23 Novembre 1977 ; début de Lamentin

Théâtre des opérations

      En 1977, le Lieutenant Colonel Menu,(à l’époque) qui était en première ligne lors du déclenchement des opérations contre le Polisario, nous fait revivre ce véritable début de la saga des Jaguar en Afrique.

     Article paru en 2010 dans le bulletin des anciens de l’Ecole de l’Air.

     La montée en puissance

       Après la mort de Franco, l’Espagne souhaitant se débarrasser du Sahara occidental, vaste étendue désertique de 286000 km2, signa en novembre1975, un accord dit de Madrid, partageant ce territoire entre le Maroc qui prit possession du Nord et la Mauritanie, du Sud. Les armées espagnoles évacuaient l’ancienne colonie en décembre 1976. Cet accord n’avait pas été reconnu par l’Algérie, qui souhaitant disposer d’un libre accès à la façade atlantique, s’inquiétait de l’expansion marocaine vers le sud. La République arabe sahraouie démocratique quant à elle, contestant ce partage, avait constitué à Alger, depuis le début de 1976, un gouvernement en exil, reconnu par 72 pays africains et asiatiques. La France, admettant le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, s’était contentée de prendre acte du traité de Madrid.

        Le Polisario, abréviation de Front populaire pour la libération de Saguia el-Hamra et Rio de Oro, mouvement de libération du peuple sahraoui créé depuis 1973, décida de passer à l’action avec le soutien logistique de l’Algérie. Il s’attaqua en priorité à la Mauritanie, pays faible et pauvre, en concentrant ses efforts sur le train, talon d’Achille et véritable poumon économique, qui transportait le minerai de fer de Zouérate (Fort-Gouraud) à Nouadhibou (Port-Étienne).

        Ne disposant pas de moyens militaires suffisants pour se défendre, ce pays risquait de s’écrouler et portait en germe une déstabilisation de la partie occidentale de l’Afrique pouvant impliquer le Maroc, l’Algérie, le Sénégal et le Mali, tous prêts à réclamer les dépouilles du vaincu et à entrer en conflit armé les uns contre les autres. Contrairement à un certain nombre d’anciennes colonies françaises, la Mauritanie, dans la dynamique de son indépendance, avait dénoncé les accords de coopération militaire ou de défense passés avec la France. Toute intervention avait donc perdu le moindre caractère systématique.

        En mai 1977, Zouerate subit une attaque du Polisario au cours de laquelle deux Français furent tués et six enlevés. Malgré les interventions réitérées de notre gouvernement, nos compatriotes sont restés détenus.

       À Toul, la 11e escadre de chasse venait d’être équipée du Jaguar en remplacement du F100. Il n’avait pas encore la renommée de ce dernier qui avait fortement marqué de son sceau tous les pilotes qui l’avaient apprécié pour ses grandes qualités, ni le prestige du Mirage. Mais il était le seul avion de combat de l’Armée de l’air, en dehors des Mirage IVA cantonnés dans leurs missions de dissuasion nucléaire, à pouvoir se projeter loin de la Métropole et en particulier en Afrique, grâce au ravitaillement en vol. Cette escadre avait gardé les missions dévolues au F100. Elle était donc, à l’époque, encore unique en son genre.

       C’est ainsi qu’au début du mois de novembre1977, une cellule “Rapace” composée de 4 Jaguar, de pilotes et de mécaniciens, a été mise en alerte sur la base d’Istres. Tout était prêt à partir sur ordre. Les matériels de soutien entreposés dans les hangars étaient déjà conditionnés sur des palettes. Des C135F stationnés en permanence sur la base étaient également en alerte. Ils allaient jouer un rôle majeur et déterminant dans notre capacité à exécuter des missions de guerre loin de la base de départ.

       Les événements se sont précipités le 22 novembre. Chef du détachement Jaguar à Istres depuis quelques jours, j’ai reçu en fin d’après-midi, de l’état-major des armées, l’ordre de déploiement sur Dakar. Compte tenu des disponibilités, seuls 3 Transall étaient mis à notre disposition au lieu des 5 nécessaires. Il nous appartenait donc de décider ce que nous devions emporter en priorité. Le matériel laissé sur place devait en principe être convoyé ultérieurement. En fin de journée, ces trois appareils sont arrivés, ont été chargés immédiatement et ont pu décoller vers Dakar le lendemain matin à 5 h.

Istres au petit matin le ravitailleur attend l'heure de départ
Istres au petit matin le ravitailleur attend l'heure de départ
Convoyage vers l'Afrique
Convoyage vers l'Afrique

Le déploiement

     Le 23novembre 1977 aux aurores, le dispositif composé du C135Fet des quatre Jaguar prenait l’air. Nous avons rencontré sur le trajet des conditions de turbulence assez sévères qui ont rendu les opérations de ravitaillement en vol plutôt sportives. La queue du ravitailleur était animée selon les sautes d’humeur du vent, de mouvements vigoureux sur ses trois axes. Plusieurs tentatives ont été nécessaires pour entrer en contact avec le panier de ravitaillement et s’y maintenir. Tous les avions ont pu malgré tout ravitailler et cinq heures trente après le décollage d’Istres, nous nous posions à Dakar.

      Les moyens d’accueil sur la base aérienne de Ouakam étaient suffisants. Les matériels de couchage qui avaient été chargés dans les avions étaient donc tout à fait inutiles. Ils ont été entreposés dans un coin de hangar et deviendront rapidement des lieux de refuge pour serpents.

      La veille de notre arrivée, quatre Jaguar de Toul s’étaient posés à Dakar. Ce déploiement, indépendant de Lamantin, s’inscrivait dans le cadre d’une traditionnelle manœuvre franco-gabonaise (Estuaire). Ce n’était pour eux qu’une étape. Mais le train minéralier ayant été durement accroché au sud de Zouérate, cette patrouille avait été maintenue sur place et mise en alerte pour une intervention armée qui n’a pu être déclenchée en l’absence d’autorisation politique.

Mise en condition opérationnelle

      Dès notre arrivée, le général Forget (46 – de Saint-Exupéry) qui avait installé son état-major à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, est arrivé pour inspecter ses moyens aériens. Nous avons alors pris la relève des premiers avions qui ont pu poursuivre leur chemin vers la Côte d’Ivoire, le Togo et le Gabon. Quelques jours plus tard, ils étaient de retour, mais, compte tenu de la situation militaire, l’ensemble du dispositif a été maintenu sur place.

     Le général Forget était à l’époque le commandant en second de la FATAC. De telles fonctions n’auraient pas dû le conduire à prendre le commandement de cette opération qui, selon l’organisation en vigueur, relevait de la responsabilité du 2e CATAC. Pour des raisons purement politiques, le général Saint-Cricq (42-Tricaud), chef d’état-major de l’Armée de l’air, avait tenu à changer de niveau et mettre en place un général de division. Il fut un chef de guerre de très grande qualité, certes exigeant, mais attentif à la satisfaction de nos besoins par la base. Son souci d’efficacité s’est rapidement concrétisé par la mise en place d’une remarquable organisation dans la conduite des opérations.

     Il était indispensable de bien connaître tous ceux avec lesquels nous allions réaliser nos missions. Nous avons tissé avec les équipages des C135F des liens privilégiés. Ils se sont montrés coopératifs et dévoués. Nous avons particulièrement apprécié toutes les initiatives heureuses qu’ils ont su prendre pour faciliter les rejointes après les phases de combat. Cette première expérience africaine a incontestablement ouvert la voie à un nouvel emploi opérationnel de ces ravitailleurs dans la projection des escadrons de chasse et de reconnaissance. Les années suivantes, tout ceci allait devenir monnaie courante voire banal et s’élargir à l’ensemble de l’aviation de combat de l’Armée de l’air. Nos camarades du Transport ont eu aussi leur part d’efficacité dans cette opération, bien sûr dans leur mission essentielle de soutien logistique dont l’excellent niveau n’est plus à démontrer mais aussi dans une fonction de PC volant dans laquelle ils ont su, avec bonne humeur et philosophie, faire la preuve d’une remarquable capacité d’adaptation aux “souhaits” de notre chef. Il était intéressant d’assister à une technique éprouvée de décollage sur alerte qui consistait à mettre en route le moteur gauche quand l’équipage apercevait la voiture du général – toujours plein pot – puis commencer le roulage porte encore ouverte dès que le chef était à bord et enfin démarrer le moteur droit !

     Sur place à Dakar, la Marine nationale détachait en permanence un à deux Bréguet Atlantic. Nous avons adapté aux Jaguar les techniques que la Patrouille Maritime utilisait pour guider des raids d’Étendard dans des missions d’attaque de bâtiments à la mer. Ceci fut déterminant dans la réussite des opérations dans lesquelles l’Atlantic fut utilisé pour pister à haute altitude les colonnes du Polisario, puis guider les Jaguar vers la zone d’intervention. Sans lui, nous aurions très perdu la trace des colonnes qui, après les attaques des postes mauritaniens, se repliaient à grande vitesse vers leur base arrière de Tindouf, sur le territoire algérien. Naturellement, il nous a été nécessaire de nous familiariser avec le vocabulaire très spécifique des marins ailés qui, au parking arrivaient au “mouillage” et dans le désert, ne larguaient pas des fumigènes mais les “mouillaient” !

     Du côté des autorités sénégalaises, j’ai eu le plaisir de revoir deux anciens de l’École de l’air, les généraux Seck (60-Ferrando) et Diop (61Moulin), le premier CEMA et le deuxième CEMAA. Un bon soutien au cas où nous aurions rencontré des difficultés au niveau local.

Le DA de Dakar
Le DA de Dakar
Parking Dakar 1977
Parking Dakar 1977
Mess officier
Mess officier
PC Lamentin
PC Lamentin

Les missions d’entraînement

      À peine installés, nous avons lancé les premières missions au-dessus de la Mauritanie. Comme il se doit, la discrétion allait jusqu’à déposer des plans de vol Dakar Saint-Louis du Sénégal et retour 3 à 5 heures plus tard ! Le contrôle sénégalais n’a jamais été dupe. Il devinait parfaitement que nous allions bien au-delà de la frontière nord, mais il s’est toujours abstenu de s’immiscer dans nos affaires.

      Les ravitaillements en vol étaient systématiques. Nous avons peaufiné, en l’absence de moyens de navigation au sol, radar et tacan, nos procédures de rendez-vous avec les C135F. Heureusement, le tacan air-air, la gonio, la bonne visibilité en altitude, nous ont beaucoup aidés. Ensuite, il fallait bien roder et maîtriser les techniques de guidage par Atlantic et enfin, après avoir renoncé à l’emploi des roquettes et des bombes, se familiariser avec le tir aux canons de 30 mm au milieu des dunes, sous faible anglé de piqué. L’accoutumance au vol à basse altitude au-dessus du désert était indispensable, avec pour corollaire, une bonne mémorisation visuelle des quelques points géographiques caractéristiques et des axes empruntés de manière habituelle par le Polisario lors de ses mouvements. Il fallait apprendre à se méfier des visibilités soudainement réduites par les vents de sable, sans pouvoir toujours compter sur une bonne précision du calculateur du Jaguar monoplace, loin de rivaliser avec les centrales à inertie. En un mot, garder les fondamentaux du couple cap et montre !

      C’est ainsi que nous nous sommes familiarisés avec des paysages de toute beauté et des lieux comme Nouakchott, Nouadhibou, Atar, Zouérate, El Richat, Bir Arame, Akjoudj, Choum, El Mreiti, Chinguetti, Ouadâne, sans oublier la voie ferrée utilisée pour transporter le minerai de fer de Zouérate à Nouadhibou. Un train d’une longueur impressionnante, avec ses 220 wagons transportant 20000 tonnes de minerai, nécessitant l’emploi de trois ou quatre motrices diesel.Nous avons très rapidement fait la démonstration que nous étions capables avec trois ravitaillements en vol d’intervenir à plus de 1500km de Dakar.

Le train qui a subi plusieurs attaques de la part du Polisario.
Le train qui a subi plusieurs attaques de la part du Polisario.
Surveillance de la voie ferrée
Surveillance de la voie ferrée
Le village de Choum
Le village de Choum

Les premiers contacts avec le Polisario

      Le 2 décembre 1977, le Polisario venait d’attaquer un poste militaire mauritanien à Bou Lanouar, situé sur la voie ferrée. Il retournait vers sa base en toute impunité, comme d’habitude. Cinq Jaguar étaient mis en l’air. Les deux C135Fqui nous accompagnaient, s’étaient mis en circuit d’attente vers Nouadhibou. Le guidage de l’Atlantic nous avait parfaitement conduits à la verticale de la colonne, comme à l’entraînement. C’est alors qu’il a fallu faire preuve de beaucoup de patience. Pendant près de deux heures trente, nous avons tourné en rond, tout en suivant la progression de la colonne et en nous ravitaillant à tour de rôle. Nous ignorions que le général Forget à bord du PC volant était en contact radio H.F. avec le chef d’état-major des Armées, le général Méry. Ce dernier essayait de convaincre le Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, d’autoriser l’ouverture du feu. Ce fut peine perdue ! Seul un petit Defender mauritanien tira quelques roquettes sans toucher sa cible.

     Nous nous sommes contentés de prendre quelques photos qui ont été présentées au Président de la République et d’exécuter un tir de semonce. Rien d’impressionnant pour les combattants aguerris du Polisario ! Le gouvernement mauritanien attendait impatiemment autre chose de la part de la France. Après quatre heures trente de vol, nous nous posions à Dakar. Nous étions vraiment déçus d’avoir déployé une telle énergie pour pas grand-chose. Mais en y réfléchissant bien, cette mission fut une excellente préparation physique et psychologique pour tout ce que nous allions vivre par la suite.

Les missions réelles

      Le 12 décembre 1977, nouvelle attaque du Polisario contre le train minéralier au niveau de Char, à 150 kilomètres au sud de Zouérate, faisant une vingtaine de victimes parmi les forces mauritaniennes. Nous avons mis en vol cinq Jaguar. Le Bingo Vert – l’autorisation de tir – avait déjà été donné. Le général Forget supervisait l’opération à bord d’un C160. Après le premier ravitaillement, mise de cap vers l’Atlantic qui nous a communiqué tous les éléments nécessaires à l’acquisition visuelle des véhicules qui progressaient en ordre dispersé, très éloignés les uns des autres. La colonne était à environ 1100 kilomètres de Dakar. Nous étions encore à 20000 pieds et à cette altitude, chaque objectif paraissait bien minuscule !

     Cette fois-ci, nous sommes rentrés immédiatement dans le vif du sujet. La légitime appréhension ressentie jusque-là avait presque disparu. Descente à 500 nœuds sur l’arrière de la colonne et ouverture du feu à des distances de tir qui nous vaudraient sous d’autres cieux, des points négatifs. Il fallait impérativement privilégier un faible angle de piqué pour à la fois diminuer les risques de prendre des coups et éviter les enfoncements caractéristiques du Jaguar à masse élevée pendant les ressources, dégager sans cabrer dans l’axe, puis remonter légèrement en vent arrière pour acquérir un nouvel objectif. Nous recherchions à détruire en priorité les camions transportant du carburant ou des réserves d’eau. Les passes de tirs se sont succédé en prenant bien soin de varier les caps d’attaque et de maintenir la cohésion de la patrouille. Les combattants du Polisario se défendaient avec leurs armes automatiques et opéraient de brusques variations de cap avec leurs véhicules rendant nos visées plus aléatoires. Heureusement, la précision des canons de 30 mm du Jaguar était remarquable et chaque véhicule touché par un obus explosait sous l’effet combiné du carburant et des munitions qu’il transportait. Apparemment, aucun tir de missile n’a été observé.  Après vingt minutes de combat, munitions épuisées, dégagement et rejointe du ravitailleur avant de mettre le cap sur Dakar. Nous laissions sur le terrain une quinzaine de véhicules incendiés. Nous apprenions alors que le Polisario avait décidé de libérer les otages français.

    Mais à notre grande surprise, le lendemain matin,13 décembre, nous recevions l’ordre de décoller en direction de la colonne avec deux patrouilles de 3 avions. L’ouverture du feu n’ayant pas été renouvelée, nous avons dû faire demi-tour après avoir survolé la colonne. En fin d’après-midi, alors qu’il restait à peine trois heures avant le coucher du soleil, une nouvelle mission avec six Jaguar était lancée. Cette fois-ci, nous avions l’autorisation de tir.

    Le contact avec le reste de la colonne attaquée la veille, avait été maintenu par deux Atlantic qui se sont relayés jusqu’à notre arrivée. Le premier se dérouta sur Nouakchott, les réservoirs pratiquement vides. Superbe démonstration d’efficacité de la Patmar. Le deuxième Atlantic, en panne de radar de bord utilisa une procédure de secours déjà éprouvée à l’entraînement. Il nous guida, à l’issue du deuxième ravitaillement, sur la colonne qui se trouvait à près de 1500 kilomètres de Dakar, au nord d’El Mreiti. Les véhicules toujours aussi dispersés semblaient à l’arrêt. Il valait mieux ne pas se poser trop de questions sur notre probabilité de survie dans cette partie du désert en cas d’éjection, loin des zones amies! Le soleil déclinait sur l’horizon, les ombres s’allongeaient au sol et il fallait déjà penser au ravitaillement retour qui risquait de se dérouler dans des conditions limites compte tenu de l’absence de phare sur le Jaguar !

    La première attaque a été lancée cap à l’est de manière à garder le soleil dans notre dos et gêner les tirs du Polisario. Conditions idéales pour nous. Les traçantes des rafales de l’artillerie sol-air étaient parfaitement visibles. Au cours d’une de mes attaques, j’ai aperçu des étincelles qui sortaient d’un épineux. De toute évidence, il s’agissait d’un bitube de 14.5 mm qui avait trouvé un abri et prenait à parti un de mes équipiers. J’ai ouvert le feu à moins de 200 mètres et j’ai vu alors monter vers moi une énorme boule de feu dans laquelle je suis passé, en rentrant la tête dans les épaules, heureusement sans dégât pour le Jaguar. Mon dernier véhicule explosa sur un coup de chance incroyable, avec le seul obus qui me restait dans mes caissons et dont j’ai pu suivre la trajectoire jusqu’à l’impact !!! Un seul départ de missile SAM 7 a été observé. Mais il a mal fonctionné et a percuté une dune voisine.

    Le retour sur le ravitailleur s’est fait presque de nuit. Le commandant de bord, pour gagner du temps, avait déjà anticipé la manœuvre de rendez-vous et pris une excellente initiative en quittant son circuit d’attente pour venir à notre rencontre. Ce ravitaillement eut lieu à la nuit tombante, surtout pour la deuxième patrouille, dans des conditions limites de sécurité. Heureusement, la nuit noire en altitude n’était pas encore totale. Une fois encore, les pilotes ont parfaitement maîtrisé cette partie délicate du vol, succédant à une phase intense de combat. Après plus de quatre heures de vol dont une de nuit et trois ravitaillements, la patrouille se posait à Dakar. Quand j’ai ouvert ma verrière en arrivant au parking, j’ai eu le sentiment de me vider de toutes mes tensions et émotions passées. Je n’avais jamais vécu d’évènements aussi intenses et je suis resté quelques minutes sans bouger, à l’écoute de la fréquence radio. Plusieurs pilotes avaient exécuté deux missions dans la journée, huit heures de vol et six ravitaillements. Quel soulagement quand le dernier des avions s’est posé ! Aucun n’avait été touché.

    En deux jours, nous avions détruit les deux tiers de cette colonne, soit environ 35 véhicules. La confirmation nous a été donnée en recueillant des renseignements de l’armée mauritanienne qui s’était rendue sur les lieux du premier accrochage et en interceptant les communications radio des quelques Land Rover survivantes arrivées à Tindouf. Le général Forget est venu nous rendre visite le lendemain. Il était particulièrement fier de nous et ne se priva pas de le manifester chaleureusement. Il participa activement, comme un sous-lieutenant, à une petite fête que nous avions organisée pour faire chuter la pression des deux journées précédentes.

    Les cinq jours suivants, grand calme sur tous les fronts ! Aucune attaque n’a été lancée. Le Polisario semblait intégrer cette nouvelle menace aérienne. Les mécaniciens ne sont pas restés inactifs et ont assuré les maintenances pour rendre tous les avions opérationnels. La libération réelle des otages a été confirmée le 14 décembre 1977 par un communiqué du “Ministère sahraoui de la Défense” à Alger. Nous n’avons pas pu nous empêcher d’éclater de rire en consultant la presse que nous avions reçue à Dakar quelques jours après. Une photo montrait Georges Marchais, premier secrétaire du Parti Communiste Français, accueillant ces ex otages à Orly, clamant haut et fort que leur libération était le fruit de ses efforts auprès des camarades du Polisario et des frères algériens dans le cadre de l’amitié des peuples révolutionnaires !!! Une “amitié” qui sentait fort la poudre des obus de 30mm…

    Mais de nouvelles surprises nous attendaient encore. En effet, semblant ignorer nos interventions des 12 et 13 décembre, une nouvelle colonne avait attaqué un poste mauritanien à T’Meimichat. Il y avait de quoi être étonné, les Jaguar avaient infligé des pertes sévères au Polisario et il ne changeait pas ses modes d’actions.

 

Le dispositif au dessus de la Mauritanie.
Le dispositif au dessus de la Mauritanie.
Camion Polisario en feu
Camion Polisario en feu
Le Général Forget dans la Transall PC volant

Le théâtre des opérations.

      Nous étions donc une fois de plus avec sept Jaguar, ce 18décembre 1977, cap au nord pour intercepter la colonne qui se trouvait cette fois ci sur le territoire contesté de l’ex Sahara espagnol, à 1000 km de Dakar. Toujours le même scénario, ravitaillement aller, rejointe de l’Atlantic et du PC volant, visuel sur la colonne à 20000 pieds, descente rapide et attaque à grande vitesse. Cette fois-ci, l’accrochage fut plus sévère pour nous. Une défense sol-air dense et précise nous attendait de pied ferme. Des véhicules brûlaient au sol, mais un des avions était sérieusement touché, une tuyauterie de carburant percée, la cabine envahie de vapeurs de pétrole, laissant derrière lui une trainée blanche. Le pilote s’est dérouté immédiatement et calmement avec son équipier sur Nouadhibou après avoir éjecté sa verrière. Munitions épuisées, les deux avions restants ont dégagé et se sont posés sur ce même terrain, sans avoir besoin de ravitailler.

     La deuxième patrouille redécolla de Dakar pour exécuter une nouvelle mission. Les véhicules s’étaient retranchés dans du relief et devant l’intensité de la défense sol-air, nos Jaguar décrochèrent sans insister et firent demi-tour. Le général Forget, toujours soucieux d’efficacité avait heureusement déployé à Nouadhibou des mécaniciens sur ce terrain. L’avion le plus touché a été démonté sur place pour être réparé en France. Les trois autres ont pu rejoindre Dakar dès le lendemain, une fois les quelques trous bouchés.

     Entre les 12, 13 et 18 décembre, les deux colonnes avaient perdu près de cinquante véhicules et une centaine d’hommes. Le Polisario changea de tactique et cessa ses attaques massives. Il lança alors, surtout de nuit, des petites escarmouches sans grande envergure contre le train. Nous avions donc gagné cette partie et soulagé le gouvernement mauritanien. Par chance, sans perdre un seul avion. Grâce à nos interventions, la Mauritanie avait pu sauvegarder pendant un temps son intégrité et son indépendance. Mais en l’absence de moyens militaires suffisants, elle n’a pas été en mesure de poursuivre sa lutte contre le Polisario avec lequel elle passa en août1979 un accord de paix et renonça au territoire annexé. Le Maroc s’empressa de le récupérer. La lutte bascula alors exclusivement du côté marocain sans pour autant déclencher des conflits ouverts avec les voisins. Aujourd’hui, le problème n’est toujours pas résolu !

    En 1978, nous étions toujours présents au Sénégal. Les Jaguar sont intervenus une fois encore contre le Polisario. Mais le Tchad recommençait à faire parler de lui. Le gouvernement français décida de déployer des forces terrestres et des moyens d’appui aérien. C’est ainsi que le 16 avril 1978, je décollais de Dakar avec quatre Jaguar pour me mettre en place à N’Djamena en passant par Abidjan. Mais apparemment les autorités gouvernementales ivoiriennes n’avaient pas été informées de notre arrivée. Nous nous sommes retrouvés dans une situation désagréable à supporter, confiscation des avions et à la limite de l’emprisonnement. Heureusement la présence d’un officier des forces aériennes ivoiriennes, issu de l’École de l’air, a été de nature à arrondir les angles. Nous avons tout de même été contraints de revenir à notre point de départ quatre jours plus tard, en réalisant, au travers du Libéria, une belle rejointe en face à face sur notre ravitailleur qui avait décollé de Dakar. Ces premières opérations africaines nous avaient vraiment mis en confiance.

    L’opération Tacaud venait de commencer par un petit hoquet. Mais c’est une autre histoire.

    Je dédie ces quelques souvenirs aux 11 pilotes et en particulier aux anciens de l’École de l’air, Jean-Marie Dehaeze (65-Tricornot de Rose), Jean-Marc Jantet (67-Péronne), Hervé Longuet (69-Tariel) qui partagèrent avec moi ces moments exceptionnels. Tous ont fait une brillante démonstration de l’excellence de la formation reçue et accompli l’ensemble des missions avec un courage digne d’éloges.

 

Le premier à 2 000 heures !

 

    Avec précisément 1999 heures de vol sur Jaguar consignées dans son carnet de vol, le Lieutenant Patrick Huet, chef de patrouille à l’Escadron Chasse 2/7 « Argonne » de Saint Dizier, décollait à bord du Jaguar A-48 « 7-IG » de la Base Aérienne 125 d’Istres le 29 juin dernier. Au menu de la mission ce jour, assaut dans la région de Narbonne, ravitaillement en vol sur un C-135F des FAS au-dessus de la Méditerranée, reconnaissance photo en basse altitude sur les Baléares, retour en « BA », par la côte espagnole, second ravitaillement en vol, puis cap au nord-est, retour vers la base de Saint-Dizier, avec encore pour conclusion un point d’assaut sur la BA 113 suivi d’un défilé à sept Jaguar.

    Evidemment après une telle mission (4 heures consécutives aux commandes, mission courante pour les pilotes de Jaguar de la FATac), il restait encore à atterrir et à subir le traditionnel « farinage » destiné à célébrer le franchissement au cours de cette mission du cap des 2000 heures de vol sur « Jag ». Avec 2003 heures sur l’avion franco-britannique à son actif à sa descente (pour prendre place dans la « baignoire » des mécanos), le Ltt Patrick Huet est devenu en effet ce 29 juin 1983, le premier pilote de Jaguar de l’Armée de l’Air à franchir le cap des « 2000 ».

    Pour la petite histoire, après 450 heures bouclées sur F 100 Super Sabre, c’est le 1er juillet 1975 que le Ltt Huet effectuait sa première heure de vol sur SEPECAT Jaguar, il était alors bien loin de penser que huit années plus tard presque jour pour jour, il serait le premier pilote français à atteindre les 2000 heures de vol sur cet avion d’armes.

    Au début du mois de septembre avec 2031 heures de vol à son actif, le Ltt Huet a quitté la 7ème Escadre de Chasse pour rejoindre Salon de Provence et la patrouille de France ».

    Souhaitons-lui un heureux séjour chez les « Patmen » et leurs Alpha Jet tricolores!

Lieutenant Patrick HUET
Lieutenant Patrick HUET

WELCOME IN TRAB (part 2)

 

1952 – 1966 : Toul-Rosières Air Base ou quatorze années de présence américaine en Lorraine avec les meilleurs squadrons des US Air Forces Europe.

        Plus que toute autre base américaine en France, Toul-Rosières Air Base (“Trab” pour les personnels de l’USAF en Europe) va, avec les années soixante, subir une mutation profonde. Après la lenteur qui a caractérisée les premières années de mise en train de la base, cette fois-ci, les choses vont vite. A peine les Voodoo du 66e TRW ont-ils évacué la base, que la machine administrative de l’USAFE se met une nouvelle fois en marche.

        Le 10e TRW et ses différents escadrons ont été, le 1er juillet 1964, relevés du contrôle de la 3e Air Force, et mis à la disposition de la 17e Air Force, dans le cadre d’une réorganisation portant le nom de code de « Third Rally ». C’est ainsi qu’entre le 15 juillet et le 1er août 1962, les 49e et 42e TRS vont faire mouvement de leur base britannique vers le continent jusqu’à Toul-Rosières. Suite de quoi, la 17e AF prenait une importance énorme au niveau des avions et des unités qu’elle pouvait mettre en œuvre, et ce déséquilibre inquiéta probablement l’USAFE. Pour y remédier, on décida, le 1er septembre 1963, de reverser le 10e TRW sous le contrôle de la 3e AF, et par voie de fait, Toul Rosières allait devenir la seule base de l’USAFE en France à dépendre d’un Etat-Major situé en Grande-Bretagne.

      Mis à part cette exclusivité. il y avait aussi désormais à Toul la présence d’un avion relativement rare et intéressant : le RB-66 « Destroyer », appareil assez peu connu puisque ce « bombardier » moyen aurait pu être aussi bien à l’aise avec les forces stratégiques (il était plus gros que le « Vautour » qui servait alors dans nos escadrons stratégiques), mais en vérité, le « Destroyer » fut toujours considéré comme un avion « tactique ».

     Le tout premier modèle de cet avion vola dès 1954. et il était déjà prévu pour la reconnaissance aérienne. Il s’agissait d’un RB-66A propulsé par deux réacteurs en nacelle. Le modèle de production définitif devait être en fait le RB-66B dont 175 exemplaires furent construits, les premiers étant livrés dès 1956. Dans ce premier lot, il y eut 30 avions qui équipèrent, dans le cadre de notre historique, les 19e et 30e TRS du 10e TRW basé en Angleterre à partir de 1957. Ces avions furent d’ailleurs des modèles RB-66C, reconnaissables par de petits réservoirs profilés en bout d’aile. L’avion avait en outre une espèce de soute ventrale destinée à transporter des « flash » utilisés pour des missions de reconnaissance de nuit. Comme armement défensif, le RB-66C était équipé d’une tourelle de queue pourvue de deux canons de 20 mm. Impressionnant par sa taille, l’avion affichait un poids de 31 tonnes.

Un Douglas RB-66B Destroyer du Tactical Reconnaissance Wing parti de Toul Rosières Air Base s'apprête "faire le plein" au-dessus d'une masse de nuages couvrant l'Europe au début des années soixante. On distingue la perche de ravitaillement fixe sur le nez qui approche du ravitailleur Boeing KB-50 (USAFE).
Un Douglas RB-66B Destroyer du Tactical Reconnaissance Wing parti de Toul Rosières Air Base s'apprête "faire le plein" au-dessus d'une masse de nuages couvrant l'Europe au début des années soixante. On distingue la perche de ravitaillement fixe sur le nez qui approche du ravitailleur Boeing KB-50 (USAFE).
RB 66B

        Dès 1962, on trouve donc à Toul des RB-66B et C qui équipent le 42e TRS (bande rouge sur les nacelles ainsi que sur la dérive), et le 49e TRS (même décoration mais de couleur verte). D’emblée, il faut préciser que le 19e TRS était un escadron de reconnaissance photo « classique » utilisant d’ailleurs pour ce rôle des RB-66B, alors que le 42e TRS avec ses RB-66C, était chargé des missions de reconnaissance électronique. Les « pods » que porte la version « C » en bout d’ailes contiennent d’ailleurs une instrumentation d’écoute électronique. Les deux versions sont encore équipées à cette époque de la tourelle de queue. A l’intérieur des avions des deux types, les diversifications deviennent visibles. Le RB-66B comporte toujours un équipage de trois hommes seulement : pilote, navigateur et mitrailleur radariste. Le RB-66C quant à lui, emporte pour chaque mission un équipage de sept hommes : pilote, navigateur, mitrailleur-radar, et quatre officiers de guerre électronique installés dans un compartiment séparé et pressurisé, à l’endroit même où se trouvait la soute.

RB 66B
RB 66B

      Comme mentionné plus haut, le 42e TRS était chargé de la reconnaissance électronique (et météorologique selon certaines sources). A ce stade, abordons immédiatement le problème de ce type de reconnaissance qui se subdivise en fait en deux catégories : active et passive. La reconnaissance dite « active » sous-entend qu’un avion brouille des émissions radio et radar par différentes méthodes, soit électronique, soit de manière plus classique comme par exemple avec des « chaff » (petites paillettes métalliques coupées selon certaines longueurs d’ondes).

      La reconnaissance dite « passive » est chargée, quant à elle, du recueil de renseignements, et d’analyser des signaux radio et radar. C’était là le rôle primordial du 42e TRS de Toul. Plus tard, avec l’avènement d’un système de défense aérienne de plus en plus sophistiqué, la tourelle de queue fut supprimée et remplacée par une espèce de cône contenant diverses antennes réceptives, ainsi qu’un compartiment spécial destiné à emporter des «chaff». L’équipage fut dès tors réduit à six hommes, mais le siège du mitrailleur resta en place à toutes fins utiles, soit pour emporter un passager, soit un instructeur. Par la même occasion, la plupart des avions de Toul perdront leur couleur d’escadron respective, ce qui rendra les identifications et le rôle des divers avions extrêmement délicat, d’autant plus que tous les RB-66 sont progressivement équipés de pods ECM en bout d’aile. Par ailleurs, les bandes de couleur disparaissent, et font place au sommet de la dérive à un insigne unique : une étoile ailée. cette dernière étant formée des couleurs symboliques du 10e TRW : rouge et vert pour Toul, jaune et bleu pour le et le 30e TRS basés en Grande-Bretagne. Sur le flanc également, les avions portent désormais un insigne relativement important en taille, à savoir celui du 10e TRW.

      On peut aisément affirmer que l’époque des RB-66 est celle qui est la plus méconnue de la vie de Toul sous contrôle de l’USAFE. A l’entour, on ne sait trop bien ce que font ces fameux avions bourrés d’instruments électroniques qui volent par tous les temps, de jour comme de nuit. Et lorsqu’en 1965 un Destroyer est abattu au-dessus de l’Allemagne de l’Est lors de l’une de ses missions, les choses deviennent plus claires ! Des murmures d’espionnage et de base secrète fusent de partout… Pourtant, officiellement, ce ne sont que des missions de routine.

       Tous les RB-66 sont équipés d’une perche de ravitaillement en vol dans le nez : ils peuvent donc aller loin, vers l’Est, et voler le long du Rideau de Fer pour capter et analyser tous les signaux radar et radio de « ceux d’en face», puis les exploiter pour mieux connaître les moyens de défense aérienne mis en œuvre par les blocs de l’Est. Opérationnellement parlant, c’est certainement une des périodes les plus « chaudes » de Toul-Rosières.

      Pour ce qui est du ravitaillement en vol, le Capitaine Stan Tippin. ancien officier électronicien avec le 42e TRS, confirme qu’aucune manœuvre de ce type n’avait lieu au-dessus de la France-même, pour des raisons non explicites, mais très probablement pour des raisons de sécurité. Les tankers de l’époque étaient des Boeing KB-50 stationnés en Grande-Bretagne, alors que les circuits de ravitaillement proprement dits se trouvaient dans deux secteurs : « nord» au large de la Scandinavie, et « sud » au-dessus de l’Allemagne. On raconte aussi que les RB-66 de Toul ne participèrent jamais à aucun échange d’escadron avec les forces de l’OTAN, probablement à cause de la mission très « spéciale» de ces avions… Pourtant. des RB-66B ont participé à certaines compétitions « Royal Flush ».

      La plupart des missions de temps de paix effectuées par ces avions à partir de la base de Toul, duraient en général plusieurs heures, et les RB-66 se promenaient» aussi bien au-dessus de la Norvège que de l’Italie ou de la Turquie ; bien peu au-dessus de la France en somme paraît-il, pays qui fut plutôt considéré comme simple base d’attache..

Un RB-66C-DT (54-461) en finale à Toul en 1962. L'insigne du 10e TRW est bien visible.
Un RB-66C-DT (54-461) en finale à Toul en 1962. L'insigne du 10e TRW est bien visible.
Le L-20 Beaver de liaison du 10e TRW à "TRAB" avec l'étoile filante du Wing sur la dérive et l'emblème sur l'arrière du fuselage
Le L-20 Beaver de liaison du 10e TRW à "TRAB" avec l'étoile filante du Wing sur la dérive et l'emblème sur l'arrière du fuselage
Un RB-66B-DL (54-440) du 10e TRW Toul en 1963.
Un RB-66B-DL (54-440) du 10e TRW Toul en 1963.

La naissance du 26e Tactical Reconnaissance Wing

       Dès 1964, dans les sphères élevées de l’État-Major de l’USAFE, une idée prenait progressivement forme : celle de constituer sur le continent européen, en l’occurrence en France, et rattachée par la même occasion à la 17e Air Force, une nouvelle escadre de reconnaissance. L’idée est très vite approuvée, et le projet est signé dès le 12 octobre 1964. Puis les premiers détails administratifs sont ébauchés. Et ce sera finalement la base de Toul qui sera choisie pour abriter cette nouvelle escadre de reconnaissance : le 26e TRW.

       Mais ce n’est pas tout, car dans le même temps, on parle de rééquiper cette nouvelle escadre d’un nouvel avion. et pas n’importe lequel : avec le dernier-né de l’arsenal américain en matière de reconnaissance aérienne tactique : le McDonnell RF-4C « Phantom » …

      Cette même année 1964, des travaux de modifications et de constructions débutent sur la base de Toul pour une programme chiffré à $ 3,5 millions (dollars de l’époque), afin de recevoir le nouvel avion et son infrastructure technique. En effet, la mise en place du 26e TRW devrait se concrétiser dès le 1er juillet 1965.

     Les RB-66 qui se trouvaient encore à Toul ne sont pas retournés aux États-Unis malgré ce changement. Dans un premier temps, en juin 1965, le 42e TRS fait un saut de puce pour se rendre sur la base américaine de Chambley, vide à cette époque, et on assistera, là-bas aussi. à la création d’une nouvelle unité : le 25e Tactical Reconnaissance Group. Puis, fin juillet, afin de terminer au plus vite le programme de modernisation de la base de Toul, au niveau de la piste notamment, tous les RB-66 restants, soit ceux du 19e TRS, sont mutés eux aussi à Chambley où ils resteront d’ailleurs afin d’être intégrés au 25e  TRG. Bref, les RB-66 Destroyer sont appelés à continuer à survoler nos villes et nos campagnes…

   L’originalité du RB-66 permet que l’on s’attarde quelque peu sur le sort ultérieur

Un coup d'œil dons la soute électronique d'un RB-66 du 42e TRS ; le Capitaine Stan Tippin (officier électronicien) est à son poste d'écoute
Un coup d'œil dons la soute électronique d'un RB-66 du 42e TRS ; le Capitaine Stan Tippin (officier électronicien) est à son poste d'écoute
Ici, à Toul en 1963, le Capitaine Ston Tippin (ou centre) pose avec les membres de son équipage devant un Destroyer sur lequel est peint l'insigne du TRW. Sur les blousons est cousu le badge du 42e TRS.

F 100 Français (suite)

F 100 français - 2

        L’année 1961, pour les deux nouvelles escadres de l’Armée de l’Air équipée du North American F-100 Super Sabre, va se traduire par des changements importants.

        Entre le 1er et le 30 juin 1961, la 11ème Escadre fait mouvement vers la Base Aérienne 136 de Bremgarten en République Fédérale d’Allemagne où stationnait jusqu’alors la 4ème Escadre dotée de Republic F-84F Thunderstreak, cette dernière, ce faisant, venant s’installer à Luxeuil (base où elle se trouve encore aujourd’hui avec deux escadrons de Mirage 111E). Mais la “Onze” n’est pas la seule à s’expatrier dans la Zone française d’Allemagne. Le 40 juin, la 3ème Escadre quitte Reims pour aller s’installer sur la B.A. 439 de Lahr-Hugsweier où la 13ème E.C.T.T., équipée de F-86K Sabre, lui laisse la place en se repliant sur Colmar, de l’autre côté du Rhin.

Le “strike” atomique et l’OTAN

        En 1963, ses qualités d’attaque en basse altitude valent au F-100 de devenir le premier chasseur de l’Armée de l’Air à assurer, dans le cadre de la 4ème ATAF de l’OTAN, la mission nucléaire tactique, dite mission “strike” avec la bombe atomique américaine MK 43. L’emport de ce formidable engin de 4 m de long et d’une puissance supérieure aux bombes atomiques de la 2ème guerre mondiale se fait sur pylône central en F-100F mais en configuration dissymétrique sur F-100D. L’avion a alors l’engin sous l’aile gauche, entre deux réservoirs de 200 US gallons, tandis que sous l’aile droite on accroche une “banane” de 275 US gallons et un seul 200 US gal. Cette disposition un peu spéciale, oblige les pilotes à beaucoup d’entraînement et à un perfectionnement de leur aptitude au vol en TBA (très basse altitude). Parallèlement, en même temps que les armuriers, ils reçoivent une instruction spécifique au matériel et missions nucléaires. En fait, si les armuriers des 3ème et 4ème Escadre seront initiés au maniement des bombes MK 43 par les Américains sur des engins factices, les pilotes français ne voleront (officiellement) jamais avec un engin réel accroché sous l’aile, et très rarement, d’ailleurs, avec une bombe factice, les missions appropriées se faisant toujours avec un pylône vide.

        Le premier escadron assigné à cette mission “strike” est I’EC 2/11 “Vosges”. Il est opérationnel à compter du 20 mai 1963. Il s’agit pour cette unité, et celles qui la suivront, d’assurer l’alerte atomique 24 h sur 24 avec deux avions stationnés dans un enclos gardienné par une compagnie de personnels de I’U.S. Air Force et spécialement  réservé aux seuls pilotes et mécaniciens français autorisés. C’est, en effet, l’époque du commandement intégré de l’OTAN ; Français et Américains travaillant en coopération étroite à la défense commune. Toutes les forces aériennes du 1er CATac sont au début des années soixante, rappelons-le, rattachées à la 4ème ATAF (QG à Ramstein AB, R.F.A.) composée aussi d’unités aériennes allemandes, canadiennes et américaines, et en temps de guerre c’est le rôle du commandement de la 4ème ATAF de prendre le relais du commandement français. Ce passage de l’option “paix” à l’option “guerre” oblige donc ces unités à de fréquentes manœuvres afin d’accroître l’efficacité de coopération entre les différentes aviations de l’OTAN, le point culminant de ces exercices étant atteint lors de compétitions tactiques amicales entre unités des Allied Tactical Air Forces (ATAF) des différents pays de l’alliance.

        Ainsi, en 1963, est organisée, sur la Base Aérienne de Rhein Hopsten (RFA) la deuxième compétition annuelle pour armes tactiques (la première avait eu lieu en 1962 sur la base de St-Dizier), réunissant les Forces Alliées Centre Europe (AFCENT), opposant les Forces de la 2ème ATAF (RAF en RFA, Force Aérienne Belge, Forces Aériennes Néerlandaises et Allemandes), et la 4ème ATAF, sans les Canadiens, absents cette année-là.

       La France a gagné ce deuxième concours grâce à l’équipe de F-100D du 1/3 “Navarre” composé des Ltt Chirouze, Ltt Labat, Cne Bonnet, Ltt Ollivier et Ltt Albert, ce dernier vainqueur du tir air-sol et surnommé “BigGun” (Gros canon) par les pilotes américains.

       En juin 1964, c’est sur la base américaine de Chaumont AB (ex-base des “Tigres” du 366th TFW doté de F-84F) qu’est organisée cette compétition. Quatre pilotes français de I’EC 4/1 1 “Roussillon” participent à ce concours dans les rangs de la 4ème ATAF qui remporte aisément la rencontre : Cne Grenier, Cne Frapier, Ltt Gadan, S/C Léonard, Officier de renseignement Ltt Saillet. Les missions consistent en des navigations basse altitude (sans utilisation des aides à la navigation), avec attaque de différents objectifs et se terminent toujours par un tir réel sur le champ de tir de Suippe, dans les disciplines suivantes :

          – Tir au canon ou tir au sol (4 passes)

          – Tir d la roquette (1 passe)

          – Bombardement en vol rasant (ou “skip bombing”) sur cible avec deux bombes de 25 livres, la meilleure étant retenue au résultat final.

          – Bombardement en semi-piqué ou LABS (Low Altitude Bombing System) qui simule le bombardement nucléaire avec une bombe d’exercice. Le Ltt Gadan se distingue en remportant la coupe de tir roquettes, le S/C Léonard finissant second du bombardement en vol rasant précédé du Ltt Toussaint de la FAé Belge, sur F-84F. A cette époque, la 11ème Escadre comptait dans ses rangs de “vieux” pilotes chevronnés qui étaient de véritables figures : Ad/C Brie (“le bon bel”), Ad/C Bouscaren (“le chinois”), Cne Grenier, Cne Lécuyer (“Nicolas”), Cne Barbier (“Mike”), Cne Marsouin (“le kamikaze”), Ad/C Goigne (le boute-en-train de l’escadre), Ad/C Hay (“La Fouine”), pilote français qui avec 4000 heures totalise le plus d’heures de vol sur F-100 dans l’Armée de l’Air.

      Deux faits marquent l’année 1966, année où la France quitte l’organisation intégrée de l’OTAN : la fin de la mission nucléaire pour le Super Sabre, due au départ des spécialistes américains sur les bases de Bremgarten et de Lahr, le 1er juillet, et l’évacuation des bases US et canadiennes situées dans le nord-est de la France. En janvier de cette même année, la 3ème EC a commencé à percevoir ses premiers Mirages III E à Lahr, appareils qui reprendront plus tard la mission nucléaire tactique à partir des installations de Luxeuil. Progressivement l’escadre lègue tous ses F-100D/F à la 11ème EC, qui regroupe ainsi tous les F-100 utilisés par l’Armée de l’Air. Cette dernière peut alors créer le 1er avril 1966, un troisième escadron : le 3/11 “Corse”. Cet escadron hérite de vingt F-100D de la 3ème EC et de quatre F-100F dont le premier est posé par le S/Lt Vernex. La “Trois” ayant fait ses adieux à Lahr vient s’installer en septembre 1967 sur la base de Nancy-Ochey en cohabitation, pour quelques mois, avec les Mystère IVA de la 7ème Escadre de Chasse. La base de Lahr restée vacante après le départ des F-100 est reprise en 1968 par les Canadair Sabre Mk.6 du 439e Squadron de la RCAF venant de Marville (France), puis, quelque temps plus tard, par les appareils des 444ème et 430ème Squadron.

      Ayant perdu leur vocation nucléaire, les F-100 de la 11ème EC restent à Bremgarten encore quelques mois, mais pour le compte de la France. avant de venir s’installer sur la base de Toul-Rosière en Haye, construite par les Américains et laissée vacante après leur départ. Le déménagement dure trois mois, de juillet à septembre 1967, avec les seuls moyens mis en œuvre par l’escadre. Le 13 septembre 1967, se pose. sur cette nouvelle base, le premier F-100 D que pilote le Cdt Ghesquière, commandant l’Escadre. Les autres suivront au fur et à mesure. Le 3/11 “Corse” quant à lui, arrive à Toul quelques semaines plus tard que ses deux escadrons frères, après avoir été détaché pendant plusieurs mois sur la base de Colmar, avec comme compagnons les Mirage de la 13ème Escadre.

      La 11ème EC se voit confier de nouvelles missions, cette fois dans le cadre de la FATac (Force Aérienne Tactique).

        – Mission de défense aérienne haute et basse altitude, appui au sol des troupes, protection des bases FAS (Forces Aériennes Stratégiques).

        – Dans le cadre des accords de Berlin : mission principale d’attaque au sol et mission secondaire de défense aérienne. Pour cela, elle participe aux manœuvres alliées et à la protection du couloir aérien au-dessus de la République Démocratique Allemande (R.D.A.).

      Elle assure, par ailleurs, le mûrissement des jeunes pilotes qui viennent faire un certain nombre d’heures de vol avant de passer sur Mirage. Pour cela, I’EC 3/11 “Corse” tint pendant quelques mois le rôle d’Escadron de Transformation des pilotes de “Super Sabre” et, à ce titre, eut en compte la majorité des biplaces. C’est également au 3/11 que les pilotes s’initient à la technique du ravitaillement en vol et reçoivent leur qualification. En effet, certains appareils reçus en 1958 possèdent une perche sous l’aile droite. La France ne pratique pas le ravitaillement en vol à cette date et les perches devenant inutiles et s’usant, on les retire. Mais à partir de 1967, on s’intéresse aux possibilités jusqu’alors inutilisées du Super Sabre en montant sous l’aile droite non plus la perche droite mais la perche coudée dite “col de cygne”, offrant au pilote une meilleure visibilité lors des séances de ravitaillement. Après quelques essais sur Vautour et la technique bien mise au point, on passe sur le F-100 ou un tiers des avions reçoivent cette option.

      Le Super Sabre est une vraie “bassine volante” et grâce à ce procédé sa distance franchissable passe à 6500 km. Sa capacité d’emport interne en carburant est de 4 500l et de 8 000l avec bidons (2 X1 000l + 2 x 750l). Rappelons qu’avant l’arrivée de son successeur, en l’occurrence le “Jaguar”, à partir de 1973, le F-100 fut le seul chasseur de l’Armée de l’Air ravitaillable en vol, donnant, de ce fait, à la 11ème EC le pouvoir de déployer en quelques heures et avec l’assistance des C-135 F des FAS (Forces Aériennes Stratégiques) acquis en 1964, la valeur d’un escadron sur un théâtre d’opérations extérieur. A ce titre, on lui confie la mission de participation aux plans de renforcement particulier d’un certain nombre de territoires francophones d’Afrique, dans le cadre de la CAFI (Composante Air des Forces d’Intervention), devenue plus tard la FAI (Force Aérienne d’Intervention).

      – En 1968, un F-100 de l’EC 3/11 “Corse” effectue, pour la première fois, le raid Toul-Dakar avec deux escales techniques. Ce succès aidant, il amène d’autres raids dans les pays d’Afrique francophone (Abidjan – Niamey – Libreville. etc.) avec quelques manœuvres locales.

      – 1969, l’activité continue intensivement en Métropole. En mars 1969, le 3/11 part en campagne de tir à Cazaux. Le 24 mai, lors des manœuvres de la FATac, la 11ème EC met en œuvre 32 avions dont 30 font un “super” défilé avec à leur tête comme leader le Lt/Col Bonneval.

      – Octobre 1969, campagne de remorquage de cible au profit de la 5e EC sur la base de Solenzara (Coupe CAFDA).

     – Décembre 4969, manœuvres Lafayette. avec attaque du porte-avions US SARATOGA avec huit F-100 au départ d’Istres ; le bâtiment se trouve à l’est de la Sardaigne, suite au mauvais temps, il n’attend pas les intrus (Phantom vent arrière, Corsair en finale, Corsair au catapultage). On ne vit jamais autant d’avions dans tous les sens et dans un volume aussi réduit. Bien sûr, la France gagna, tout comme elle gagna le concours AFCENT de l’année, monopolisant les trois premières places au tir canon.

     – Avril 1970, la première grande manœuvre africaine avec déplacement des F-100 du 3/11 à Djibouti a lieu dans le cadre de la CAFI. Pour les pilotes non “lâché ravitaillement le voyage se fait en DC-6 (aller et retour).

     – Décembre 1970, nouvelle étape en Afrique ou trois pilotes décollent d’Istres pour Djibouti et Tananarive, soit le plus long raid de l’histoire du F-100.

     – Novembre 1971, trois F-100 participent à une évaluation opérationnelle de trois mois à Djibouti, évaluation rendue nécessaire par les conditions climatiques particulières en TFAI. Celles-ci posent, en effet, des problèmes d’adaptation non seulement pour les avions mais aussi pour le personnel au sol et les pilotes. Cette évaluation est positive et quelques F-400 privilégiés peuvent entamer une nouvelle carrière dans ce coin chaud de l’Afrique.

     – En 1972, lors de la coupe Comète l’Ad/C Marmier du 3/11 remporte haut la main l’épreuve de voltige devant les autres concurrents ébahis par cette prestation. Il y avait 25 escadrons présents, le second vainqueur est un pilote de Mirage IIIE de l’EC 3/2.

       Mais malgré sa robustesse et son âge, le F-100 s’use. Aussi, à partir de 1973, la firme North American propose à la France un programme de rajeunissement d’une trentaine d’avions par le renforcement du caisson central, l’épaississement de la voilure et du renforcement du longeron supérieur de fuselage. Les travaux sont effectués par les ateliers de la SNIAS de Châteauroux. Ainsi la durée de vie de l’avion se voit augmentée de 1 000 heures passant de 4 000 à 5 000 heures. Le dernier appareil en cours de modification en janvier 1975 était le plus ancien de la 11 EC avec un total de 4 200 heures de vol.

       Parallèlement aux travaux de remise à neuf des avions, la SNIAS entreprend également le camouflage de ce “squale”, le rendant encore plus agressif. Les travaux durent de 1972 jusqu’en 1976 ou la totalité des avions reçoit ce camouflage inspiré du schéma américain à trois tons de couleurs en surfaces supérieures (ocre, vert et gris brun), et gris-bleu clair dessous. La taille du sérial, placé à mi- fuselage, devient plus petite ainsi que les cocardes, le drapeau tricolore de dérive disparaissant. Auparavant, les avions avaient gardé leur couleur métal naturel puis, par la suite, avaient été recouverts d’une couche d’argent mat acrylique anti-corrosion, sauf en partie arrière du fuselage où en raison de la chaleur émise par le réacteur P&W J57 de 4 650 kgp à sec et 6 250 kgp avec PC aucune peinture ne pouvait tenir. Le premier F-100D camouflé arrive à Toul le 23 juin 1972 et porte le sérial 54-2160, code 11-ET. Le janvier 1973, la 11 EC entame une nouvelle carrière avec la création sur la B.A. 188 de Djibouti de I’E.C. 4/11 “Jura” qui trouve ses pilotes au sein des trois autres escadrons. Equipé, à ses débuts de huit chasseurs F-100 (deux du 1/11, deux du 2/11 et quatre avions (ravit.) du 3/11 dont un F-100F), il succède aux six Douglas AD-4 Skyraider de I’E.A.A. (Escadron d’Appui Aérien) 04/024 “Aurès Némentcha” (cet escadron assurait, depuis 10 ans, la coopération avec les forces terrestres sous la forme d’exercices d’appui-feu et d’appui-renseignements). Le 29 décembre 1972, I’EAA 04/021 est dissous après avoir accompli 22 600 heures de vol.

      L’EC 4/11 “Jura” reprend les traditions du 3/11 “Jura”, ainsi que ses insignes. Mais compte tenu de l’effectif réduit, seul l’insigne de la 1ère escadrille (SPA 158 “Serpentaire”) est porté sur la dérive, à gauche. La dotation passe assez rapidement à quinze avions en automne 1975 ce qui va permettre la création de la seconde escadrille en septembre 1976. Ainsi. à partir de janvier 1977, on voit apparaître à droite des dérives, l’insigne du “Sphinx” de la SPA 181. Unité de la FATac, appartenant à la 11EC basée à Toul, I’EC 4/11 est mis pour emploi à la disposition du Commandement “Air” en TFAI et ses missions principales vont de la défense aérienne et de l’appui-feu à la reconnaissance photo avec sa caméra P2 filmant vers l’arrière (prévue d l’origine pour restituer le tir de bombes),

       La plupart de ces F-100 D/F sont des appareils rachetés aux Américains par la France et que l’on appelle “nationaux”. Les autres, les PAM, sont épuisés en priorité par le “Jura” avant d’être restitués, par les soins de l’Escadron de Convoyage 070 de Châteaudun, aux autorités américaines en Grande-Bretagne, sur la base de Sculthorpe où la plupart sont ferraillés sur place. Pour ceux restés à Toul, ils continuent de voler jusqu’à ce qu’ils atteignent le seuil des 4 000 heures de vol où ils sont conduits dans un hangar en attendant leur convoyage pour l’Angleterre. Quant aux “Nationaux”, ils partent pour Châteaudun pour y être mis en conserve par les soins de I’EAA 601.

      Mais, tout comme le 1er mai 1958, le F-100 était venu prendre la place du F-84F, le 7 février 1975 son successeur se présente, dans le ciel de Toul en provenance de Toulouse escorté par trois F-100, le Jaguar E-29 (code 14-RA) que pilote le Cdt Eyraud, commandant la 11ème Escadre et le Cne Robert, commandant le 3/11 “Corse”. Le 13 juin 1975, quatre autres appareils arrivent portant sur la dérive les insignes des SPA 88 “Serpent” et SPA 69 “Chat”. Ils sont affectés à I’EC 3/11 qui reprend vie après 6 mois de silence pendant lesquels pilotes et mécaniciens s’étaient familiarisés avec cette nouvelle monture.

     Le 31 décembre 1975. le 3/11 effectue son dernier vol F-100 après 36 704 heures. L’EC 1/11 “Roussillon” en fait de même le 10 octobre 1975 après 81 746 h 25. Les avions sont alors affectés au 2/11 “Vosges”. Le 1/11 reprend ses vols le 1er mars 1976 avec ses quatre premiers “Jaguar”. Le 2/11 “Vosges” doit également laisser la place au Jaguar et le 25 juin 1977, après 71 347 heures de vol, le dernier vol F-100 a lieu sur la base de Toul après une émouvante cérémonie, réunissant les anciens pilotes et mécaniciens de ce prestigieux avion.

      Les F-100 de la 11 EC ont effectué 205 000 heures de vol au 25 juin 1977.

      C’est également à cette date qu’un F-100D du 2/11 (codé 11-MR/55-2736) piloté par le Cne Zurlinden effectue son dernier vol à la tête d’une patrouille de neuf Jaguar, avant de se rendre au musée de l’Air du Bourget. Quelques semaines auparavant, le 11mai 1977, le Colonel Boichot, commandant la base de Toul, a effectué le dernier vol du F-100D 54-2431/14-MJ. (NDLR. Au cours de ce vol, le colonel BOICHOT a subi une extinction réacteur et au retour du vol, sans faire part de cet incident, il a inscrit sur la forme 11 d’une manière totalement naturelle « Rallumage OK »). Cet avion est maintenant érigé en monument sur la BA 136 de Toul. Quant au Colonel Boichot, signalons qu’il fut le premier pilote français à avoir tenu les commandes d’un F-100 en 1958 sur la base de Nellis (Nevada). Mais un événement marque une nouvelle étape dans l’histoire de I’EC 4/11 “Jura” avec la création sur la B.A. 110 de Creil, le 1er septembre 1970, de I’EC 3/10 “Vexin” (doté de Mirage III C) destiné à prendre la relève des derniers F-100, à compter du 10 décembre 1978. Quant au 4/11, il est dissous le 31 décembre 1978 à Djibouti après plus de 10 000 heures de vol sur F-100. La 10 0000 heure de vol étant réalisée le 24 mai 1978 par le Capitaine Croci sur le F-100D “14-YE” 54-2130, le dernier vol d’un chasseur-bombardier F-100 dans l’Armée de l’Air ayant lieu le 12 décembre 1978, après 20 ans pendant lesquelles il a dispensé à tous ses pilotes des joies immenses et, comme l’a dit un pilote de Jaguar du 4/11 “Il sera toujours regretté par ceux qui ont volé avec et envié par ceux qui n’ont pu voler dessus”…

F 100 à l'entrée de la BA 136
F 100 à l’entrée de la BA 136

Patrick BIGEL

     

 

Ci-contre, en haut, le F-100D-35NH 55-2734 de l’EC 3/11 “Corse” lors d’une séance de ravitaillement en vol avec un Boeing C-135F des FAS, capacité alors réservée au seul 3/11.

F 100 - RVT

 

Ci-contre, dans une alvéole bétonnée de la base de Lahr (R.F.A.) en 1963, le F-100D-5NA 54-2156 “3-JD” de l’EC 2/3 “Champagne” avec sa livrée complète, soit : nez, trappe de train avant, saumons et cloisons d’ailes rouges.

En bas, à Toul-Rosières sur la marguerite du 3/11 en juin 1972, un des plus anciens biplaces utilisés par l’Escadre de Chasse : le F-100-15-NA 56-4017 “II-RW” qui servira plus tard à Djibouti avec le 4/11.

F 100 - 3 EC
F 100 EC 3/11

 

 

 

A droite, trois vues montrant des Super Sabre à nez jaune de I’EC 1/3 “Navarre” au début des années soixante.

 

 

 

 

 

Au centre, le F-100D-IO-NA “3-IS” 54-2171 s’arrache de la piste de Lahr. Après sept ans au 1/3, il sera affecté à la 11ème Escadre en 1965. En bas. quatre F-100D du 1/3 en attente de décollage à Lahr, dont le F-100D10-NA 54-2212 ”3-IK”. Cet avion, qui sera rendu aux Américains en janvier 1976, est aujourd’hui exposé à l’entrée de la base de réserve américaine de RAF Sculthorpe, en Angleterre, repeint aux couleurs de l’USAF.

 

 

 

 

La photo du bas, prise au-dessus de la Forêt Noire, laisse voir, sur le F-100F-15-NA ”3-IK” 56-4009, la configuration adoptée pour les missions de navigation à longue distance ou les convoyages : deux bidons de 200 US gallons sur pylônes internes et deux “bananes” de 275 US gallons sur pylônes médians. On note l’insigne d’escadron (jumelage des SPA 95 et 153) porté sous l’habitacle. Cet appareil volera plus tard à la 11ème Escadre avant d’être rendu aux Américains en octobre 197

F 100 3 EC
F 100 - 3 EC

 

Trois photos de Super Sabre de l’EC 2/3 “Champagne” photographiés au début et au milieu des années soixante dans leur livrée complète à finitions rouges.

En haut, le F-100D-15-NA 54-2265 “3-JR” vu côté SPA 67 “Cigogne” ; cet avion. restitué en mars 1976 à FIJSAF, est aujourd’hui préservé sur la base de RAF Wethersfield (Grande-Bretagne) repeint aux couleurs du célèbre “Triple Zilch” du Lt/Col R. Toliver (“FW-OW’, USAF serial number 56-3000).

Au centre. le F-100F-15.NA 56-4008 “3-JV” en configuration lisse, côté SPA 75 “Charognard”, avec la perche de ravitaillement droite montée en place. Cet avion sera rendu aux Américains en janvier 1975 après avoir servi dix ans à la 11ème Escadre à Toul-Rosières.

Ci-dessous, le F-100D-35-NH 55-2737 “3-JJ” au roulage sur le taxiway de Lahr. La configuration dissymétrique des réservoirs supplémentaires est intéressante (un bidon de 200 US gallons et une ‘banane” de 275 US gallons sous l’aile droite et deux 200 US gallons sous l’aile gauche) et permet de présumer que l’avion va décoller pour une mission de “strike” nucléaire ; le vide entre les bidons de gauche représentant la masse absente d’une bombe atomique MK.43.

Les F 100 Français

      Première partie de l’histoire des F100 français ; article paru dans AIR FAN, avec l’aimable autorisation de “Bibi”.

 

F 100 Français

          L’épopée tricolore du North American F-100D “Super Sabre”, un avion de combat hors du commun qui fut le premier appareil de l’Armée de l’Air à être doté de l’arme atomique, à pouvoir pratiquer le ravitaillement en vol et à être capable du vol supersonique soutenu : trois particularités alors à l’avant-garde de la guerre moderne.

           Le 12 décembre 1978, à plusieurs milliers de kilomètres de la France, étaient effectués les derniers vols opérationnels de chasseurs bombardiers North American F-100 Super Sabre dans l’Armée de l’Air. Réalisées par l’escadron de Chasse 4/1 1 “Jura”, détaché de la 11ème Escadre de Chasse de Toul Rosières en République de Djibouti, ces ultimes sorties sonnaient le glas de vingt ans de bons et loyaux services. Le Super Sabre entrait alors dans l’histoire des ailes françaises. De pilier opérationnel du 1er CATac, à ses débuts, jusqu’à sa mission finale de coopération armée outre-mer, le F-100 quittait la FATac la tête haute.

           Lorsque le 1er Commandement Aérien Tactique (CATac) de l’Armée de l’Air est formé en juillet 1954, ses forces sont en totalité rassemblées dans l’est de la France et sur le sol de la République Fédérale d’Allemagne. En temps de guerre, son état-major et ses moyens sont destinés à être intégrés à la 4th Allied Tactical Air Force ou 4e ATAF de l’OTAN, seul commandement opérationnel interallié responsable de sa mise en œuvre et charnière du système de défense des pays du Pacte Atlantique en Centre Europe (AFCENT).

         Le 1er Commandement Aérien Tactique, héritier du 1er Corps Aérien Français de 1945, est alors composé de sept escadres de chasse mettant en œuvre quelque dix-huit escadrons de chasse et de reconnaissance représentant, avec les réserves, presque cinq cents avions de combat ! L’état-major du 1er CATac est implanté sur la base de Lahr Hugsweier, en territoire allemand, à quelques dizaines de kilomètres de Strasbourg, de l’autre côté du Rhin. Les appareils qui composent ce “coin offensif” de l’Armée de l’Air ont pour noms : Republic F-84E/G Thunder jet et Dassault Ouragan, les seconds devant assurer la couverture des premiers, chasseurs-bombardiers tactiques type des forces aériennes des pays de l’OTAN largement éprouvés en Corée.

       A partir de 1955, les Republic F-84E et G sont graduellement remplacés par les F-84F et RF-84F plus performants, tandis que les Mystère IVA succèdent aux Ouragan. Mais au milieu des années cinquante, également, l’ère du vol supersonique opérationnel vient d’être ouverte. C’est un nouvel avion, successeur du célèbre F-86 Sabre, de la Guerre de Corée, le F-100 Super Sabre, autre création de la firme North American, qui depuis quelques mois est devenu le premier avion produit en série capable de voler en palier à Mach 1. Les premières séries de F-100, les F-100A, donnent à I’U.S. Air Force son premier intercepteur supersonique de jour. Mais ce rôle n’est plus approprié au moment où les premiers chasseurs tout-temps supersoniques, les Convair F-102A, commencent à entrer en service dans l’Air Defense Command. Désireuse d’utiliser le F-100 dans la mission de chasse-bombardement, I’U.S. Air Force commande alors le F-100C, version du Super Sabre dotée d’un moteur plus puissant et optimisé pour l’attaque au sol. Exactement 476 F-100C seront construits et livrés à l’USAF.

       Afin d’augmenter son potentiel d’attaque, cette même USAF décide, en 1956, de commander une nouvelle version du Super Sabre dérivée du F-IOOC. Ce nouvel avion, ravitaillable en vol et capable d’emporter une arme nucléaire ou thermonucléaire, est le F-100D. De toutes les versions du F-100, la version “D” sera la plus produite, 1274 exemplaires devant sortir des usines North American d’Inglewood (Californie) et de Columbus (Ohio). Sur ce total impressionnant, plusieurs centaines de F-100D cependant ne devaient pas être utilisées plus de quelques mois par l’USAF. En effet, à partir de 1958, dans le cadre du Military Assistance Program de l’OTAN, les Etats-Unis décident de relever le potentiel aérien de leurs alliés européens en leur fournissant, en remplacement d’une partie de leurs chasseurs-bombardiers Thunderjet et Thunderstreak subsoniques, des F-100D Super Sabre. Premiers récipiendaires de l’aide américaine, les Danske Flyvevaabnet danoises et l’Armée de l’Air reçoivent respectivement soixante et quatre-vingt-dix F-100D. Par la suite, la Türk Hava Kuvvetleri turque recevra également des Super Sabre, principalement en versions « D et F ». Le F-100F, est la version biplace du F-100D réservée à l’entraînement opérationnel mais également capable de missions de guerre. Ce modèle diffère par son fuselage rallongé de 0,91 m afin de permettre l’installation d’un second membre d’équipage en place arrière. Il perd cependant en capacité de carburant et il ne possède plus que deux des quatre canons Pontiac M39E de 20 mm présents sur le F-100D monoplace. Des F-100F seront livrés au Danemark et à la France en même temps que les F-100D : respectivement environ dix et quatorze. La plupart des North American F-100D et F qui vont être livrés à l’Armée de l’Air ont déjà effectué un certain nombre d’heures de vol au sein de I’U.S. Air Force. Avant leur transfert à la France, ils vont être révisés entièrement dans les ateliers de maintenance que la firme North American a installé à Barajas, près de Madrid en Espagne.

La “Onze”, première sur F100

      La 11ème Escadre de Chasse de l’Armée de l’Air, qui stationne depuis le 12 juin 1953 sur la base aérienne de Luxeuil-St-Sauveur, est la première unité du 1er CATac à être désignée pour voler sur Super Sabre. Equipée, depuis 1956, avec des chasseurs bombardiers F-84F Thunderstreak, la 11ème Escadre assure à la fois la défense aérienne de la zone opérationnelle de la 1ère Région Aérienne et l’appui au sol des éléments de la 1ère Armée française stationnée par-delà le Rhin.

       Fin 1957, les deux escadrons constitutifs de la 11ème Escadre, les Escadrons de Chasse 1/11 « Roussillon » et 2/11 « Vosges » (I’E.C. 3/11 « Jura » vient tout juste d’être dissous) se préparent à troquer leur vieux F-84F (dont certains ont participé à l’intervention de Suez d’octobre 1956) contre des F-100D tout neufs, à quelques éraflures près. A partir du 1er janvier 1958, un noyau de pilotes de I’E.C. 2/11 est dépêché aux Etats-Unis, sur ta base de Luke (Arizona), afin de se transformer sur F- 100. Peu après leur retour en France, le 1er mai 1958, en fin de matinée, apparaissent dans le ciel de Luxeuil les trois premiers F-100D pour l’Armée de l’Air, convoyés depuis Madrid par des pilotes américains. Quelques jours plus tard commence, pour les quelques rares privilégiés, l’entraînement sur cette nouvelle monture qui constitue, à cette date, l’avion de combat le plus puissant de l’Armée de l’Air. Ce faisant, les pilotes français découvrent vite les possibilités de la post-combustion (“la P.C”, en argot de pilote). Et ils s’en donnent à cœur joie. Cette innovation, encore récente à l’époque, leur apporte près de 60 % de puissance supplémentaire instantanée et leur permet ainsi d’intercepter, dans le ciel de l’est, tout ce qui passe à leur portée ! Il faudra attendre un an et demi pour voir la 11ème Escadre de Chasse atteindre le stade opérationnel sur F-100. Fin 1959, c’est chose faite.

La “Trois” en deux

      Après la “Onze”, c’est au tour de la 3ème Escadre de Chasse de se voir attribuer des F-100D. Cette escadre, stationnée depuis le printemps de 1950 sur la base de Reims-Bétheny, été à l’origine la première de l’Armée de l’Air à percevoir des chasseurs bombardiers F-84E Thunderjet. La “Trois” est, en 1958, forte de deux escadrons : les E.C. 1/3 « Navarre » et 2/3 « Champagne » ; son troisième escadron traditionnel, I’E.C. 3/3 « Ardennes » a été dissous l’année précédente, au mois de novembre. Comme la 11ème Escadre de Luxeuil, la 3ème Escadre de Reims vole depuis 1956 sur F-84F Thunderstreak lorsqu’elle entame sa transformation sur F-100D Super Sabre à compter de septembre 1958. Comme pour la 11ème Escadre également, un important détachement des deux escadrons de la “Trois” a participé à l’intervention de Suez depuis la base britannique de RAF Akrotiri de Chypre.

      Les premiers F-100D étiquetés pour l’escadre arrivent à Reims en janvier 1959 au terme d’un voyage sans escale au-dessus de l’Atlantique Nord réalisé par des pilotes américains ravitaillés, en cours de route, par des KC-97 du Strategic Air Command de l’USAF. Ils sont aussitôt attribués au 1/3 « Navarre ». Alors même que pilotes et mécaniciens de l’escadron se familiarisent avec le F- 100D, ils sont bientôt rejoints par un échelon précurseur du 2/3 « Champagne ». En effet, en attendant ses propres avions, le 2/3 a reçu l’ordre d’entamer sa « transfo » sur les appareils du 1/3. C’est seulement à la mi-juillet qu’il touchera ses avions en propre, avions qui font partie du dernier lot de base cédé à l’Armée de l’Air par l’USAF. Au début de l’année 1960, juste un peu plus d’un mois après la « Onze », la « Trois » est déclarée opérationnelle sur ses Super Sabre.

       Dans la foulée, et pour ne pas perdre de temps, les deux escadres nouvellement équipées de F-100 se déplacent en escadrons constitués (un de chaque escadre) sur la base de Cazaux pour effectuer leur première campagne de tir officielle sur F-100. Menée de concert par I’E.C. 1/11 « Roussillon », avec treize avions, et I’E.C. 2/3 « Champagne », avec onze appareils, cette campagne se traduit rapidement par un très grand nombre de sorties opérationnelles. Pour donner une idée de l’activité déployée pendant cette campagne inaugurale sur F-100, citons seulement quelques chiffres pour les mois de mars et avril 1960 : 937 sorties aériennes, 681 heures de vol enregistrées, 611 tirs canons effectués pour 44 907 obus tirés en passes air-air, 164 tirs canons pour 13 054 obus en tir air-sol sans oublier 432 roquettes, 18 bidons de napalm et 10 bombes US MK 25 largués. Pour l’Armée de l’Air, ce premier contact avec les réalités opérationnelles commence bien. Confiante, elle aborde une nouvelle décennie avec un chasseur bombardier américain de loin supérieur à tout ce qui se fait de l’autre côté du « Rideau de Fer » à cette époque.

(à suivre) Patrick BIGEL

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 Ci-contre, dans le ciel d’Allemagne, au début des années soixante, deux F-100D de l’E.C. 2/3 « Champagne ». Le 54-2128 au premier plan est le « 3-JA » et le 54- 2166, au fond, le « 3-JH ». Ces deux avions volèrent sans incident durant seize ans avant d’être rendus aux Américains.

Ci-dessous, décollage de Lohr. “P.C.” allumée. en 1964, une mission de bombardement d’exercice.
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La panoplie d’armement du F-100D présentée en 1961 à Luxeuil. On distingue un F-84F de la 1ère Escadre à l’arrière-plan.

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Image de titre : en avril 1978, à quelques mois seulement du retrait définitif des deniers North American F 100 Super Sabre de l’armée de l’Air et virtuellement au terme de vingt ans de service. un F-100D (USAF serial 54-2154) de l’Escadron de Chasse 4/11 « Jura » basé en République de Djibouti, survole les étendues arides du Ghoubet el Kharob. Dernier avion de combat américain à voler sous couleurs françaises, sa carrière s’est déjà achevée en Métropole où un autre chasseur-bombardier, le Jaguar franco-britannique, le remplace déjà dans les trois autres escadrons de I’Escadre de Chasse de Toul Rosières.

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      Ci-dessus : un air nul autre pareil ! un F-100D de l’E.C. 2/11 « Vosges » dévoile son impressionnante entrée d’air tandis que des armuriers arriment une bombe de 500 lb sur le pylône intérieur droit.

        En bas le début des F- 100 dans l’Armée de l’Air. Fin 1958, sur le parking de la base de Luxeuil, les Super Sabre de la 11ème Escadre (la première à recevoir cet avion dans le cadre de l’OTAN) font connaissance avec les frimas de l’Est. Aucun insigne ou marque d’unité n’est encore visible sur le fuselage des avions récemment transférés de I’lJSAF à l’Armée de l’Air et c’est peine si l’on distingue les restes de l’inscription “U.S. Air Force” effacée des flancs très brillants des avions.

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 Ci-contre, un North American F-100D Super Sabre de l’Armée l’Air dans la livrée des débuts. Les avions ne reçurent pas leurs indicatifs et insignes d’escadrons tout de suite. Le F-100D-15-NA illustré ici en 1959, alors qu’il était en service à l’EC 1 /3, porte toujours son « buzz-number” d’origine : “M-247”. Il deviendra, par la suite, le « 3-10 ».

Au centre, le F-100F-15NA 56-4014″ vu peu après son arrivée à la 3ème à l’Escadre de Reims à la fin de 1958. Il volera par la suite à la 11EC avant d’être rendu aux Américains en 1977.

Ci-dessous, moins chanceux sera le F100-15-NA 56-4013 « FW-013 » photographié détruit en janvier de 1959 à son arrivée à la « Trois ». Il sera détruit moins de sept mois plus tard.

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      Ci-dessous, les F-100 de la 11ème Escadre sur leur parking de Luxeuil en 1960, perches Pitot au garde-à-vous. Les « buzz number » américains d’origine ont disparu et les premiers insignes d’escadrons ont fait leur apparition ; ici, le “Masque de comédie” de la 1ère Escadrille de I’EC 1/11 « Roussillon ».

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       Au sein de la 11ème Escadre de Chasse, les North American F – 100 Super Sabre servirent jusqu’au bout de 1958 à 1978. d’un escadron à un autre comme le montre ces les photos de ces deux pages qui illustrent deux Super Sabre, les F 100D 5-NA numéros USAF 54-2148 et 54-2138 à deux périodes distinctes de leur affectation de cette escadre.

      Vu à Toul en juin 1972 le « 148 » aux couleurs de I’E.C 1/11 « Roussillon », l’avion porte indicatif « 11-EM » et l’insigne de la 2ème escadrille sur la dérive.

      Vu à Toul en juin 1972, le « 138 » porte les marques de l’E.C.3/11 « Corse » avec l’insigne de la 1ère escadrille peint sur la dérive. On note sur cette vue les réservoirs supplémentaires de 335 gallons US (dits “grosses bananes ») utilisés surtout par le « Corse » pour ses. déploiements tactiques grandes distance avec ravitaillement en vol.

F 100 Français - 1

     Le même appareil (148) vu en avril 1975 armé de deux bombes freinées de 500 lb US. Lors d’une campagne de tir à Cazaux. Cette fois-ci, l’avion est camouflé et porte les marques de l’E.C. 2/11 « Vosges ». On note l’absence d’insigne d’escadrille sur la dérive, insigne qui apparait cependant sur la manche de la combinaison du pilote (SPA 91). L’indicatif « 11-MK » et Ie sérial” sont de taille nettement plus réduite.

      On retrouve le « 138 » revêtu d’un camouflage sur le parking de la BA188 de Djibouti en mai 1976 avec cette fois-ci les marques et couleurs de l’E.C. 4/11 « Jura ». L’insigne de la 1ère escadrille est visible, en petits sur la dérive.

        Remerciements : une fois n’est pas coutume, l’auteur tient à remercier dès maintenant les personnes qui l’ont aidé dans la réalisation de cette étude, tant par leur assistance technique que par leurs photos. En premier lieu, un très grand merci à Jean-Michel Guhl auquel l’on doit la forme de cet article et nombre d’illustrations, à Alain Crosnier, à Michel Cristescu, à Michel Fournier et à Thierry Cuq. Un grand merci également au Capitaine Croci, un vétéran des F-100, au Capitane Léonard de I’E.T. 3/60 et au Lieutenant Deltrieu, OSV 11 E.C. Merci, enfin, à Bernard Régnier pour nous avoir permis de publier certaines de ses photos et au Lt. Col Chenel sans lequel nous aurions eu quelques difficultés d’identification relatives de la vie des Super Sabre français et à leurs immatriculations successives au cours de leur carrière.

Souvenirs de PGA au Maroc

    Les hasards de la vie m’ont fait rencontrer André BOISNAUD, un grand ancien puisque macaronné en 1951, passé par la 11EC et qui a bien voulu me laisser quelques souvenirs d’une époque lointaine et très peu abordée au sein de la 11EC, je veux parler de ce qu’on appelle “La Guerre d’Algérie”. A ma connaissance, hormis le numéro spécial de RNV (Res Non Verba) consacré à ce conflit, il n’y a que très peu d’articles, voire aucun, qui ont relaté cette partie de l’histoire.

     Il est question de PGA, de Vampire, de JU 52,…., bref, c’était il y a (très) longtemps et André n’a pratiquement gardé (ou fait) de photos de cette époque.

          La guerre d’Algérie a duré de la Toussaint 1954 jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en juillet 1962. Mais le “cessez le feu” du 19 mars 1962 n’ayant pas donné lieu à la fin des combats, les morts des Forces Françaises et surtout des Harkis ont pu se compter jusqu’en 1964.

         Des combats se sont également déroulés en Tunisie et au Maroc jusqu’à l’indépendance de ces deux pays, mais aussi, parfois, bien après… à l’exemple des émeutes de Meknès et de Bizerte.

        Au Maroc, après une période de tension, les émeutes suivies des opérations de sécurité ont débuté le 20 août 1955. Arrivé sur la base de Meknès en novembre 1954, déjà moniteur de chasse (sous-chef de patrouille) après un court passage au 5ème escadron d’entraînement des moniteurs, j’étais affecté au 4ème escadron. Fin juillet revenu de permission en Oranie, j’étais sous les ordres du capitaine Rajau au 1er escadron, les quatre autres escadrons comme une grande partie de la Base étaient en permission.

       Des heurts avaient eu lieu dans la ville de Moulay-Idriss : on sentait la pression monter. Le capitaine Rajau que j’avais connu comme commandant d’escadrille à la première escadre me fit désigner comme PGA (Poste de Guidage Avancé) auprès du Groupement d’Intervention numéro 2 (GMI 2). Je fus ainsi auprès de mes camarades de l’Armée de Terre le 19 août pour une intervention aérienne fictive sur la route de Fès. Tout se passa bien et j’étais de retour à la Base en début d’après-midi. Tard dans la soirée, il me fut ordonné de rejoindre le GMI le lendemain matin tôt à El Hajeb pour effectuer une manœuvre d’intimidation lors d’un “souk” sur la route de Khénifra. Je rejoignis donc une compagnie de la Légion avec mon chauffeur et deux radios. Nous avions aussi une Jeep radio avec remorque dotée d’un groupe électrogène. Arrivé au “souk”, déploiement de la compagnie de la Légion puis arrivée d’une patrouille de Vampires pour effectuer des passes fictives. Durant celles-ci le capitaine commandant la compagnie de la Légion m’avertit que la situation se dégradait sérieusement à Khénifra : « Continue avec les avions, nous, nous partons tout de suite » me dit-il.

       Pris d’un doute après une ou deux attaques fictives, je préviens le chef de patrouille de ce qui se passe et lui demande d’aller voir. Après avoir plié bagages, nous partons sur les traces de nos camarades légionnaires et les ayant rejoints, je décide de m’intercaler au milieu de la colonne. Quelques minutes après, la patrouille de Vampire fait sur nous un passage à très basse altitude. Ayant compris qu’il y avait un message à recevoir, mes hommes et moi nous nous arrêtons pour mettre en route la radio ; puis j’arrête le dernier véhicule de légion qui avait une antenne :

   « – Avez-vous la liaison avec le capitaine ?

    – Oui, mon lieutenant

   – Restez avec moi »…

Le chef de patrouille dès contact radio établi m’annonce :

    – « Des émeutiers fortement armés sont aux portes de la ville européenne, dépêchez-vous ». Je retransmets aussitôt le message.

    Peu après, aux portes de Khénifra le commandant de compagnie donne l’ordre d’engager les mitrailleuses. Nous encerclons la Médina et je place mon PGA sur une hauteur. Dans la soirée, le reste du GMI 2 nous rejoint : il y a là des éléments d’un régiment de Spahis sur auto-mitrailleuse Panhard, des Tirailleurs Marocains et un État-major aux ordres du colonel commandant le 12ème Régiment de Chasseurs d’Afrique. Nous sommes nous-mêmes encerclés par des cavaliers Zayans dont certaines tribus étaient encore insoumises en 1933. Le commandement Air au Maroc m’envoie des Vampire armés mais culasse à l’avant pour intimidation alors que je réclame une intervention armée. Le téléphone fonctionne encore. J’appelle les Ops d’Air Maroc et demande si on se moque de moi.

     Le lendemain une intervention est programmée, mais l’Armée de l’Air n’a plus tiré au Maroc depuis la guerre du Rif (1925-26) et le colonel P… commandant la base de Meknès veut être là. Une patrouille de 4 Vampire armés d’obus inertes, aux mains de 4 officiers dont 2 qui ont dû être rappelés de permission, doit intervenir. Le PGA volant me contacte et j’entends ceci :

– « Où sont-ils ces fameux cavaliers ? », Je lève les yeux et voit très haut dans le ciel l’avion qui doit guider l’intervention,

   « -A quelle altitude êtes-vous ?

   – 3000 mètres

   – Si vous descendiez vers 1000 mètres vous les verriez ! »

     Les Vampires arrivent et doivent tirer au plus près mais pas sur les cavaliers Zayans. Heureusement le n° 4, un “chibani” de la guerre d’Indochine, tire vraiment plus près et les chevaux s’emballent… Il y a pas mal de victimes. Afin de renforcer notre dispositif, le grand commandement au Maroc décide de parachuter sur notre position des éléments du 6° BCP à l’aide de “JU 52” de la base 707. Cela fut exécuté tard le soir ! Nous avons pu récupérer environ 1/3 des parachutés au moment où la nuit tombait. Les autres Africains, redoutant la nuit, car encore très animistes à l’époque, se sont terrés et cachés dans des buissons jusqu’au petit matin où nous les avons retrouvés en totalité.

      Un soir, je suis prévenu qu’à la nuit tombée, j’aurai à accueillir, sans contact radio, un hélicoptère Bell pour évacuation sanitaire. En guise de Drop Zone, je dispose donc 4 véhicules pour former un carré éclairé par les phares. Le pilote ne la verra pas et ira se poser à quelques centaines de mètres de là. Je l’ai rejoint et nous avons décollé pour la zone balisée : ce fut mon premier vol en hélicoptère !

     Après plusieurs interventions, l’Aman (Trêve) est accordé. Normalement tout est fini, Cependant peu après j’aperçois un indigène qui en se cachant au fond d’un oued à sec se dirige vers la ville européenne. Je fais tirer sur lui non seulement un de mes radios mais aussi le chauffeur marocain qui est près du PGA avec un “poste 300” pour la liaison avec le PC. Le rebelle est entouré de plusieurs rafales mais il continue à avancer sur la route après s’être retourné. Je fais le tour de la hauteur où je suis stationné et pistolet au poing je le fais prisonnier. Des légionnaires arrivent, mais dès que l’individu les voit il refuse d’avancer… C’est là que j’ai vu le plus beau et le plus puissant “coup de pied au cul” de ma vie. L’homme était drogué au “kif” et muni d’un grand couteau à égorger les moutons, très affûté, allait en zone européenne pour assassiner quelqu’un. Ce couteau m’a été remis par le lieutenant B… commandant une des sections de la compagnie de la Légion ; lors d’un de mes nombreux déménagements j’ai perdu cette “arme”.

     Peu de temps après, le lieutenant B… avec un chauffeur arrive pour me voir sur mon piton et me dit : « On va prendre un pot au quartier » et décide de passer par la médina, lui au volant, moi à droite dans la jeep et un légionnaire avec son PM (Pistolet Mitrailleur) en place arrière. Bien que l’arrêt des hostilités ait été proclamé, il y a, sur la Grand Place, de nombreux hommes en armes, nous passons à quelques mètres d’eux et l’ancien de Dîen Bîen Phu s’affole un peu et accélère très fort… Je vois arriver un virage à 90° à l’approche de l’oued… « Calme toi, on va se planter ! » Il ralentit… dans le virage, un fût de 200 litres d’huile a été répandu… Ouf on est passé ! Au même endroit la veille un jeune soldat sur l’aile d’une AML est tombé après avoir été blessé, son corps a été retrouvé calciné.

     Au “foyer” le capitaine est là et me demande :

– « Que veux tu boire ?

  – un Perrier !

  – Alors tu crois, dit Monsieur Kronenbourg que je vais te payer de l’eau ?

  – C’est moi qui vous offre un verre, dis-je

  – Tu crois aussi pouvoir payer chez moi ?… ».

      Monsieur Kronenbourg, c’est le capitaine S…. commandant la 1ère Compagnie Portée du 4ème Régiment Étranger d’Infanterie !

     Durant les jours suivants, les opérations ont continué. J’ai eu régulièrement des avions armés qui ont fait leur travail et au bout de quelques jours j’ai été relevé par un camarade. En arrivant (par avion) sur la Base, je vais me présenter chez le colonel. Il n’est pas là. Je rentre chez moi puis je prends la décision d’aller voir le capitaine Rajau. Dès mon arrivée il me demande si j’ai vu le colonel. Ma réponse négative le rassure, puis il me demande de tout lui raconter.

    Nous partons sur la Base voir le “grand chef” : je ne dois pas répondre aux questions, c’est lui qui répondra car il plane au-dessus de ma tête une demande de tribunal militaire pour insubordination. Face au colonel tout se passe comme prévu, le capitaine Rajau répondant aux questions…, on ne parla plus de tribunal militaire.

     Quelques semaines plus tard, il me fut communiqué le contenu des notes qui me furent attribuées par le colonel commandant le GMI2 (la valeur militaire, déco pour remplacer la croix de guerre, ne fut créé qu’en 1956). Ces notes furent mises à la poubelle à la BA 708 de Meknès et donc non insérées aux miennes. Ce n’est que trois ans plus tard que, grâce au commandant de la 13ème escadre, elles réintégrèrent mon livret de notes.

    Ce séjour aux environs de Khénifra m’a permis de découvrir la camaraderie et l’estime interarmes, mais surtout l’amitié et le respect des légionnaires, en particulier de quelqu’un qui m’a marqué jusqu’à ce jour : le lieutenant Henri Bonnet, ancien de Dîen Bîen Phu et de la Longue Marche (dans les camps de la mort du Viet Min) après trois séjours en Indochine.

     Durant les opérations au Maroc je suis reparti en PGA dans les montagnes du Rif en octobre 1955… mais cela est une autre histoire…

Pilote de Chasse et pilote de course

Changement de "combine" ; celle de pilote de course lui va aussi très bien !

Bernard Cayrier – Pilote de chasse – Pilote de course…

          Être pilote de Jaguar à 32 ans avec plus de 2 000 heures de vol à son actif n’est déjà pas une mince affaire. Mais lorsque l’on sait que le même Bernard Cayrier, adjudant-chef, à la base de Saint-Dizier passe le plus clair de ses loisirs aux commandes d’une Fiat Abarth 1000, qu’il participe à des courses de côtes et qu’il remporte coupes après coupes, cela relève décidément d’un caractère très entreprenant.

          Le pilotage d’un chasseur ou la conduite d’une dévoreuse de macadam ne demande certes pas les mêmes qualités, mais que ce soit en basse altitude ou dans les épingles à cheveux la volonté et la soif de réussir sont tout aussi intenses. Avant de se retrouver dans la cabine d’un Jaguar, la progression au sein des écoles de pilotage n’est déjà pas chose facile, tous les élèves pilotes sont là pour en juger. A bien des nuances près il en est de même pour les courses de côtes et d’une façon générale pour la compétition à “quatre roues”

        Un cheminement semé d’embûches

        Animé par la passion des courses, Cayrier commence par collectionner livres et revues spécialisées. “Afin d’être plus près de la course”, selon son expression il passe l’examen de commissaire de piste. Le vrai contact estpris, etle rêve devientpeu à peu réalité. Mais l’ambiance vrombissante des bords de piste fait de cet amateur éclairé un spécialiste chevronné, et naît en lui ce désir profond de n’être plus spectateur, de devenir l’un des acteurs de ces poursuites effrénées contre le temps… Ce temps matérialisé au creux de la main par le chronomètre contre lequel maintenant il va falloir lutter. Un pari tenu malgré les difficultés toujours croissantes qui règnent dans le monde du sport automobile. Ce n’est un secret pour personne, la compétition “auto” est la plus onéreuse des passions.

Changement de "combine" ; celle de pilote de course lui va aussi très bien !
                                                                         Nanard dit aussi “Le Bouffi” devant sa monoplace

 

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                                                                       Bernard sur l’échelle de son Jaguar

        “Mettez du “boost” dans votre moteur”

        Il y a un an, pour quelques milliers de francs, il déniche une pièce rarissime : l’Abarth 850 TC que Claude Ballot Léna fait connaître au grand public plusieurs années auparavant en arrachant une victoire sans appel aux célèbres Mini Cooper à Magny Cours. Son engin, bien caché au fond d’un garage, il entreprend de transformer cette brave mais modeste voiture en une véritable “bête de course”, il refait le bloc moteur et monte un “Bialbero”… 105 chevaux à 8000 tours !

      Légère et puissante la machine devient déjà apte au slalom “très spécial” qui est celui des courses de côtes. La boîte sera celle d’une 850 S. Premier de ses problèmes : trouver les bonnes pièces qui devront être aussi précises que les rouages d’une horloge helvétique ! Comme le veut la légende c’est en Suisse qu’il trouve tous les morceaux manquants du puzzle. Ce pilote du manche et du volant passe tout un hiver à préparer l’objet de ses rêves. La journée, il la vit à plusieurs milliers de mètres d’altitude, sous une bulle de verre, à des vitesses que seuls ses compagnons et lui-même peuvent estimer. Le soir couché sous le moteur de l’Abarth les doigts pleins de camboui, il dirige la métamorphose d’une banale voiture de série en une reine de la route.

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                                                                                       L’Abarth 850 TC de Claude Ballot Léna

        “Chasseur” de Sponsors

        Aidé par un ami dont les connaissances mécaniques en font un partenaire précieux, Cayrier met au point l’Abarth et commence les reconnaissances. Chaque détail du parcours est enregistré, classé, chaque virage testé au maximum des possibilités de la voiture. Cayrier se met alors en quête d’éventuels sponsors. De leur bonne volonté dépend l’avenir d’un coureur et d’une écurie. Au stade de la compétition l’aide financière se fait indispensable. Les voitures sont d’excellents supports publicitaires, et les sponsors qui ne sont pas de mécènes en sont bien conscients. Les résultats ne se font pas attendre, toujours bien placé dans les courses de côtes régionales il remporte deux fois la victoire dans sa classe, et obtient en récompense de tous ses résultats pour l’année le challenge interarmées.

        L’espoir en monoplace

       Pour 1982 Cayrier a investi dans une formule monoplace moteur Talbot 1300. Cette fois-ci il espère se surpasser et pourquoi pas tenter la compétition nationale. Mais : “une saison régionale revient à 10 000 francs environ, pour le championnat de France il faut compter le double ou le triple au moins”. Pour l’instantje n’ai pas de sponsors et sans aide financière inutile de continuer, mais je garde le moral”. La chance qu’aide sa volonté, lui sourira une fois de plus, espérons-le.

       Si le sport auto occupe tous les loisirs de ce pilote, l’aviation reste sa passion première : “Quand j’étais enfant, les pilotes étaientpour moi les symboles vivants de l’aventure et de l’héroïsme. Je regardais les avions de loin, puis j’ai commencé à voler à l’aéro-club de Montélimar”. Breveté pilote d’avion léger en 1970, Bernard Cayrier est entré dans l’Armée de l’air cinq ans plus tard.

      Aujourd’hui, pilote de Jaguar, il est sous-chef de patrouille au 1/7 “Provence”

 

La Guerre Electronique pendant le débarquement

Lancaster larguant des paillettes

      Un peu en retard pour la célébration du 80ème anniversaire du débarquement, mais cet article écrit par le Généra SIFFRE (le père de la GE) retrace le rôle de la Guerre électronique lors de cette opération.

      Comme souvent, il est difficile de quantifier l’efficacité de ces moyens.

     Quel est le rapport ave la 11 EC ? La GE (guerre électronique) a été la mission principale de l’EC 2/11 VOSGES qui a notamment vu arriver les premiers équipements (PHIMAT, BOA, BARRACUDA, BOZ, ….) au cours des années 70/80.

 

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       Cette photo d’un détecteur acoustique symbolise l’effort humain et technologique des Allemands pour surveiller leurs frontières. Leurs radars étant vulnérables au brouillage, ils conservaient et amélioraient des capteurs moins performants mais insensibles aux actions électroniques.

       “Ad augusta per angusta” (On arrive au triomphe qu’en surmontant maintes difficultés,) Si le débarquement de Normandie fut le succès que l’on connaît, c’est sans aucun doute en partie grâce aux actions de guerre électronique menées par les Alliés.

         La planification de l’opération Overlord comprenait un volet guerre électronique, parfaitement intégré avec la manœuvre globale. Les buts étaient clairement définis. Il s’agissait tout d’abord d’empêcher l’ennemi d’avoir un préavis d’alerte de l’arrivée de la force de débarquement et un suivi précis de sa progression. Il fallait aussi empêcher les batteries côtières d’effectuer des tirs contrôlés par radar contre la force navale. Ensuite, il s’agissait de soutenir les opérations aériennes par la dégradation et la confusion du dispositif de veille, les interférences avec les fréquences de contrôle de la chasse et la création de menaces de diversion. Enfin, il fallait retarder les mouvements des réserves des forces terrestres de l’ennemi, en donnant l’illusion de la menace d’assauts aériens et maritimes.

La planification débuta en décembre 1943.

       Pendant les travaux préparatoires, des efforts considérables furent réalisés par les services de renseignement pour suivre l’ordre de bataille électronique de la défense aérienne et des défenses côtières. Par la fusion du renseignement en provenance de toutes les sources, une exploitation technique et des simulations réalisées sur les côtes de l’Écosse, ils firent également une assez bonne évaluation des capacités du dispositif de défense. Leurs sources de renseignement étaient de trois types : électroniques, « Imagerie » et humaines.

      Les sources électroniques (« les écoutes » des communications et des radars) permettaient d’obtenir les caractéristiques techniques des signaux pouvant faire l’objet de mesures de brouillage. À cette époque, les localisations des émetteurs, données par ces sources, n’étaient pas très précises. Les sources « imagerie » étaient constituées par les avions de reconnaissance aérienne, qui identifiaient et localisaient les radars avec une grande précision. Enfin, les sources humaines, Résistance et « espions », donnaient une description parfois très précise des matériels et de leurs localisations.

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Destruction et invention

     Les actions préparatoires eurent lieu en France et en Grande-Bretagne. Sur le territoire français, il s’agissait de détruire par des bombardements aériens les radars, les réseaux de communications et les stations allemandes d’écoute et de brouillage électronique. Malgré leur caractère intense et systématique (environ 2 000 missions en 10 semaines), ces actions ne devaient pas donner d’indices aux Allemands sur le futur lieu du débarquement. Elles étaient donc généralisées depuis la Bretagne jusqu’à la Belgique. Un certain nombre de stations radar avaient été sélectionnées pour ne pas être détruites et servir de support aux opérations de désinformation de l’ennemi. L’importance de ces actions est à souligner. Les stations radar étaient bien protégées et les pertes alliées furent parfois très élevées. Les Américains estiment que sur les 92 radars identifiés et localisés sur les côtes de France et de Belgique, il n’en restait que 16 opérationnels à la veille du débarquement. Dans la nuit du 1 er au 2 juin 1944, pour la destruction d’une station radar située à proximité de Cherbourg, les équipages français des groupes lourds du Bomber command furent engagés pour la première fois. En Grande-Bretagne, il s’agissait d’un travail secret de développement, de production et de mise au point de matériels et de tactiques de guerre électronique. Les Alliés avaient en effet remarqué que l’efficacité d’un moyen ou d’une tactique GE décroît au fur et à mesure de la répétition de son emploi. Les premières utilisations de moyens et de tactiques étaient donc réservées pour des opérations majeures, et leur autorisation d’emploi était soumise à la décision des plus hautes autorités politiques. On peut citer : le premier emploi de brouilleurs aéroportés par les forces US à l’occasion du débarquement en Sicile dans la nuit du 9 au 10 juillet 1943, les premiers largages de leurres « windows » par le Bomber command pour les missions de bombardement sur Hambourg dans la nuit du 24 au 25 juillet 1943. Ces « windows » étaient dimensionnées pour agir contre les radars des chasseurs de nuit et les radars au sol, de tir et de poursuite. Pour le débarquement, de nouvelles « windows », adaptées aux fréquences des radars de veille, furent utilisées pour la première fois.

       Il est probable également que les Alliés étudièrent avec beaucoup d’attention leur échec du 12 février 1942, lorsque le Scharnhorst, le Gneisenau et le Prinz Eugen échappèrent impunément à la Navy et à l’aviation qui attendaient leur passage dans la Manche. Une opération de guerre électronique, montée par les Allemands, avait totalement trompé le dispositif de détection, déployé sur les côtes et dans les airs. Pendant la nuit du débarquement, les Alliés craignaient le brouillage, par les Allemands, du système Eurêka de radionavigation utilisé par les avions de parachutage.

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Dans la nuit du 1er au 2 juin 1944, pour la destruction d’une station radar située à proximité de Cherbourg, les équipages français des groupes lourds du Bomber Command furent engagés pour la première fois

          Les contraintes à prendre en compte étaient nombreuses et complexes. Il fallait brouiller, leurrer, décevoir et détruire les radars et les réseaux de transmissions. En même temps, les radars, les moyens de radionavigation et les communications alliés devaient être préservés des interférences. Il fallait également ne pas brouiller un certain nombre de transmissions ennemies qui étaient indispensables aux services de renseignement, pour surveiller les réseaux allemands et reconstituer la vision de l’ennemi sur le déroulement de la bataille, ainsi que ses capacités et ses intentions. La coordination entre les actions de guerre électronique et celles de recueil de renseignement fut très complexe à réaliser. L’établissement de l’ordre d’opération des transmissions a dû être un travail de titan. Le volume, la diversité et la concentration des forces armes et ennemies, ainsi que le caractère secret des opérations ont dû poser des problèmes que même les ordinateurs d’aujourd’hui auraient des difficultés à résoudre.

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De nombreuses actions

       Les actions de brouillage étaient réalisées depuis l’Angleterre, avec des émetteurs de grande puissance, destinés à brouiller principalement les communications allemandes, des bâtiments en mer (brouillage des radars de veille et de conduite de tir, ballons réflecteurs pour simuler une flotte importante près de Fécamp…), et des avions contre les radars et les communications (largage de leurres « windows », manœuvres de déception par le suivi d’itinéraires de navigation spécialement étudiés, brouillage par bruit et déception…)

       Ces actions ont souvent été décrites dans la littérature relative à la seconde guerre mondiale. Mais on parle peu de l’efficacité obtenue. Il est certain que, sans parler de la dégradation des écoutes par le brouillage ami, les centaines de brouilleurs et les millions de leurres utilisés ont obligatoirement eu une incidence sur les capacités du dispositif allié. Il y a peu de témoignages dans ce domaine. Dans les sources bibliographiques, on cite le brouillage fratricide du système Gee de radionavigation par les brouilleurs Mandrel.

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Radar Seetakt au-dessus d’une casemate dans la région du Cap de la Hague

     L’efficacité des mesures de brouillage contre les radars de conduite de tir des batteries côtières, est assez bien démontrée par le fait que sur les milliers de navires de la force, peu furent touchés et un seul bâtiment de combat fut coulé. Dans la zone de l’attaque fictive, des tirs furent observés contre les leurres.

     L’effet sur la défense aérienne est plus difficile à estimer. La chasse effectua des missions contre les avions brouilleurs, qui simulaient la protection électronique d’un raid massif de bombardement transitant au-dessus du nord-est de la France. Un avion brouilleur fut abattu. Mais dans la zone des parachutages, là où plus de 1 000 avions et planeurs réalisèrent le débarquement, il n’y eut pas de pertes à cause de la chasse. Ce succès n’est que partiellement le fait de la guerre électronique. En raison des bombardements aériens alliés sur tout le continent, il y avait pénurie d’avions, de carburant, et les bases de déploiement étaient repliées loin des côtes. La Flak fut la principale victime du brouillage.

    Sur l’efficacité des actions de guerre électronique contre l’ensemble du dispositif allemand, la lecture des travaux du Col Salles (voir bibliographie) est très instructive. À partir de recherches effectuées dans les archives allemandes, il présente les déploiements et l’organisation des sites de radars. L’analyse des messages échangés dans la nuit montre les limites de la confusion induite au niveau du haut commandement, qui ne savait pas déterminer si le débarquement majeur allait être réalisé au nord ou au sud de la Seine. Par contre, au niveau des responsables de secteurs réellement menacés, la situation était assez clairement suivie. Ainsi, dès 3 h le 6 juin, les stations radars d’Arromanches, La Percée et La Pernelle détectent au radar de nombreux navires faisant route vers la côte. Le nombre de radars détruits et l’efficacité des actions de brouillage étaient certainement inférieurs aux estimations.

      Mais l’efficacité globale des actions de guerre électronique dans le succès du débarquement et la réduction des pertes alliées, est indéniable. Même si de bons renseignements étaient à la disposition du commandement allemand, ils étaient noyés parmi d’autres qui étaient faux. Hier comme aujourd’hui, le problème majeur n’est pas d’avoir la bonne information, mais de savoir l’extraire du fouillis des fausses informations. Souvent, l’arrivée d’un bon renseignement dans un ensemble cohérent de mauvais renseignements ne fait qu’ajouter à la confusion.

     Pendant les opérations de débarquement en Normandie, comme pendant la guerre 14-18 et la guerre du Golfe, la guerre électronique a joué son rôle de réducteur des forces ennemies et de multiplicateur des forces amies.

Général Siffre 

Bibliographie

The history of US electronic warfare (Alfred Price) Association of Old Crows.

Instruments of darkness (Alfred Price) Macdonald and Jane’s – Londres.

Confound and Destroy (Martin Streetly) Macdonald and Jane’s Londres.

La guerre ultra-secrète (1939-45) (R.V.

Jones) Plon (traduction de The most secret war).

Travaux non publiés du Col Salles (conseiller militaire du Mémorial du débarquement – Caen).

LE FOLL : témoignage d’un pilote de Chasse

LE FOLL

LES RACINES DE MON ENGAGEMENT

         « Un jour, alors que j’étais écolier à Caen, un pilote est passé pour nous parler de l’armée de l’air. J’avais retenu tout son discours et, dès que j’ai pu, je me suis engagé. »

          Je suis né le 29 avril 1934, à Annebault, près de Lisieux dans le Calvados.

         Mon père Marcel était fonctionnaire géomètre et ma mère, femme au foyer. J’ai donc connu la guerre et, à 10 ans, j’ai vu le corps décharné d’un allemand qu’on avait laissé dans son char. Ça marque. Comme dans beaucoup de familles françaises, cette occupation avait laissé des traces. Mon grand-père paternel, boulanger du village, avait été dénoncé par un très jeune collabo et, avec d’autres commerçants, il a été fusillé la nuit même du débarquement à la prison de Caen. Ce n’est que quinze ans plus tard, qu’on a retrouvé leurs corps dans un charnier. Ces notions de courage, de liberté et de patrie, je les ai apprises et retenues dès ma première jeunesse.

 

Les martyrs du 6 juin 1944

De haut en bas et de gauche à droite. Mon grand-père, le maire de Montchamp et deux commerçant parmi les 70 hommes fusillés.

 

DEVENIR PILOTE DE CHASSE

      Mon premier vol

       Au mois d’octobre 1952, après mon BAC et un diplôme de mécanicien, j’ai donc voulu être pilote. Bien que j’aie été très bon élève, l’époque d’après-guerre, ne facilitait pas les engagements. J’ai passé le concours aux petites écuries à Versailles, dans des grandes pièces où pendant deux jours, nous étions 1 500 à subir des tas d’examens de calcul mental, littérature et autres tests psychotechniques, le plus difficile. Je me souviens que la visite médicale avait été particulièrement sévère. Sur les 1 500, j’ai fait partie des 35 qu’ils avaient sélectionnés ! Quelques mois plus tard, nous avons a été convoqués à Aulnat, près de Clermont-Ferrand, sur un terrain d’aviation où nous avons réalisé notre formation militaire de base. Nous sommes passés de caporal, caporal-chef puis sergent. A la fin de cette formation militaire nous avons été dirigés soit à Marrakech pour les pilotes de transports, soit au Canada pour les pilotes de chasse. Je parlais un peu anglais et je voulais la chasse ! Comme la France était pauvre en avions, nous avons été répartis, cinq par cinq, dans des aéroclubs en contrats avec l’armée de l’air pour la première phase de formation de 15 heures.

      « Mon premier vol, 24 minutes, s’est effectué le 23 juin 1954 sur un STAMP biplan. J’avais ressenti une impression extraordinaire. Se retrouver là-haut ! Cela m’a fait penser à des vacances avec mes parents, au sommet du col d’Aubisque dans les Pyrénées à 1 700 mètres d’altitude. » Mais j’ai bien failli ne pas un mois plus tard, devenir pilote car, le 2 juillet, au bout de 6 heures de vol, nous nous sommes crashés avec mon moniteur, lors d’un exercice de « panne au décollage ». Mon moniteur m’avait encouragé à descendre trop bas et n’a pas hésité à donner un coup sur le manche qui a fait que l’avion a heurté un champ d’épis de blés drus. Nous en sommes sortis indemnes mais l’avion était détruit et le moniteur a été viré. Cela a été une excellente leçon d’humilité et de prudence, pour l’avenir. Je n’ai jamais oublié cette expérience. « Quand on est tout seul dans un avion et qu’on a vingt ans, on se croit le maître du monde ! »

      Avec ses six ou sept cadrans donnant les informations principales comme les tours/moteur, l’altitude, une aiguille avec un gyroscope, le STAMP n’était pas impressionnant. Comme il n’y avait qu’un STAMP à l’aéroclub de Caen, après l’accident, j’ai dû me replier sur Grenoble où j’ai fait mon premier lâcher, à savoir, voler seul. C’était le 5 août 1954 : 27 minutes ! Je suis ensuite passé de cet avion rudimentaire à des avions beaucoup plus compliqués avec plusieurs dizaines de cadrans et autres instruments de pilotage. J’ai appris à faire des figures. J’ai poursuivi mon entraînement jusqu’à ce qu’il y ait une place dans les écoles de l’OTAN au CANADA.

En route vers le Canada (1954 — 1956)

       J’ai débuté ma formation de pilote militaire au Canada en 1954. Les promotions étaient alors composées de délégations internationales de trente-cinq à quarante pilotes des pays membres de l’OTAN dont dix français. Je portais l’uniforme de l’armée de l’air française. La formation se déroulait alors en trois phases. Ainsi, je suis resté quatre mois dans l’Ontario pour les cours d’aéronautique au sol, neuf mois dans l’Alberta pour voler sur avion à hélices et enfin six mois dans le Manitoba sur avion à réaction. Le premier avion à hélice utilisé avait « une très belle gueule » le CHIPMUNK (écureuil). Après une vingtaine d’heures sur cet avion, nous sommes passés sur le T6 HARVARD que tout le monde connaît dans l’armée de l’air. Un biplace bien plus puissant. Plus tard, en Algérie, je piloterai à nouveau cet avion, cette fois-ci, armé pour la guerre. Puis, c’est sur le T33 « T.BIRD », que j’ai terminé mon cours au CANADA. L’avion à réaction a été une révolution. Sans lui, pas de Boeing ni d’Airbus. Mon premier vol de nuit sur cet avion à réaction s’est déroulé le 28 septembre 1956 et là, je me suis dit que, quand je rentrerai en France, je choisirai la chasse de nuit. La nuit, vous avez l’impression d’être seul au monde avec les étoiles. Et pourtant, j’en ai eu, des frayeurs, lors de ces vols !

PILOTE DE CHASSE

Stage de pilote de chasse au Maroc (1956)

      « Un pilote de chasse ? C’est simple, c’est un pilote qui attaque les avions ennemis en combat aérien et qui protège ses troupes au sol, en tirant sur des cibles. C’est exactement ce que je voulais faire. »

     Une fois breveté, je suis revenu en France. Je suis d’abord allé voir mes parents. Mon père était étonné car il pensait que je n’y arriverais pas et ma mère ne se rendait pas compte de ce que cela représentait pour moi. Puis je suis parti à Meknès, au nord du Maroc pour faire mon stage de pilote de chasse. Pourquoi j’ai choisi la chasse ? Parce que c’est se battre contre d’autres avions, à armes égales alors que les pilotes de bombardement, eux, ne font que larguer des bombes. J’ai volé pendant trois mois à Meknès, sur un avion anglais qui s’appelait le VAMPIRE. C’était un monoplace avec deux fuselages parallèles. On pouvait le mettre dans toutes les positions, lui faire faire toutes les figures acrobatiques qu’on voulait. Il était maniable et rapide. Il m’a tellement plu que j’ai terminé premier de ma promotion. C’est à partir de ce moment-là que j’ai pensé que j’étais un vrai pilote !

Ma guerre d’Algérie (juin 1957 à juillet 1958 et juin 1961 au 14 juillet 1962)

    A mon retour en France, j’espérais être affecté sur une base métropolitaine mais, comme c’était la guerre d’Algérie, j’ai été envoyé dans ce pays sur la base française d’Orléansville (Chlef dans le nord du pays) sur T6, l’avion de mes débuts au Canada. J’y suis resté un an, jusqu’en juin 1958. La France a perdu pas mal d’avions en Algérie. Nous faisions beaucoup de protection de convois. Lorsque nous étions informés de la présence de fellaghas (combattant algérien) cachés au fond d’un oued, nous les délogions avec nos mitrailleuses et en utilisant des roquettes. Je faisais partie de l’armée de l’air et mon escadrille était parrainée par la base aérienne de Tours (30ème escadre de chasse de nuit). Après le confort du Canada, c’était spartiate ! On couchait sous la tente, sur des lits picot et il n’y avait pas d’eau courante. Je m’étais fait un ami, le capitaine Louchtchenko. Il sortait de polytechnique. Trois semaines après son arrivée, il s’est fait descendre avec ses mécaniciens. Les fellaghas leur avaient volé leurs chaussures, leurs montres et leurs armes. J’avais 23 ans et aujourd’hui, je m’en souviens encore comme si c’était hier. J’ai donné l’alerte et un hélicoptère est venu se poser pour ramener leurs corps à la base.

      A ma connaissance, je suis l’un des seuls pilotes, et peut-être le seul, qui a demandé à passer huit jours avec les troupes au sol. J’ai crapahuté avec eux et ce n’était pas drôle. On marchait les uns après les autres, pour mener une embuscade. Alors que je participais à des opérations avec eux, je voyais les pilotes au-dessus et j’ai mieux compris combien l’aviation était nécessaire et combien de gars, nous avons pu sauver. Le plus difficile, c’était de trouver les endroits escarpés où se trouvaient les fellaghas. Nous avons fait des exercices en vol, où nous tirions devant les a troupes au sol, à 15 mètres, pour leur donner confiance en nous. La balle partait à 800 mètres/seconde et les étuis éjectés tombaient sur leurs dos. J’ai été touché quatre fois : une fois, dans un piqué, cela m’a couté un câble de commande du compensateur de profondeur et il s’en est fallu de peu que je percute une colline. Une deuxième fois, l’avion avait pris trois balles, dont une dans un circuit hydraulique, mais j’ai pu rentrer. La troisième fois, la balle a touché l’aile gauche pour se loger dans le montant du siège en aluminium, à 5 cm de mon rein gauche. La quatrième, c’était de face ; on pouvait voir la balle dans le capotage, qui est passée entre deux cylindres pour s’arrêter près de mon pied gauche (photo infra).

   En Algérie, après avoir obtenu quatre citations, j’ai été décoré de la croix de la valeur militaire.

Retour en Métropole sur Vautour (1958 — 1961)

       En juillet 1958, je suis revenu à ma base d’affectation : la 30ème escadre de chasse de nuit de Tours. J’attendais avec impatience que les VAUTOUR sortent des usines de Saint Nazaire. J’ai d’abord volé sur METEOR, biréacteur anglais. Puis j’ai été détaché à Cambrai sur MYSTERE IV, construit par Dassault. En piqué, il pouvait atteindre le Mach 1.3. Quand je suis revenu à Tours, j’ai enfin pu voler sur VAUTOUR (1959).  Un avion formidable pour l’époque car il avait une autonomie de 3 heures, ce qui était rare pour un avion à réaction. Il pouvait monter jusqu’à 50 000 pieds (16 000 mètres). Il était assez bruyant mais quand-même moins que le Rafale aujourd’hui. Cet avion avait une puissance que je n’avais jamais eue dans mes avions précédents : chaque réacteur développait l’équivalent de 3 500 chevaux. Je disposais d’un radariste pour la chasse de nuit.  En 1959, à 25 ans, j’ai obtenu ma licence de chef de bord, l’équivalent de sous-chef de patrouille dans la chasse de jour. J’ai effectué mon premier vol de nuit sur VAUTOUR en octobre 1959. Un premier vol dont je me souviens très bien car je n’ai pas pu atterrir à Tours, comme prévu, mais à Creil. La piste de Tours avait été endommagée par un accident au décollage d’un SMB2.

      Mais moi, du moment que j’étais en vol et de nuit, j’étais heureux.

Gardien du ciel en VAUTOUR

     « Pendant que les autres escadres dormaient, nous, on veillait. Aujourd’hui encore, des avions russes passent à la pointe de Brest pour photographier nos sous-marins. La nuit, les avions français les interceptent ; c’est comme ça qu’on le sait. »

        Lors de cette époque, l’activité habituelle dans l’escadron consistait à s’entrainer à l’interception de jour et de nuit sur un avion hostile sous le contrôle d’un radar au sol (nom de code RAKI). La mission d’entrainement s’exécutait à deux appareils. Après un décollage et une montée sur la zone en patrouille, nous nous séparions sous les ordres de RAKI. Nous nous séparions alors d’une trentaine de nautiques (50 km environ). L’un des deux avions simulaient l’intrus ennemi pendant que l’autre simulait l’intercepteur. Une fois séparé, mon radariste me ramenait vers un point situé à 2500m à l’arrière de l’intrus. Le pilote prenait alors la finale de l’interception à son compte à partir de son propre écran radar et venait se positionner, à l’aide de l’écho radar en position de tir aux canons. Pour mieux comprendre, je vais présenter un cas réel d’interception d’un intrus en Algérie. Le FLN se faisait alors ravitailler en armes par un tas de monde, passant notamment par le Maroc. Un jour, des bateaux français avaient repéré un avion DC4 suspect, parti de Suède vers Oujda, au nord-est du Maroc, avec une escale à Nice. Un de mes amis, pilote de Vautour, a décollé de nuit d’Oran où il était en alerte pour intercepter ces avions.

     Comment a t’il réalisé cette interception ?

      Après son décollage, mon ami a contacté l’intrus sur la fréquence internationale de garde 119,7 (fréquence veillée obligatoirement par tout aéronef) en demandant de le suivre. En réponse, l’appareil a réduit sa vitesse de manière à gêner l’interception du Vautour, puis il a piqué vers la côte espagnole pour essayer d’échapper au radar du Vautour et fuir. Il s’est placé en arrière et en dessous de l’intrus. Après l’en avoir informé, il a tiré une rafale de semonce d’obus explosifs devant l’appareil, sans le toucher. Le message était clair : prochaine rafale, c’est pour vous ! ». L’avion a alors obtempéré et s’est posé sur le terrain de ORAN, escorté par mon ami. Cinq tonnes d’armes ont été récupéré et là encore, nous avons eu la confirmation que les Américains approvisionnaient le FLN en armes. En temps de paix l’Armée de l’air assure toujours une alerte permanente pour, par exemple, intercepter les avions de ligne lorsqu’ils dévient de leur couloir aérien ou des appareils en détresse. On se souvient très bien de la violente détonation qui a été ressentie le 30 septembre dernier, avant midi, à Paris et dans ses environs, et qui a suscité l’angoisse et l’interrogation de nombreux Parisiens. Il s’agissait simplement d’un RAFALE qui avait franchi le mur du son en interceptant, pour lui porter secours, un avion en difficulté dans notre espace aérien. Le tournoi de tennis de Roland Garros a dû s’arrêter quelques instants. « Pour un pilote, passer le mur du son, c’est d’une grande banalité ! De l’intérieur, on n’entend rien ! Mais à l’extérieur, ce n’est pas la même chose. Sur le VAUTOUR, par exemple, il y avait des parties de l’avion qui étaient déjà en supersonique alors que d’autres ne l’étaient pas encore. »

Nous effectuions également des missions de reconnaissance, notamment sur le territoire algérien. Voici un exemple réel :

            – 1er février 1960 : mise en place à Oran depuis Tours (vol à 14 000 mètres d’altitude)

           – 2 février 1960. Première mission : décollage de Oran et navigation à 100 mètres d’altitude (!) vers Tiaret (au centre de l’Algérie), Mecheria (au nord-ouest) et atterrissage à Colomb Bechar (près de la frontière marocaine) – 1 heure 15 de vol. Deuxième mission : décollage de Colomb Bechar vers Hassi Messaoud (au sud), Touggourt, puis atterrissage Telerghma, -1 heure 50 de vol.

            – 3 février : retour vers Tours : 1 heure 15 de vol en haute altitude.

      Ma valise était toujours prête !

       C’est en 1960 que ma fille Patricia est née. J’étais si heureux d’avoir une fille ! Aujourd’hui elle est professeure de français à l’alliance française dans l’Arizona, après l’avoir été à Philadelphie. Par mon métier, je n’ai pas toujours été un père très présent, je le reconnais. Ce fut une année à la fois de bonheur et de chamboulements car la base de Tours était en plein déménagement sur Reims. En 1960, j’ai fait une campagne de tirs au camp de Ruchard, dans l’Indre et Loire.

     « Le Vautour disposait de quatre canons de 30mm. Chaque obus pesait 820 grammes Lancé à 800 mètres par seconde, un seul suffisait à détruire un avion ou un véhicule. Avec une cadence de tir de 1 200 coups minute, c’était 4 800 obus qui étaient propulsés par minute, soit 80 obus à chaque seconde… Quelle puissance de feu En combat aérien, sur le VAUTOUR, le pilote appuyait sur la détente avant de voir l’avion ennemi. Il était guidé par son navigateur qui transférait les paramètres de tir à partir de 2500 m. A courte distance, quand le point de l’avion arrivait au centre du réticule de l’écran radar du pilote, les obus partaient automatiquement. Toujours en 1960, j’ai eu le plaisir et l’honneur de participer, avec six VAUTOUR, aux fêtes de l’indépendance de MADAGASCAR à TANANARIVE. Les seuls trajets étaient une aventure à eux seuls

          – 24 mars 1960 : départ de Tours ;

         – 25 mars : Tours — Reggan (2h50 de vol), coucher sur un matelas, plein de sable (peut-être contaminé car la première explosion nucléaire française avait eu lieu le mois précédent, février 1960, à proximité de la base de Reggan !)

        – 26 mars : Reggan – Fort-Lamy, devenue Ndjamena (2h55 de vol)

         – 27 mars : Fort-Lamy–Brazzaville (2H20 de vol), puis 24h de tourisme qui me permettent de traverser le fleuve Congo (4km der large) et de visiter Léopoldville la capitale du Congo belge, qui deviendra Kinshasa. J’ignorais alors, bien sûr que neuf ans plus tard je serai pilote à Air Congo qui deviendra Air Zaïre sous le règne du Président Mobutu

        – 28 mars : Brazzaville-Kamina (1 h35 de vol). Nous sommes au Katanga, province minière du Congo, où les pilotes belges nous accueillent chaleureusement (mal la tête ! )

        – 29 mars : Kamina-Salisbury (1 h40 de vol). Capitale de la Rhodésie, devenue Zimbambwé

        – 30 mars : Salisbury-Tananarive (2h20 de vol), où nous séjournerons une semaine ; presque des vacances à l’exception d’un vol-défilé à 8 vautours le jour de l’indépendance, le 3 avril. En effet, quatre vautours B venus de Cognac nous avaient rejoints deux jours plus tôt. C’est là que j’ai connu mon ami, Jean-Marie TABLEAU qui se trouve être, aujourd’hui en janvier 2021, l’un deux porte-drapeaux du secteur 710 Guyenne de I’ANORAA !

       Le retour, selon le trajet inverse, fût aussi agréable que l’aller et le 16 avril 1960 nous avions réintégré notre base de Tours. L’assistance technique pour cette mission était assurée par deux Nord Atlas, l’un précédent les avions de chasse et l’autre suivant les avions en convoyage. A la fin de cette année, j’ai été désigné chasseur de nuit pour un deuxième séjour en Algérie.

Deuxième détachement en Algérie (1961-1962)

        J’ai effectué un deuxième séjour en Algérie de juin 1961 au 14 juillet 1962 et à la suite des accords d’Evian les avions n’étaient plus armés et nous n’effectuions que des missions de reconnaissance, même si la guerre était finie. Nos missions consistaient à détecter les passages de convois ennemis provenant du Maroc et de la Tunisie, via les barrages et les frontières. Une fois détectés, j’en informais les forces au sol qui effectuaient une interception. Le 14 juillet 1962, je suis rentré en métropole en DASSAULT 315. Le vol a duré 6h30 de Bône (Algérie) via Ajaccio, Orange pour atterrir à Reims.

Le Neu-Neu à Orange (1962 — 1965)

         De retour en France, j’ai été affecté au fameux escadron Normandie-Niemen 2/30 de la 30ème escadre de chasse basée à Orange. C’est là que je suis passé chef de patrouille, c’est à-dire leader de plus de deux avions. C’est à Orange que j’ai commencé à participer à des manœuvres internationales. Par exemple, une des missions d’entrainement consistait à attaquer et détruire fictivement des bateaux sur le Rhin, au nord de Colmar. Les tirs étaient fictifs, bien-sûr… Je ne ramenais que les films de la tête de visée qui permettait de s’assurer de la qualité de la passe de tir ! Autre exemple de mission : détruire une entrée de tunnel dans le Massif Central (et Dieu sait s’il y en a, et des bien cachées !). Voici ce qu’on pouvait entendre à la radio à a l’approche de l’objectif : « Objectif dans 15 Kilomètres… armement vérifié …. Objectif dans une minute ! Objectif dans nos 10 heures… Objectif à 50 m à droite du petit pont sur la rivière est/ouest… » Je cabrais, puis piquais, suivi de deux ou trois avions, les uns derrière les autres. « A l’époque, il y avait 3 000 pilotes et aujourd’hui, 900 ! Il faut dire que, de nos jours, les avions disposent d’un plus grand pouvoir de destruction. »

Escadron 1/92 Bourgogne Bordeaux (1965 — 1969)

En 1965, j’ai été affecté sur la base de Bordeaux à l’escadrons 1/92 Bourgogne équipé de VAUTOUR B, bombardier biplace avec un navigateur installé à l’avant dans le nez vitré. L’avion avait un rayon d’action de 1 200 kilomètres. J’étais moniteur de ravitaillement en vol au profit des équipages de Mirage IV, l’avion qui assurait la mission de dissuasion nucléaire françaises et emportait la bombe atomique. J’obtiens mon diplôme d’aptitude aux fonctions de commandant d’avion le 1 er mai 1956.

 

       Le ravitaillement en vol nécessite un avion ravitailleur, un Boeing KC 135 à mon époque, équipé d’un « boom » (perche rétractable manipulée par un opérateur couché à l’arrière du Boeing) avec à son extrémité un « panier » dans lequel l’avion ravitaillé devait introduire un « gland », constituant l’extrémité d’une perche creuse permettant au kérozène de couler vers le réservoir. L’exercice nécessitait un point de rendez-vous à 10 000 m d’altitude entre le ravitailleur et le ou les avions à ravitailler. Quand le pilote apercevait le BOEING ravitailleur (ce qui n’était pas toujours facile en fonction des conditions météorologiques), il annonçait « Contact visuel ». L’opérateur autorisait alors le rapprochement, puis le ravitaillement qu’il surveillait. Le premier ravitaillement a eu lieu en 1927, par gravité, à partir d’une cuve et d’un tuyau libre. Entre 1966 et 1968, toujours depuis Bordeaux j’ai effectué quelques missions particulières, notamment :

             – couvertures photos « mapping » de DAKAR, ABIDJAN et FORT LAMY ». Ces photos ornaient les bureaux des présidents et tous les bâtiments officiels de ces pays.

            – en Algérie, à nouveau, pour une mission photos afin de repérer des avions MIG livrés par les soviétiques ,

            – en 1967, j’ai aussi servi d’interprète sur le porte-avions américain SARATOGA, pour l’amiral, commandant la 6ème flotte, pendant des manœuvres franco-américaines au sud de Malte. C’est le catapultage qui m’avait le plus impressionné,

           – en 1967 également, suite à un essai nucléaire chinois, j’ai effectué une mission spéciale de récupération des poussières radio actives au sud de MALTE en vue de leur analyse par le commissariat à l’énergie atomique.

 

                  Le 08 février 1967 : une journée normale de travail

      Ce jour-là, je suis réveillé à 6h00 du matin par un caporal qui vient me chercher à mon domicile en me disant : « il faut venir tout de suite ». A peine le temps d’enfiler ma tenue de vol et me voilà à l’escadron où c’est l’effervescence. Le tableau d’ordres m’indique un vol aller-retour vers HAMMAGUIF (Algérie) avec le Slt Hemmerlin, mon navigateur. Le commandant d’escadrille me précise notre mission : ce jour, à 09h30, la fusée Diamant 1 doit décoller du polygone de tir de Colomb-Béchar en Algérie. Le Général de Gaulle, qui couvait tout particulièrement le programme spatial français, avait décidé (probablement fort tardivement !) de faire diffuser les images du décollage de la fusée aux informations de 13h00 sur une des deux chaines, en noir et blanc, de l’ORTF, la télévision de l’époque. Nous étions alors bien loin des transmissions en direct ! Il fallait donc récupérer sur place les articles, photos et film du décollage et les ramener le plus rapidement possible à Brétigny ou un jeune journaliste, nommé François de Closet devait m’attendre au pied de l’avion pour récupérer les documents et les bobines de films et les ramener, encadré de motards sirènes hurlantes, à Cognacq Jay. Le décollage de la fusée était prévu à 09h30, heure locale. La durée du vol Bordeaux Hammaguir et Hammaguir-Brétigny était d’environ 02h30. Ça passait, mais ça passait juste… Et il ne fallait pas décevoir LE GENERAL !

      Après une préparation de mission des plus succinctes, nous décollons de nuit sur le Vautour 627. L’atterrissage à Hammaguir (40 km au sud de Colomb-Béchar) se fait après un vol sans histoire de 2h20. Dès l’atterrissage nous montons à la tour de contrôle et assistons juste au décollage de la fusée. Pendant ce temps, nos mécanos s’activent à refaire le plein des 10 200l (!) de l’avion. Dès le départ de la fusée nous nous précipitons à l’avion, nous nous « rebrêlons » et nous nous tenons prêt à décoller. Après une vingtaine de minutes d’attente, les journalistes amènent articles, photos et films que le navigateur entasse dans un sac qu’il place entre ses jambes ! Le décollage est immédiat via ORAN, le cap Béar (le survol de l’Espagne était alors interdit bien que celle-ci fasse partie de l’OTAN), Clermont Ferrand et Brétigny. A partir de Clermont Ferrand, nous avons été mis en liaison directe avec François de Closet qui nous a interrogé sur le décollage de la fusée, les conditions météorologiques, la vitesse, l’altitude. L’interview se termina après s’être donné rendez-vous sur la piste d’atterrissage. A peine posé à Brétigny, à 12h30, nous apercevons François de Closet arriver à l’avion escorté de 2 motards. Il monte à l’échelle, récupère le précieux sac après nous avoir bombardé de « Bonjour Commandant », « Merci commandant » J’étais alors lieutenant ; ce qui nous vaudra le lendemain de payer un pot à toute l’escadrille qui n’avait rien manqué à la télévision de l’escadron). A 13h30, nous sommes au mess où nous voyons le décollage de la fusée, en différé, sans suspens quant à la réussite du tir. Nous redécollons vers Mérignac où nous arriverons à temps pour prendre le bus qui nous ramène à la maison comme si de rien n’était, vers 17h30.

Détachement au pacifique HAO (1968)

        Dans le prolongement, en 1968, j’ai été détaché au Pacifique, pour sept mois, sur l’atoll de HAO. Ma mission consistait alors à récupérer des poussières radioactives provenant des essais nucléaires français dans des filtres spéciaux. Le vol se déroulait une heure trente après l’explosion et nécessitait de traverser le nuage radioactif. Les poussières étaient ensuite récupérées pour être analysées par les ingénieurs du commissariat à l’énergie atomique. Durant ces sept mois quatre essais ont eu lieu : trois bombes A (fission de l’atome) et une bombe H (fusion de l’atome). Mes quatre missions de tir missile sur une nuage radioactif lors des explosions atomiques de CAPELLA et POLLUX et des explosions thermonucléaires de CANOPUS et de PROCYON m’ont valu un témoignage de satisfaction à l’ordre des éléments air du C.E.P.

En 1968, j’ai été promu Chevalier de la légion d’honneur et décoré à bord du porte-avion Clémenceau par l’amiral commandant au Pacifique

          A l’issue de cette campagne, fin 1968, j’ai rejoint l’escadron de Bombardement 1/92. A la fin de mon contrat, en mars 1969, j’ai quitté l’Armée de l’air avec le grade de Capitaine.  Lors de mes 15 années de pilote j’ai effectué 3600 heures de vol, 389 missions de guerre N° 2 dont 75 de nuit.   Grâce aux contacts noués auprès du Colonel DAUCHIER, commercial chez SUD AVIATION, lors du salon de l’aéronautique du Bourget en 1967, où j’avais été désigné comme interprète auprès de la délégation chilienne venue acquérir dix hélicoptères Alouette III, j’avais pu entrer en contact avec les opérations de la compagnie AIR ZAÏRE. Cette compagnie m’a embauché en octobre 1969 à l’issue d’un test en vol parfaitement réussi « Une fois ! » aux dires du chef pilote belge.

PILOTE DE LIGNE A AIR CONGO puis AIR ZAIRE II (1969 – 1978)

 

     La Compagnie AIR CONGO deviendra AIR ZAÏRE en 1971 lorsque le Président MOBUTU débaptisera le CONGO pour l’appeler ZAIRE. La Compagnie comptait une centaine de pilotes de 19 nationalités différentes. Elle disposait de deux DC 10, trois DC8, deux CARAVELLES, sept DC4 et sept FOKKER F27. La compagnie avait des lignes régulières internationales. Tous les vols partaient de KINSHASA, la capitale du pays, aujourd’hui la RDC (République Démocratique du Congo), et se terminaient systématiquement à BRUXELLES après escale dans une capitale ou une grande ville européenne différente chaque jour de la semaine (Madrid, Paris, Rome, Zurich, Francfort). Elle assurait également des vols interafricains vers les capitales d’Afrique centrale (d’Abidjan à Nairobi et de la Zambie au Tchad). Certains de ces déplacements duraient jusqu’à 7 jours avec en moyenne 7 escales par jour (jusqu’à 11 escales !).

      Ma valise était toujours prête !

      Dans un premier temps, j’ai effectué 1500 heures de vol comme co-pilote sur l’appareil Fokker F27 avant d’obtenir, en 1970, ma licence suprême de commandant de bord à Forth Worth (Texas). J’ai été commandant de bord sur Fokker F27 puis sur DC4 où j’assurais également les fonctions de « chef pilote instructeur et examinateur » au profit de 21 pilotes et 7 aéronefs.

    Missions spéciales : à la demande de la compagnie, j’ai effectué quelques missions en ANGOLA, alors en pleine guerre civile, où je livrais du fuel (avec tous les risques inhérents !) et des vivres à la population. Je volais alors au ras des baobabs pour me protéger des tirs de roquettes ou de missiles russes SAM 7 et me posais sur des terrains sommairement aménagés… Dans cet environnement complexe, mon expérience militaire m’a conduit aussi naturellement à recueillir du renseignement.

Avec un équipage AIR ZAIRE.

 

Avec Haroun TAZIEFF

Entre Haroun TAZIEFF et son épouse

       C’est dans ce pays que j’ai rencontré le célèbre volcanologue, Haroun TAZIEFF. Grâce à lui, j’ai vécu des moments inoubliables comme pénétrer à l’intérieur du volcan Nyiragongo (Zaïre). Nous étions à 150 mètres au-dessous de la crête à 3 5000 mètres, avec les odeurs de soufre… Cela faisait le bruit de trois Boeing au décollage. J’ai gardé des contacts avec lui jusqu’à la fin de sa vie. Ces huit années à Air Zaïre furent pleines et passionnantes. Quand j’ai quitté la compagnie en 1978, j’ai repris la vie civile en France. J’avais 44 ans. J’ai alors acheté un hôtel bureau à MEGEVE à proximité de l’aéroclub où j’ai passé ma licence de pilote de montagne. Ma vie active d’aviateur s’est terminée en 1980 lorsque j’ai quitté pour raison familiale cette magnifique région et rejoint les Landes. La camaraderie a toujours été très importante pour moi. Dans l’armée de l’air, je me suis fait des amis indéfectibles. Dans l’air, on ne triche pas.

LA RESERVE – ASSOCIATIONS ET PORTE DRAPEAUX.

     Au CAPIR de Bordeaux

            Je profitais des récupérations compagnie (10 jours par mois) pour participer aux activités du CAPIR de Bordeaux et à celles de la SAT (Section Aérienne du Territoire), seule unité aérienne de réserviste à l’époque et j’en profitais pour m’envoyer en l’air.

       Au CAPIR de Cazaux

          Quelques années plus tard, quand je suis arrivé à Mios, j’ai contacté la base de Cazaux où, pendant neuf ans, j’ai effectué trois contrats, de trois ans chacun, en tant que collaborateur bénévole du service public (CBSP) : j’entrainais les futurs réservistes que j’accompagnais chaque année sur différentes bases aériennes lors de compétitions internationales, telles que « Air Raids » (Nancy, Cognac, Drachenbronn, Cazaux) avec des participations polonaises, canadiennes, allemandes, suisses, belges. A chaque fois, c’était moi qui étais le moins jeune !

2006 A l’entrainement des futurs réservistes de l’armée de l’air.

         Porte-drapeaux

      Je porte le drapeau depuis 55 ans ; la première fois en 1965, celui de la BA106 de Mérignac. En 1966, j’ai eu l’honneur de le porter sur le quai Louis XVIII à l’occasion du défilé du 14 juillet à Bordeaux. Après ma période militaire, je porte régulièrement le drapeau de I’ANORAA (Association Nationale des Officiers de réserve de l’Armée de l’Air), j’ai également porté régulièrement celui de Rhin et Danube, de la Société des Membres de la Légion d’Honneur (SMLH) et exceptionnellement le drapeau de la Légion étrangère de Parentis et celui de I’UNC (Union Nationale des combattants).

        Porter le drapeau tricolore est pour moi une grande fierté.

        Les associations

       J’appartiens à un nombre certain d’associations : l’association des croix de guerre de Cestas et des Graves, l’association Union Nationale de Combattants (UNC) Arcachon, l’association Rhin et Danube (Arcachon), la Société des Membres de la Légion d’Honneur (SMLH) Arcachon, les associations de la Légion Etrangère de Parentis et de Bordeaux, l’association de la Légion d’Honneur décoré au péril de leur vie (DPLV) de Bordeaux et de la meilleure : l’association des officiers de réserve de l’armée de l’air et de l’espace (ANORAAE).

Opération “Rêves de gosse 2012” avec mon ami Jean Pierre ZAMMIT et des combinaisons rouges de l’organisation locale « Band ‘a Goss »

       

       J’aime bien être avec des enfants et leur faire partager ma passion du pilotage et du monde aéronautique, en général.

Avec le colonel Sylvain BARET, président du secteur 710 Guyenne de I’ANORAA

     Aujourd’hui, ma vie me semble paisible. Avec ma femme, nous avons une vie tranquille et je ne m’ennuie jamais. J’adore me promener avec mon chien car j’aime beaucoup les animaux, en général. J’ai été pilote de chasse pendant une époque palpitante. J’ai aimé tous les avions que j’ai pilotés, même si le VAUTOUR a été « mon avion », et j’ai eu aussi l’opportunité de beaucoup voyager, ce qui m’a permis de rencontrer des gens fabuleux, de toutes nationalités. L’aviation a été une grande chance dans ma vie et je suis certain que les jeunes pilotes français et étrangers d’aujourd’hui, partagent le même sentiment que moi.

 

« Voler me fait toujours autant rêver. Mon rêve serait de voler sur AIRBUS A 400. Moi, je me tiens prêt !»

Les débuts du JAGUAR

       Cet article est tiré de la revue “Aviation Magazine” et date du début de l’année 1975, soit près de 2 ans après la première mise en service du JAGUAR au sein de la 7° Escadre de Saint Dizier. Pour ceux qui ont connu cette époque je vous laisse apprécier les commentaires sur cet avion qui dans les 25 années à suivre allait devenir mythique. 

Les débuts du ” Jaguar” dans l’armée de l’Air

        C’est à la fin du mois de mai 1973 que les premiers « Jaguar » sont arrivés en unité. Aujourd’hui les appareils livrés à la 7e escadre de chasse stationnée à Saint-Dizier ont accumulé plus de 6 000 heures de vol. La dotation de l’escadre sera complétée dans les premières semaines de 1975. Un premier bilan peut être dressé.

       A quelque niveau que l’on pose la question, la réponse est toujours la même : « l’armée de l’Air est satisfaite du « Jaguar » ». Cette satisfaction venant après tant de polémiques lors du développement du programme mérite qu’on s’y arrête un peu.

          Où en est-on des livraisons ? La cadence de livraison à l’armée de l’Air est de 2,5 avions par mois. Ce rythme facilement compatible avec les capacités d’absorption des unités, permettra d’équiper complètement le premier escadron de la 11ème Escadre de Chasse basée à Toul   actuellement dotée de F-100 avant la fin 1975. Au total la commande française notifiée s’élève pour l’instant à 170 avions avec une livraison étalée jusqu’au début 1979.

         Ces chiffres sont à comparer avec les commandes britanniques et les livraisons à la RAF: total des commandes 202 unités, cadence actuelle de livraison, environ 5,5 avions par mois, dernier appareil à livrer en novembre 1977. Ce rythme très élevé ne va pas sans poser des problèmes de mise en route.

          Après plus de dix-sept mois de mise en service, où en est-on du défrichage du domaine d’emploi opérationnel ?

          En unité, à Saint-Dizier, la majorité des vols s’effectuent en configuration lisse, certains ont cependant lieu avec bidons. Dans quelques jours ou au pire dans un petit nombre de semaines, deux nouvelles configurations avec charges extérieures pourront être utilisées : l’une avec bombes de 400 kg, l’autre avec roquettes. Ces deux configurations n’ont pas amené de problème particulier.

Restent à délivrer les configurations suivantes

          – bombes de 250 et 125 kg (pour lesquelles les essais sont à mi-course à Istres sur le A-04) et bombes d’entraînement ;

          –  engins anti-radar « Martel » (essais en cours à Istres également) ;

         – lance-roquettes F-1,

         –  réservoirs spéciaux de napalm, conteneurs de contre-mesures électroniques ;

         – nacelle de ravitaillement en vol ;

         – configurations diverses : remorquage de cibles, panneaux, etc.

          A noter que les essais d’emport d’engins air-air à courte portée « Magic » ont commencé, mais le domaine de tir n’a pas encore été étudié.

         A la fin du premier semestre 1975, l’ensemble des configurations avec armement classique sera autorisé pour la 7ème Escadre.

          Les essais avec charge ventrale accomplis jusqu’ici se sont déroulés sans problème majeur, ils ont montré l’efficacité des amortisseurs montés sur les trois axes.

         Les équipements de navigation qui ont toujours donné satisfaction se révèlent au fil des vols d’une grande qualité, et affichent des performances légèrement supérieures aux spécifications. Ils méritent selon les utilisateurs la mention « très bien ». 

          La manœuvrabilité à basse altitude même avec un chargement de bombes de 400 kg — reste l’atout essentiel de l’avion. A basse vitesse, les dispositifs hypersustentateurs sont tels qu’ils permettent un pilotage facile en approche, avec atterrissage sans arrondi. Le taux d’accident — d’incident en fait — est très faible, il a été l’an passé le meilleur de toute la Force aérienne tactique. D’autre part la formule bimoteur s’est révélée payante à plusieurs reprises, les pilotes ayant réduit volontairement l’un des moteurs dont le fonctionnement se révélait défectueux en cours de vol.

          La maintenance en piste n’a pas jusqu’ici soulevé de difficultés, l’effort fait au stade de la conception, pour la faciliter a porté ses fruits. La doctrine de maintenance aux autres échelons est en cours de définition.

          Les points critiques, ou plutôt critiqués, de l’avion ne posent finalement aucun problème. La longévité du compresseur des réacteurs « Adour » théoriquement de 300 heures dans un premier temps doit passer progressivement au double. La stabilité en toute configuration est bonne grâce aux amortisseurs auto stables. La consommation élevée de la post-combustion à basse altitude n’est pas de l’avis des utilisateurs un lourd handicap, la manœuvrabilité dans la plage des vitesses moyennes constituant la meilleure défense. La complexité de l’appareil est compensée par la fiabilité du matériel et ta facilité de maintenance.

          Tel qu’il est, le « Jaguar » donne incontestablement satisfaction à ceux qui l’utilisent en France, est-ce à dire que l’avion et son système sont figés ? Bien que présentant un intérêt dans l’absolu, le rétrofit des avions avec le réacteur « Adour » 26 qui doit équiper la version exportation —- n’est pas envisagé, bien qu’il ne soit pas non plus totalement exclu. L’opération serait d’autant plus délicate que la presque totalité des moteurs a été livrée.

         La RAF s’intéresse à L’utilisation des becs de combat dans une plage de vitesse aussi grande que possible pour bénéficier le plus largement des qualités manœuvrières de l’avion.

          L’armée de l’Air, qui a déjà réalisé, tant avec la version monoplace que la version biplace, des essais de ravitaillement en vol derrière C-135F, va étudier les possibilités offertes par le ravitaillement de l’avion par un autre « Jaguar » équipé d’une nacelle de ravitaillement.

        Mais c’est certainement au niveau du système d’armes que les améliorations les plus spectaculaires pourraient être apportées. Sans qu’aucune décision n’ait été prise, il est question d’illuminateur laser et des armements associés pour les missions d’attaque au sol, cependant que pour les missions nucléaires essentiellement, est en cours de développement une série de matériels de contre-mesures électroniques qui devrait équiper les avions avant la fin de la décennie.

        Ce bilan un peu idyllique sera remis en question avec l’arrivée du JAGUAR à la 11ème Escadre de Toul  ; c’est une autre histoire que je raconterai plus tard, mais pour en donner un avant-gout, je joins ce dessin de CARRASCO tiré du cahier de marche de l’ETIS qui accueillait un premier groupe de pilotes du 1/11. Je pense que celui qui est représenté est facilement reconnaissable.