et des impératifs de la circulation aérienne, le dispositif n’est pas trop sollicité par le contrôle aérien et peut rejoindre un terrain de déroutement en cas d’incident. En règle générale, pour équilibrer l’autonomie des chasseurs, chacun commence par assurer 80% de son plein et complète à 100% au cours d’un deuxième passage. L’opération complète dure de 30 à 40 minutes. En fin de convoyage, si la météo le permet, les chasseurs prennent leur autonomie et rejoignent l’aérodrome de destination par leurs propres moyens. En cas de mauvais temps, ils traversent la couche nuageuse en patrouille serrée sur le ravitailleur (qui sortait le train d’atterrissage à 30 000 pieds). En vue du sol, ils effectuent un circuit d’atterrissage ou une finale directe, parfois assez bas, pendant que le ravitailleur remet les gaz.

Ravitaillement durant un convoyage
Ravitaillement durant un convoyage

 3.2 – les missions d’entraînement.

Elles ont pour objectif de maintenir à la fois la capacité des pilotes à ravitailler, mais aussi leur capacité à gérer la fatigue d’un vol pouvant dépasser six heures. Le problème de fatigue et de concentration en vol des pilotes est réel. Indépendamment des ravitaillements, et avec les risques de collision entre avions ou avec le sol que cela induit, ils effectuent en patrouille et pendant le reste de la mission : de la manœuvre, du tir, de la navigation à basse et à haute altitude. Chacun organise sa pause casse-croûte et surtout boisson pendant les périodes de vol où le port du masque à oxygène n’est pas indispensable. D’autres besoins naturels, que des équipements individuels permettent de mieux résoudre aujourd’hui, peuvent poser de gros problèmes dans un monoplace peu confortable et non équipé de pilote automatique. Pour ces missions, la patrouille standard de quatre avions rejoint un ravitailleur qui « fait le trottoir » sur un axe et ravitaille en utilisant les mêmes techniques que pour les missions de convoyage. La procédure de ravitaillement en deux passages par avion est indispensable. Avec un seul passage, en fin d’opération le premier ravitaillé aurait eu 30 à 40 minutes d’autonomie en moins que le dernier. Dans le cas où un des chasseurs était équipé de bidons de 275 gallons non ravitaillables, le pilote ne branchait pas ses bidons (c’était possible sur F-100). Il utilisait dès le décollage le carburant contenu dans le fuselage et les ailes qui pouvaient, eux, être ravitaillés en vol. De cette manière, il pouvait recomplèter les pleins à peu près comme les autres avions de la patrouille et, en cas d’incident et sauf panne de transfert, il pouvait transvaser dans le fuselage le carburant gardé en réserve dans les bidons.

4 – La transfo.

Le stage de transformation au ravitaillement s’effectue généralement à Istres, où sont basés les C-135. Tous les briefings et tous les débriefings ravitailleur/ravitaillés sont faits en commun. Pour la première mission, le stagiaire est en place arrière d’un F-100 F (biplace). La visualisation des positions relatives entre avions y est meilleure qu’en place avant où le pilote est très en avant de la perche. Plusieurs contacts secs et/ou humides sont faits à chaque mission. Au bout de 3 ou 4 missions dont au moins 2 en place avant, le pilote stagiaire part en monoplace. Puis les missions en mono et en biplace alternent en fonction des besoins des stagiaires ou des impératifs d’entraînement et des disponibilités des avions. Après 8 à 10 missions sans problème, le pilote est considéré comme dégrossi et s’entraîne régulièrement à partir de Toul.

Ma transfo s’est déroulée du 5 au 14 novembre 1974.

J’ai effectué :

. 3 missions en double commandes incluant 12 contacts

. 1 solo incluant 6 contacts

. 2 missions en double commandes incluant 6 contacts

. 2 solos incluant 8 contacts.

Denis TURINA 

Crash du A83

Crash A83

                                                                (À mon ami Jean-Pierre et aux autres aussi…)

Etat des lieux :

En ce beau matin du 15 novembre 1982, je supervise le départ d’une patrouille de 4 avions pour une mission GE (Guerre Electronique), en qualité d’officier mécanicien de l’escadron de chasse 2/11 « Vosges ».

Mon camarade Jean-Pierre prend place à bord du JAGUAR A83 en configuration « 6 Fox +  CT 51 ».

Mise en route ; roulage ; décollage et c’est parti pour une mission « longue » de qualification « Chef de Patrouille » : ASV4 au dessus de l’Allemagne. Retour prévu début d’après-midi.

Matinée standard pour un officier mécanicien : PPV, gestion des pannes, changements de configuration, suivi des chantiers en cours, arbitrage des querelles inter-spécialités, négociation avec le Commandant d’Escadrille qui en veut toujours plus, mensonges au chef des Services Techniques Escadre qui croit encore qu’une poignée d’ordres (soient-ils aberrants) permet d’ accélérer la résolution des problèmes techniques ; et pendant les temps morts, prise en charge d’un radiateur qui fuit ou d’une cuvette de WC bouchée. En bref : la routine !

Aux alentours de 13H30, de retour du mess,  je suis en grande discussion avec mon chef de piste Marco sur le parking des Ops de l’escadron lorsque, levant les yeux au ciel j’aperçois un avion effectuant une approche peu conventionnelle, pour autant que je puisse en juger :

Une incidence proche des 45° ; un taux de descente qui avoisine la chute libre et par conséquent une vitesse « sol » qui me laisse perplexe.

« Il va se planter ce C..* ! » lançais-je à Marco dont le regard exorbité et la bouche bée me laissent à penser  qu’il partage mon point de vue.

« Pu….n*, ça va merder* ! » me répond-t-il en se précipitant vers le bureau de piste voisin pour « scrambler » l’équipe de crash, puisque c’est justement au 2/11 d’assurer ce service cette semaine là.

Comme un seul homme, et sans nous concerter, nous sautons dans le « Tracma » garé devant l’entrée du bureau de piste et nous dirigeons plein gaz (25 km/h) vers l’entrée de piste en empruntant le taxiway et en oubliant d’en demander l’autorisation à la Tour.

* :  Mots de vocabulaire employés par les mécaniciens en situation de stress. Le mécanicien étant par essence un être doux, sociable, bien élevé, courtois et sensible. (NDLA)

Un atterrissage pour le moins mouvementé :

Pendant ce temps, notre avion continue sa descente vertigineuse, et comme je l’avais imaginé impacte lourdement la planète à quelques dizaines de mètres avant l’entrée de piste, laissant au passage la jambe de train droite fichée dans le sol ; ce qui lui fera évidemment défaut par la suite.

S’en suit une embardé sur le côté droit de l’appareil qui s’écarte de l’axe de piste pour se diriger droit vers la butte de terre sous laquelle se trouve le local abritant les treuils de relevage de la barrière de sécurité qui heureusement est en position basse, sinon notre ami aurait été fait comme un papillon dans un filet. Je réalise à ce moment là que sa vitesse sol est bien supérieure à celle que j’avais estimée quelques instants plus tôt !!!

Se servant de la butte comme d’un tremplin, mon camarade « Olive », au commande de l’appareil indocile, semble tenter ce qui pourrait ressembler à un « touch and go » ; mais le « Go » est de courte durée, puisque après avoir « légèrement » rebondi, l’avion retombe lourdement sur le flanc mais en retrouvant l’axe de la piste.

Ce faisant, Jean-Pierre a décidé de rentrer (ou presque) la roulette de nez ; sans doute parce que la dirigibilité n’était plus suffisamment efficace.

Un nuage de terre, une forte odeur de pétrole (il en reste pourtant peu dans les réservoirs), un bouquet d’étincelles et quelques centaines de mètres de glissade, et Olive, passionné de conduite automobile nous gratifie d’un « Tête à queue » somptueux réalisé grâce à l’ouverture du parachute frein avant de s’immobiliser en vrac au milieu de la piste et d’évacuer l’avion par ses propres moyens.

Une fin heureuse :

Les pompiers, arrivés en même temps que Marco et moi commencent à arroser copieusement l’avion de neige carbonique, pendant que je me précipite vers un Jean-Pierre un peu hagard en lui demandant si tout va bien.

Fidèle à lui-même et face au côté anecdotique de la situation, il me rassure immédiatement par une réponse venu du plus profond de son être et que lui seul est capable de prononcer en pareille circonstance : « Putain, je me suis mis un de ces coup de boule sur le compas !!!! »

En effet, il arbore pour simple blessure un superbe « œuf de pigeon » au milieu du front ; ce qui ne l’empêchera pas d’être transféré immédiatement vers à l’infirmerie à bord d’une superbe camionnette verte à croix rouge arrivée précipitamment sur site (voir photo).

L’équipe de crash arrivée sur les lieux, il va nous falloir évacuer la piste au plus vite afin de libérer l’espace au cas où d’autres appareils voudraient tenter d’atterrir, si possible de façon plus académique.

Crash A83 . Les pompiers sont là
Crash A83 . Les pompiers sont là

Il ne nous faudra qu’une petite heure pour remettre l’avion debout, le hisser à l’aide d’une grue Pinguely et le ramener de manière acrobatique à son domicile sur le plateau d’une « 40 pieds », malgré une foule de « badauds » galonnés venus voir, photographier, expliquer, conseiller, commenter, et nous sommant sans cesse de faire plus vite ;  ne réalisant pas que leur frénésie ne faisait qu’entraver le bon déroulement des opérations (mais on avait l’habitude et je ne leur en veut pas, ils cherchaient juste à évaluer la part de responsabilité qui pourrait leur être attribué dans cette affaire et qui serait de nature à faire ombrage à une carrière qu’ils souhaitaient brillante: la leur !).

Conclusion :

Une fois de plus, la mécanique du 2/11 avait prouvé ce jour là (et je l’ai toujours affirmé haut et fort) qu’elle était la plus « pointue » et la plus réactive de l’Escadre, n’en déplaise à mes amis du 1, du 3 et du 4/11 que je salue très amicalement au passage.

Malgré la violence du choc et l’importance apparente des dégâts subis, le JAGUAR A 83 sera remis en état de vol et fera une deuxième carrière au sein de la 11ème Escadre de Chasse à la grande fierté de Jean-Pierre qui avait réussi à préserver l’essentiel.

La technicité des mécanos du 2/11 ne permettra hélas pas de sauver le bidon ventral qui finira lamentablement au musée des souvenirs de la Base aérienne 136, j’ai cité le «Parc à Ferrailles».

Certains pilotes (de mauvaise foi) prétendront par la suite que cet avion devait être un peu tordu car il avait paraît-il tendance à voler en crabe.          Et pour quelle raison, dîtes-moi ?

Voilà, raconté en quelques lignes, un des épisodes marquant (il y en aura d’autres) de mon passage comme officier mécanicien au sein de la 11ème Escadre, et plus particulièrement du 2/11 « Vosges » dont je veux saluer ici tous les personnels que j’ai pu côtoyer, qu’ils soient officiers ou sous-officiers, pilotes ou mécaniciens et dont certains à ce jour sont devenus ou restés des amis fidèles.

Après  plus de 36 années passées au sein de l’armée de l’air, et pour avoir travaillé avec nombre d’unités opérationnelles et roulé pas mal ma bosse, je pense être en mesure de confirmer ce que me disait il y a quelques temps le Gal Longuet, lui aussi passé par la 11EC :

« Il y a deux types de personnels dans l’armée de l’air ; ceux qui ont connu la 11ème Escadre et les autres ».

 

                                               Michel Fonvieille

                                               Officier Mécanicien EC 2/11 Vosges

                                               1982-1987

NDLR : Jean Pierre a accepté de raconter brièvement ce qu’il s’était passé. Je le remercie sincèrement surtout qu’il reconnait avoir un peu “merdé”.

“Retour d’un Asv4 en RFA, attaque Crotale à Toul en arrivant de la forêt. Vertical le terrain: 250 ft et 450 kts alarme générale et les deux nourrices allumées. Panique à bord et aucune réflexion de ma part. Cabré, plein réduit AF, train, volets pour me poser dans la foulée en 22. Inutile de dire que dans la conf (6F + CT51) tout a grimpé: le vario, l’incidence et le badin. J’ai impacté le POR avec de l’angle et la suite Michel la raconte.

Au résultat, mon bidon ventral était plein et n’avait jamais transféré de la mission car la prise dans le PU s’était débranchée peu de temps après le décollage. Ceci dit j’aurais dû m’en rendre compte si j’avais cross-checké les indications du détotalisateur avec les vignettes carburant. Ensuite même s’il ne restait plus beaucoup de pétrole dans l’avion je n’aurais jamais dû me précipiter car j’avais le temps de m’éloigner et de revenir proprement pour me poser.”

NDLR (again) : Pierre Amarger a été témoin du crash, et il m’a fait parvenir ce commentaire. 

J ‘étais OPO (officier de permanence opérationnel) ce jour là : je confirme le récit de notre excellent officier mécano, je rajouterai seulement que le spectacle m’a donné un bon coup d’ adrénaline et un passage en mode “ralenti”. 

A  l’ impact , le train principal s’écarte bien au delà des limites, le bidon ventral éclate en un gerbe de carburant, l’avion glisse sur le fuselage, la roulette de nez s’efface, l’ avion sort de la piste du coté droit incliné sur la droite ; je crains qu’ il ne bascule sur le dos, mais il me semble que le CT51 empêche cette redoutable rotation (il aura au moins pour une fois servi à quelque chose !). Après une longue course hors piste l’ avion reviens sur la piste, réalise un tête à queue et le pilote évacue  …

Pour ceux qui ne connaissent pas le Jaguar, l’ alarme “”nourrice ” signifie 160kg restant (ce qui signifie aussi moins de 5 minutes de vol) : nous avons perdu un pilote au décollage en  81 , dû à un non fonctionnement du transfert carburant.

Bien amicalement 

Une photo, une histoire ; la paie livrée par Jaguar

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Cette anecdote se passe en 1978 à N’Djamena dans le cadre de l’opération TACAUD ; c’est une période trouble puisque cette année a vu les Jaguar intervenir réellement aux profit des troupes au sol, et notamment à ATI pour dégager une section de la légion bien mal en point (articles à venir). Les forces terrestres étaient présentes sur le territoire Tchadien et en particulier sur le 16 Nord. Problèmes de logistiques à la clef compte tenu de l’éloignement dont un qui concernait le paiement de la solde. Difficile de louer les services d’un transporteur spécialisé ; je ne sais pas qui a eu l’idée de livrer la paie par avion, mais elle fut mise œuvre avec un Jaguar. La réalisation fut assez simple ; les billets furent emballés et les paquets installés dans les aérofreins (AF) d’un Jaguar.
On a confié la livraison de la paie à un élément de valeur Lolo, le chef de piste aidé par Herry le pétaf
On a confié cette mission à un élément de valeur Lolo, le chef de piste aidé par Herry le pétaf
Départ de l'avion de la Brinks locale
Départ de l’avion de la Brinks locale
Il ne “suffisait” plus que de survoler les biffins, ouvrir les AF et le tour était joué. Ce fut Duduche qui fut investi de la mission ; bien conscient qu’il ne fallait pas ouvrir les AF avant le point de largage prévu, il s’acquitta brillamment de cette tache en larguant la précieuse cargaison à l’heure et l’endroit prévu. Par contre, au lieu de recevoir un paquet,  ils reçurent les billets volant séparément comme une pluie de confettis. En effet, l’emballage n’a pas résisté à la vitesse de largage de 450 kts. Ceux qui attendaient avec impatience la livraison ont vu descendre cette pluie de billets ; l’histoire dit qu’ils les récupérèrent tous mais pas ce qu’ils firent de l’argent puisque c’était en plein désert.
Duduche, soucieux reconverti en facteur ; il n'a pas pu faire signer l'accusé de réception
Duduche, soucieux reconverti en facteur ; il n’a pas pu faire signer l’accusé de réception
 

Une photo, une histoire ; le SMB2 de Combriat

 

Salle OPS Cazaux
Salle OPS Cazaux. Au fond et à gauche le B2 de Combriat

Cazaux était la base sur laquelle se déroulaient les campagnes de tir Air-sol et Air-Air pour la FATAC (Force aérienne tactique). Période privilégiée durant laquelle on effectuait la finalité de la mission d’un avion d’arme, c’est à dire délivrer de l’armement. Pour accueillir les unités il y avait un escadron dédié à cet usage qui portait le nom d’escadron de passage. Comme dans tout escadron, il y avait une salle d’OPS décorée par les personnels qui y avaient séjourné ; c’est ainsi que sur la photo jointe juste au dessus, on peut voir sur la gauche, l’insigne du 2/3, puis celui d’un escadron de la 13 EC et juste dans le coin en haut, pas très visible sur cette photo, le soleil, un F100, un SMB2, un pilote éjecté au bout de son parachute et sur le casque du pilote (à l’aide d’une loupe) on peut lire le nom de COMBRIAT. 

Le B2 à Combriat
Le B2 à Combriat

Au départ, il n’y avait que le B2 de la 12 EC escadre dans laquelle volait un ancien pilote du 2/11, le capitaine COMBRIAT. Jeanjean qui appartenait au 2/11  et qui avait un excellent coup de crayon commença à dessiner un F100 plein arrière du B2 en train de le “membrer”. Et puis tant qu’à faire autant mettre une touche personnelle, montrer le B2 en perdition et son pilote au bout du parachute et puis lui donner un nom. 

Ce genre d’agacerie était monnaie courante à l’époque et Jeanjean se doutait bien que cela n’en resterait pas là et que lorsque un escadron de la 12 EC reviendrait dans l’escadron de passage,  son dessin serait complété. Et c’est pour cette raison qu’il ajouta un soleil juste derrière le F100 afin qu’un autre B2 ou chasseur ne puisse venir se “faire” le F100. 

Je ne sais pas si ces dessins existent encore. 

Jeanjean dans ces œuvres
Jeanjean dans ses œuvres

La coupe AIRCENT

Le graal

Au début de 1970, une seule idée trotte dans la tête de tous : la coupe AIRCENT. Le 2/11 se doit d’être brillant, aussi les « pims » et les « poms » sont répartis dans les deux autres escadrons. Un entraînement sérieux et musclé débute. Il est d’autant plus sérieux que l’année précédente, l’EC 1/11, sous les ordres du Cdt Letty avait participé à ce concours, et en avait tiré bon nombre d’enseignements qui allaient servir de base de travail. Le Cdt Letty terminait en ces termes : « il faut payer le prix, si l’on veut figurer dans ces concours internationaux ». Les résultats prouvent que nos méthodes sont bonnes, que nous tirons aussi bien que les autres. Il reste à parfaire tout cela l’année prochaine ». C’est ce que va faire le 2/11 « Vosges ».

Seuls les quinze derniers jours précédant le concours ont permis à certains de se régler. Grâce à un travail d’équipe, les mécaniciens réussissent à fournir un avion à chaque concurrent, appareil harmonisé par le pilote lui-même et maintenu disponible par l’établissement d’équipes de nuit au sein de la mécanique 2/11. Chaque appareil possède une cinquantaine d’heures de potentiel, et est équipé de canons et de lance-roquettes neufs, un mois avant le concours. Cette personnalisation parut nécessaire et particulièrement bénéfique à la victoire tant espérée.

Les vainqueurs
Les vainqueurs

Le concours AIRCENT consiste pour chacun des six pilotes, à effectuer sept missions : trois de navigation avec passage sur un objectif et un tir, et quatre missions uniquement de tir. La configuration est la suivante : 80 obus, 1 bombe de 50 kg et une roquette à tête inerte. Quant aux tirs, ils se déroulent de la manière suivante : une passe SKIP à une altitude 35′. Une passe roquette avec une altitude- mini 500′ et une ou deux passes canon au choix du pilote, ligne d’arrêt de feu à plus de 500 m. Tous les tirs se dérouleront sur le champ de tir de Suippes. Bien qu’invitée, la France pouvait prétendre donc concourir pour la coupe WALKER réservée à l’attaque conventionnelle. Trois mois avant l’épreuve, une première équipe de dix pilotes est formée. Ces derniers ne font pas de mission imposée, ne prennent pas la PO, n’exécutent pas de mission de défense aérienne, ni de vol de nuit. Ils s’entraînent uniquement au tir, à l’assaut et ils cultivent leur forme physique en faisant du sport. L’exploitation des résultats du 1/11 obtenus en 1969 prouvait à l’évidence que le concours AIRCENT se gagnait sur SKIP Bombing. C’est donc sur le bombardement que l’accent fut mis. Les méthodes de tir ayant été élaborées l’année précédente, il convenait de les adapter à la nouvelle altitude minimum autorisée. La météo réserva aux départements de l’Est des plafonds assez bas durant le mois de mars et avril. Peu gênant pour l’assaut, le SKIP, voire le canon, ces plafonds insuffisants ont considérablement gêné l’entraînement roquettes.

Tir SKIP en F100
Tir SKIP en F100

Le 1er juin 1970, six F100 se posent à Spangdahlen où une quarantaine de mécaniciens ayant rejoint par TRANSALL les attendaient. Accueil à l’américaine : efficacité et luxe de moyens. Dès la première semaine, la 2ème ATAF équipée de FIAT G91 se laisse décrocher et le combat se précise entre la France et la 4ème ATAF équipée de FIAT G91 et de 3 PHANTOM. La malchance éprouve le 2/11 ; une panne de freins au décollage fait perdre le bénéfice d’une mission entière puisque le règlement prévoit que chaque détachement est responsable de ses pannes et qu’il ne saurait être question de redonner un vol en cas de défaillance mécanique. Parallèlement, une bombe et deux roquettes refusent de partir et allègent d’autant le score du jour. En fin de semaine, la 4ème  ATAF est en tête talonnée à 10 points par le 2/11. Rien n’est perdu, le moral est d’acier. La seconde semaine débute mal et l’écart se creuse jusqu’à 45 points. Le mardi matin, trois pilotes de l’escadron rentrent de vol la mine faussement carton ». Rush sur les résultats de la 4ème ATAF… le «day-off » a changé de camp, l’escadron a repris les 45 points plus quelques autres qui permettent de passer en tête, explosion de joie… cris de guerre… ces minutes sont la récompense d’une préparation intense. Dès lors tout va bien, chacun remplit son contrat et, plus jamais la 4ème ATAF ne fut réellement inquiétante. Pour signer la victoire, les six dernières missions s’échelonnèrent entre 17 et 22 points… score qui prend toute sa valeur quand on sait qu’une mission à 15 points est une très bonne mission.

Le palmarès de la coupe WALKER remportée par l’Escadron de chasse 02.011 «VOSGES» est de 586 points contre 540 à la 4ème ATAF et 393 à la 2ème ATAF. Par équipe, le 2/11 se classe premier en navigation, en tir canon et en bombardement. Individuellement, les pilotes se classent 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 8ème et 9ème en navigation, 1er, 3ème, 4ème et 5ème en tir canon, 3ème, 4ème 5ème, 7ème  et 8ème bombardement.

Le 2/11 devient alors le meilleur escadron de l’OTAN.

La FATAC ne pouvait pas rester indifférente
La FATAC ne pouvait pas rester indifférente
L'équipe vainqueur pilotes et mécanos
L’équipe vainqueur pilotes et mécanos
Préparatifs des festivités
Préparatifs des festivités

Le Corbeau et le Renard des SPA 91 et 97

SPA 91 SPA 97

 

Comme annoncé précédemment, Le Moine est bien à l’origine de l’histoire du Corbeau et du Renard. Il raconte. 

Le Moine au 2/11 quand il volait sur F100
Le Moine au 2/11 quand il volait sur F100

J’ai été affecté en débarquant à Bremgarten à la deuxième escadrille du 2/11, la SPA 97. C’était bien entendu la meilleure, bien que ce titre ait été largement contesté par la 1ère escadrille, la SPA 91. Leurs arguments de totale mauvaise foi, c’est certain, reposaient sur le fait qu’ils étaient la PREMIERE escadrille, et que sur l’écusson du 2/11, l’aigle survolait toujours les hermines.

Les insignes de la SPA 91 et de la SPA 97
Les insignes de la SPA 91 et de la SPA 97

Au bout de quelques années de réflexion, et en regardant bien l’insigne, j’ai trouvé que le soi-disant aigle ressemblait plus à un corbeau maigrichon qu’à ce noble rapace. Et en regardant mieux, tels que les insignes escadrilles étaient disposés, la UNE coiffant la DEUX, ça faisait penser à la fable de La Fontaine. En effet, le corbeau tenait bien dans ses pattes un fromage tout blanc, et le triangle pouvait se transformer en tête de renard, les bandes blanche devenant les yeux et les hermine les pupilles. Il n’était pas question de dire à la UNE  que leur oiseau n’était qu’un vulgaire corbac sans risquer de sévères représailles. Il fallait donc « suggérer ». C’est alors que j’ai commencé à dessiner le renard, et après quelques esquisses laborieuses, je suis arrivé au renard assis tel que tu le connais. A partir de là, il fallait le présenter « officiellement » en fanfare.

Notre commandant d’escadrille était alors Jean-Claude Valais.

J’ai donc montré à ce dernier mon dessin, et je lui ai proposé d’en faire un écusson qu’on porterait discrètement sur notre sous-vêtement car il n’avait rien de réglementaire : règlement-règlement. En descendant la fermeture éclair de la combinaison de vol, l’insigne apparaîtrait aux yeux certainement émerveillés de nos petits camarades de la UNE qui ne pourraient manquer de comprendre « presque  immédiatement» l’allusion…

La patte d'hermine devenue renard
La patte d’hermine devenue renard

Aussitôt dit, aussitôt fait. J’ai brodé le premier modèle de l’écusson, mais oui, puis j’ai continué avec Jacqueline Valais pour fournir tous les pilotes. Nous avions acheté un pull rouge léger à col roulé garanti ignifugé (sécurité des vols oblige) aux tailles de chacun et nous avons cousu l’écusson à la bonne place. Comme tu vois, un pilote de chasse sait tout faire, surtout « un de la deux » ! Nous nous sommes ainsi présentés un beau matin à l’escadron, tous dans nos belles tenues de vol négligemment ouvertes sur un renard goguenard. Ce fut tout d’abord un grand silence, puis un léger soubresaut qui s’est transformé en un énorme éclat de rire et le renard a été ainsi adopté par l’escadron.

L’affaire s’est ensuite corsée, car ayant obtenu laborieusement mon BCP, j’ai eu l’honneur d’être nommé à la tête de la UNE. Aïe ! Les allusions à voix basses concernant cet abandon du rusé renard pour rejoindre le corbac et son fromage prenaient de l’ampleur au fur et à mesure que la date fatidique approchait. Il fallait donc réagir, le défi était lancé. Je me suis dit qu’il fallait utiliser le corbac avec son fromage pour y placer, sans le montrer, le renard rusé dans la position qu’il fallait. Le deal était placé bien haut.…Et si on oubliait le fromage pour revenir au crane entre les pattes du corbac : j’avais la solution !

J’ai dessiné le corbac tel que je le présentais  dans notre cahier de marche, et j’ai donc replacé le crane à la place du fromage, mais j’ai mis pour les pupilles, dans les orbites du crane: les deux hermines. Plus de doute, le corbac avait gagné, il tenait le crane du défunt renard entre ses pattes.

Le corbeau nouvelle mouture
Le corbeau nouvelle mouture

Un drap dérobé chez moi dans la pile bien rangée par Hélène et dont nous devions, d’après mes dires, nous débarrasser depuis longtemps a parfaitement fait l’affaire. La taille du drap était nécessaire car le message se devait d’être aux format grand-écran. Ainsi, le jour « J » que tous mes compatriotes de la DEUX attendaient avec affiches et casseroles, juste avant que les manifestations ne débutent, j’ai déroulé mon drap sur le tableau d’ordres… et il y a eu un grand silence, puis un trémoussement pour se terminer par un énorme éclat de rire, et l’écusson de la UNE a été adopté par tout l’escadron…

Le Moine devant le tableau d'ordre
Le Moine devant le tableau d’ordre

Pour terminer cette longue histoire, au risque d’abaisser la haute image des responsabilités qui m’étaient confiées, je n’ai pas voulu laisser la DEUX présenter seule la combinaison de vol négligemment ouverte à la gloire du renard. J’ai donc remis en jeu mon titre de meilleure petit main de l’escadron et j’ai repris  laborieusement l’ouvrage dans le plus grand secret, seul car ma brodeuse avait suivi son mari vers d’autres cieux, pour habiller correctement la UNE du 2/11, la meilleure bien entendu!!!

Echange escadron avec les Hollandais . On peut voir l'insigne d'escadrille sur le sous vêtement de Fayolle, Le Moine et le commandant d'escadron Albert-Lebrun
Echange escadron avec les Hollandais . On peut voir l’insigne d’escadrille sur le sous vêtement de Fayolle, Le Moine et le commandant d’escadron Albert-Lebrun

Une photo, une histoire : hiver polaire

Photo de la banquise

 

C’était l’époque où il faisait froid en hiver. On est en Janvier 1982 et le thermomètre est descendu à -15°C. Ce n’est pas un record mais ça fait froid et la piste est complètement gelée.

Quelques photos qu’on croirait prises sur la banquise ou dans un village lapon. Dernière chose, les photos ont été prises au 1/11. 

Photo de la banquise
Photo de la banquise

Sans le mirador, on croirait vraiment que la photo est prise sur la banquise

Hangar du 1/11
Hangar du 1/11

On est à l’entrée du 1/11 et la route est à peine praticable ; imaginez la piste et les taxiways !

Devant le hangar
Devant le hangar

Comme il s’agissait d’un jeudi matin qui était réservé au sport, tout le monde (pilotes et mécanos) a été casser la glace, pour il faut le reconnaître, assez peu de succès. 

Village lapon ?
Village lapon ?

A gauche le bâtiment en bois servant de bureau de piste et de vestiaire pilote ; particularité du 1/11

Et voilà le travail !
Et voilà le travail !

Expédition en terre Adélie. De gauche à droite : Brun, Wagner, Toto ( ?), Hardouin

PRÉSENTATION BRAVO DE LA 11°EC EN JAGUAR

Présentation bravo

 

Dès l’arrivée du Jaguar en Escadre, c’est tout naturellement que la FATAC désigne la 7éme Escadre pour la présentation “A”. Les événements africains imposent un rythme élevé de missions à la 11 et la 7 gardera la présentation “A” jusqu’en 1980. En 1981, la 11 est désignée pour reprendre le flambeau de la présentation “A” et c’est la compétence de Jacques Deltrieu qui est retenue, il sera le premier présentateur “A” de la 11EC.

Pendant 2 ans “Trieu” montrera avec tout son professionnalisme les qualités d’évolutions du Jaguar, dans un volume très serré, en basse altitude (parfois bas, même très bas…). Les missions africaines reprenant de l’ampleur, la FATAC désigne un deuxième présentateur “A” pour pallier les absences de notre bon “Trieu”, Patrick Huet est désigné et ce fut un excellent tremplin pour rejoindre sa future affectation : la Patrouille de France.

En 1983, c’est notre regretté Michel Tani qui sera le présentateur “A” pour la 11, avec un programme aussi dynamique et encore plus “osé” que Trieu.

A la Grande FATAC, les chefs de Bureaux et les conseillers changent, les mentalités et les compétences aussi… Après le traitement de la 5C (principale préoccupation) et entre  deux examens ECAG2, les têtes pensantes de l’Etat Major  rôdent dans les couloirs et trouvent, d’un coup, que les présentations “A” du Jaguar sont dangereuses… Et puis il y a le Mirage 2000 qui est quand même plus porteur à leurs yeux !!!

En 1984, finalement c’est toujours le Jaguar qui effectue des vraies missions opérationnelles et le public des JPO s’étonne de l’absence du “félin” et en redemande. La présentation “B” renaît, moins dangereuse car les figures dans le plan vertical sont interdites. Le 3/11 Corse est désigné pour cette nouvelle mission. Une présentation à deux avions est même acceptée par les bureaucrates de la FATAC.

Après plusieurs entrainements en biplace, bien conseillé par Michel Tani, il ne me reste plus qu’à choisir un équipier fana et compétent qui accepte de “morpionner”. Tout naturellement je propose Alain Dupont que je connais bien pour ses talents de pilotage mais aussi parce que nous sommes très proches dans la vraie vie ; comme un équipage de guerre, il faut bien se connaître pour faire ce type de mission. Il accepte de suite, satisfaction !

Engie Dupont
Engie Dupont

Nous élaborons, ensemble, un programme de présentation basique pour montrer les possibilités de ce bel avion : beaucoup de patrouille serrée, de la grande vitesse, de la basse vitesse avec et sans le train sorti, des oreilles mais aussi des simulations d’attaque canon, une figure avec le leader train sorti passant devant le public qui se fait doubler par l’équipier en grande vitesse, un bel exercice de style et de timing (mais on en reparlera plus bas…). Sont ajoutées quelques figures ou morceaux de figures (je rappelle que les évolutions verticales sont interdites) ainsi que des effets de perspective sont copiées sur les arabesques des solos de la PAF pour donner encore plus de dynamisme à notre présentation. Le programme est présenté aux “dinosaures” de la FATAC, grands spécialistes Mystère IV, Ouragan, SMB2, F100 ou Mirage IIIC (qui n’existent plus), et c’est non sans mal que la présentation est validée.

Les entrainements s’enchainent et ce n’est que beaucoup plus tard que nous faisons, enfin, une présentation devant du public. Grâce à la ténacité des commandants d’escadrille qui obtiennent des autorités de la base de Cazaux que nous puissions faire les deux derniers entrainements lors de la campagne de tir du 3/11, nous sommes prêts pour la JPO de Rochefort deux jours plus tard et Bordeaux le weekend suivant. Lors de ces 2 weekend, de précieux conseils nous sont donnés par les pilotes de la PAF, notamment en esthétique et correction des perspectives ; l’équipier doit oublier les repères habituels de la patrouille serrée et corriger son étagement et son retrait en fonction du public. Pour exemple, une figure, pas très compliquée à réaliser, est basée uniquement sur l’effet visuel : la patrouille arrive face au public, l’équipier est en colonne au dessus du leader assez loin et se rapproche du leader pour masquer le public, les spectateurs ne voient donc qu’un avion puis c’est l’effet de surprise d’en voir 2 lors de l’éclatement. Le nom de cette figure, le “Y” venait de faire sa première apparition dans les présentations et sera souvent reproduite par la suite.

Ndlr : cette figure n’a pas été soumise à la FATAC, trop compliqué à leur faire comprendre…

Notre présentation est au point et chacun connait son boulot, il y a peu de messages radio. Les figures s’enchainent à merveille et ce n’est que du plaisir d’évoluer ainsi. Et puis le grand jour arrive… nous sommes conviés à Salon de Provence pour la JPO je crois. Toutes les grandes patrouilles européennes sont présentes, il ne faudra pas se rater Tout se passe super bien et nous aurons même les félicitations de plusieurs pilotes chevronnés dans ce type de mission. Satisfaction encore !!!

Nous ferons encore bien d’autres présentations lors de JPO ou de fêtes aériennes dont une double présentation “B” lors d’un même vol : décollage de Toul, présentation à Contrexéville (donc avions bien lourds), petite navigation basse altitude, deuxième présentation à Brienne le Château (encore un peu trop lourds), retour en moyenne altitude à Toul avec respect des minimas pétrole, ou presque…!!!

Nous sommes en septembre 1986, la saison des présentations se termine et cette dernière présentation de l’année restera dans nos esprits, Alain et moi s’en souviennent encore. Nous venons de rentrer d’un long DETAM au Tchad et de quelques jours de vacances quand l’ordre tombe, nous pensons d’abord à une plaisanterie du commandant d’escadrille puis à une aberration comme seule la FATAC sait faire… mais c’est bien réel, il faut aller faire une présentation “B” à Varennes sur Allier pour la journée “portes ouvertes” du dépôt de munitions. En sortant la 1/100.000 du coin et la photo OM40 du site, il n’y a pas beaucoup de repères visuels à part un hangar perdu dans la forêt et une petite ligne téléphonique qui peut servir d’axe de présentation. Deux jours avant, nous effectuons une reconnaissance du site et un petit entrainement, effectivement la ligne téléphonique sera le seul repère visuel d’alignement, la partie sud-ouest sera pour le leader et nord-est pour l’équipier. Le dimanche de JPO, nous effectuons un premier passage pour étalonner les radiosondes entre nous et c’est parti pour les passages en PS, les oreilles et tout se déroule bien jusqu’à l’éclatement face au public, “pine dans le ciel” et renversement du leader pour un passage basse vitesse train sorti et simultanément large oreille et accélération de l’équipier pour venir me doubler à grande vitesse. 300 ft – 130 kts – I8 – train et volets sortis – phare allumé, j’ai visuel de ma ligne téléphonique et du public devant le hangar, tout va bien, je suis à 20 secondes du passage et j’attends l’annonce “visuel” de l’équipier tout en regardant à l’arrière droit dans mes rétros sauf que cette fois son annonce est différente… “visuel ton phare, en face à face, ne bouge pas…”. J’ai confiance en lui, je passe travers le public et lui me croise à grande vitesse, pile poil au même moment. Une nouvelle figure est inventée et réussie du premier coup. Nous terminons la présentation comme si de rien était et retour à Toul. Le lendemain, un message du commandant de base de Varennes nous félicitait pour la qualité de notre présentation. L’anecdote fut racontée, en guise de “retour d’expérience”, le soir au bar et un fût de bière fut percé comme il se doit dans la pure tradition des escadrons de chasse de l’époque en compagnie des purs produits de la race des pilotes de chasse…

En janvier 1987, je quittais Toul pour les cieux plus ensoleillés du sud-ouest et Alain m’y rejoindra quelques mois plus tard. Par la suite, deux patrouilles de présentation “B” évoluaient dans les cieux nationaux, une à la 7°EC et une à la 11°EC. A partir de 1994, une seule patrouille de la 7°EC évoluait, les fameux Raffin Mike bien connus en Europe et vainqueurs en 1996 de la coupe “Lockeed Martin Cannesta Trophy” les récompensant de leur prestigieuse prestation. Pendant ce temps, Alain a rejoint la 7°EC et, en tant qu’ancien présentateur “B”, a été DV pour les Raffin Mike, la boucle est bouclée…

Alain et moi sommes fiers d’avoir eu la chance de pouvoir faire évoluer cette patrouille “Vanoir O” et porter haut les couleurs de la 11°EC et finalement, d’être un peu les ancêtres des Raffin Mike.

Patrick Engel (Engie) et Alain Dupont (Ponpon) – 3/11 “Corse”

Une série (magnifique) de photos des Raffin Mike.

NDLR : si un Raffin Mike veut raconter, le blog lui est ouvert

La Bravo 1
La Bravo 1
La Bravo 2
La Bravo 2
La Bravo 3
La Bravo 3
La Bravo 4
La Bravo 4
La Bravo 5
La Bravo 5
La Bravo 6
La Bravo 6

Groupe III/6 : le Cheeze de CASSAIGNE

1940 Le Gloan en vol

 

Si les héros du III/6 ont su, tout au long des années de guerre, faire briller leurs insignes dans tous les cieux de bataille, ils ont su aussi le faire au sol au cours de nombreuses épopées nocturnes dont nous vous relatons ici l’une des meilleures, extraite du Journal de Marche.

« Nos héros cette fois n’ont pas lutté à un contre cent dans le ciel, ils n’ont pas fait une hécatombe de pointus?  Ils ont fait mieux. Ce n’était pas en l’air, c’était au sol. Pas le jour mais la nuit.

Comme tous les grands événements la chose commença par un fait de minime importance : l’aspirant toubib s’en allait vers la civili­sation, la vie belle, les femmes et les états-majors, nous laissant, ce sans cœur, croupir dans notre coin perdu. Voilà la cause. Comment cette petite cause? …. mais n’anticipons pas.

Pour célébrer le départ du toubib et noyer le chagrin, le brigadier paya une fine générale ce qui eut pour effet d’échauffer un peu le climat, puis quelqu’un (qui au juste? nul ne saura jamais) dit : “Il faut faire du « CHEEZE ». Parole fatale.

C’est ainsi que fut décidée l’attaque à main armée de CASSAIGNE. Préparation rapide et efficace : la tour fournit le pistolet si­gnaleur et un lot de fusées vertes, rouges et jaunes. Les attaquants vont chercher leur pistolet à la maison. Pas de plan préconçu : inspiration et fantaisie sont de règle. On s’entasse dans ceux jeeps et à une allure qui frise le suicide, on se rue sur CASSAIGNE endormie.

Région de Cassaigen en Algérie
Région de Cassaigne en Algérie

Premier passage avec pétarades variées, faces ahuries dans tous les coins. Deuxième passage phares éteints, avec hurlements divers de panique, et décharge de fusées d’un effet artistique certain. Une des fusées astucieusement dirigée a failli mettre le feu à un camion dans un parc auto. Évidemment on ne peut pas tout réussir. Mais à part ce rôti regrettable, tout a très bien marché. Retour sur les chapeaux de roue. Un jeune lieutenant l’arme encore mal aguerrie, et qui manque un peu de service, fait quelques remarques déplacées lorsque le conducteur manque le précipice d’un cheveu : il tient à sa vie et le montre à chaque virage. Les autres fouettent, et sont de cœur avec lui, mais plus hypocrites ils affectent de trouver le voyage plaisant. A l’instant où il semble que les lois de l’équilibre soient sur le point de se renverser à notre profit, l’autre jeep corne pour nous dépasser et s’impatiente pour doubler dans le virage.

Arrivés dans LAPASSET: retour du pistolet signaleur à son usage normal. Mine attristée de 15 lurons qui trouvent que décidément, toute cette affaire est bien plate. Nouvelle idée qui part comme une « fusée » (encore des fusées) après CASSAIGNE, LAPASSET ? Adoption à l’unanimité. Il devient évident à tous que la sirène gardée jalousement par le dragon de discipline n’est là que pour servir à semer la panique dans LAPASSET endormie.

Le clocher de Lapasset
Le clocher de Lapasset

Exécution, on fauche la sirène à son propriétaire avec une dérisoire et désolante facilité. Un garçon bien allant la tourne à s’en péter les jointures, dans la jeep qui roule à toute allure dans LAPASSET. “Faces ahuries encore”, gens en chemise sur leur porte qui grelottent de froid ou de peur? et n’osent pas allumer. Pensez donc.

Puis tout se tait et la 2 ème escadrille rentre se coucher (prématurément il faut l’avouer).

Elle est bientôt réveillée par le bruit caractéristique d’une cloche qui sonne le glas funèbre à toute volée… l’affaire rebondit.

Deux individus douteux de la 1 ère Escadrille, jugeant que cette nuit n’avait pas apporté de distraction suffisamment substantielle, ont décidé secrètement de continuer cette petite plaisanterie innocente.

Ils réveillent donc le guet de la DAT (sis sur le clocher de Notre-Dame de LAPASSET), qui s’affole à l’idée qu’il avait pu manquer à son devoir, et sonne le glas à toute volée pour se rattraper. Le Sergent DAT en caleçon stimule de la voix et du geste le zèle de ses adjoints. Vous n’avez pas entendu l’alarme non? Espèce de c…? etc.. etc… Donc sonneries, fré­nétiques ;

Sur ce, notre aumônier s’éveille et vient apporter son précieux concours : il a indiqué à la DAT qu’il sonne la mauvaise cloche et lui montre le travail. Maintenant ce sont les deux glas qui sonnent à toute volée». Les deux individus douteux susnommés, ayant déclenché leur affaire, se désintéressent de ce glas, désormais en bonne main, pour concentrer toute leur énergie sur une nouvelle idée qui leur est venue. Ils vont au Central, et là, l’un deux saisit le téléphone, demande l’officier de service des “Biffins” de LAPASSET et dit “‘ici le Général Tartempion ». Envoyez d’urgence toutes vos forces disponibles sur PICARD.

Acte inexplicable. Geste aux conséquences incalculables et dramatiques qui allait déclencher d’insoupçonnables cascades de catastrophes « bien non Général » dit un quelconque imbécile au bout du fil, comptez sur nous”.

Et voilà l’avalanche qui s’ébranle. Alerte chez les “Biffins”, qui se préparent fiévreusement, et à 4 heures du matin, se ruent sur les camions en direction de PICARD ; détail combien savoureux, ils réveillent l’un des acteurs du “CHEEZE” qui s’était paisiblement endormi, la conscience en paix. Celui-ci les engueula copieusement et très sincèrement sur ce boucan inopportun et réellement déplacé, mais les “biffins” qui ont une haute concep­tion de leurs devoirs, et connaissent leur métier, alertent MOSTAGANEM et ORAN.

Bilan de cette belle journée :

1°) – Une division entière mise sur pied de guerre, et tenue toute une nuit sur ce pied (soit vingt mille hommes)

2°) – L’alarme et l’alerte fiévreuse sur de paisibles territoires

3°) – Un échange de lettres et de télégrammes qui ont tenu les postes sur les dents jusqu’à 6H du matin

4°) – Suivi  d’un échange de jeeps porteuses de personnalités marquantes qui viennent l’une après l’autre assiéger le Capitaine Commandant en second qui doit faire appel à toutes les ressources de sa diplomatie tortueuse, à tous ses trésors de mauvaise foi, pour démontrer que cette petite affaire ne mérite pas tout ce bruit et doit être classée au plus tôt.

5°) Arrêts de rigueur en nombre encore inconnu, demandés par le Général pour les têtes de l’émeute, le Général estimant que l’on ne mobilise pas 20 00 hommes pour se distraire.

6°) – Un canon de revolver gonflé à la suite d’un usage abusif, somme toute pour le prix, ce n’est pas cher. Quand on ne fait pas de l’aviation, on en fait des choses quand même, au III/6.”