En faisant du classement dans mes archives, j’ai retrouvé cette photo dont je vous avais promis l’histoire.
On est en Mars ou Avril 1986 au début de l’opération “Epervier” et les troupes françaises présentes à N’Djamena sont suffisantes pour de nouveau assurer la stabilité du pays. Au titre de l’aide au pays, il est décidé de doter l’Armée de l’Air Tchadienne de C 130. Le premier “Tchad One” est acheté d’occasion en Australie (je crois) et durant les mois de Février et Mars les premiers équipages Tchadiens sont formés et lâchés sur l’avion.
Un après midi vers 15H00 au plus fort de la chaleur, Tchad One effectue un de ses premiers vols avec un équipage Tchadien. Il est chargé de soldats et de matériel, s’aligne pour décoller face à l’ouest, pour effectuer une mission de transit. Le lâcher des freins et l’accélération se passent sans encombre jusqu’à peu près mi-piste ; à cet endroit, le commandant de bord prend la décision d’avorter le décollage “Ça ne passe plus” et réduit les moteurs. Mais il se ravise aussitôt et remet plein pot ; dans l’affaire, il a effacé quelques dizaines de mètres qui vont lui manquer en bout de piste où, malgré une vitesse insuffisante il décolle l’avion. Ensuite c’est du classique : décollage au second régime, vol sur quelques centaines de mètres à quelques mètres du sol, décrochage et fin de l’aventure 2 km après le bout de bande.
Un copain chirurgien était de garde à l’infirmerie et compte tenu de l’heure, faisait la sieste sur un lit picot. Juste après le crash, on vient le réveiller d’urgence pour lui expliquer que Tchad One venait de se planter en bout de piste. “Ils sont tous morts ou indemnes” , et se recouche.
L’histoire lui donna raison : des membres d’équipage et des soldats dans le cargo, pas un ne fut blessé. On raconta même que les passagers sont venus féliciter le pilote pour sa maitrise à poser l’avion dans de conditions si délicates. Mais ce ne sont que des histoires…
Ayant découvert récemment chez un bouquiniste bisontin un exemplaire du magnifique ouvrage de Roland Tessier « Le Bar de l’Escadrille », rapportant la situation et l’esprit de notre aviation de chasse durant les sombres années 39/40, j’ai eu envie de raconter, en une sorte de clin d’œil à mes frères d’armes (…) d’une époque plus récente et avec un brin d’auto dérision, quelques péripéties opérationnelles qui, à l’heure des drones de combat pilotés à des milliers de kilomètres du théâtre d’opérations, pourront sembler futiles aux plus jeunes d’entre nous.
…Les faits relatés sont réels. Ils eurent lieu au printemps 79 dans une contrée exotique où nous nous retrouvâmes plongés, officiers ou sous officiers, pilotes, mécaniciens, basiers, loin de la Lorraine et de nos foyers, dans un quotidien désordonné pour ne pas dire un peu chaotique. Et ceci:
« Pour le bien du service, l’exécution des règlements militaires, l’observation des lois et le succès des armes de la France»
Fermons le ban.
Nulle fiction. Nulle bravoure, ni exploit ou quelconque fait d’armes dans ces lignes. Simplement, à partir de souvenirs et de documents personnels, un témoignage sur la vie chahutée de quelques pilotes et mécanos confrontés à la gesticulation politico-militaire de la fin des années 70 en Afrique.
Quelques années auparavant, pour la plupart d’entre-nous, nous avions choisi la 11ème EC. L’avion était prestigieux : le premier chasseur supersonique en palier, jadis intégré aux forces de l’OTAN, pour certains ravitaillables en vol et aptes à la mission de dissuasion nucléaire. Un des acteurs de la guerre du Vietnam…
Quittant le sympathique Mystère IV sous le soleil arcachonnais et arrivant à Toul en août 75 dans le brouillard lorrain, le premier contact avec le monstre fut impressionnant. Sa stature physique, amplifiée par les histoires des anciens, le rendait effrayant et il paraissait quasiment indomptable pour un jeune pilote de chasse sortant d’école.
Le lâcher restait improbable.
Une fois acquis, il demeura mémorable pour bon nombre d’entre nous.
F100 2-11 au roulage
Mais rapidement, en métropole, le vénérable F100 dut laisser la place à un successeur qui tout d’abord suscita au sein de la 11ème EC une certaine défiance pour ne pas dire une méfiance certaine…Et du statut de pilote d’« avion d’homme » nous dûmes passer sous les fourches caudines de l’escadre bragarde pour obtenir celui de pilote de Jaguar.
Heureusement pour notre escadre touloise, changer d’avion ne signifiait pas changer de mission. La mission d’intervention extérieure prit pour nous toute sa dimension car l’avion, conçu dés son origine pour l’appui tactique et apte au ravitaillement en vol, était l’outil idéal pour aller défendre (…) les intérêts français à l’autre bout du monde.
Nous allions écrire le début de sa glorieuse histoire.
Le Jaguar même « s’il tenait la PC sur freins (contrairement au F 100 !…) » ou « s’il décollait parce que la terre était ronde » allait sortir ses griffes et montrer ses crocs pendant les trois décennies qui suivirent.
Au cours de ces multiples « détam », nous fûmes vaillamment épaulés par les dits « bragards » d’abord en groupe mixte de pilotes 7ème EC/11ème EC puis, plus tard, en escadron constitué de la 7 ou de la 11. Ils délaissèrent, non sans un certain plaisir, l’étroit bunker de leur astreinte nucléaire pour venir survoler avec nous les immensités africaines.
Sur leurs combinaisons de vol, les pilotes y arborèrent indifféremment le Corbac et le Renard du 2/11*, le Casque de Bayard du 1/7, le Masque de la Comédie du 1/11 ou encore le Chardon de Lorraine du 3/7 sans oublier bien sûr le Chat (très coquin…) et le Serpent (très venimeux…) du 3/11…
Depuis cette époque exaltante, le Jaguar a été à son tour détrôné par un avion aux capacités fantastiques et multiples. Ce dernier porte désormais sur sa dérive aux protubérances secrètes, certains de ces prestigieux insignes d’escadrons aujourd’hui dissous mais dont les traditions sont fidèlement reprises par des pilotes qui le font voler avec brio et qui ont l’âge de nos enfants.
L’action et l’engagement, quoi de plus efficace… pour tenter de repousser indéfiniment la prophétie de Michel Foucault : « Alors on peut bien parier que l’homme s’effacerait comme à la limite de la mer un visage de sable… » ?
Donc, avec en fond sonore le célèbre morceau musical « Staying Alive » qui animait toutes les soirées de l’époque, venons en aux faits…
Jaguar en ravitaillement
Nous sommes le 10 février 1979.
La veille, nous avions quitté Toul par voie routière et profité de la soirée autour d’une table parisienne sympathique, sachant que les jours prochains n’allaient pas être spécialement gastronomiques même si les opérations sur place restaient calmes depuis plusieurs semaines et nous laissaient ainsi le loisir de profiter des quelques bons restaurants locaux. Désormais la routine s’était installée et les relèves vers Dakar ou N’Djamena se faisaient par équipes constituées (pilotes et mécanos) via le transport aérien militaire et non plus sur « coup de sifflet individuel » en Jaguar ou en C135, procédure qui avait eu la faveur du commandement au cours des premiers mois d’intervention.
Après une courte nuit à la BTA (base de transit Air) de Balard, un décollage du Bourget vers 8h00, nous faisons une escale technique de 2h30 à Tunis (les DC6 commencent à vieillir). Les autorités aéroportuaires nous y tiennent à l’écart des autres passagers (même en tenue civile, il est difficile de passer incognito avec un avion à cocardes françaises sur le tarmac…).
DC6
Cela nous laisse le temps de réfléchir à un évènement survenu la veille au restaurant lors du règlement de la facture. Qui a omis de régler sa part parmi nous six ? Le fait est qu’au final nous avons du payer chacun le sixième de la part manquante même persuadé d’avoir payé notre écot… Cela demeurera un mystère. Mais ce fut sûrement le présage que rien n’allait se dérouler comme prévu. Après 6h45 de vol, nous arrivons à N’Djamena. L’accueil que nous réserve l’équipe « descendante » sur le parking est triomphal. On sait ce que l’on quitte…Nous voici de nouveau sur la terre tchadienne, que, pour certains d’entre nous, nous avons laissée il y a quelques semaines à peine.
En reprenant le manifeste passagers, voici les nouveaux arrivants pilotes:
La compo de l’équipe
La journée a été longue et chaude. La nuit sous moustiquaire le sera aussi.
Le lendemain, journée de prise de marques avec le briefing du chef descendant (le Cdt Sanchez, notre ancien commandant d’escadron) sur la situation politique au Tchad, les consignes opérationnelles, le niveau de sureté et de sécurité en ville.
Nous prenons en compte la nouvelle paillotte OPS. Que ne font pas nos amis commissaires pour nous rendre le séjour agréable (Babyfoot, table de jeu, réfrigérateur, etc., etc.) ?!… Il est heureux que l’expérience précédente du « Ball-trap », bien qu’assez ludique, n’ait pas été poursuivie, au titre de la sécurité individuelle ! Un fusil de chasse entre les mains d’un pilote n’est pas toujours très rassurant, ce dernier fût-il de chasse ! … (Expérience vécue quelques mois auparavant)
Nous voici au Tchad pour un mois et demi. Autant organiser les temps libres pendant la journée, même si le soir « la Gala a le goût du bonheur… » et que, d’entrée grand seigneur, je paie la première bouteille de whisky en ville dans un night club bien fréquenté (…) qui, profitant de l’accalmie actuelle, a rouvert ses portes au grand bonheur (que du bonheur au Tchad !) des expatriés et barbouzes de toutes nationalités. Nous faisons preuve de modération …Ce ne sera pas la dernière, pensons nous…
C’est le jour d’après, le mardi 12 février, que les choses se gâtent.
Profitant de la fraîcheur toute relative que notre destrier apprécie particulièrement au décollage, notre chef s’est remis en vol avec Michel pour une RAV (vol de reconnaissance) de routine (…c’est d’ailleurs parfois au retour de tels vols que les mécaniciens constatent des impacts de petit calibre sur les avions !). Lissonde et Debernardi en ont profité pour faire une balade (…) en Atlantic. Il est toujours intéressant de voir travailler un équipage rompu au guidage de nos chasseurs sur un objectif. Certes notre calculateur de navigation est une aide précieuse dans un environnement cartographique européen mais, au dessus du désert, pour se recaler et trouver une Land Rover à l’ombre d’un kéké, il en va différemment *.
(*Seuls les Jaguar anglais étaient équipés à cette époque là d’une centrale à inertie, beaucoup plus précise et fiable que notre calculateur Doppler mais dont l’alignement nécessitait une procédure relativement lourde. Cependant, sur les chaudes terres africaines, nous enviions plutôt nos collègues britanniques pour les 800kg de poussée supplémentaire par réacteur dont ils disposaient !…)
Alors que tout le monde rentre de mission, vers 11h, la situation évolue considérablement et les événements se précipitent. Nous nous retrouvons consignés sur la base.
Les AD4 (Skyreaders) de l’armée tchadienne viennent de décoller. De nombreuses fumées noires s’élèvent déjà du centre ville pendant que les « Sky » poursuivent leur noria canons et roquettes au dessus des habitations distantes de deux ou trois kilomètres de nos alvéoles merlonnés. Je songe que ma bouteille de whisky à peine entamée doit être sous les décombres…
N’Djamena le parking : Atlantic, AD4, JaguarAD4 Tchadien
Vers 16h, les Transall amènent les premiers AML de la Légion Etrangère en provenance d’Ati.
AML sortant du Transall
Nous passons en alerte en 30mn…pour décoller vers où ?
19h. Souper au mess des officiers au son des rafales de kalachnikov et des coups de mortier dans la ville.
20h. Nous repassons en alerte 1h. Nous sommes cantonnés à l’infirmerie qui est gardée. La nuit se passera, toujours en alerte, avec le pistolet MAC 50 sous l’oreiller. (Nous avons quelques doutes sur le filtrage effectué à l’entrée de la base par des troupes locales dont la fiabilité reste aléatoire).
Le lendemain, mardi 13, après une nuit ponctuée de rafales et d’explosions dans la ville, nous décollons avec Morel pour une RAV (Reconnaissance à Vue) à proximité de N’Djamena.
Est-ce pour donner le change en montrant les « griffes » du Jaguar et lancer le signal fort que tout débordement de la part des belligérants vis-à-vis de notre cantonnement se soldera par une intervention militaire française directe ?
Les « Sky » continuent à pilonner la ville…
Nous « intuitons » que du coté du Quai d’Orsay et de la rue Saint Dominique, on cogite fort.
Notre officier mécanicien, le Cne Jullien, abandonne le confort (…) de l’hôtel La Tchadienne pour venir bénéficier de la relative sécurité de notre salle d’OPS avec divers barbouzes dont la situation en ville est devenue délicate.
Nos repas sont désormais pris à l’ordinaire et des familles européennes commencent à affluer sur la base.
Nous sommes cantonnés dans nos locaux et occupons notre temps comme nous le pouvons…
…prêts à dégainer !…
Pilotes mercenaires
Pas de sieste, nous maintenons l’alerte, entretenons nos réflexes au babyfoot et luttons contre toute viscosité mentale en jouant au bridge. La paire Lissonde/Michel s’éclate avec des annonces époustouflantes, mettant à mal la vision du jeu de la paire adverse (Morel/Ouvrard). La tension baisse d’un cran à la pétanque où les mécanos sont décidemment imbattables !
Un tour sur la base envahie par des ressortissants français (et quelques autres…) avant d’apprendre que nous servirons désormais de « nounous » à tous ces gens là pour la soirée avant qu’ils ne soient rapatriés en France par voie aérienne.
Pour la plupart, ils sont calmes et résignés. Nous allons bavarder avec eux au sujet de la situation en ville et des possibilités d’évacuation pour les rassurer un peu.
Les mécaniciens, sous les ordres du Major Krupa et de l’A/C Moukha, s’occupent avec efficacité et avec un dévouement qui les honore des 800 européens qui se sont réfugiés sur la base, qu’il faut faire manger à l’ordinaire et loger un peu partout dans des conditions pour le moins spartiates.
A 21h, on conseille aux gens d’être patients et d’attendre ici en sécurité. Il y a un C135 et un DC10 prévus pour eux mais les tirs qui se poursuivent du coté de l’aéroport civil et à proximité de la tour rendent leur atterrissage avant demain très hypothétique.
Le MAC 50 sous le bras, nous rejoignons notre infirmerie car les barbouzes occupent notre case cette nuit encore…*
(* Depuis ces jours là, la figure emblématique de l’agent secret qui n’est jamais pris de court et qui loge dans des palaces s’est sérieusement estompée dans mon imagination.)
Pour les équipiers, celle-ci se résumera à quelques croquis du trajet, des circuits d’arrivée rapidement griffonnés avec mention de quelques fréquences et bien sûr de la plaquette du terrain d’arrivée …
Le jeudi 15, après une nuit interrompue à 2h du matin par un véritable feu d’artifice sur la ville, les mécanos découvrent qu’un Jaguar a pris des impacts de balles de petit calibre. Notre salle d’ops est également percée. Sûrement une balle perdue, mais ici tout est possible!
Un trou dans la salle d’OPS !
A 11h, ordre nous est donné d’évacuer les avions sur Libreville.
Nous faisons rapidement nos sacs qui seront acheminés là bas par Atlantic et nous nous attachons à préparer la mission car, Momo mis à part, personne n’a jamais atterri à Libreville.
C’est un terrain civil international et notre documentation de vol pour la croisière et pour l’arrivée par conditions météo marginales est des plus réduites.
Pour les équipiers, celle-ci se résumera à quelques croquis du trajet, des circuits d’arrivée rapidement griffonnés avec mention de quelques fréquences et bien sûr de la plaquette du terrain d’arrivée …
Le chef décide de faire décoller les 6 avions en « snake » à 20 secondes, en espérant que personne ne va faire du tir au pigeon (…) en bout de piste au mieux avec une kalach au pire avec un missile sur les derniers avions.
Pilotes soucieux
Le décollage a lieu à 14h30. Il fait 37°C. Pas de tir adverse.
Le dispositif finit de se rassembler au niveau de croisière à l’aide du Tacan en mode Air/Air et « file » sur Libreville…que nous atteignons après 1h50 de vol.
A l’arrivée, un grain sur la piste et 1000ft de plafond. Nous arrivons sur l’ILS et sur la pointe des pieds (…) car nous n’avons pas de plan de vol et personne ne nous attendait.
Au roulage, le conditionnement crache l’humidité équatoriale dans le cockpit rompant avec la sécheresse tchadienne habituelle.
Réacteurs coupés et sécurités de siège mises en place, nous apprécions l’échelle escamotable qui équipe utilement le Jaguar monoplace pour prendre contact avec le sol gabonais et retrouver nos esprits. Le personnel aéroportuaire converge vers nous un peu surpris par ce déploiement de force inattendu.
Quelques minutes plus tard, l’apparition d’uniformes français accompagnés de personnels de l’ambassade nous rassure quelque peu ainsi que la présence d’un contrôleur français travaillant pour le compte de l’ASECNA (Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne) en Afrique. Un copain à Momo !…
Il faut sécuriser les avions, nous trouver un logement, prévenir le commandement que nous sommes arrivés à bon port (à l’époque pas de téléphone satellite et sans le C135 nous ne disposons pas de HF …)
Finalement la situation se débloque (sûrement en très haut lieu…) et après quelques tergiversations (hôtel Gambas ou base militaire ?..) nous finissons dans les bungalows du mess Kérélé, petit paradis sur terre en bord de plage…où nous serons rejoints peu de temps après par l’équipage du C135 (avec pour CDB une figure haute en couleur des « péniches » : le Cne Pestel). Avec lui, nous pouvons aller au bout du monde ! Il l’a prouvé en Mauritanie…
Les quelques mécanos du détachement venus en Atlantic pour nous assister en premier échelon seront logés au Gambas et ne s’en plaindront pas !…
Le mess du Kérélé à Libreville
Ouf ! Mes avions sont arrivés à bon port ! Ouf ! Je suis vivant !
Pilotes à la plage
Le soir, Tricoche, le contrôleur qui nous a accueillis (un ancien de Toul) nous fait la visite de la ville et de ses lieux d’animation.
Pour certains d’entre nous, après les chaleurs de la journée et les nerfs mis à rude épreuve au cours de ces derniers temps, la soirée s’achève dans une bonne humeur communicative… .
Pilotes fatigués après une soirée arrosée
…mais le retour aux bungalows s’avère être une difficile navigation !
Le lendemain, 16 février, venus accueillir les mécanos à leur descente du Transall, les Cne Morel et Ouvrard se font « mettre au garde à vous » sur le tarmac par un officier gabonais qu’ils ont omis de saluer. (A notre corps défendant, on ne saluait pas à cette époque sans couvre chef, mais nous n’étions pas trop en position d’argumenter face à un Commandant Major très irrité qui, de plus, était sur ses terres que nous devions fouler avec diplomatie.)
Pilotes au garde à vous
Nous sommes en alerte à 1h sans aucun moyen de communication si ce n’est par estafette, ni aucun moyen de transport pour aller à l’aéroport.
On nous installe finalement dans une salle qualifiée de « salle d’ops » chez l’armée de l’air gabonaise sur l’aéroport. Nous y préparons avec les moyens du bord et l’équipage du ravitailleur une mission d’appui feu ( ?) à 2 avions sur le Tchad (plus de 1000 NM, sûrement un record !…).
La plaisanterie dure deux heures puis nous retournons définitivement à Kérélé.
Samedi 17 février.
Pas de week end pour les braves. Nous sommes en alerte à 1 h. Mais plus de tentative de record en vue. La journée se termine au restaurant de l’Intercontinental avec Lissonde, Michel, Bébert et Joseph, le barbouze de N’ Djamena qui a réussi à se faire pousser vers Libreville (par quel moyen ?)
Quelques passes de « Blackjack » au casino de l’hôtel, ce qui nous donne l’occasion d’améliorer notre anglais car le personnel y est exclusivement britannique et …féminin. Nous apprenons qu’il est formé à Port Gentil, la ville de notre aérodrome de dégagement situé plus au sud et pratiquement sur l’équateur.
Nous terminons la soirée au Sunset, une boite en vogue de Libreville.
Dimanche 18 février.
Deux avions en alerte à 1 h. On ne sait trop pourquoi et pour quelle mission.
Une sortie en voilier du club nautique se solde par un retour à la rame de l’équipage, plus habitué au vol en patrouille qu’aux manœuvres sophistiquées de la marine à voile. Membres d’équipage : Lissonde, Michel, Ouvrard. Deux capitaines de trop pour un bateau fût il une « Caravelle » de 5 m de long !
Le soir, nous participons à une manip (…) organisée par Momo chez des civils en poste au Gabon en présence du LCL Courteille (l’ancien commandant du 1/11) pour son dernier jour de détachement comme Adjoint Air à Libreville, heureux de retrouver des anciens du F 100.
« Billy » (Lissonde) reste de permanence pour soigner ses coups de soleil de la sortie en mer.
Lundi 19 février.
Alerte à 1 h.
Nos amis de la veille viennent voir les Jaguar de plus prés.
L’après midi, le team ops (Lissonde/ Michel) lance un défi au team technique (Bouaniche/ Aimable) au tarot.
Le défi est de taille et même « l’excuse menée au bout » ne suffira pas à nos courageux pilotes pour venir à bout de nos indestructibles mécanos aussi à l’aise sur une aile d’avion en plein cagnard qu’à une table de tripot!
Avec le départ de Courteille, notre chef « Pecc » devient le grand chef « Air » à Libreville. Honneur à lui !
Pilote CHEF !
Mardi 20 février.
Alerte à 1 h.
Mais le président gabonais arrivant de France avec son B 747 et diplomatie obligeant, nous décollons pour aller l’intercepter et l’escorter précédés par les Fouga de la « garde présidentielle » jusqu’à ce qu’il touche la piste de Libreville…
Peccavy, Michel, Morel, Ouvrard escortant le président Bongo…)
Remettant les gaz, nous en profitons pour aller franchir l’équateur quelques miles nautiques plus au sud, saluant Neptune d’un tonneau avant d’aller fêter dignement l’évènement à Kérélé.
Ce soir là, selon de nouvelles consignes venues d’on ne sait où, nous devons tenir le poste d’Officier de Permanence Opérationnelle au Camp De Gaulle (Armée de Terre). Ce sera l’unique fois et le rédacteur de ces lignes, l’unique impétrant…
Mercredi 21 février
Profitant des retombées diplomatiques de la veille, Lissonde passe l’équateur en Puma pour aller visiter la réserve de chasse présidentielle…
Equateur = champagne !
Vers midi, atterrissages de deux Jaguar en provenance de Dakar avec Vergnères, Deltrieu, Estrugau et Ruffray pour la relève avions.
L’arrivée de nouvelles têtes, avec le courrier et les nouvelles du pays (…) constituent un des moments les plus appréciés de tous les détachements ! Sur le plan technique, la disponibilité remonte en même temps que le moral.
La soirée ne s’éternise pas car les mêmes pilotes repartent le lendemain pour le convoyage retour, les uns en Jaguar, les autres en C 135.
Jeudi 22 février
Après le départ des convoyeurs, la dispo avions est maximale.
Ordre nous est donné de remonter les six avions le lendemain à N’ Djamena vers 10h.
Dernière soirée à l’Intercontinental où l’un d’entre nous ( son nom restera secret !) a découvert le moyen de faire du sport tout en jouant à la roulette selon une martingale savamment mise au point pendant la journée à Kérélé …
Après deux heures de cette activité nous sommes physiquement et financièrement épuisés.
Pilotes exténués par deux heures de roulette
Et coup de génie (ou…de chance), l’inventeur de la dite martingale, voyant notre mise fondre comme neige au soleil (nous sommes à l’équateur !…) décide de miser les quelques francs CF restants (pour le panache !…) sur un numéro… qui sort et nous rapporte 36 fois la mise …
La cagnotte de départ est sauve. Nous quitterons le Gabon, la tête haute !
Vendredi 23 février
Mission prévue : départ en basse altitude au dessus du Gabon (le « persil » où une éjection n’est pas recommandée…), passage de l’équateur, ravitaillement sur le trajet vers N’ Djamena et atterrissage.
Décollage de Peccavy, Michel, Morel et Debernardi.
Lissonde et Ouvrard restent au sol. Problème électrique sur l’un des avions. Problème de masque 02 sur l’autre. Patrouille indissociable…
Samedi 24 février
Le détachement est donc scindé en deux avec les deux tiers des effectifs pilotes et avions au Tchad et le reste à Libreville avec les problèmes techniques et logistiques qui s’en suivent.
Une soirée de plus à Libreville mais depuis quinze jours nous sommes habitués aux incertitudes et avons appris à gérer notre temps où que nous soyons.
Dure la vie à Libreville
L’officier mécano est quant à lui mis à rude épreuve en matière de stress et d’organisation car il faut gérer une logistique de loin sans avoir des moyens de liaison souples et efficaces.
Dimanche 25 février
Après avoir récupéré un masque O2 et l’avion réparé, Lissonde et Ouvrard remontent sur N’Djamena avec le ravitailleur ce qui leur permet d’arriver en basse altitude sur le Tchad, après avoir fait un détour et survolé de vieux amis rencontrés quelques mois auparavant, les éléphants de Wasa, réserve située au Cameroun et que nous avions visitée jadis en 4X4 (une manip complexe magnifiquement organisée par Deltrieu à l’époque !…).
Soirée locale
Le détachement se retrouve de nouveau au complet à N’Djamena et loge désormais à la « Tchadienne », un hôtel dont le confort et l’éclat ont subi incontestablement l’outrage des années depuis les temps anciens de la colonisation française…et qui sert désormais de base avancée à une population camerounaise très féminisée et très francophile…
La piscine dont le système d’épuration a vieilli également, a pris une couleur verdâtre guère engageante et surtout les pilotes français y ont un contentieux pour y avoir poussé tout habillé (mais, à leur décharge, ils ignoraient l’identité du lecteur de journal flânant au bord de l’eau) l’ambassadeur de Suisse dont la neutralité bienveillante fut ainsi outragée…
Lundi 26 février
Morel et Ouvrard décollent pour une RAV sans aucun objectif particulier si ce n’est de consommer les dernières gouttes de carburant sur la base tchadienne et de montrer la présence des Jaguar toujours dissuasive.
Lissonde et Debernardi assurent une mission d’OGT, histoire de sortir de la routine….
Mardi 27 février
Pas de vol car il n’y a plus de pétrole. Les avions dont la disponibilité est optimale restent au parking. Les pilotes et mécanos s’occupent comme ils le peuvent au Saho (La Tchadienne) organisant des parties de blackjack qui permettent de remonter la caisse escadrille.
Mercredi 28 février (fin du mois, ce n’est pas une année bissextile !…)
Pas de vol. Echecs et bridge toute la journée
Jeudi 1er Mars
Mission OGT pour Lissonde et Ouvrard.
En fait, il ne reste que 5 jours de carburant sur N’Djamena qu’il faut conserver au prétexte de coup de « feu » (que nous souhaitons à vrai dire mais qui n’arrivera pas). Le bac qui assure la liaison fluviale entre la ville et le Cameroun est inutilisable et l’approvisionnement de la ville aléatoire. Par contre, il n’y a aucune restriction au mess. Messieurs les commissaires, chapeau bas !
Il nous reste 27 jours de détachement…
Vendredi 2 mars
Michel et Lissonde : guidage Atlantic
Morel et Ouvrard : OGT
Histoire de maintenir notre moral et de consommer avec parcimonie les dernières gouttes de pétrole sur la base aérienne.
Le chef, lui, a fini par succomber aux affres du tourisme africain et récupère dans sa chambre…
Pilote CHEF victime du tourisme Africain
Brusquement à 16h45, nous passons en alerte en 30mn.
A 17h15 on nous “scramble” avec Morel pour une reconnaissance sur Massaguet située à l’est de la capitale tchadienne pour quelques dizaines de nautiques. La nuit est proche et nous ne tardons pas à rentrer, sans avoir rien vu lors de ce vol, mais profitant encore de la fin du jour car le balisage nocturne de la piste n’est pas secouru.
Sûrement avons-nous encore volé pour manifester notre présence !…
Samedi 3 mars
L’agitation semble reprendre sur N’Djamena.
4 avions sont mis en alerte en 15 mn puis en 30mn.
Le chef n’écoutant que son devoir revient à la tête de ses troupes.
3 avions (Peccavy, Michel et Morel) sont déclenchés vers 10h15 avec le « bingo vert » (autorisation de tir à vue) mais reviennent sans avoir vu quoi que ce soit.
Dimanche 4 mars
Pas de vol prévu mais nous sommes tous en alerte à 1h pour décoller.
La caisse escadrille remonte au blackjack et nous préparons nos valises pour un départ rapide…Nous commençons à être rompus à cet exercice.
P’tiot gars ne sera pas surpris cette fois;…
Lundi 5 mars
Le départ est confirmé car les avions sont très exposés au sol et avec la pénurie de carburant, ils ne sont plus de beaucoup d’utilité au Tchad.
Décollage vers 10h de 4 avions vers Libreville : Peccavy, Morel, Lissonde et Ouvrard.
Le leader semble pressé de retrouver des cieux plus cléments et à 0 .9 de mach, ça laisse peu de marge aux n°3 et n°4 …Mais finalement les quatre avions finissent par se rassembler quelque part au dessus du Cameroun et arriveront à Libreville sans encombre à 11h50.
Bébert (Debernardi), en panne hydraulique (il y a des jours sans !…) finira par décoller avec Michel. Ils rejoindront le Gabon vers 13h30.
Merci Adj Bouaniche et votre équipe de mécanos ! Vous aurez toujours su être là au bon moment pour que nous puissions prendre l’air quand ça urgeait.
En effet ca chauffe à N’Djamena; seulement cinq mécanos pourront nous rejoindre le soir pour prendre soin de nos destriers avec simplement leur propre caisse à clous.
La majorité de leurs effectifs arrivera avec du matériel le lendemain soir vers 20h. Le Cne Jullien sera obligé, malgré lui, d’en laisser une poignée au Tchad, pour assurer la protection des locaux et du matériel technique plus lourd, dans des conditions extrêmement exposées.
….Nous allons séjourner ainsi à Libreville jusqu‘au 12 mars, notre temps étant partagé entre les tenues d’alerte, quelques vols locaux d’entrainement au dessus de la forêt équatoriale, d’autres plus lointains vers le Tchad mais aussi la planche à voile, le bridge, l’Intercontinental, le Sunset…
Compagnon de plage au Kérélé
Mardi 13 mars
Enfin, après cette semaine « équatoriale », la rentrée (…) se déclenche de manière un peu abrupte et matinale pour certains…
Pilotes de retour aux affaires
Le détachement se compose maintenant de 3 avions à N’Djamena (Peccavy, Debernardi et Lissonde) et des 3 autres à Libreville (Morel, Michel, Ouvrard).
Quelques jours plus tard, les 3 avions de Libreville, viennent faire une mission de reconnaissance vers le Tchad en laissant au passage Michel qui se pose à N Djamena.
Morel et Ouvrard retournent à Libreville….Une longue mission !
Quand 2 pilotes se sentent solidaires…
« Juju » notre officier mécanicien remonte à son tour au Tchad laissant la responsabilité de la mécanique à Bouaniche.
Samedi 17 mars
A Libreville : 2 avions dispos, 2 pilotes dispos, 8 mécanos dispos. Mais aussi du carburant !
Nous sommes en alerte à 30mn.
A N’Djamena, la vie reprend tranquillement. Les pilotes sont protégés et logent maintenant sur la base dans les bâtiments du LC2 en cours de réfection. Ce qui leur vaut quelques visites inattendues pendant leur sieste…Il est vrai que les ouvertures pour placer les climatiseurs ont été prévues très larges…
Pilote CHEF , combat inégal avec un serpent
…Qui a le plus peur ? Le chef ? Non, l’intrus, car il finira dans la casserole d’une famille tchadienne… !
Enfin, le 20 mars, les 2 derniers avions de Libreville remontent définitivement sur le Tchad.
Nous aurons encore une grande semaine d’inactivité aérienne avant la relève à N’ Djamena redevenue plus calme.
Nous occupons notre temps à faire du sport en attendant notre retour en métropole.
Le 27, c’est à notre tour d’accueillir la garde montante (…) à sa descente d’avion.
Pour certains, ça aura été le dernier séjour au Tchad… (notamment pour le rédacteur de ces lignes qui auront été écrites avec une pensée spéciale pour son ami B Lissonde mort en SAC trois ans plus tard à Libreville, pour Jullien et Bouaniche aujourd’hui disparus…)
A tous ceux du 2/11 qui participèrent à ces évènements en Afrique, je voudrais témoigner de mon profond respect, de ma sincère admiration et de mon amitié toute particulière.
Je suis fier d’y avoir porté l’uniforme de l’Armée de l’Air à vos cotés.
Le 1er août 1994, au cours d’une mission réalisée dans le cadre de l’opération «Turquoise», le Jaguar A119 percute la frondaison au sommet d’une colline. Le pilote s’éjecte au-dessus du Zaïre. Il s’en sortira miraculeusement indemne. Récit d’une aventure pas comme les autres.
Le choc est d’une violence inouïe ; d’autant plus violent qu’il est inattendu. Les deux glaces latérales explosent, suivies par la glace frontale. Le bruit est assourdissant. J’ai l’impression d’avoir fait un trou dans le sol avec la sensation que tout s’arrête net. Je réalise que je vais mourir ; un leitmotiv me harcèle : trop ton, t’es mort !
Le choc a eu lieu alors que l’avion était lancé à 410 nœuds, soit plus de 700 km/h. Ce vacarme ! C’est trop violent. Deux flashs se succèdent alors : l’arceau de la verrière se déforme sous l’impact d’une branche et reprend ensuite sa forme initiale ; et tous ces bâtons noirs qui défilent à grande vitesse sous mes yeux. Une chose est sûre dans cet enfer de bruit : c’est le crash complet, et tout va s’arrêter… Si ça n’est déjà fait.
Sortir de cet enfer !
Tout va s’arrêter d’un dixième de seconde à l’autre ? Ça fait trop de bruit ! Mais je veux sortir de cet enfer. SORTIR ! Dans un temps qui me parait très long, je guide ma main le plus bas possible, doigts tendus, je ne veux pas rater la poignée basse (NdA : qui déclenche le siège éjectable). Ne pas la rater. Je comprends bien le paradoxe de la situation. Il faut que j’aille le plus vite possible : chaque dixième de seconde est déterminant. Mais si je loupe cette poignée dont ma vie dépend, je n’aurai probablement pas le temps de faire un deuxième essai. Tout va s’arrêter ! Ne pas manquer la poignée !
Je remonte doucement ma main. Au contact de la poignée, mes doigts se crispent dessus. Je la serre de toutes mes forces et tire d’un coup très sec. Rien n’est gagné : il faut 3/10° de seconde pour que le siège se déclenche. C’est un laps de temps infiniment court… mais ça parait interminable. SORTIR de cet enfer, c’est ma seule préoccupation. Sortir avant que tout n’éclate. Et soudain, je sens cette ascension salvatrice, cette poussée qui me délivre du choc du vacarme indescriptible. Quel contraste. J’ai l’impression de monter en douceur. Mes yeux sont fermés, sûrement par réflexe. Je ressens la montée, puis un pivotement à l’horizontale, suivi dans la foulée d’une très nette décélération due probablement à l’ouverture du parachute. Quelques secondes plus tard, je parviens à ouvrir les yeux. Rien que des arbres. Dans trois ou quatre secondes, je serai dedans. Et le plus gros, c’est pour ma pomme ! Je me protège le visage avec les bras au moment où j’entre en contact avec la cime. Je m’enfonce dedans, quelques mètres avant de me retrouver pendu par le parachute coincé en haut de l’arbre, tout en me retrouvant assis sur une branche. Au même moment, une explosion vient fendre le silence relatif: ça ne peut être que mon avion qui explose. J’entends également que l’avion de mon équipier s’éloigne pleine postcombustion. Je ressens alors un énorme soulagement. S’il s’éloigne, c’est qu’il est vivant. Ce sentiment est aussitôt suivi d’une angoisse, car s’il s’éloigne, c’est qu’il me croit mort. J’essaie de tirer le paquetage de survie dans lequel se trouve la balise indispensable pour prévenir que je suis vivant, mais je n’en ai pas la force. Il s’en va : il me croit mort»
Les restes de l’avion
J’essaie de tirer le paquetage de survie dans lequel se trouve la balise indispensable pour prévenir que je suis vivant, mais je n’en n’ai pas la force. Il s’en va ; il me croit mort.
C’est effectivement la certitude de l’équipier.
” Les deux Jaguar Cobra Juliet avaient décollé à 6 h 37 (TU) de Bangui, comme prévu, pour une mission s’intégrant dans l’opération « Turquoise ». Deux autres Jaguar faisaient partie de la mission. Les quatre appareils furent divisés en deux patrouilles de deux avions pour éviter de perdre trop de temps pendant le ravitaillement en vol. Après le premier ravitaillement réalisé sans encombre, la patrouille descend au cap est, altitude 6 000 pieds QNH soit 3 000 pieds sol. L’altitude du point le plus élevé de la zone est de 5 200 pieds. Les conditions météo sont suffisantes pour rester eu VMC (vol à vue) en toute sécurité. La visibilité horizontale est d’environ cinq kilomètres et la vue du sol est parfaite, 3 000 pieds plus bas. Le leader de la patrouille rappelle néanmoins à son équipier la procédure d’urgence, avec utilisation de la postcombustion, en cas de dégradation météo (traversée de nuages). Le niveau refuge niveau de vol 115 est fixé arbitrairement. Celui-ci est simple à se rappeler, car connu, en France et supérieur à l’altitude du point le plus élevé du secteur. Les deux pilotes commencent une montée lente vers ce niveau rejuge, par précaution. Mais les conditions se dégradent brusquement. Les pilotes subissent une perte de visuel. L’équipier comprend qu’il vient de passer en conditions IMC (conditions de vol aux instruments). Il ne voit même plus l’avion du leader ! A peine une seconde plus tard, c’est la vision d’horreur, l’avion de son leader réapparaît avec la dérive et une aile arrachées, ainsi qu’une boule de feu au niveau du cockpit. Pour lui, le leader n’a pas eu le temps de s’éjecter : c’est clair ! Il ne comprend pas ce qui a pu se passer, alors qu’ils se trouvaient à 1 000 mètres au-dessus du sol. Il applique alors à la lettre les consignes de remontée d’urgence pour retrouver un plafond de sécurité, et a le réflexe d’enregistrer la position du crash sur son GPS. Il appelle alors la deuxième patrouille et leur apprend laterrible réalité : « Michel s’est planté ».
Après avoir donné l’alerte, les trois Jaguar se retrouvent et rejoignent le C-1351FR (ravitailleur) au-dessus de Kisangani. Ils ravitaillent pour retourner à Bangui. La décision est sans appel. Il n’y a pas d’espoir ! Il faut rentrer. L’équipier pense que le Jaguar du leader a été percuté par un autre avion. A l’approche de la base de Bangui, la tour de contrôle entre en contact avec la patrouille : « Où est le quatrième avion ? » Après un temps de silence pesant, la phrase que personne ne veut entendre tombe comme une terrible sentence : « Il ne rentrera pas. » La réalité est plus terrible encore. Le Jaguar a percuté un relief, non mentionné à cette altitude, à plus de 410 nœuds soit plus de 700 km/h ! Comble de malchance. Choc insoutenable !
Pendant ce temps, la survie s’organise pour le pilote, perché sur son arbre :
« Toujours assis sur ma branche, je vis une situation qui semble irréelle, à la limite indescriptible du rêve et de la réalité. J’attends que ma femme me réveille et efface ce cauchemar en me disant que je suis en retard. Mais je revois cette chute dans l’arbre. Qu’est-ce que je fais dans cet arbre à 25 mètres de haut, et surtout à 6 000 kilomètres de chez moi. J’ai du mal à me convaincre que je viens de vivre tout ça. Il s’agit pourtant de la dure réalité, qui est accentuée par la perception des bruits de la jungle. Une chose est sure : je ne dois pas être indemne. Je commence alors à réaliser un « check ». J’ai mes deux bras et mes deux jambes, mais ma combinaison est pleine de sang. Je monte lentement mes mains vers la tête pour constater l’étendue des dégâts. Apparemment, je suis entier mais j’ai du mal à m’en convaincre. Le sang provient d’une éraflure à la joue droite probablement due à l’arrachement du casque lors de l’éjection. Ça saigne pas mal ; il fait chaud ; il y a plein de mouches. Je me rappelle les briefings concernant les chances de survie qui sont très faibles dans de telles conditions (durée de survie estimée à trois heures). Une blessure, même superficielle, peut devenir dramatique, notamment en cas de perte de connaissance. Il faut donc arrêter l’hémorragie. Je sors la trousse de secours de mon pantalon anti-G, et me colle un pansement. Les bruits de la jungle sont angoissants etme laissent seul face à moi-même dans cet arbre. Reprenant peu à peu mes esprits, je commence à faire un tour d’horizon pour tenter d’analyser la situation. A ma grande stupéfaction, j’aperçois à environ 500 mètres un village de cases africaines dont les habitants sont rassemblés, figés. Ils me regardent, éberlués par cet oiseau de feu tombé du ciel. J’appelle au secours à plusieurs reprises, mais personne ne bouge. Je tire alors une fusée de détresse. Je suis loin d’être sauvé. La moindre erreur peut être fatale dans ce milieu hostile : une chute de l’arbre serait dramatique. Je pense à Nicole, ma femme, et à mes deux gamins et une envie folle de les revoir s’empare de moi ! Le problème est qu’on me croit mort. Je ramène à moi le paquetage de survie. Je me rends compte que la balise n’est pas attachée comme elle aurait dû l’être, et j’ai peur qu’elle ne tombe 25 mètres plus bas. Je m’en empare délicatement et lance le premier appel en morse, puis en phonique : May-day, May-day, May-day. D’après moi, une vingtaine de minutes se sont écoulées depuis l’éjection. Plutôt que d’entamer une descente périlleuse, je décide de rester sur l’arbre, car j’estime que mon espérance de vie est supérieure (au moins, dans l’arbre, il n’y a pas de serpent !). Je m’assure à l’aide du descendeur et fais l’inventaire du paco, par des gestes lents et méthodiques pour ne rien laisser tomber. Je me munis notamment du « canon à buffle » et de fusées de détresse. J’ai soif ! Je prends un sachet d’eau et le porte à mes lèvres. Je ne veux pas en perdre une goutte.
Après une heure trente d’attente, mon attention est attirée par la progression d’hommes, qui se rapprochent au bruit des machettes ouvrant un passage dans la jungle. J’aperçois une dizaine de villageois, vêtus à l’européenne, ce qui me rassure un peu. Je ne peux m’empêcher de penser à Philippe de Dieuleveult disparu non loin de là. Quelques-uns comprennent le français ! Je leur explique que je suis un ami. Je leur demande si mon avion a fait des victimes. Heureusement non. Je suis soulagé. Je discute avec eux, du haut de mon arbre. Je suis très méfiant et surtout pas pressé de mettre mon destin entre leurs mains, ne sachant pas à qui j’ai à faire. Pendant ce temps, ils confectionnent une échelle de lianes et de branches avec une précision et une vitesse impressionnantes. En trois quarts d’heure, l’échelle est posée. Je simule une conversation avec l’hélicoptère et leur dis que mes amis seront là d’un instant à l’autre. Je ne peux pas refuser l’aide qui m’est offerte et commence donc à descendre de mon refuge à l’aide de l’échelle de liane et de mon descendeur. Je ressens une grande appréhension avant d’arriver en bas.
Au premier contact avec le sol, je m’écroule : ma jambe passe à travers un amoncellement de branches mortes. Certains villageois montent dans l’arbre pour récupérer mes affaires. Je leur demande de laisser le parachute qui sert de point de repère, ils acceptent et c’est pour moi la délivrance. Je comprends à cet instant par ce geste qu’ils n’ont pas l’intention de faire disparaître les traces de mon passage, et donc qu’ils ne me veulent pas de mal. Je commence à penser que je vais survivre ! Je m’assieds sur un tronc d’arbre et commence à décompresser. Une grande fatigue me gagne, mais je pense que le plus dur est fait. Pour gagner le village, il nous faut plus de trois quarts d’heure de marche sur un chemin semé d’embûches. C’est tout à fait conforme à l’idée que l’on se fait de la jungle.
À la sortie de la forêt, un gros contraste apparaît : on est au milieu de plantations de manioc, de maïs, de bananes. L’entrée dans le village restera gravée à jamais dans ma mémoire. J’ai l’impression d’être au milieu du film Christophe Colomb. Les villageois m’ont fait une haie d’honneur et m’applaudissent, contents que je sois vivant. Sur la place du village, un fauteuil bas m’attend ; je m’y assieds, tous m’entourent en me souriant. Les enfants se cachent derrière leurs parents. Les plus téméraires approchent doucement, ils regardent cet homme blanc comme d’autres enfants ont regardé E.T. Après avoir demandé s’il y avait un médecin, l’infirmier du village se présente et me refait mon pansement, J’ouvre un autre sachet d’eau. Je sors mon appareil photo (mon appareil se trouvait dam ma combinaison, car pendant la mission nous devions passer l’équateur et je voulais, à titre de souvenir, prendre mon GPS n’affichant que des zéros). Les photos de famille commencent…
Photo de famille
À l’issue de la séance photo, je demande à être conduit à l’épave. Je la trouve avec eux. Je ne reconnais rien. C’est terrifiant. Je commence à réaliser la chance que j’ai eue de pouvoir m’en sortir. Je suis traversé par un frisson persistant. Compte tenu du danger, je définis un périmètre de sécurité, et fais reculer les villageois.
Je renouvelle alors l’appel « May-day ». Je n’en crois pas mes oreilles. Mon message a été intercepté par un Atlantic de la marine. Je parviens à lui indiquer ma position et finis le guidage à vue, après avoir tiré une fusée de détresse. On me pose la question : comment va le pilote ? Je me suis mis à hurler : ” Mais c’est moi le pilote ! “.
L’Atlantic guide le Puma SAR (search and rescue) jusqu’à ma position. Je voulais que le Puma se pose loin de l’épave, à cause des risques d’explosion. L’hélico dépose un fusilier-commando près de l’épave et celui-ci accourt au village, où je suis retourné. Je suis dans un état de bonheur indescriptible. Cet homme arrivant eu courant me donne l’impression de m’apporter un deuxième passeport pour la vie.
Au décollage, le pilote rescapé découvre ce village sous un autre angle. Que doit-il à ces villageois? Ces moments-là n’ont pas de prix. Il regarde la vallée, avec une sensation de flash-back lui remplissant les yeux, comme un acteur retournant sur les lieux d’un tournage. Pourtant, cette histoire est l’immense envie de vivre, de retrouver Nicole, sa femme et ses deux enfants. Ou simplement d’apprécier la vie comme seuls qui sont passés près de l’au-delà peuvent le faire. Après un bref retour en France, il a repris les commandes d’un Jaguar et continue chaque jour les missions, avec la même volonté de les réussir. Il sait mieux que quiconque que « le bonheur est souvent constitué de malheurs qui ne sont pas arrivés ».
Article extrait d’un numéro d'”Air Actualités”
La fin du cauchemarPoint d’impact du Jaguar
Photo qui m’a été envoyée par son fils Emmanuel (voir commentaire)
Vous pouvez trouver un article publié en 2015 sur le tirMARTEL de l’EC 3/3 sur un Flat Face de la base de Ouadi-Doum, et je n’en aurai pas écrit d’autre si je n’avais pas retrouvé par hasard des photos du tir prises par l’EV 130 qui était la caméra embarquée du Jaguar. Antoine, “le grand Tonio” y racontait l’affaire comme lui seul sait le faire et à la suite j’avais ajouté un paragraphe que j’avais intitulé “la petite histoire”, dans lequel je racontais que la décision d’envoyer les Jaguar équipés de MARTEL n’avait tenu qu’un cheveu.
La petite histoire
Pour compléter cette histoire et tous les détails que seul Tonio est capable de donner, je voudrais rajouter ce qu’il s’est passé en marge de ce tir. C’est vrai qu’à cette époque le contexte politique est compliqué et preuve en est du nombre d’avions d’armes présents à N’Djamena : 12 Jaguar, 4 F1C et autant de F1CR. La France veut marquer le coup et frapper un objectif militaire. Deux options sont étudiées et préparées ; la 1 ère et celle qui fut réalisée fut ce tir Martel. Mais pour tirer un Martel, il faut que le radar émette ce qui n’était le cas qu’épisodiquement. Et c’est comme ça qu’en tant que chef de détachement des autres Jaguar de l’EC 1/11, je reçus l’ordre de préparer une mission « spare », l’attaque d’un terrain d’aéroclub situé dans le Tibesti et sur lequel stationnaient des Macchi. 8 Jaguar armés chacun de deux paniers de 36 roquettes de 68 mm, à l’évidence on allait en faire du petit bois de ces Macchi.
L’Atlantic 2 qui était aussi à N’Djamena avait décollé en avance et devait astiquer le 16 Nord pour intercepter les émissions des radars du terrain de Ouadi-Doum. Une heure limite avait été fixée et si aucune détection n’était perçue à ce moment, c’était la mission spare qui décollait. Le COMAIR, le LCL PECCAVY que j’avais eu comme commandant d’escadron au 2/11 était à bord de l’ATL et c’était à lui que revenait la responsabilité de déclencher la mission de frappe. A l’heure prévue toujours aucune détection de radar et normalement j’aurais dû partir. Au lieu de rentrer, il interpelle le commandant de bord de l’ATL « aujourd’hui, c’est mon anniversaire, on fait un dernier run ». Et c’est sur la branche retour du dernier run que les Libyens ont mis le Flat Face en route.
Je me souviens encore, être dans la salle d’OPS équipé avec mes 7 autres pilotes en train de regarder le chrono et les autres pilotes de la 3EC ; l’ambiance était particulière. Le compte à rebours était proche de la fin ; tout le monde était tendu, prêt à courir aux avions quand tout d’un coup, quelques minutes après ce qui aurait dû être le top départ pour moi, l’officier de permanence est entré brusquement dans la salle d’OPS en annonçant le mot code « Chalumeau » qui signifiait qu’une émission radar avait été captée. Et c’est ainsi que ce furent les pilotes du 3/3 qui se sont rués aux avions.
Chalumeau devrait rappeler des souvenirs à certains car c’était un mot code utilisé lors de certains exercices nucléaires ; c’est vrai que Peccavy venait de la 4EC, une escadre de M IIIE dont la mission principale était la mission nucléaire tactique.
Comme quoi l’histoire ne tient pas à un grand-chose ; une date anniversaire et à quelques minutes. Ce jour-là la chance n’était pas de mon côté.
Les photos du tir.
Tir Martel. Départ du missile. La conduite de tir de l’avion était des plus simples ; le chiffre “1,5” au centre correspond à la distance restante à l’objectif, soit 15 NmOn distingue bien le missile devant l’avionMissile toujours bien visible en bas à gauche. Le pilote commence à virer à gauche
A l’occasion de l’anniversaire des 30 ans du tir MARTEL sur le Flat Face de Ouadi-Doum, l’EC 3/33 Ardennes a organisé le 1 er Mars une commémoration sur la base de Nancy à laquelle ont participé quelques anciens qui avaient vécu et/ou participé à cet événement.
Une superbe journée très riche en émotions ; un grand merci au 3/3 pour la qualité de l’accueil et l’organisation parfaite de cette journée sur laquelle je reviendrai.
Quelques photos prises pour l’occasion que vous pouvez retrouver sur la page FB de l’Armée de l’Air.
Un Flat Face et le A100 qui a tiré le missileLe M2000D vanille chocolat spécialement décoré pour l’occasionL’escadron 3/3 et les invitésLes autorités :le commandant de la base et le commandant d’escadronGuitou devant le M2000D vanille/chocolat à son nomLa carte de LA missionAutour de THE carteLa salle d’OPS à l’époque où on peut voir le Guitou, Minet, Sausback, Taquet,…
L’opération « MANTA » a été déclenchée en Aout 1983 et en novembre, je me retrouve chef du détachement JAGUAR à N’Djamena.
Comme bien souvent à cette époque, la mise en place s’est effectuée de manière chaotique et l’installation sur la base aérienne des forces Françaises et Zaïroises qui comprenaient notamment quelques Mirage 5 s’est faite dans la précipitation.
C’est le 4/11 qui avait fait la mise en place ; Marty et Leballe
Le chef des commandants fusiliers de l’Air était le capitaine JEAN, un ancien artificier de l’Armée de Terre. Nos rapports étaient excellents et lors d’une de nos discussions, il m’avait fait part de l’une de ses craintes « Tu vois dans ce bâtiment-là, l’ancien MVC de la base, il y a 25 tonnes de munitions appartenant à l’Armée Tchadienne qui sont stockées en vrac. Et ce n’est pas tout car il y en a autant de l’armée Zaïroise dans un des hangars qui jouxte celui des JAGUAR à l’aéroport militaire. Si ça saute, ça va faire un beau feu d’artifice et pour avoir vu un dépôt de munition sauter au Liban il y en a pour plusieurs jours avant que ça s’arrête. Et puis et surtout, je pense qu’il ne restera pas grand-chose des bâtiments, des Jaguar, F1C, Transall,… ».
Je lui demande s’il a prévenu le COMELEF et il me répond que oui, mais qu’à l’évidence, ça ne fait pas partie de ses préoccupations immédiates. Il m’amène dans l’ancien MVC et commence à me faire l’inventaire ; des obus de tout calibre, des mines anti-char empilées en équilibre instable, des roquettes… Effectivement il faudrait quand même faire quelque chose.
Plan de la base avec en bas à gauche les emplacements MVC et LC 0
Au milieu du détam, un matin, je suis au camp Dubut de l’Armée de terre dans la salle d’OPS en train de discuter avec le COMAIR. L’officier de permanence, capitaine de l’armée de terre repose le téléphone et s’adresse au sous-officier présent :
« Allez me chercher le général de toute urgence »
« Joli thorax » tel était son surnom arrive peu de temps après.
« Mon général, il y a un bâtiment qui brûle sur la base aérienne »
« Je m’en fous » répondit-il (sic)
« Oui, mais dans le bâtiment il y a 25 tonnes de munitions, mon général »
« Envoyez les pompiers immédiatement »
« Mon général, il y a des munitions à l’intérieur qui vont exploser»
« Qu’ils se sacrifient ! » (sic)
Entre temps, j’avais briefé le COMAIR sur le danger que représentait cet incendie, et il m’avait demandé de remonter sur la base et disperser les moyens afin de limiter la casse.
Investi de cette mission je fouettais les 40 CV de la 4L tout en réfléchissant à ce que j’allais bien pouvoir faire en arrivant là-haut. Et là-haut, je découvre devant l’ancien MVC un attroupement d’une centaine de personnes ; en matière de dispersion, ça commençait assez mal. Je descends de voiture pour aller voir les mécanos Jaguar et F1 présents et leur demander d’évacuer la zone, quand soudain je vois le capitaine JEAN.
« Ne t’énerves pas, c’est fini » me dit-il.
« Il s’est passé quoi ? »
« Je passais devant le bâtiment, quand tout d’un coup, il y a eu une détonation provenant de l’intérieur. Mon premier réflexe a été d’aller me planquer sachant que tout allait péter. Mais j’ai eu une hésitation et pendant ce temps-là, un coopérant qui travaillait dans un Algéco juste à côté est sorti pour voir d’où provenait le bruit. Et là, je me suis dit qu’il fallait y aller. On ouvre la porte du hangar complètement enfumé quand tout d’un coup retentit une deuxième détonation. Par réflexe je baisse la tête et dans l’obscurité on distingue des caisses en train de brûler ; plus précisément, c’est le conditionnement qui était constitué de sorte de copeaux de bois qui se consumait. A nous deux, on en sort 3 ou 4 et à notre grand soulagement la fumée se dissipe. »
« En fait, ce sont des électriciens locaux qui sont intervenus sur la boite électrique du bâtiment. En faisant une mauvaise manip, ils ont provoqué un court-circuit au niveau des fils qui ont généré des étincelles qui elles-mêmes sont tombées dans les caisses d’obus ouvertes. Le conditionnement a commencé à se consumer et sous l’effet de la chaleur, les obus ont dépoté. On a sorti les caisses qui brûlaient et ça a suffit ».
Si vous connaissez la base, l’ancien MVC est le bâtiment qui est situé au bout du chemin qui va du LC0 vers les OPS. Au bout du chemin après avoir passé le petit pont, vous êtes obligé de tourner à droite ou à gauche ; le MVC est le bâtiment juste en face. Si vous allez sur le côté droit, vous pourrez voir (à moins qu’on l’ait repeint, ce qui est peu probable) deux trous d’environ 20 cm de diamètre, distant d’un mètre et à 50 cm de hauteur et qui ont été rebouchés : ce sont les traces des 2 obus qui ont dépoté… J’avoue que j’ai oublié les détails : quel type d’obus, est ce qu’il y avait la charge et si oui où sont-elles allées,…
Le capitaine JEAN fut bien évidemment récompensé, mais de l’avis général ce fut petit bras malgré la bravoure dont il a fait preuve et l’ampleur de la catastrophe évitée. Et ceci explique peut-être cela : une récompense importance était quelque part une preuve du constat d’échec des responsables qui n’avaient pas voulu traiter le problème en amont. Et puis il faut dire aussi que JEAN avait une forte personnalité qui parfois dérangeait. Il ne s’embarrassait pas toujours de détails comme le soir où, dans le hangar qui est juste à côté de la salle d’OPS et qui servait de bar, n’arrivant pas à se faire entendre, il sortit son revolver et tira 3 coups en l’air. Il fit trois trous bien alignés et distant de quelques centimètres. Là aussi je pense que les trous doivent encore exister…
DETAM 2/11 novembre-décembre 1983
PS : compte tenu de l’importance des opérations en cours, le paysage sur la base a beaucoup changé. J’ai demandé à un collègue qui effectuait une mission à N’Djamena de me faire quelques photos du MVC. Il reste bien un bâtiment, mais ce dernier a été entièrement refait et pour ce qui est du hangar, il est actuellement occupé par les forces Tchadiennes et impossible d’accès. Dommage pour les photos preuves….
Un article précédent “Les C135 : Nos amis les lourds”décrivait le caractère indissociable avion d’arme/ravitailleur en opération. Les avions et les missions sont complémentaires et vécues différemment y compris au sol ; Daniel DALMAS PCA (pilote commandant d’avion) C 135 nous raconte les débuts de l’opération MANTA et les conditions logistiques du départ qui il faut le reconnaitre, furent misérables.
Opération MANTA ; les débuts racontés par un C 135
Extrait de document ECPAD
“Afin de contrer l’intervention de l’armée libyenne sur le territoire tchadien , la France déclenche l’opération “Manta” le 11 août 1983, à la demande du président tchadien Hissène Habré qui dirige les FANT (Forces Armées Nationales Tchadiennes). L’armée libyenne équipait alors l’ALN (Armée de Libération Nationale) dirigée par l’ancien président tchadien Goukouni Oueddeï, opposé à Hissène Habré. Mais Hissène Habré perd patience et décide de prendre la place. Il s’en suit une terrible guerre civile à la suite de laquelle, Hissène Habré devient président en Juin 82 et Goukouni se retire avec ses fidèles soldats, dans le Tibesti.
Le ministère de la Défense en 1983
Goukouni n’a pas dit son dernier mot. Il appelle à l’aide le Libyen Kadhafi qui depuis longtemps, avait des vues sur le nord du Tchad et n’attendait que cela, pour envahir la bande d’Aozou. Il y installe ses avions de combat Mirages 5, F1, MiG et Tu 22. Goukouni reconstitue ses forces, occupe Faya et menace Abéché, réagit vite et ses brillants guerriers reprennent la garnison. Mobutu, président du Zaïre, apporte son aide à Hissène en lui envoyant 3 Mirage 5 et 3 Macchi. De quoi faire rire Kadhafi…. Les hommes de GOUKOUNI reprennent FAYA et d’autres localités sur le sud du Tibesti. Hissène se rend compte que la situation devient grave et fait appel à la France. La France, pour démontrer que les accords de défense n’étaient pas de vains mots, vole au secours de l’ancien adversaire, en déployant une très grande opération : MANTA
Mon récit, n’est ni polémique, ni critique, car la difficulté était très grande, pour mettre en place de si gros moyens, sur une plateforme aérienne unique dont l’infrastructure d’accueil était à l’abandon. Pour la force aérienne, le démarrage de l’opération fut laborieux. Il manquait l’essentiel : le carburant. Mais MANTA sera une belle opération. Trois jours après son arrivée, la force aérienne était opérationnelle. Pour l’avoir vécu et pour bien illustrer les difficultés rencontrées, Je vais détailler un peu le récit de notre mise en place.
A partir du 11 Aout 1983, les forces terrestres convergent vers le Tchad.2 C135F sont en place à Libreville, 4 F1 en attente à Bangui, 4 Jaguar à Dakar.
Le 19 Aout, avec mon équipage (Paul F…….d, Rolland B…..t, Titi L……d, et 9 mécaniciens, nous décollons d’Istres .Nous convoyons 4 Jaguar pour une mise en place à Dakar, en attendant que N’Djaména puisse nous recevoir et ce, pas avant 2 ou 3 jours, d’ après les renseignements que nous avions. Arrivés à Dakar le commandant des Jaguar me montre la mission du lendemain ??? …un trait tout droit Dakar N’Djaména ??? .Ce n’était pas prévu si tôt… Je fis remarquer que nous n’avions pas l’accord du COMAIR N’Djaména de nous poser, et que nous survolions des pays étrangers, sans autorisation, ni de ces pays ni du commandement. Après quelques tergiversations, j’obéissais aux ordres du Cdt des Jaguars. Mais, au moment de la mise en route, la voiture du COMAIR DAKAR arriva en trombe pour arrêter le départ…nous n’avions pas l’autorisation d’aller tout droit, il fallait passer par Libreville……..trajet entièrement maritime. Arrivés à Libreville, bien informés que N’Djaména ne pouvait pas nous recevoir, les Jaguar tenaient absolument à partir le lendemain. Sans informations météo, sans information sur l’infrastructure dont nous savions qu’elle avait beaucoup souffert et, sachant qu’il n’y avait pas de pétrole. Jean-Claude P….é décollait avant nous, pour nous ouvrir la route, nous informer et se poser avec le maximum de pétrole pour en mettre un peu dans les cuves de l’aéroport. En outre, je ne tenais pas à errer tout seul, au milieu de l’Afrique avec 4 Jaguar dans l’aile. Jean-Claude aurait pu les ramener en cas de problème de dernière minute. Nous nous sommes posés vers midi le dimanche 21 Aout. Les F1, arrivent peu après de Bangui, guidés par un Jaguar. Personne n’est là pour nous accueillir. Il faudra attendre presque une heure pour voir arriver le COMAIR et le Chef OPS (Cdt G……), levant les bras au ciel et demandant « Qui vous a dit de venir, on n’a rien, pas de bouffe, pas de logement, pas de pétrole …. » . Les informations données au départ d’Istres étaient bonnes.
La première difficulté fut de faire les pleins. Le Jaguar de Bangui (qui devait y retourner), les 4 Jaguar et 3 F1 seulement, reçurent leurs pleins. Ce qui à mes yeux était une erreur, car les seuls moyens de protection de l’aérodrome étaient les F1. Si le Tu22 était venu bombarder la piste, comme il le fit plus tard, je ne sais pas ce qu’il serait advenu de Manta … 1 F1 et le C135 durent attendre le mercredi pour avoir leur pétrole. Il fallut presque 4 heures pour faire le plein d’eau du C135, cause petite citerne et débit insuffisant. Le pilote du Jag devant retourner à Bangui (le Cne F……a), que je connaissais des opérations précédentes, n’avait rien à manger. Je l’invitais au C135 où il y avait encore quelques bricoles à grignoter et à boire. L’ORV et nos mécanos très prévoyants, avaient un peu gonflé les provisions de bord. Tout le personnel ( Jaguar, F1,C35, pilotes, mécanos), fut logé ce soir-là dans une sorte de villa où s’entassaient des lits Picot. On dîna grâce à une gamelle de « riz cuit colle », à l’eau fortement permanganatée, préparée par les cuistots Paras (un grand merci à eux, qui nous nourrirent pendant 3 jours et à ceux qui assurèrent notre protection… Légion, BIMA etc..). Avec la chaleur, la promiscuité, les odeurs, les bruits, les moustiques…ce fut notre première nuit …sans dormir…d’autres suivront. Le lendemain, ne sachant où nous mettre, on nous ramena à l’avion. Et comme nous n’avions pas de véhicule ni de radio, et que tout le monde avait déménagé vers ce qu’il restait de bâtiment de l’Escadrille Tchadienne….. à l’opposé de notre avion… On nous oublia un peu ….
C’est à l’heure du briefing que notre absence fut ressentie. Un véhicule vint me chercher. Au briefing, à la question : «Que peut faire le C135?» je répondis : « aller à Bangui, il ne nous reste que 45000 livres de carburant. ». Ce fut ma réponse pendant 3 briefings consécutifs.
A mes questions :
– Quand pourrons-nous avoir du pétrole ? Réponse : on ne sait pas, des avions civils font des rotations entre Douala et N’Jam pour en amener un peu, avant que n’arrivent les premières citernes de Douala…. si elles ne sont pas piratées.
– Pourrait-on avoir un véhicule ? Réponse : On va louer un taxi à la journée qui stationnera en permanence devant l’aérogare. (ce fut fait.)
– Où serons-nous hébergés ? Réponse : A l’avion, pour l’instant.
– Et pour les repas ? Réponse : Des gamelles comme hier….J’eus une pensée pour mon copilote Paul F…….d, qui était allergique au riz. Je demandais des rations de combat : « on n’en a pas et c’est trop cher ». Pour finir on nous remit des brassards bleus blancs rouges marqués Division d’Instruction, car nous étions ici : « pour instruire l’armée Tchadienne » !!!
Le camping sous l’aile de l’avion
La journée se passait à l’ombre des ailes sur des couvertures et, bien heureux celui qui, aux heures les plus chaudes pouvait mettre sa tête à l’abri de l’air brulant, entre les roues du tain d’atterrissage.
La nuit, nous essayions de dormir dans l’avion. C’était quasiment impossible à cause du bruit de ceux qui amenaient du pétrole jour et nuit. De plus, des nuées de moustiques nous envahissaient et, celui qui n’avait pas pensé à mettre de la crème sous la plante des pieds (presque tous… dont moi), ne pouvait pas marcher le lendemain. Pour les toilettes il y avait ceux de l’ «aéroport» dans un état indescriptible et, un robinet d’eau qu’il ne fallait pas boire. Nous avions heureusement à bord, de l’eau en bouteille et d’autres boissons bien connues,……… qui ne pouvaient pas contenir de bactéries.
Il y eut de nombreux malades parmi le personnel des autres détachements qui, asséchés par la chaleur, succombaient à l’envie de boire au robinet. Par bonheur, l’usine GALA fut une des premières unités opérationnelles à bien fonctionner. Contrairement à Tacaud, la sécurité n’était pas un problème. Il y avait les militaires en tenue mais surtout, les hommes d’ Hissène Habré, enturbannés, portant de larges vêtements blancs serrés à la ceinture par une cartouchière, armés de Kalaches… Ils étaient partout, souvent à l’ombre, allongés sur des nattes, paraissant assoupis mais avec l’œil et l’oreille du chat qui dort. Grâce aux taxis, l’équipage pouvait se rendre aux OPS. La salle d’OPS était celle de l’Escadrille Tchadienne squattée par nos chasseurs. Ainsi, nous étions un peu au courant de l’état d’avancée de la force MANTA. Nous en profitions pour prendre connaissance des zones des futures interventions des Jaguar et des méthodes de protection envisagées par les F1. Un briefing fait par un colonel venu COAA, nous apprit que MANTA calma provisoirement les velléités de Kadhafi. La France faisant savoir que le survol du Tchad était interdit et, que toute intrusion aérienne ou terrestre, au sud d’une ligne grosso modo Oumchalouba – Korotoro (entre 15 ème et 16 ème parallèle), serait considérée comme hostile et traitée comme telle.
Pendant cette période « camping », mon souci majeur était de trouver le moyen de faire le plein d’eau plus rapidement. Les mécanos retrouvèrent la belle citerne toute neuve livrée pendant Tacaud, …. Complètement désossée. J’en informais les FAS qui nous envoyaient le « kit plein d’eau », dont j’ignorais totalement l’existence. Il s’agissait d’un gros réservoir souple qu’il suffisait de maintenir plein, et d’une pompe autonome qui alimentait le déminéralisateur avec un bon débit.
Le mercredi 24 vers midi, le C135F reçoit sont armement (le pétrole) ,…
Le C135 en alerte
Mais l’équipage est un peu sur les genoux, après toutes ces nuits de mauvais sommeil. Nous obtenons d’aller prendre une douche et de passer la nuit dans la « villa » des Tansall, sur des lits Picots. Cependant, nous n’eûmes pas le plaisir d’apprécier le confort de ces célèbres lits… Les équipages des Transall (qui ont fait un énorme travail) allaient et venaient toute la nuit et, pour couronner le tout, au beau milieu de la nuit, il fallut aller déplacer l’avion aux moteurs, parce qu’il gênait celui de Mr Hernu (Ministre de la défense), venu nous rendre visite…. Nous avons fait notre premier vol le vendredi 25 Aout pour une mission relativement courte et simple de 3 heures, ravitaillant 1 seule fois 2 Jaguar et 2 F1.
Préparation de mission avec le chef de patrouille Jaguar
Les missions étaient au début, très semblables à celles de Tacaud avec un petit plus : la protection des F1 pendant les ravitaillements, ils descendaient ensuite avec des Jags. Par la suite elles devinrent un peu plus sophistiquées, avec plus d’avions, et RVTs aller et retour nécessitant parfois le C135 de Libreville. Le C135 restait, très en dehors du « ring ». En voyant l’armement des avions qui venaient ravitailler, on comprenait que le ton était monté.
Nos protecteurs
J’ai failli oublier nos camarades de l’Aéronavale qui, infatigables comme les équipages de Transall, se mettaient en l’air de façon presque permanente, pour recueillir le maximum de renseignements et deviner l’activité et les projets de l’adversaire. Petit à petit, Manta se mettait en marche. Les Crotales, les bitubes de DA, et même un SRE s’installaient. Je n’oublie pas les trans (grosse différence par rapport à Tacaud), toute l’intendance, la popote, l’infirmerie etc.…. Pendant ce temps-là, le Génie, à ses moments perdus… pas beaucoup, nous remettait au propre la zone vie qui était envahie par les buissons, les eaux usées et autres immondices.
Dans la chambre avec les brassards détachement instruction
Les bâtiments, délabrés, criblés de balles et d’impacts de roquettes, étaient retapés tant bien que mal. Ceci nous permit d’avoir enfin des « chambres »…mais dans quel état !! Presque plus de vitres, 1Cm de poussière partout, des restes de feux de bois et des pierres dans un coin, les installations d’eau et d’électricité inutilisables, les climatiseurs tout neufs mis en place par Tacaud, disparus…. Comme nous ne volions pas pour économiser le carburant de N’Djaména, c’est le C135 de Libreville qui faisait des aller retour, sans se poser au Tchad. Ceci nous donna le temps de mettre nos «chambres» en état. Cette opération de nettoyage permit à un champignon sous cutané, de se développer sur mon épaule gauche. Je le soignais à la javel pure. Un 4X4 Land rover de l’armée Tchadienne, nous fut attribué mais, le système de démarrage fonctionnait mal. Nos mécanos réglèrent ce problème très rapidement. L’alternateur ne fonctionnait pas du tout, ce qui obligeait à mettre la batterie en charge tous les soirs. Le hasard fit que je rencontrais un civil Français, qui était responsable de l’atelier de réparation des automitrailleuses Panhard, des Tchadiens. Je lui parlais de notre alternateur… Il me demanda de revenir discrètement le lendemain avec un sac. Ce que je fis, et je repartis avec un alternateur tout neuf…. les mécanos firent le reste.
Pendant que le confort s’améliorait, la force aérienne Manta était devenue totalement opérationnelle. Nous prenions l’alerte en salle d’OPS où parfois, l’équipe de mécanos d’alerte venait nous rejoindre pour profiter un peu de la « clim ». Ils ont beaucoup souffert nos mécanos…mais l’avion était toujours dispo. Nous étions concernés par les préparations de missions à plus d’un titre. Nos calculs de performances par température élevée, éveilla l’attention des Jags. Leurs niveaux de ravitaillement avec avion lourdement armé, furent alors fortement revus à la baisse. Je devais aussi mettre au point les ravitaillements et les messages destinés au C135 de Libreville qui les faisait le lendemain. Ces messages devenaient de vrais romans tellement les points de rendez-vous et les caps variaient. Expédiés tard en soirée, ils risquaient de ne pas arriver au PCA à temps ou de rester sous le coude de l’ OPO (ce fut une fois le cas) . Pour simplifier et accélérer la rédaction de ces massages, je proposais au COMAIR d’ établir des axes comme en France ….mon idée fut appréciée et après avoir consulté tous les intéressés, tout l’équipage se mit à l’ œuvre pour penser et établir des axes, qui permettaient à tout C135 venant de N’Djaména, Bangui, Libreville ou même Dakar, de ravitailler un raid vers n’importe quelle zone d’ opération. Notre carte, fut acceptée et, à ma grande satisfaction, lors de mon dernier séjour en 1988… elle servait encore.
Le Briefing global du soir, très instructif et passionnant, était présidé par le COMFORMANTA, le Général dit « Joli Thorax » en raison de sa façon de bomber le torse. Nous n’avons fait que 4 missions opérationnelles, sans qu’il n’y ait eu d’engagement.
Notre séjour prit fin le 13 septembre. Je rentrais en France avec mon champignon, le navigateur R.B…..T, qui rêvait d’un bon bœuf carotte, avec une bonne gastro…pour ne pas dire autre chose. Le copilote : P. F…….d, encore plus allergique au riz, et l’ ORV : T. L…..d, toujours souriant. Seuls les protagonistes comprendront mes petites allusions. Manta se poursuivait
Un C135F, restait à N’djaména , un autre à Libreville et selon l’activité, un 3ème à Bangui. Je terminerai ce récit, par une petite pensée pour Michel CROCCI, Pilote de Jaguar, qui fut abattu en intervenant sur une colonne des forces du GUNT, ayant franchi la ligne rouge, le 25 Janvier 1984. Les Choses sérieuses commencèrent ce jour là.
Je fis de nombreux autres séjours, surtout à Libreville, que, comparés à celui-là, je qualifiais de : séjours « confortables ».
L’harmattan, vent sec (Alizé) de Nord-Est, chaud et chargé de poussière, venu du Sahara, sévit , durant plus de six mois au nord du Sahel de novembre à mai. Ce vent engendre la principale source de poussière dans le monde (120 millions de tonnes par an, soit 20 % du total mondial).
SITUATION
À l’origine, en décembre 1975 après le coup d’état du 13 avril par le général Félix Malloum et à la demande expresse du gouvernement tchadien, la France a rapatrié l’ensemble de ses troupes présentes dans le pays, remplacées par des accords de coopération technique militaire en mars 1976.
Depuis juillet 1977, la situation au Tchad n’est pas brillante à cause de l’offensive du Frolinat (Front de Libération Nationale du Tchad) appuyée par la logistique lourde de la Légion islamique libyenne. À la tête de la deuxième armée, Goukouni Oueddeï prend le poste de Bardai le 5 juillet et Kirdimi le 12 juillet.
Le poste de Zouar est à son tour attaqué le 15 juillet, 200 soldats des Forces Armées Tchadiennes (FAT) sont évacués par trois Transall venus directement de France (opération Camomille). En septembre 1977, Hissène Habré et ses Forces Armées du Nord (FAN), anti-Libyens, rejoignent le gouvernement du Président national Félix Malloum
Début janvier 1978, sous l’impulsion des Libyens, l’offensive « Ibrahima Abatcha » est lancée vers le sud de la région du Borkou-Ennedi-Tibesti (BET) par le Frolinat. La garnison de Fada se rend le 14 février, puis celles d’Ounianga-Kébir et de Faya-Largeau le 17 Février. Celles de Koro-Toro (nord de N’Djamena) et d’Ati (nord-est de N’Djamena) suivront.
Pour sa part, la troisième armée Volcan (Ahmad Acyl) s’attaque à la région de Biltine et d’Abéché, dans l’est du pays. La première armée (Mahamat Abba Seïd), quant à elle, engagera la bataille de Salai (nord-ouest de N’Djamena) le 16 avril, forçant les français de « Tacaud » à s’engager dans le conflit pour la première fois depuis leur mise en place fin mars.
Faits aériens marquants de l’opération Tacaud
ENGAGEMENT FRANÇAIS
Le Président Giscard d’Estaing connaissait bien la préoccupation tchadienne grâce à un compte rendu du colonel Jean-Louis Delayen (conseiller du Président Félix Malloum depuis 1972) en juillet, au fort de Brégançon. Mais ayant déjà perdu les élections cantonales de 1976 et les municipales de 1977, il ne voulait pas mettre en péril les législatives du 12 et 19 mars 1978 sous la pression de l’opposition (programme commun de François Mitterrand et de Georges Marchais), en s’engageant sur un autre conflit « ensablé » après les opérations « Verveine » au Zaïre et « Lamantin » en Mauritanie en 1977.
Néanmoins il fera part de sa décision d’intervenir lors d’un conseil de défense du 20 février 1978. Ce sera l’opération « Tacaud », qui sera une manœuvre essentiellement défensive portée sur le vecteur aérien. Elle sera précédée par une opération de préparation in situ, « Citronnelle », pour être opérationnelle rapidement sur le terrain dès la fin des élections. Après la victoire aux législatives et dans le cadre de « Tacaud », l’arrivée des troupes au sol fin mars sera rapide (environ 2 000 soldats), puis dix Jaguar et deux C 135, ravitailleurs en vol venus de Dakar, se poseront sur l’aéroport de N’Djamena le 27 avril. Ils seront stationnés entre l’aéroport civil et la base aérienne « Sergent-chef Adji Kosseï », avec une protection relative, un ancien canon antiaérien Bofors de 40 mm (tchadien) et quelques fusiliers-marins français encadrant des soldats locaux.
Dans le camp des opposants au régime, malgré la présence des missiles sol-air Sam 7 fournis et servis par les Libyens qui abattront trois avions de l’escadrille tchadienne (un DC3 et un DC4 en février à Faya et un AD4 (Douglas A-1 Skyraider, bombardier d’appui tactique) en avril à Salal) et deux Jaguar, Khadafi et Oueddeï voulaient détruire tous les Jaguar en opération au Tchad.
En effet, lors de la reprise des garnisons d’Ati et de Djedda en mai 1978 par « Tacaud », ces avions auraient été responsables de la mort de centaines de rebelles et de nombreux Libyens, engendrant la panique et faisant remonter les troupes libyennes et du Frolinat au nord de la ligne Moussoro-Ati-Abéché
Jaguar armé sur le parking de N’Djamena
QUE FAIRE ET COMMENT FAIRE ?
Le chef de l’état libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, avait, comme tous les chefs d’états d’Afrique, des conseillers étrangers. L’un d’entre-deux, E.P. W., était américain, ancien béret vert et ancien membre de la CIA, vendeur d’armes à l’occasion et impliqué dans de nombreuses affaires. Il fut donc sommé de trouver une solution pour éliminer les Jaguar, rapidement, moyennant finances et reconnaissance.
TACTIQUE DE E.P. W.
Il s’inspira certainement de la dernière tentative de coup d’état de Bob Denard le 16 janvier 1977 à Cotonou au Bénin, en proposant une destruction des appareils sur l’aéroport de N’Djamena, par un commando posé et récupéré dans les minutes suivantes. Il pensa à utiliser un type d’avion usuel qui ne surprenne pas les contrôleurs aériens tchadiens peu nombreux et peu vigilants de nuit. Il fallait simuler un atterrissage d’urgence en prétextant une panne, opération assez facile compte-tenu de l’état général des avions qui transitent au Tchad. Il resterait à « palabrer » au roulage avec la tour de contrôle tout en larguant le commando côté opposé dans l’ombre de la nuit, passerait devant elle en feignant de rejoindre un parking éloigné pour réparation, afin de se rapprocher du début de piste, et récupérerait le commando sur la raquette (aire de demi-tour pour reprendre la piste dans l’autre sens) et décollerait cap au Nord.
À partir des opérations « Manta » de 1983 à 1984 et « Épervier » en 1986, ce sont des contrôleurs français qui scruteront l’espace aérien tchadien, avec un matériel moderne. Ainsi venant du Cameroun en passant par le Niger puis par le Nigeria, un appareil libyen Tupolev TU-22, avec un équipage d’Allemands de l’Est et la soute à bombes ouverte, sera « accroché radar » (Centaure) et abattu par un missile Hawk au-dessus de la banlieue proche de N’Djamena le 7 septembre 1987.
Afin de mettre au point la mission, E.P. W. envoya son adjoint américain (ancien béret vert) dès juin à N’Djamena, pour prendre des renseignements et des photos sur l’activité des Jaguar et sur leur stationnement. Ce dernier confirma la protection relative des aéronefs et le type de trafic le plus commun, essentiellement composé de DC-3 (bimoteur hélices) ou de DC-4 (quadrimoteur hélices) datant de la première moitié du siècle dernier, de la compagnie locale Air Tchad et de l’escadrille aérienne tchadienne avec sa dizaine de DC-3 et ses trois DC-4.
Avec ces éléments, E P W. décida d’acquérir un avion du même type avec le recrutement d’un équipage français, parmi les mercenaires disponibles (qui restent toujours sous surveillance du SDECE).
Pour ne pas alarmer les services secrets sur la véritable cible de l’opération, il invoquera simplement une livraison officieuse d’armes, événement fréquent en ces temps sur l’Afrique. Ainsi nul ne pourra penser à la vraie nature de la mission à réaliser, en plus par des Français.
Pour ce faire, il contacte M. VV. 48 ans, commercial à Paris, qui effectue de temps à autre des «missions contractuelles ». Ancien parachutiste ayant participé à la guerre d’Indochine puis d’Algérie, il a loué « ses services » par la suite en Afrique, notamment pour se battre au Nigeria dans les années 70 et secourir les Biafrais. II avait participé au contrôle des Comores en 1975, en effectuant des reconnaissances aériennes. Après accord, la Libye lui propose la mission suivante avec un budget d’un million et demi de francs, « trouver un DC-3 ou un DC-4 en bon état ainsi qu’un équipage français », pour une simple mission de livraison d’armes en Afrique. M. W. accepte et achète un DC-3 (appelé aussi Dakota ou C-47) sorti de révision à Rodez et engage deux pilotes. Il sera pour sa part le mécanicien navigant pour compléter l’équipage et partira en qualité de responsable ce la mission.
Le premier pilote est un ami du Biafra, R. R., 42 ans, qui lui avait recommandé l’avion basé à Rodez. Il a été pilote de l’Armée de l’Air en Algérie, puis membre de l’OAS, condamné par la Cour de Sûreté de l’État. Il s’exilera en Amérique latine en 1963 où il sera piIote personnel du dictateur nicaraguayen Samoza, puis au Gabon, comme pilote personnel de Bongo jusqu’en 1972. Il est pour l’heure commandant de bord sur Fokker F-27 à Air Rouergue, basé à Rodez, mais pour le « fun » il fait aussi des convoyages d’avions dans le monde. Le second pilote P. T., 28 ans, pilote également à Air Rouergue est totalement étranger aux affaires africaines, mais voue une admiration pour les avions mythiques dont le célèbre Dakota. Passer sa qualification sur cet appareil est pour lui un rêve et surtout lui permettra de vivre ultérieurement des aventures en Afrique. Les différentes dispositions étant réglées, le DC-3 immatriculé F-BIEE partira de Toulouse-Blagnac le 27 juillet 1978 pour officiellement effectuer un convoyage vers la Thaïlande, avec une escale à Catane en Sicile.
Sur place il existait un relais libyen pour le chargement de bidons, remplis pour les uns d’essence en vue d’un ravitaillement et pour les autres, de billets de banque et d’armes.
L’OPÉRATION COMMENCE
Dix minutes après le décollage de Catane, le contrôle perd l’avion et signale sa disparition. Il sera déclaré abimé en mer le 28 juillet. Pendant ce temps, volant sous la détection des radars, le Dakota a mis le cap vers Zouar au Nord du Tchad à travers un couloir aérien au-dessus de la Libye qui leur était réservé. Goukouni Oueddeï et le collaborateur de E.P. W. qui, depuis plusieurs semaines, entraîne un commando de trente hommes pro-Libyens à une opération de sabotage, font partie du comité d’accueil. Les armes débarquées, ils demandent aux Français d’effectuer un atterrissage d’assaut de nuit sur l’aéroport de N’Djamena le 30 juillet, pour un sabotage des stocks de carburant (supposés) et en fournissant tous les éléments et relevés nécessaires à la mission.
On peut envisager qu’ils ne connaissaient certainement pas la présence des Jaguar, pas plus que le lieu du parking, d’où le choix de la cible annoncé pour ne pas faire naître chez les deux anciens baroudeurs une trahison au code des frères d’armes. Sachant que les dépôts de Shell et de Mobil ne sont situés qu’à un kilomètre (Farcha) donc rapidement accessibles (pas d’utilité de stocks sur base) et que le commando s’était entraîné avec l’Américain sur des répliques d’avion hâtivement bricolées, afin de répondre à la mission libyenne avant l’arrivée de l’équipage, il devient facile d’envisager la vraie nature de la cible prévue.
INTERVENTION DE L’HARMATTAN
Le 30 juillet soit deux jours après son arrivée, le DC-3 décolla vers minuit de Zouar pour l’aéroport de N’Djamena avec le commando aux ordres de Chaïbo Bichara mais aussi avec l’harmattan, bien que la période ne soit pas propice à ce phénomène. Au fur et à mesure du vol, les quelques secousses par le vent se sont transformées en fortes turbulences et les rebelles, pour qui ce voyage était également un baptême de l’air, furent presque tous malades et vidés de leurs forces pendant les quatre heures de vol.
Comble de l’ironie, l’harmattan avait atteint la capitale avant l’avion et perturbé la production d’énergie, au point de provoquer une panne totale de courant affectant le balisage des pistes et l’éclairage des bâtiments avec une interruption du trafic radio. En arrivant sur zone mais privé de repères au sol et transportant des soldats en situation physique hors de combat, dans des conditions de vol extrêmes donc d’atterrissage très dangereux, l’avion doit remettre le cap sur Zouar en annulant ainsi la mission.
RETOUR ET MODIFICATION DE LA MISSION
L’accueil à Zouar fut houleux de la part des membres du Frolinat et des Libyens, qui demandèrent à l’équipage de repartir le lendemain, avec un autre commando. R.R. refuse fermement. Officiellement il évoque des carences évidentes de préparation de la mission précédente, le manque de renseignements sur l’aéroport de N’Djamena et une météo défavorable.
Très probablement il s’agit d’une tout autre raison qui relève de l’intime. Il avait appris incidemment auprès du commando la véritable cible au cours du vol. Cette mission ne répondait sûrement pas à leur « dogme patriotique ». À la nouvelle de l’échec, Kadhafi menaçant impose à E.P. W. de trouver un autre équipage dans les plus brefs délais, afin de réaliser et réussir cette mission au plus tôt.
Devant l’urgence, E.P. W. utilise le relais de la CIA, avec l’accord du gouvernement américain qui aurait même versé les primes…
Trois vétérans américains sont engagés et arrivent à Tripoli, une quinzaine de jours après le premier vol, pour prendre possession d’un Fokker F-27 (Le Fokker F27 est un avion à turbopropulseurs court courrier) et voler vers Zouar pour accomplir la mission. Seulement, quinze jours s’étaient écoulés et la situation avait évolué à Faya. Les différentes ethnies des Forces Armées Populaires se déchiraient, entre pro-Libyens et anti-Libyens, suite à une tentative politique de division de Kadhafi pour affaiblir le Frolinat, ce qui entraîna la dissolution des Forces Armées Populaires (FAP).
De ce fait à l’arrivée à Zouar, l’équipage américain est arrêté par les Tchadiens qui revendiquent des conditions particulières en donnant une réflexion de quelques jours aux Libyens, sinon les Américains seront passés par les armes.
DÉNOUEMENT
Sans développer les détails de la situation et en réponse à l’ultimatum, le camp libyen proche donne de l’artillerie sur le terrain de Zouar, ce qui permet ainsi à l’équipage de fuir discrètement en utilisant le DC3 français parqué à proximité. La surprise passée, les Tchadiens rétorquent par un tir nourri sur l’appareil au décollage, qui l’endommage sérieusement et blesse le co-pilote. Ils se poseront néanmoins à Sebha au sud de la Libye, sous la protection de E.P. W., avant de rentrer aux États-Unis et de rembourser les primes.
Pour sa part, E.P. W. sera arrêté en 1982 et jugé en 1983 dans son pays pour vente d’armes à la Libye malgré l’embargo, puis emprisonné et libéré en 2004 pour services rendus (il était en fait couvert secrètement et d’une manière officieuse par différents services secrets non coordonnés de l’état américain).
QUE SONT DEVENUS LES FRANÇAIS DE L’OPÉRATION ?
Selon des témoignages locaux rapportés par Jeune Afrique, les trois Français auraient été fusillés à Zouar. Dans ses interviews, Goukouni Oueddeï dément et affirme les avoir vus partir avec des Libyens en DC3, pour Tripoli. Une autre version, celle du Tchadien Chaibo Bichara, assassiné en 1988 par Hissène Habré, chef du commando qui faisait partie de la mission sur N’Djamena et interrogé à la télévision française en 1980, affirme que les pilotes auraient été amenés en Libye et faits prisonniers.
Pour les familles, il n’y aura aucune nouvelle ou action pendant près de 30 ans jusqu’à l’affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien, emprisonnés pendant huit ans et libérés le 24 juillet 2007 par Kadhafi sous l’influence politico-économique du Président Nicolas Sarkozy.
Profitant de cette libération, J.C. R., le frère de R., a écrit au Président français pour connaître la vérité sur la disparition des trois pilotes (journal La Dépêche du 26/11/2007). En réponse, la présidence de la République fait savoir « qu’à la demande du chef de l’État, l’ambassadeur de France à Tripoli a été instruit de sa démarche ». De même, dans le JDD Journal du Dimanche du 6 août 2011, Marie la fille de M. W. confiait au journaliste J.P. Vergés qu’elle portait plainte contre Kadhafi pour « séquestration ». « Ces hommes ont été recrutés non seulement en raison de leur connaissance du continent africain et de leurs compétences opérationnelles mais aussi dans le but de brouiller les pistes sur la nature véritable de leur mission », souligne Me Alexandre Varaut, avocat de Marie, qui assure que les mercenaires français ne s’attaquaient généralement pas aux intérêts de leur patrie. Le conflit international contre la Libye en 2011 n’a rien apporté de nouveau sur cette affaire.
Jean-Luc Gerber ; coopérant au Tchad de 1976 à 1979 (GR 31)
Article paru dans “La Charte”organe de la fédération nationale André MAGINOT
Consultations de récits réalisées pour confirmation des faits :
Presse : La Dépêche du Midi. La Dépêche du Dimanche, Journal du Dimanche, Jeune Afrique.
Livres d’auteurs spécialistes du Tchad Robert Buijtenhuijs et Florent Sené
Ah ! les problèmes de communication radio ! Qui n’a pas connu ce genre de problème en vol ? On ne se comprend pas, on est brouillé, mais que dire quand on n’est pas sur la même fréquence parce qu’un des membres du réseau n’a pas utilisé le plan de communication du jour… Parfois les conséquences peuvent être dramatiques ; cela a failli être le cas pour l’histoire qui suit et qui nous est raconté par un des membres de l’équipage d’un C135. Il faut ajouter que les ROE’s (règles d’engagement) étaient beaucoup moins contraignantes que maintenant, et que dans certains cas l’ouverture du feu était de la seule responsabilité du chef de patrouille.
Le train Mauritanien régulièrement attaqué par le Polisario
Des militaires qui ont eu très chaud…
Cela se passe le 25/07/1979 ou le 31/07/1979 Mission Lamentin (RVT Jaguar)
(Relevés de mon carnet de vol)
Pilote commandant d’avion : L/Cl BRULE
Malheureusement, le nom des autres membres d’équipage a disparu de ma mémoire. A bord, également deux mécanos dont ma personne.
Nous survolons la Mauritanie depuis un moment lorsque le leader Jaguar nous signale que des véhicules militaires non identifiés, pas loin du tunnel de la voie ferrée, lors de leur passage en BA se sont planqués sous des « quéqués ». Sa demande est de contacter « RUBENS ROUGE » le Commandant du détachement Lamentin qui normalement se trouve à bord du Transall survolant également la zone, pour savoir qui sont ces « intrus » qu’il vient de survoler… Un Bréguet Atlantique fait aussi partie de ce dispositif.
Le dispositif au dessus de la Mauritanie
Donc, l’équipage du C135F tente le contact radio avec le Transall, mais, pour l’instant, silence sur la fréquence… Essais sur d’autres fréquences et par tous nos moyens radios, toujours rien… Un moment plus tard, le leader Jaguar nous recontacte pour savoir quelle procédure appliquer envers ces véhicules planqués. Comme lui indique le navigateur : « pas de contact avec le patron du dispositif… ». Le temps passe et le leader Jaguar nous recontacte pour reformuler sa demande et nous signale qu’il ne va pas tarder a faire remonter sa patrouille pour ravitailler, mais il est très inquiet au sujet de ces véhicules planqués qui pour lui, vu qu’ils se sont cachés lors de leur survol sont donc certainement des éléments du front Polisario. Il a bien envie de faire une passe de tir avant de remonter, car, ils vont sans doute se planquer dans le tunnel pendant leur ravitaillement. Dans la radio, nous entendons le leader des Jaguar ordonner à ses pilotes de se préparer à tirer avant de remonter ravitailler…
Les Jaguar en reconnaissance au dessus de la voie ferrée
Bien sûr, tous ces échanges radio sont entendus par tout le dispositif (C135, Transall, Atlantique)
Un instant plus tard, une voix sortant des haut-parleurs du C 135 nous demande de communiquer aux Jaguar que ce sont des Marocains, et surtout de ne pas tirer…Ce que notre navigateur communique aussitôt aux Jaguar qui sans tarder montent ravitailler… Le PCA (pilote commandant d’avion) semblait très remonté pour la fin de la mission, non pas contre nous, mais au sujet de ce qui s’était passé pendant les échanges radio. Nous nous reposons à Ouakam, mission effectuée et comme d’habitude, remise en œuvre de l’avion, et briefing du soir pour les missions du lendemain.
Le PC radio ; une autre époque !
Et là, notre patron, le Lieutenant-Colonel Brulé nous dit tout simplement que le chef du dispositif avait pris le code « Pelé » de la veille et bien entendu les fréquences radios n’étaient pas les mêmes d’un jour sur l’autre. Par la suite et par la bande nous avons appris que le débriefing de la mission avait été très chaud envers « Rubens rouge » !
Quand aux marocains ils n’ont, bien entendu, jamais été informés de ce « petit problème »
Des articles précédents avaient relatél’attaque de la piste de Ouadi-Doumpar les 11 Jaguar du 1/11, mais ce sont les troupes Tchadiennes qui ont mis fin à cet épisode du conflit avec le Libye du Colonel Kadhafi par une attaque terrestre.
Aujourd’hui, je vous propose un article d’un journal local Tchadien qui évoque la prise de la base et qui rend compte de ce que les FANT ont trouvé sur le site.
Hissein HABRE 27 Février 1987
Notre objectif stratégique est la libération totale du Tchad. Aouzou a toujours fait partie intégrante de notre pays, sa population est toubou, et les frontières coloniales en ont fait un territoire Tchadien. Les prétentions libyennes à ce sujet sont donc dénuées de tout fondement. Cela dit nous ne sommes pas opposés à un règlement pacifique du conflit dans son ensemble. Nous sommes prêts à entamer immédiatement un processus de négociation. Vous savez, la paix est pour nous une valeur suprême; et lorsque le spectre de la guerre sera éloigné, j’espère que nous pourrons enfin entretenir des relations de bon voisinage, de coopération et d’amitié avec la Libye.
COMMUNIQUÉ N° 57 DU H.C. FANT
La gigantesque base libyenne de Ouadi Doum, la plus forte et la plus meurtrière de bases ennemies en terre tchadienne est contrôlée depuis cette date par les incomparables et irréductibles Forces Armées Nationales Tchadiennes. Voici le bilan provisoire de ce combat :
COTÉ ENNEMI
269 libyens tués dont le colonel Gassim Ali Abou Naour, commandant adjoint du chef de la zone
438 libyens faits prisonniers dont le colonel Khalifa Aboul Gassim Absar commandant de la zone
MATÉRIELS RÉCUPÉRÉS :
11 avions bombardiers L. 39
2 avions bombardiers Marcheti
3 hélicoptères de combat MI 24
66 chars BMP
42 chars T 55
18 orgues de Staline BM 21
12 chars T 62
8 blindés Cascavels
12 portes SAM 6
4 batteries de SAM 13
4 chars SU 23
6 radars complets
10BTR
40 canons de SAM 6
16 canons de 23 mm
36 canons de 14.5 mm
6 blindés BRDM
112 camions gros porteurs et citernes
128 Toyota
12 ambulances
Important dépôt de carburant, de munitions, de vivres et médicaments
8 groupes électrogènes
Equipement renforcé du génie militaire
Partie vie de la base
LA PISTE DE L’AEROPORT :
4000 mètres de piste de durs remblais revêtus par des plaques d’acier de 1 m sur 50 cm environ. Sur cette piste stationnés des avions de combats L 39 (made in Tchécoslovaquie) Les puissants hélicoptères soviétiques MI 24, des Marchetti (made in Italie), des caisses contenant des bombes, des cuves de kérosène pour le ravitaillement et des carcasses d’autres avions détruits. Tout cela abandonné par les Libyens.
ÉTANG
Il n’y a pas de terres non fertiles au Tchad. Le Nord est désertique, mais ses terres sont riches. Une mer souterraine irrigue presque tout l’ensemble de notre territoire.
Un immense champ de blé et de thé parcouru par d’interminables tuyaux d’arrosage avec une vache hollandaise entrain de paître, aussi des chiens bergers.
Coquettes maisons en préfabriquée; des campings car ; cuisine avec réfectoire pour les soldats ; infirmerie ultra-moderne ; salons où sont disposés de luxueux divans avec système de son incorporé ; des villas pour officiers, le tout climatisé avec eau courante, électricité fournie par des groupes électrogènes tous neufs. Il y a aussi un terrain de football, volley ball, un étang artificiel qui servait de piscine. Avec une telle base, la Libye est partie pour s’installer définitivement au Tchad. Au regard de son immensité, du matériel qu’on y trouve cette entreprise a pour ambition d’aller vers d’autres conquêtes.
Partie vie de la base
Ouadi-Doum aux mains des FANT (Forces Armées Nationales Tchadiennes) depuis le 22 Mars 87. Victoire historique que celle que vient d’enregistrer le Tchad sur les troupes de Kadhafi. Cette localité était la plus importante base stratégique libyenne sur laquelle Kadhafi fondait tous ses espoirs dans son aventurisme Tchadien.
Prisonniers
Je suis le colonel Khaiifa Aboulgassim Haftar (7° en partant de la gauche sur la photo), 43 ans, né à Ijdabia, marié et père d’un nombre d’enfants ; études suivies : Etat-Major général ; j’opérais dans la zone Est ; j’ai été fait prisonnier à Ouadi-Doum après avoir longuement résisté devant les forces tchadiennes, mais en vérité c’était une force capable d’exécuter la mission qui est la défense de sa terre; elle combattait seule sans aucune force étrangère à ses côtés : telles que les forces françaises. J’ai été fait prisonnier ce jour même, 23 mars 1987 avec le reste de mes officiers et soldats après avoir épuisé toutes nos munitions et nous avons été grièvement blessés.
La mission qui nous a été assignée était de combattre les forces françaises, comme on nous a fait comprendre que les Français se trouveraient en terre tchadienne formant une coalition avec les forces américaines pour menacer la Jamahiriya ; mais en vérité, dans tous les combats que nous avons menés, nous n’avons pas rencontré un seul Français qui ait pris part, aux combats. Tous ceux qui nous font face sont des Tchadiens avec une peau noire ; aucune peau blanche n’a participé durant tous les combats que nous avons menés contre les Tchadiens.
Je pense que la mission qui a été confiée aux forces armées libyennes, n’est pas claire et par conséquent c’est une mission très confuse ; c’est pourquoi, je me permets de lancer un appel au Haut Commandement libyen et au peuple libyen de réviser avec toute sagesse, les actes des forces libyennes au Tchad ; s’ils croient encore qu’il y a des forces françaises qui peuvent menacer la Jamahiriya par le sud du Pays, je puis affirmer ici que durant tous les combats que j’ai dirigés contre les frères tchadiens en leur larguant des bombes, je n’ai jamais eu à constater une quelconque présence étrangère.
Grande encore était ma désolation lorsque j’ai constaté qu’ils étaient tous des musulmans, Ils nous traitaient avec humanité.
Je réitère une fois de plus mon appel aux forces armées libyennes se trouvant sur le Territoire tchadien, de se retirer immédiatement à l’intérieur de la Libye et de porter leurs coups à l’ennemi commun et de mettre fin à ce régime qui a tant nui aux relations historiques entre les deux peuples libyen et tchadien.
Ce peuple frère qui a beaucoup souffert de la pauvreté, de l’ignorance et bien d’autres calamités.
Je demande au peuple libyen et à l’armée libyenne de renverser ce régime pourri que dirige le colonel Khadafi qui a été la cause même de la détérioration des relations entre le Tchad et la Libye.
Je pense que ce sera la plus noble des missions que vous devrez accomplir au lieu d’agresser un peuple et, enfin, je transmets mes salutations à tous mes parents en général ; je me trouve ici prisonnier à N’Djaména et ma santé est très bonne.
Je souhaite que ce problème trouve une solution rapide pour empêcher le sang tchadien et libyen de couler et pour qu’enfin les deux peuples retrouvent leur prospérité.
J’ai constaté qu’ils tiennent beaucoup à leur terre que nous avons injustement spoliée ; et ceci s’est démontré au cours des combats contre nos frères Tchadiens. Nous croyons tous à l’Islam qui unit les deux peuples libyen et tchadien et bien d’autres relations : sociale, économique et politique.
Alban commandant du 1/11 Roussillon, vient de terminer le briefing de la mission de l’attaque de la piste de Ouadi Doum, prévue le lendemain. La journée a été consacrée à la préparation et les 12 pilotes du 1/11 qui effectueront la mission sont prêts.
Dream Team
Le dîner se passe dans un calme relatif car chacun est conscient des enjeux et des risques : l’attaque de la piste a bien évidemment une connotation politique très forte et les défenses sol/air de la base sont importantes.
Je regagne l’hôtel où on loge vers 22 heures, accompagné de 3D, avec qui je partage la chambre et qui sera mon équipier demain. L’extinction des feux se fait relativement tôt et je mets assez peu de temps à m’endormir.
3H30 le réveil sonne ;
3D m’interpelle « je n’ai pas fermé l’œil de la nuit !»
Pour moi ça s’est plutôt bien passé, lui répondis-je
Vous n’avez pas arrêté de remuer et de grogner
Soit, mais je me sens relativement en forme.
Le petit déjeuner est calme car nous ne sommes pas vraiment d’humeur à plaisanter et on sent que chacun est déjà dans la mission. Arrivés dans la zone OPS, Alban nous fait un briefing rapide qui a surtout pour but de nous rappeler les éléments essentiels : horaires, fréquence, déroulement,… On ressent un peu de tension, mais la signature de la forme 11 au bureau de piste, le tour avion, l’installation nous ramènent à une routine bien connue.
Parking Bangui 12 Jag, 4 F1C, 2ATL
Après la mise en route lors de la vérification du tour cabine, une mauvaise surprise m’attend. Les pompes de transfert du groupe arrière sont sur arrêt ! Je lance la main sur la banquette droite, là où se trouve l’ensemble des breakers accessibles, sachant pertinemment qu’il n’y en pas pour les pompes carburant. Ce n’est pas possible ! Pas aujourd’hui ! J’ai presque 2000 heures de Jaguar et je n’ai jamais eu (et vu) cette panne. En tant que leader de la 2 ème patrouille, je peux prendre l’avion du N°4 (c’est prévu) mais dans 2 minutes on roule, ce qui ne m’en laisse plus vraiment le temps.
Au premier check radio, Zézette annonce « mon avion est en panne, je coupe » ; c’était mon N°4, et c’est son avion que je devais prendre si j’avais décidé de changer….
Le test des freins à la sortie du parking est musclé, espérant débloquer ces foutues pompes, mais rien n’y fait. Et puis, petit miracle, en arrivant au point de manœuvre, il y en a une sur les deux qui bascule sur marche.
Les 4 avions de la première patrouille sont alignés puis lâchent les freins à 30 secondes d’intervalle. Le spectacle des dards PC allumés dans la nuit est toujours aussi beau, et je ne peux m’empêcher de penser au raffut que ça doit faire en ville puisqu’on décolle face au sud. J’imagine aussi les derniers noctambules rentrant chez eux, ceux qui se lèvent, qu’on a réveillé, bref tous ces gens partis pour une journée normale et qui sont loin d’imaginer qu’on va aller casser une piste à 1500 kilomètres de là.
Le décollage ne pose pas de problème particulier et peu après, en me retournant je vois les rotatings de mes équipiers en train de rassembler. Le TACAN déjà en fonction air-air donne une distance, mais pas de relèvement sur le Boeing qu’on doit rejoindre. Il fait beau, le jour commence à se lever et l’acquisition visuelle s’effectue relativement vite. La rejointe est standard, sauf qu’en courte finale le Boeing grossit vite, très vite, trop vite ce qui m’oblige à sortir les aérofreins, cabrer puis la vitesse diminuant vers 250 kts, à sortir des volets et allumer les PC car à cette altitude et avec toutes les charges qu’on a, le Jaguar vole très mal. J’ai l’impression d’être dans une phase de combat et je n’ose imaginer ce que ça doit donner au niveau de mes équipiers ! Je dois avouer que je n’ai pas regardé car je dois assurer le rassemblement et puis et surtout j’ai une entière confiance ; on se connait et je sais qu’ils tiendront leur place. Au cours du débriefing lorsqu’on a évoqué cette phase, j’ai bien aimé leur commentaire « le rassemblement ? oui, effectivement ce fut un peu chaud ». En fait, les tankers qui avaient eu un peu de souci au décollage de Libreville avaient 10 secondes d’avance sur le timing et se sont présentés sans prévenir (silence radio oblige) avec une vitesse de 250 kts au lieu des 300 kts prévus, ce qui nous a donné une vitesse de rapprochement de 100kts au lieu de 50.
On enchaine aussitôt sur le premier ravitaillement ; l’air est calme et ça passe tranquillement. Le transit vers le 16 Nord s’effectue aussi tranquillement ce qui me donne le temps de penser à ce qui s’est passé depuis le début ; j’espérais un début de mission plus paisible et j’espère que ce n’est pas signe de mauvaise augure.
RVT en 250 kgf
Au 16 Nord, après avoir ravitaillé une deuxième fois, la descente s’effectue plein complet pour passer sous la couverture des radars de Ouadi-Doum. Le trajet en basse altitude est long et pose un problème de pétrole ; la vitesse a été limitée à 420kts au lieu des 450 pour réduire la consommation. On sait qu’on est vraiment juste, surtout pour la dernière patrouille qui est en bombes 250 kg avec un seul bidon. Pendant la préparation j’avais demandé à pouvoir larguer les bidons une fois vides, mais cela nous avait été refusé. Quand je pense à la consommation qui en a été faite lors de la guerre du Golfe….
Pendant ce trajet en basse altitude, je me souviens avoir survolé des paysages magnifiques comme je n’avais jamais vu auparavant. Je me suis dit alors « je ne sais pas comment va se terminer la mission, mais quelle qu’en soit l’issue, la journée n’aura pas été entièrement mauvaise » ; étonnant ce décalage entre l’enjeu de la mission et la manière dont on le vit.
Le point de recalage situé 5 minutes avant l’attaque approche et fort de la réflexion précédente, je me trouve étonnamment calme ; sauf que je m’aperçois que mon crayon gras n’arrête pas de faire des allers et retours entre ma poche de combinaison et mon anti-G, signe de nervosité évidente. Le point de recalage est normalement à mes midis mais je ne le reconnais pas vraiment. Alban et ses quatre avions sont justes devant et il serait étonnant d’avoir la même erreur de calculateur ; on est forcément sur le chemin prévu !
Virage à gauche pour sortir de la vallée et la piste doit se trouver dans mes 10 heures. Tout d’un coup je vois des flashes lumineux justes au niveau de la première patrouille, flashes que je prends pour des tirs de l’artillerie sol/air. Bizarrement ça m’amène une grande sérénité ; ça y est c’est parti ! (ces flashes étaient en fait les leurres infra-rouge largués par les avions de devant….)
Le “run” final pour l’attaque de la piste de Ouadi Doum
C’est peut être parti, mais je ne vois pas cette foutue piste ! Suite à une mission de reconnaissance effectuée quelques mois plus tôt, je cherchais des bandes blanches (voir photo) alors qu’elles étaient maintenant noires. L’acquisition tardive m’oblige à faire une manœuvre brusque à gauche puis à droite ; là encore une pensé rapide à mes équipiers (3D : « pas grave chef, j’étais plus bas que vous.. ). Et puis on se focalise sur la séquence de tir, séquence qu’on a répétée maintes fois à l’entrainement. Les éléments de l’avion sont stables, « l’épée » qui se rapproche doucement de la cible et l’appui sur le bouton bombe qui va permettre le largage. Cette séquence 30 ans après est encore très présente dans ma mémoire ; ce fut un grand moment qui pour moi représentait l’aboutissement de plus 10 ans d’entrainement passés sur avion d’arme.
Reco photo de la piste de Ouadu Doum en aout 1985La “fabuleuse” conduite de tir du Jaguar, avec “l’épée” au centre
Le dégagement se fait dans l’axe en descendant et je jette un coup d’œil dans les rétroviseurs ; là encore grand moment quand j’ai vu les colonnes de fumées noires qui montaient dans le ciel. On ne leur avait pas laissé vraiment de chance ; 11 avions qui arrivent de la vallée, soleil dans le dos (il est 7H55) et qui attaquent la piste en moins d’une minute. Du bon travail !
Encore quelques nautiques en très basse altitude et c’est le début de la remontée hors du domaine de tir des missiles sol/air. Comme prévu Alban fait un check radio (première annonce depuis le décollage) ; tout le monde répond et un grand soulagement succède à cette période de concentration extrême.
Plus qu’un ravitaillement à assurer et ce sera gagné ; le TACAN air/air est bien accroché sur le tanker et la distance nous séparant de lui reste quasiment constante, signifiant que nous sommes en route parallèle. Mes appels radio restent sans réponse et pourtant on a passé le point de début de rejointe depuis 5 bonnes minutes. La fatigue aidant je commence à devenir nerveux car je n’ai aucune envie de me dérouter à N’Djamena ; « ils sont 3 à bord, dans une phase où ils ne sont pas surchargés de travail, et même pas foutus de répondre à la radio ! ». Je demande à un autre tanker de faire le relais et à force de, ça finit par le faire. Rejointe sans problème et arrivé en position de ravitaillement, je découvre un panier tout cabossé qui visiblement avait bien souffert. C’était l’œuvre d’un F1C qui avait eu beaucoup de mal à ravitailler et qui avait pris plus de temps que prévu, expliquant ainsi pourquoi le tanker ne répondait pas, puisque F1C et Jaguar étaient sur des fréquences différentes. Quand je pense que les F1C devaient assurer notre couverture haute altitude durant cette phase de rejointe…
Le retour me parut un peu long ; un peu de fatigue et surtout hâte d’arriver.
Le retour des vainqueurs
L’accueil des mécanos et des autres militaires présents sur le site fut plus que chaleureux ! J’en profite pour saluer ces mécanos sans qui rien n’aurait été possible, qui ont œuvré loin des OPS, dans une certaine indifférence et qui ont travaillé sans compter le temps qu’il fallait pour nous préparer et sortir les avions. Je ne dirai jamais assez tout le bien que je pense d’eux.
Pétafs au montage BAP 100 jour J-1
Le soir, le COMAIR nous amène dans un restaurant du centre-ville ; l’ambiance est bien évidemment bonne mais ce n’est pas délirant. La soirée se finit autour de quelques bières mais plutôt tranquillement.
Le lendemain matin, je suis réveillé par des coups frappés à ma porte de chambre d’hôtel. J’ai un peu de mal à émerger et en ouvrant je vois Jean Mi qui m’annonce que les Libyens viennent de bombarder N’Djamena « on est tous convoqués à la villa des pilotes pour préparer l’attaque de la piste de Faya Largeau »